Berlin 2015 : retour mitigé pour Wim Wenders

Posté par MpM, le 11 février 2015

L'un des événements de cette 65e édition du Festival de Berlin est l'hommage rendu à l'enfant du pays, le cinéaste Wim Wenders, qui s'apprête à recevoir samedi, au moment de la proclamation du palmarès, un Ours d'or récompensant l'ensemble de sa carrière débutée il y a 45 ans.  Par ailleurs, le réalisateur palmé en 1984 pour Paris, Texas revient à la fiction pour la première fois depuis 2008 avec son nouveau long métrage Every thing will be fine.

Le film, présenté hors compétition, a été tourné en 3D et réunit James Franco, Charlotte Gainsbourg, Rachel McAdams et Marie-Josée Croze dans une histoire assez classique de culpabilité, de travail de deuil et de rédemption.

"Pour moi, le sujet principal de ce film est la guérison, la façon dont on pardonne aux autres et dont on se pardonne à soi-même" a expliqué le réalisateur lors de la conférence de presse. "Il n'y a pas assez de films qui parlent de la guérison (...) La plupart parlent de la blessure."

Il est vrai qu'on peut reconnaître au film une certaine sobriété dans l'exposition des situations les plus mélodramatiques. Cette retenue dans la mise en scène est hélas contrebalancée par  la musique, lyrique et omniprésente, qui semble souligner la moindre petite émotion. Le rythme, lui, peine à s'installer, entre une première partie plus dense et plus profonde et des "sauts dans le temps" qui donnent l'impression d'une dilution de l'intrigue.

Les questions posées (Qu'est-ce que la responsabilité ? Combien de temps dure la culpabilité ? Comment faire son travail de deuil ? etc.) trouvent des réponses évasives et relativement convenues, là où on attendait de l'introspection et de la subtilité. Les atermoiements des personnages peinent alors à nous toucher, voire à nous intéresser, malgré la (trop) forte charge émotionnelle qu'ils véhiculent.

Même l’utilisation de la 3D laisse perplexe. Wenders est un des réalisateurs qui semblait avoir donné ses lettres de noblesse au genre avec son très beau Pina, où le corps des danseurs, perçu en trois dimensions, occupait tout l'écran. Ici, on oublie assez rapidement le procédé, qui n'apporte pas grand chose au récit, si ce n'est quelques effets de changement de focale, et une très belle scène d'ouverture où la caméra parvient à capter les minuscules particules de poussière qui flottent dans l'air.

Après le magnifique Sel de la terre, documentaire sur Sebastião Salgado, les attentes étaient élevées, et la déception est forcément proportionnelle. Il est tout de même curieux que Wenders, qui réalisa une oeuvre de fiction aussi dense que captivante, peine désormais à s'y confronter, alors même qu'il confine au génie dans le documentaire.  Bien sûr, l'expérimentation est à présent au cœur de son travail, ce qui peut être une piste pour expliquer le soin extrême apporté à la réalisation, au détriment du scénario et du récit, mais il n'en demeure pas moins frustrant de voir littéralement gaspillées des propositions de cinéma qui, utilisées à bon escient, seraient plus ambitieuses et excitantes que la majorité de la production contemporaine.

Roger Hanin (1925-2015): le grand départ

Posté par vincy, le 11 février 2015

roger hanin

Né le 20 octobre 1925 à Alger, Roger Hanin est mort ce 11 février 2015 à Paris, à l'âge de 89 ans. Comédie, réalisateur mais aussi écrivain (onze romans) et auteur d'une pièce de théâtre, il avait incarné durant 20 ans le commissaire Navarro pour TF1. Sa proximité avec l'ancien Président de la république François Mitterrand (il était l'époux de sa belle-soeur) lui a longtemps collé à la peau. Grand coeur, grande gueule, chaleureux, curieux de tout, d'origine juive et convertit au catholicisme pour se marier, a fait le bonheur des spectateurs et téléspectateurs.

Doué pour le sport, il commence des études de pharmacie avant de faire de la figuration dans un petit film. Emballé, il s'inscrit au cours d'art dramatique avec René Simon et Michel Vitold.

De 1950 à 2009, Roger Hanin n'a pas chômé devant les caméras (une centaine de films, une vingtaine de téléfilms) et sur les planches (une quarantaine de pièces), mais il n'a jamais été une star. Pourtant il a tourné avec quelques uns des plus grands cinéastes dès ses débuts: Jules Dassin dans Celui qui doit mourir (1957), Michel Deville dans Une balle dans canon (1958), Marc Allégret dans Un drôle de dimanche (1958), Pierre Schoendoerffer dans Ramuntcho (1959), Jean-Luc Godard dans À bout de souffle (1959), Luchino Visconti dans Rocco et ses frères (1960), Henri Verneuil dans L'Affaire d'une nuit (1960), Claude Autant-Lara dans Vive Henri IV, vive l'amour (1961), Dino Riso dans La marche sur Rome (1962).

