Cinélatino 2014: Fin de journée avec les nerfs à vif

Posté par Morgane, le 29 mars 2014

affiche de cinélatino 2014En cette fin de journée toulousaine au Festival Cinélatino, les nerfs sont mis à rude épreuve avec les projections de Matar a un hombre d’Alejandro Fernandez Almendras (chilien) et Historia del miedo de Benjamin Naishtat (argentin), deux films de la compétition.

Basé sur des faits réels, et récemment couronné par le Grand prix du jury au Festival de Sundance, Matar a un hombre (To Kill a Man) débute par l’agression d’un homme et l’engrenage qui s’en suit. Le réalisateur filme tout en retenue une famille modeste harcelée par un voyou et sa bande de leur quartier. On suit le cheminement et l’évolution pas à pas de cette violence vers une issue qui apparait comme inévitable.
La tension est digne d’un thriller mais le film n’en est pas un. Proche du fait divers, il respire la cruauté et transpire la peur qui peut malheureusement, comme c’est le cas ici, faire partie du quotidien.
Le réalisateur dépeint le portrait d’un homme lambda qui finalement ne voit (et n’a pas semble-t-il) d’autre moyen pour s’en sortir que d’avoir recours à une violence extrême.
Le film est dur, le film est noir, mais en même temps il sonne juste. La colère, la tristesse, le désemparement puis la résolution d’un homme à faire le nécessaire sans pour autant pouvoir vivre avec…

Matar a un hombre et Historia del miedo se rejoignent dans une certaine mesure. Tous deux évoluent dans un univers oppressant et angoissant. Mais là où dans Matar a un hombre cette violence a un visage bien réel, dans Historia del miedo, elle est certes quotidienne aussi, mais elle également latente. Jamais on n'en voit le véritable visage.

En compétition au dernier Festival de Berlin, Historia del miedo est un film beaucoup moins classique de par sa forme et sa narration. Il n’y a ni « début » ni « fin » mais plutôt des situations, un contexte, un climat de peur, quasi de terreur, que le réalisateur met en lumière à travers plusieurs scènes, parfois très métaphoriques. Les personnages très éparpillés semble-t-il au départ finissent tous par se croiser mais les liens restent parfois flous. Le seul point commun qu’ils ont tous est cette Peur.

Le contexte du film lui est bien réel. Il se déroule dans un quartier sécurisé dans la banlieue de Buenos Aires où vivent des gens très aisés ou de milieux plus modestes « protégés » par une sorte de milice privée. Ces familles qui ont peur de la ville se sont barricadées dans des sortes de ghettos qui se trouvent souvent à côté de bidonvilles. Ici la peur est donc une peur sociale. Le contexte est ici latino-américain mais pour le réalisateur cette peur sociale s’éprouve à l’échelle mondiale.

Film ancré dans une certaine réalité il n’en parait pas moins parfois irréel dans sa forme et donne fortement à réfléchir. Mais film politique, film engagé? Pour Benjamin Naishtat, non. Il dit d’ailleurs: « je ne crois plus au cinéma engagé mais je crois aux gens qui s’engagent ». En attendant, son film sème de nombreuses pistes de réflexion sur lesquelles il faut laisser passer quelque temps avant de les voir se dessiner réellement. Un film intrigant qui ne laisse certainement pas indifférent!

Berlin 2013 : Raoul Peck, Haïti et l’assistance humanitaire

Posté par vincy, le 7 février 2013

Documentaire présenté dans le cadre de la sélection Berlinale Speciale, Assistance mortelle est un choc. On savait les ravages qu'avait causé le tremblement de terre il y a trois ans sur ce pays, l'un des plus pauvres du monde. Mais Raoul Peck, haïtien de 60 ans , directeur de la prestigieuse Fémis, membre du jury à Berlin en 2002 puis à Cannes l'an dernier , ancien Ministre de la culture de son pays, a réussit à filmer l'envers du décor : la reconstruction du pays, "la bulle financière" des "institutions humanitaires" (églises, ONG, agences de coopération...") et les dommages structurels qu'elles causent sur le pays.

