Cannes 2014 : Enfin la palme pour Nuri Bilge Ceylan !

Posté par MpM, le 24 mai 2014

ceylan palme d'or

Quel étrange palmarès ! Alors que depuis plusieurs jours, Mommy de Xavier Dolan était sur toutes les lèvres, c'est finalement le très long (et un peu ennuyeux) Sommeil d'hiver de Nuri Bilge Ceylan qui a reçu la Palme d'or. Probablement Xavier Dolan a-t-il été victime de son très jeune âge, qui l'a exclu d'office d'un grand prix pourtant mérité.

Au contraire, après deux Grands prix du jury (Uzak en 2003 et Il était une fois en Anatolie en 2011) et un prix de la mise en scène en 2008 (Les trois singes), Nuri Bilge Ceylan reçoit enfin la récompense suprême (à l'ancienneté ?). On ne l'avait jamais vu aussi souriant pour recevoir cette 2e palme d'or turque de l'histoire du festival des mains de Jane Campion. A l'annonce de son nom, on a même cru voir le réalisateur pousser un soupir de soulagement, comme s'il craignait de devoir repartir bredouille.

Sommeil d'hiver présente des qualités indéniables, notamment en termes de photographie et de mise en scène. Il livre également une observation aiguë des relations humaines et de leur complexité, surtout dans les rapports de classe ou entre les deux sexes. Une fresque foisonnante dans laquelle le spectateur peur se perdre avec délectation, et dans laquelle il trouvera de nombreux échos universels. En revanche, sa durée (3h16) et son aridité risquent d'en faire l'une des Palmes d'or les moins vues de ces dernières années. A noter également que c'est la deuxième année consécutive qu'un film de plus de 3h remporte la mise.

Plus surprenant, le Grand prix pour l'inconsistant Les merveilles d'Alice Rohrwacher, dont on se demande bien ce que les jurés ont pu lui trouver. Le film ne présente aucune qualité cinématographique particulière et n'aborde pas vraiment de sujet qui pourrait emporter l'adhésion par sa seule force. Pire, on peut y voir un hymne maladroit au protectionnisme et à l'autarcie.

Le reste du palmarès est en demi-teinte. Le prix de la meilleure mise en scène récompense très justement l'évocation inspirée et physique de ce qu'est la lutte, sport sensuel et chorégraphique par excellence, faite par Bennett Miller dans Foxcatcher. La manière dont le cinéaste filme les corps à corps, alliée à son sens du montage, a très justement séduit le jury, de même que sa très sensible direction d'acteurs.

En revanche, le prix du Scénario remit à Leviathan d'Andrei Zvyagintsev couronne plus le sujet du film (une critique très violente de la corruption des élites et de la toute puissance de l'état) que son scénario, cacophonique, où les tonalités sont parfois trop dissonantes pour rendre l’ensemble harmonieux.

Les prix d'interprétation sont logiquement allés aux favoris Timothy Spall, inspiré dans Mr Turner, et Julianne Moore, en roue libre dans Maps to the stars. Il faut reconnaître que les deux rôles semblaient avoir été écrits pour récolter ce genre de prix. On peut être déçu pour Gaspard Ulliel, qui campe un Yves Saint-Laurent plus vrai que nature, reste que Timothy Spall était méconnaissable et saisissant en peintre misanthrope et obsédé par son travail.

Enfin, le Prix du jury allie le doyen et le benjamin de la compétition, ce qui est une très belle image, comme une transmission de relais entre deux pans de l'histoire du cinéma. Les deux lauréats se retrouvent dans leur désir de remodeler les codes formels. Jean-Luc Godard (Adieu au langage) mêle le mashup et l'autofiction, avec une pointe de leçon inaugurale (ou testamentaire) et de recherche expérimentale. A ce titre, il était à 84 ans le plus novateur des cinéastes en compétition. Xavier Dolan, lui, joue avec le cadre et le format de l'image pour raconter une histoire bouleversante et inspirée. Il représente le plus gros regret du palmarès, tant on aurait aimé lui décerner la palme pour ce récit ténu et délicat d'une relation houleuse entre un fils et sa mère.

Mais au moins, Mommy figure au Palmarès, ce qui n'est pas le cas de trois des films que la rédaction d'Ecran Noir avait le plus apprécié. Still the water de Naomi Kawase, est une œuvre complexe et riche, poétique et bouleversante, qui propose un récit universel, compréhensible et atemporel. Une fable écologique limpide et simple qui place la nature au cœur des peurs et des désirs.

