Les années Jajacobbi : Cannes 1999

Posté par vincy, le 24 mai 2014, dans Cannes, Festivals, Films, Personnalités, célébrités, stars.

rosetta emilie dequenneL'année schizophrène

En 1998, Gilles Jacob créé la Cinéfondation, dernière grande pierre à l'édifice Cannois qu'il bâtit depuis 20 ans. L'Atelier de la Cinéfondation sera lancé en 2000. Les prix de la Cinéfondation en 1999 récompensent Emmanuelle Bercot (scénariste de Polisse, réalisatrice d'Elle s'en va) et Jessica Hausner (en sélection officielle cette année).

Dorénavant, le Festival de Cannes s'occupe quasiment de toutes la chaîne du cinéma : de l'écriture du scénario en résidence au montage financier en passant par le marché, la valorisation des classiques restaurés, etc... Cannes prouve en 1999 qu'il est le plus grand festival du monde. En 1997, Cannes avait sifflé Assassins, hué The Brave, quitté la salle pendant Funny Games, applaudit Kiarostami et Imamura, découvert Wong kar-wai, enfin sélectionné... En 1998, l'année du dogme danois, et l'une des plus faibles sélections de Gilles Jacob, c'est Roberto Benigni et sa Vita è bella qui enthousiasment le président Martin Scorsese puis le monde entier, jusqu'aux Oscars, avec rires et larmes.

Mais 1999 va faire revenir Cannes au premier plan. Les stars sont là. Sean Connery fait sensation. Dans deux ans Gilles Jacob prendra la présidence du Festival et délèguera (modérément) la sélection des films, avant de passer définitivement le flambeau à Thierry Frémaux en 2004. Ses deux dernières sélections, en 2000 et 2001, seront à ce titre splendides, avec ce subtil équilibre entre maîtres et révélations, spectacle et intime.

En 1999, le Festival est bipolaire : des oeuvres radicales (à commencer par Pola X de Leos Carax) et des films destinés à un public plus large. Les premières se retrouveront au plus haut niveau du palmarès : Rosetta des Frères Dardenne, première Palme des Belges présentée en fin de Festival et qui les consacre parmi les futurs abonnés du Festival ; L'Humanité de Bruno Dumont, film dérangeant et sans concession, qui séduit le jury de Cronenberg et moins les festivaliers. Les deux films remportent aussi les prix d'interprétation, éliminant de nombreux favoris du palmarès. La rupture entre le jury et les critiques est nette. On parle même d'un divorce. Le jury choisit de récompenser les films d'Oliveira et de Sokurov.

Pourtant, cette année-là il y a le très beau Voyage de Félicia d'Atom Agoyan, le fascinant Ghost Dog de Jim Jarmusch, le lumineux Kadosh d'Amos Gitaï, le touchant (et mémorable) Eté de Kikujiro de Takeshi Kitano, la surprenante et sensible Histoire vraie d'un David Lynch maîtrisant parfaitement son art. Autant de films qui permettront à ces cinéastes d'élargir leur public une fois sortis en salles.

Une seule oeuvre fait consensus entre le jury, les festivaliers et le public. Bien sûr, la Palme d'or aurait été méritée. Il n'y a "qu'un" prix de la mise en scène. Mais n'était-ce pas la plus belle récompense pour un cinéaste qui a tant attendu d'être accueillit à Cannes? Plus de 20 ans après ses débuts, Pedro Almodovar monte enfin les marches, avec Tout sur ma mère, peut-être son plus grand film. Gilles Jacob a longtemps regretté d'être passé à côté de Femmes au bord de la crise de nerfs. Les films suivants lui ont toujours échappé. Il se rattrape sur la fin et fera d'Almodovar l'un des grands cinéastes cannois des années 2000. Avec son mélo flamboyant, Pedro n'avait pas besoin de Cannes (hormis pour satisfaire son immense égo). Mais Cannes ne pouvait pas être le plus grand festival du monde sans lui.

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