L'assistance humanitaire réagit en fonction d'un système très codé, qui révulsera les donateurs de tous les pays. Non pas que l'argent n'est pas employé, mais il est gâché, dispersé, et souvent peu utile. Le portrait de ces généreuses personnes qui ont foi dans leur mission est ébranlé par le cirque politique qui palabre mais ne résout rien. Le cumulard Clinton, les stars comme Sean Penn et Angelina Jolie servent à attirer l'attention d'occidentaux égocentriques. Mais sur place, c'est une autre affaire. Haïti n'est pas plus peuplé que Paris, ce n'est qu'une grosse métropole pauvre du tiers-monde. Les puissances occidentales, les organismes bilatéraux et multilatéraux, les ONG font comme si le gouvernement n'existait pas, comme s'ils n'écoutaient pas les réels besoins à pourvoir, pensant qu'une maison préfabriquée sans cuisine ni toilettes vaut mieux qu'une tente.

Un documentaire choc mais un film presque doux

Raoul Peck n'est jamais agressif, violent, ni même joueur. Il donne la parole aux puissants et aux miséreux, aux bienfaiteurs et aux citoyens engagés, parfois révoltés. Il teinte même son discours de belles phrases, littéraires, bien écrites, même quand il s'agit d'ironiser sur un ancien dictateur, accueillit comme une star people malgré son passé de tortures et d'exactions en tous genres. Il filme les faits, et leur donne parfois une dimension cinématographique.

Les choses pourraient en être autrement. Mais les donateurs auraient sans doute trop à perdre : Haïti souffre d'avoir une image de pays corrompu, ingouvernable... Peck, heureusement, ne fait pas que pointer la caméra sur les absurdités d'un tel système ; il ne fait pas qu'écouter les doléances d'haïtiens qui ne demandent qu'à réorganiser tout ce bordel pour leur bien commun ; il montre  aussi à quel point cette île est belle, et ses habitants dévoués, parfois festifs, abattus mais pas anéantis.

Saawariya : un amour nocturne indien

Posté par Claire Fayau, le 29 juillet 2009

saawariya.jpg"-Sakinaaaaaaaaa! "

 L’histoire: Adaptation de White Nights de Fyodor Dostoevsky, Saawariya  nous conte l'histoire d'un amour fou qui durera quatre nuits entre une jeune homme rêveur et une mystérieuse femme qui vit dans le souvenir d'un amour perdu..Mais, chut, Ecran noir ne vous en dit pas plus : préparez juste vos mouchoirs.

Notre avis: C'est toujours  un plaisir rare de voir un film de Bollywood sur grand écran, et les films qui passent outre la sortie directe en DVD sont ceux qui devraient marquer le public, comme Devdas, du même réalisateur, Sanjay  Leela  Bhansali.

"Saaawariya désigne l'être aimé , mais pas n'importe lequel". Il s'agit une incarnation  du Dieu Krishna, son avatar sombre et bleuté (savla) qui représente une sorte d'amour divin. C'est  aussi l'amoureux à jamais, dont l'amour résiste à tous les obstacles  ...

L'histoire  d'amour contrarié n 'est pas nouvelle. Mais ici à  Bollywood : on danse , on chante , les hommes pleurent beaucoup, on est expansif, et les sentiments sont exacerbés .... Et çà dure longtemps (4 nuits équivalent à 2 heures 22).

Que retenir? Les décors colorés et magnifiques  : neige, puis pluie, dominante bleue puis verte...  Selon Charles Tesson (voir notre interview de juin 2009) le décor de Saawariya est "une sorte de Venise adaptée au contexte indien(...) qui se métamorphose au fil des émotions en paysage intérieur".

L'histoire d'amour, universelle. Et les dizaines de chorégraphies et  chansons qui transcendent le film et  nous transportent ailleurs. Le tout a un petit côté Moulin Rouge. Et puis Ranbir Kapoor  est parfois bien dénudé :  la scène  où  il s'entoure d'un linge blanc transparent  et remue du bassin est  un peu "chaude".