Autre grand oublié, le très engagé Timbuktu d'Abderrahmane Sissako, cri silencieux venu d’Afrique sur l’occupation de Tombouctou par des djihadistes. Avec ses idées de cinéma presque miraculeuses (notamment la partie de football sans ballon), le film est à la fois d'une grande poésie et d'une grande force d'évocation, ce qui est loin d'être le cas de la plupart des films primés.

Par ailleurs, Les nouveaux sauvages de Damien Szifron qui mêle un propos politique très fort (notamment sur la corruption et la violence intrinsèque à nos sociétés modernes), un humour dévastateur et un vrai sens de la mise en scène ressortait très clairement de la sélection. Malheureusement, à Cannes, les comédies ont rarement la cote. Comme si lorsque l'on parle du monde, ce qui est le point commun de tous les films primés, il fallait nécessairement le faire avec un certain sens du tragique, ou un sérieux compassé. Ainsi, le palmarès de cette 67e édition a beau essayer d'englober toutes les formes esthétiques et stylistiques, c'est malgré tout l'idée d'un cinéma profond, complexe et parfois hermétique qui l'a emporté.

L’instant Glam: Leila Hatami, Uma Thurman, Adrien Brody…

Posté par cynthia, le 24 mai 2014

Uma ThurmanOyé oyé cinéphiles! Cannes s'est terminé sous une pluie de glamour et d'émotions.

Les stars ont eu une dernière chance pour nous faire rêver avec leur prestance sur les marches. Qui a réussi? Qui peut aller se terrer dans une grotte pendant un an pour se faire oublier? Petit récapitulatif de ce qui s'est passé sur les marches de la cérémonie de clôture du 67eme festival de Cannes.

La tristesse régnait en maître sur le tapis rouge. Cannes, c'est fini, et on est triste comme Leila Hatami qui est arrivée en robe noire et la tête couverte d'un foulard noir lui-aussi. Elle était en deuil et elle le montre.

A l'opposé, Uma Thurman, encore une fois resplendissante dans une robe qui procure de la joie, du blanc cette fois. Elle illuminait le tapis rouge aux côtés de son meilleur ami Quentin Tarantino. La classe incarnée cette femme. On a vu aussi le journaliste Laurent Weil qui a essayé de monter les marches mais a dû faire demi-tour à cause du câble trop court de son cameraman. Zut, cher confrère, tu méritais ta montée, surtout que tu étais classe toi-aussi.

Ce qui n'était pas le cas de la compagne de Timothy Spall, qui est officiellement tombée dans un tube géant de peinture ou a été possédée par un arc-en-ciel. Son mari qui a reçu le prix d'interprétation masculin pour son rôle dans Mr Turner, a dû en avoir mal aux yeux tant sa robe dégageait de couleurs. Juste derrière, l'acteur anglais Adrien Brody, venu remettre un prix, était lui plus beau que jamais en costume noir et nœud de papillon.

Aperçu également sur les marches, Michael Madsen qui s'est prêté au jeu des questions/réponses. L'acteur fétiche de Quentin Tarantino a confié aux caméras de Canal + qu'à Cannes "tout le monde est beau!" Bon c'est sûr, il n'a pas lu ma chronique cannoise, celui-là. Doit-on faire un rappel des catastrophes vestimentaires du festival pour remettre en question ses propos ? Souvenez-vous des tétons joyeux de Julie Gayet, du costume sac poubelle de Mika, de la prestance légume de Robert Pattinson, du style Krusty le clown de Sylverster Stallone, du pyjama de Sharon Stone, sans oublier Nabilla et sa robe... non c'était un drap noir transparent qui laissait voir ses seins vraiment naturels.

D'ailleurs Nabilla sur les marches cette année, c'est incroyable, c'est comme si Kim Khardasian venait assister au Prix Nobel. La brune poupée gonflable représentait la marque d'un célèbre bijoutier présent à Cannes. Comme quoi Promotion canapé n'est pas qu'un film de Didier Kaminka sorti en 1990. Bien écarté Nabilla... euh je veux dire bien joué Nabilla (toutes mes excuses, mes mots ont dépassé ma pensée)!