Sa carrure massive d'ancien basketteur et sa voix caverneuse lui fait jouer les durs. Il alterne les genres, ne s'offusque pas d'avoir un second-rôle. Claude Chabrol l'engage pour trois films d'espionnage. Il y est Louis Rapière dit le tigre ou Bruno Kerrien, espion français aux airs italo-américains. Cela le conduit à un cinéma plus fantaisiste, et davantage de navets. Et le pousse à la réalisation en 1973 avec Le Protecteur, suivi du faux-cul. Sa carrière fait du sur-place. Mais en 1978, Alexandre Arcady, alors jeune cinéaste, l'engage pour Le coup de sirocco. Gros succès où il devient un Brando à la française. Suivront Le Grand pardon en 1981, son plus gros hit au cinéma, Le Grand Carnaval, Dernier été à Tanger et Le Grand Pardon 2 avec le réalisateur qui a annoncé lui-même le décès de l'acteur.

Après Le sucre de Jacques Rouffio en 1979, il s'enlise cependant dans des navets comme L'Etincelle de Michel Lang, La Galette du roi de Jean-Michel Ribes, Lévy et Goliath de Gérard Oury ou encore Le Nombril du monde d'Ariel Zeitoun. Entre temps il réalise des films médiocres comme Train d'enfer et La Rumba. Il revient à la réalisation en 1997 avec Soleil, très inspiré de sa vie, où il s'offre son dernier rôle sur grand écran, aux côtés de Philippe Noiret et Sophia Loren.

"Il y a des gens qui disent: 'je n'ai pas eu la carrière que j'aurais voulue'. Je dis, moi: 'j'ai eu une carrière plus grande que celle que j'aurais espérée, maintenant j'arrête", déclarait-il en novembre 2008. "J'ai un grand projet: je vais vivre, faire des voyages, lire, écrire".

Cinquante nuances de Grey: deux suites au conte de fesses

Posté par vincy, le 11 février 2015

Cinquante nuances de Grey, à l'affiche dès aujourd'hui en France, présenté en projection spéciale à Berlin, décevra sans doute les voyeurs: deux fessées, dont une à coup de ceinture, des petits coups de martinet, un cunnilingus furtif, deux pénétrations type film érotique sur chaîne hertzienne (dont une sans capote). Pas une fellation, ni une seule masturbation. Le summum étant un glaçon et une feuille de paon glissant sur la peau de la soumise un peu rebelle Anastasia Steele, incarnée par Dakota Johnson. Il y a bien cinquante raisons de ne pas voir l'adaptation du premier livre de la trilogie légèrement SM et jamais bandante de E.L. James (lire notre critique).

En attendant, la réalisatrice a confirmé lors de l'avant-première new yorkaise vendredi dernier que les deux autres livres, Cinquante nuances plus sombres et Cinquante nuances plus claires, seraient adaptées. Les contrats avec les acteurs ont été signés. Les producteurs ne prennent pas beaucoup de risques: les pré-ventes des billets pour le premier film ont battu tous les records. Pourtant, la Love Story, entre Twilight (le vampire est remplacé par un prince dominant) et Amour gloire et beauté, émoustille autant qu'un Disney. Ici, aucune chanson genre "Libérée, délivrée" mais des airs tristes de Chopin joués au piano pour ponctuer le film et illustrer le mal-être du Prince. Le conte de fée n'est qu'un conte de fesses, même s'il y a plus d'érotisme dans une publicité pour sous-vêtements Calvin Klein.

Avec 100 millions de livres vendus dans le monde (3,3 millions en France), il n'y a aucune raison que la marque Cinquante nuances de Grey , déclinée en multiples produits (vins, maquillage, objets érotiques...) s'achève sur ces comptes de fée. E.L. James réfléchit à un quatrième livre: la suite des amours d'Ana et Christian. L'auteure a trouvé la recette pour pimenter ses fins de mois, à défaut de nous chauffer et provoquer des émois. Pas besoin de révolutionner le Kamasutra ou de flirter avec le Marquis de Sade pour faire fortune. Triste état de la création. Il suffit de pomper sur les autres pour pomper les autres (on ne parle que du portefeuille là).