En revanche, la fashion girl dont on se souviendra, en ce 67 e festival, est sans nul doute Blake Lively. Sublime du début à la fin, l'ex héroïne de la série Gossip girl rendrait lesbienne même Christine Boutin tant elle émane de beauté. Autre bombe atomique qu'on n'oubliera pas de sitôt, Ryan Gosling , bien-sûr, qui mériterait la palme d'or de l'orgasme visuel.

Du glamour, du ridicule, du what the fuck, le festival de Cannes est terminé et nous laisse un doux souvenir rétinien, de quoi fantasmer... pardon, patienter jusqu'à l'année prochaine.

Les années Jajacobbi : Cannes 1999

Posté par vincy, le 24 mai 2014

rosetta emilie dequenneL'année schizophrène

En 1998, Gilles Jacob créé la Cinéfondation, dernière grande pierre à l'édifice Cannois qu'il bâtit depuis 20 ans. L'Atelier de la Cinéfondation sera lancé en 2000. Les prix de la Cinéfondation en 1999 récompensent Emmanuelle Bercot (scénariste de Polisse, réalisatrice d'Elle s'en va) et Jessica Hausner (en sélection officielle cette année).

Dorénavant, le Festival de Cannes s'occupe quasiment de toutes la chaîne du cinéma : de l'écriture du scénario en résidence au montage financier en passant par le marché, la valorisation des classiques restaurés, etc... Cannes prouve en 1999 qu'il est le plus grand festival du monde. En 1997, Cannes avait sifflé Assassins, hué The Brave, quitté la salle pendant Funny Games, applaudit Kiarostami et Imamura, découvert Wong kar-wai, enfin sélectionné... En 1998, l'année du dogme danois, et l'une des plus faibles sélections de Gilles Jacob, c'est Roberto Benigni et sa Vita è bella qui enthousiasment le président Martin Scorsese puis le monde entier, jusqu'aux Oscars, avec rires et larmes.

Mais 1999 va faire revenir Cannes au premier plan. Les stars sont là. Sean Connery fait sensation. Dans deux ans Gilles Jacob prendra la présidence du Festival et délèguera (modérément) la sélection des films, avant de passer définitivement le flambeau à Thierry Frémaux en 2004. Ses deux dernières sélections, en 2000 et 2001, seront à ce titre splendides, avec ce subtil équilibre entre maîtres et révélations, spectacle et intime.

En 1999, le Festival est bipolaire : des oeuvres radicales (à commencer par Pola X de Leos Carax) et des films destinés à un public plus large. Les premières se retrouveront au plus haut niveau du palmarès : Rosetta des Frères Dardenne, première Palme des Belges présentée en fin de Festival et qui les consacre parmi les futurs abonnés du Festival ; L'Humanité de Bruno Dumont, film dérangeant et sans concession, qui séduit le jury de Cronenberg et moins les festivaliers. Les deux films remportent aussi les prix d'interprétation, éliminant de nombreux favoris du palmarès. La rupture entre le jury et les critiques est nette. On parle même d'un divorce. Le jury choisit de récompenser les films d'Oliveira et de Sokurov.

Pourtant, cette année-là il y a le très beau Voyage de Félicia d'Atom Agoyan, le fascinant Ghost Dog de Jim Jarmusch, le lumineux Kadosh d'Amos Gitaï, le touchant (et mémorable) Eté de Kikujiro de Takeshi Kitano, la surprenante et sensible Histoire vraie d'un David Lynch maîtrisant parfaitement son art. Autant de films qui permettront à ces cinéastes d'élargir leur public une fois sortis en salles.

Une seule oeuvre fait consensus entre le jury, les festivaliers et le public. Bien sûr, la Palme d'or aurait été méritée. Il n'y a "qu'un" prix de la mise en scène. Mais n'était-ce pas la plus belle récompense pour un cinéaste qui a tant attendu d'être accueillit à Cannes? Plus de 20 ans après ses débuts, Pedro Almodovar monte enfin les marches, avec Tout sur ma mère, peut-être son plus grand film. Gilles Jacob a longtemps regretté d'être passé à côté de Femmes au bord de la crise de nerfs. Les films suivants lui ont toujours échappé. Il se rattrape sur la fin et fera d'Almodovar l'un des grands cinéastes cannois des années 2000. Avec son mélo flamboyant, Pedro n'avait pas besoin de Cannes (hormis pour satisfaire son immense égo). Mais Cannes ne pouvait pas être le plus grand festival du monde sans lui.

Cannes 2014 : le Palmarès (et l’anti-Palmarès) d’EcranNoir.fr

Posté par vincy, le 24 mai 2014

2014, année étrange pour la compétition du Festival de Cannes.

Aucun film de la compétition ne méritait d'être rejeté, mais certains n'étaient vraiment pas dignes de la compétition. On aurait bien échangé trois ou quatre d'entre eux par des films plus audacieux ou/et intéressants présentés à Un certain regard.

Mais c'est aussi une année où la plupart des films avaient de grosses qualités comme de sérieux défauts. Ainsi des oeuvres ambitieuses, souvent longues, se sont avérées assez ennuyeuses malgré leur perfection stylistique , une mise en scène impeccable ou une interprétation de haut niveau. A l'inverse, d'autres ont souffert de leur scénario alors que l'ensemble était séduisant.

Notre palmarès a été difficile à établir. Notre anti-palmarès plus facile. Preuve que l'homogénéité de cette compétition laisse entrevoir un palmarès officiel, celui du jury, très ouvert et sûrement surprenant.

Si notre Palme va au Dolan, parce que c'est un coup de coeur mais aussi parce que la Palme récompense un film qui a un fort potentiel populaire, et si nous décernons le Grand Prix à Naomi Kawase, parce que ce prix récompense normalement un film audacieux, ils sont en fait ex-aequo dans nos esprits. Le jury de Jane Campion osera-t-il donner cette Palme à un jeune cinéaste de 25 ans (qui deviendrait le plus jeune cinéaste palmé, battant le record de Soderbergh, 26 ans en 1989, mais aussi le premier canadien à recevoir ce prix)? Ou la seule réalisatrice palmée fera-t-elle entrer une autre femme dans le club des Palmes d'or avec la japonaise Naomi Kawase? A moins que Nuri Bilge Ceylan ne la reçoive. Ce serait la première Palme d'or pour la Turquie depuis 1982 avec Yol.

Le palmarès de V

Palme d’or : Mommy
Grand prix : Still the Water
Mise en scène : Mike Leigh pour Mr. Turner
Scénario : Les nouveaux sauvages
Interprétation féminine : Julianne Moore dans Maps to the Stars
Interprétation masculine : Gaspard Ulliel dans Saint Laurent
Prix du jury ex-aequo : Timbuktu et Sommeil d'hiver

Le palmarès de MpM

Palme d’or : Mommy
Grand prix : Still the Water
Mise en scène : Nuri Bilge Ceylan pour Sommeil d'hiver
Scénario : Les nouveaux sauvages
Interprétation féminine : Mia Wasikowska dans Maps to the Stars
Interprétation masculine : Gaspard Ulliel dans Saint Laurent
Prix du jury ex-aequo : Timbuktu et Adieu au langage

L’anti-palmarès, soit

1) ceux qui pourraient être au palmarès mais pas forcément pour les bonnes raisons.
2) ceux qui ne doivent vraiment pas être au palmarès

Palme introuvable : The Search. Mélo raté, film de guerre réussi. Dialogues ineptes. Direction d'acteur inégale. Et une fin complètement à côté de la plaque. La fin dure quand même 30 mn.

Grand prix du non-dit : Les merveilles. Le misérabilisme, la marginalité, ça plait toujours. Encore faut-il qu'on puisse comprendre les intentions de l'auteur, les trous du récit et les personnages sans avoir à lire le dossier de presse.

Mise en scène paresseuse : Deux jours, une nuit. Les Dardenne ont inventé une histoire improbable, morale et didactique, engagé une star pour toucher un plus large public, mais surtout, comparé à leurs oeuvres précédentes, on cherche le souffle, le réalisme, l'intimité qui faisaient la force de leurs cinéma.

Scénario télévisé : Captives. Atom Egoyan a imaginé une histoire qui voyage dans le temps et tente de nous manipuler avec un montage puzzle. Mais si c'est pour écrire la moitié du film comme s'il s'agissait d'un épisode de FBI portés disparus, on ne voit pas l'intérêt.

Interprétation féminine comprise dans l'invitation : Marion Cotillard dans Deux jours, une nuit. Jamais deux sans trois? Après De rouille et d'os et The Immigrant, en misant sur les Dardenne, Cotillard semble favorite. Ce serait un peu trop facile et on en soupçonnerait même un deal caché avec le jury. Mais surtout, en comparant avec les actrices de Maps to the Stars et Sils Maria, du Xavier Dolan, et dans une moindre mesure celles de Sommeil d'hiver, c'est loin d'être l'actrice la plus bluffante de la compétition.

Interprétation masculine incohérente : Tommy Lee Jones dans The Homesman. Le film pourrait avoir un prix mais surtout pas celui-là. L'acteur cabotine et fait du Tommy Lee Jones. Steve Carell, Timothy Spall : ça au moins c'est de la performance.

Prix du jury anti-jeune : Mommy. Parce que définitivement, s'il se retrouvait si bas dans le Palmarès, ce serait un scandale. On peut être jeune et doué. Au moins, il se renouvelle (contrairement à la plupart des cinéastes) et reste inventif. Tout ce qu'on demande à un grand film cannois.

Cannes 2014 – les mots de Cannes : films

Posté par MpM, le 24 mai 2014

Si l'on combine tous les mots de Cannes (accred, file d'attente, tapis rouge, etc.), on obtient son unique raison d'être : les films. En dehors d'eux, rien ne compte. Entre une fête et un film, un dîner et un film, deux heures de sommeil supplémentaires et un film, le festivalier pur et dur choisira toujours le film.

De même, dans les files d'attente, les soirées et même au petit déjeuner, les films sont au cœur de toutes les conversations. Ceux qu'on a aimés, ceux qu'on déteste, ceux qu'on a ratés, ceux qui auraient dû être en compétition (ou pas)...

Avec ses amis ou de parfaits inconnus, dans les soirées ou en attendant dans les salles, les films sont le sujet de conversation par excellence. L'un des sports favoris du festivalier est de refaire la sélection à son goût. Par exemple : "Pascale Ferran et Kornel Mundruczo auraient dû être en compétition à la place de Michel Hazanavicis et Alice Rohrwacher."

L'autre passe-temps préféré est de faire ses pronostics sur le palmarès. On décerne la palme d'or à son chouchou, on mesure les chances des outsiders, on réfléchit à la personnalité des jurés pour deviner ce qui a pu leur plaire... C'est bien simple, à partir du 2e jour de Festival, le palmarès est sur toutes les lèvres (sans compter ceux qui ont déjà une idée sur le lauréat avant même d'avoir vu le premier film...). Le jour de la proclamation, c'est l'hystérie. Chacun y va de son tuyau : Jane Campion a cligné de l'œil après la projection de tel film, Sofia Coppola s'est mouchée pendant tel autre, Willem Dafoe déteste tel réalisateur...

L'annonce elle-même est suivie d'un étonnant déferlement d'émotions. C'est presque comme si chaque festivalier repartait chez lui avec un petit morceau de palme d'or chaque fois que son favori est récompensé. À contrario, ceux qui sont déçus commentent le palmarès toute la nuit, et poursuivent parfois la conversation au petit déjeuner. Certains en parlent même encore six mois plus tard. La seule solution pour les faire lâcher prise est alors de lancer le 4e sujet de conversation préféré du estivalier : celui des films susceptibles d'être sélectionnés en compétition l'an prochain.

Cannes 2014 : une Queer Palm fière de Pride, comédie populaire et engagée

Posté par vincy, le 24 mai 2014

Pride Queer Palm

Evident et logique. Il aura fallu attendre le dernier film des 16 qui étaient lice pour la Queer Palm pour que le jury trouve enfin son coup de coeur lesbien, gay, bi, transgenre de ce 67e Festival de Cannes. Contrairement à l'an dernier, où La vie d'Adèle (en compétition) et L'inconnu du lac (Un certain regard) étaient ouvertement deux grands favoris pour ce prix, cette année, toute sélections confondues, le jury - la réalisatrice Anna Margarita Albelo, notre amie journaliste Charlotte Lipinska, le directeur du festival Queer Lisboa João Ferreira, le réalisateur brésilien Ricky Mastro et le président Bruce LaBruce - n'avait pas trouvé son prix la veille des délibérations. Xénia, malgré les problématiques soulevées (extrême droite, homophobie...) n'avait pas convaincu un jury plus séduit par des films qui traitaient de féminisme et de genre que d'homosexualité.

Unanimité du jury

Vendredi 23 mai, 10h, Quinzaine des réalisateurs : les cinq jurés voient Pride, film de clôture de la Quinzaine, où un groupe activiste gay et lesbien londonien mobilise la communauté LGBT pour venir en aide aux mineurs en grève (on est sous Thatcher). Typique comédie britannique, croisement entre Billy Elliot et un épisode de Queer As Folk, ce film réalisé par Matthew Warchus grand public (que Pathé sortira en salles en octobre) fait rire et réfléchir, prône la solidarité et l'ouverture aux autres, hétéros ou homos. Le jury décernera sa Queer Palm à l'unanimité douze heures plus tard sur la Plage de la Quinzaine.

Cette comédie est aux antipodes du cinéma underground du président du jury Bruce LaBruce. Mais Pride le méritait à plus d'un titre. D'abord, il correspond parfaitement à la définition du prix, qui récompense un film pour son traitement des thématiques altersexuelles (homosexuelles, bisexuelles ou transsexuelles). Ensuite, depuis les débuts de la Queer Palm, c'est assurément celui qui a le plus fort potentiel populaire, qui peut s'adresser au plus grand nombre.

Party Girl et Bande de filles

"Le débat fut animé, soulevant plusieurs questions essentielles au cinéma : l’art contre la politique; la visibilité queer contre une expression indirecte ou ambigüe des sexualités alternatives ; l’avènement d’une nouvelle sensibilité queer contre la représentation de faits ou de personnages historiques" comme l'a expliqué Bruce LaBruce dans son discours.

"Bien que nous ne les ayons pas récompensés, deux films se sont distingués pour leur esprit queer par l’affirmation de l’autonomisation des femmes et de leur résistance aux conventions sociales et sexuelles, ainsi qu’à la domination masculine. Ces films sont Party Girl de Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis (Un Certain Regard) et Bande de filles de Céline Sciamma (Quinzaine des Réalisateurs).

Finalement, le film que nous avons choisi – basé sur des faits historiques – est une histoire importante et pertinente à raconter aujourd’hui vu le climat d’intolérance et de violence dirigé contre ceux d’entre nous dont la sexualité questionne les normes de la culture dominante. Ce film nous rappelle que les luttes politiques, sexuelles ou sociales contre les pouvoirs réactionnaires et conservateurs sont nées d’un activisme direct. Ce film nous rappelle que le mouvement gay prend ses racines dans des questionnements plus larges que lui-même : la conscience des classes, l’égalité sociale et la liberté d’expression. Ce film évoque l’ensemble de ces problématiques dans une forme assez classique mais sans jamais succomber aux stéréotypes ni à la simplification. Le film dépeint ses personnages et ses situations avec subtilité et compassion, tout en nous rappelant que notre lutte continue."

Au 67e Festival de Cannes, ça vomit de partout…

Posté par vincy, le 24 mai 2014

Très peu de sexe (un plan à trois chez Cronenberg, un couple qui fornique dans la cave suggéré par Zvyagintsev, une rapide petite affaire dans Mr. Turner, deux hommes nus prêts à baiser dans Saint Laurent) cette année dans la compétition de ce pudique festival de Cannes. Les films préféraient le scato (Adieu au langage, Les merveilles, Maps to the Stars) ou la perversité de relations non-assumées par les personnages ou l'image (Foxcatcher, Saint Laurent, Mommy, ...).

Non cette année, à Cannes on avait la nausée. Les comédiens ont sorti leurs tripes. Jusqu'à la cuvette des wc. Ça gerbait de partout. Symptomatique d'une société malade? On vomit empoisonné chez Damian Szifron, parce qu'on s'est gavé de bouffe chez Bennett Miller, parce qu'on ingurgite n'importe quoi chez David Cronenberg, parce qu'on ingurgite trop de Vodka, de Xanax, etc... Et il n'y a pas qu'en compétition que le vomi c'est invité : dans Loin de mon père, à Un certain regard, une boulimique se met les doigts dans la bouche pour se vider les boyaux.

Avant, c'était plutôt le spectateur qui avait l'envie d'aller aux wc à force de voir des travellings en caméra à l'épaule suivre un personnage de dos (grande tendance ces dernières années). Maintenant ce sont les comédiens qui acceptent de se montrer sur le trône ou la tête dedans.

Faut-il y voir une signification particulière? Est-ce un hommage aux Festivaliers, qui généralement finissent la nuit pliés en deux, la main sur un mur, la bouche dégueulant des litres d'alcools mélangés (c'est gratuit, pourquoi se priver)? On est juste heureux qu'avec toutes ces séquences de tubes se dévidant, l'odorama ne se soit pas généralisé.