Berlin 2015 : Guzman et Larrain montrent les non-dits de la société chilienne

Posté par MpM, le 10 février 2015

le club de pablo larrain

Le hasard de la programmation favorise parfois l'émergence de thématiques, ou au moins de rapprochements et de communauté d'esprit entre les films présentés. Ainsi, après avoir vu coup sur coup deux films chiliens en compétition pour l'Ours d'or, le festivalier berlinois ne peut s'empêcher d'y chercher des similitudes et des échos.

Le bouton de nacre de Patricio Guzman et Le club de Pablo Larrain n'ont a priori en commun que l'origine de leur réalisateur, et témoignent pourtant d'un même désir d'interroger, encore et toujours, l'histoire et les non-dits de leur pays, chacun dans la droite ligne de ses films précédents (le documentaire élégant pour l'un, la fiction minimaliste pour l'autre).

Dans Le bouton de nacre, tout part d'une goutte d'eau emprisonnée dans un bloc de quartz depuis 3000 ans que le réalisateur parvient à rattacher (parfois un peu acrobatiquement) à deux grandes tragédies chiliennes : l'extermination des populations autochtones de Patagonie (le "peuple de l'eau") et l'assassinat de plus 1000 opposants jetés à la mer sans autre forme de procès pendant la dictature. Mêlant images d'archives, témoignages d'Indiens Kawersquar, reconstitution du "largage" des opposants et même superbes images de l'espace, Patricio Guzman (Le cas Pinochetchoisit une voie singulière, presque intime, pour retracer deux des grandes tragédies du Chili.

Avec Le club, Pablo Larrain (No) s'intéresse lui à une petite communauté religieuse retirée à La Boca, petite bourgade de bord de mer, dont la principale occupation semble être d'entraîner un lévrier pour les courses dominicales. Après une séquence d'exposition plutôt enjouée, l'arrivée d'un nouveau membre met au jour le secret de ces hommes d'Eglise qui ont tous un passé criminel à se reprocher.  Avec la complicité de l'Eglise elle-même, soucieuse d'éviter tout mauvaise publicité, ce club très fermé d'anciens pédophiles ou autres complices de la dictature est prêt à toutes les extrémités pour sauvegarder son existence. Et Dieu dans tout ça ? Le cinéaste montre avec lucidité (et une pointe de cynisme) qu'il n'a guère sa place dans une organisation qui couvre les pires exactions de ses membres.

Comme s'ils avaient envie d'appuyer là où ça fait mal, les deux cinéastes livrent un témoignage fort sur la société chilienne et, au-delà, sur les plus gros travers de l'Humanité. C'est non seulement réussi d'un point de vue cinématographique, mais aussi parfaitement adapté aux goûts d'un Festival qui aime à récompenser des œuvres éminemment ancrées dans la réalité. On peut donc tabler sur un ou deux ours venant couronner ce cinéma chilien militant, courageux et brillant.

Festival « Télérama » 2015: Mommy triomphe

Posté par cynthia, le 10 février 2015

mommy anne dorval

La 18ème édition de ce festival, organisé dans 249 salles adhérentes de l'Afcae, offre un bilan plus que favorable. Du 21 au 27 janvier, 250 000 spectateurs se sont déplacés pour retrouver l'un des 16 films sélectionnés dans le cadre du 18e opus du Festival, coorganisé par le magazine Télérama et l'Afcae. C'est évidemment moins que les 288 000 entrées de l'an dernier mais le contexte compliqué de ce début d'année a sans doute impacté sur le box office final.
Cette 18e édition aura, comme les précédentes, boosté la fréquentation des 249 salles art et essai participantes (7 de plus que l'an passé) à Rennes, Lyon, Besançon... En Île-de-France, le festival a concentré 73 228 entrées (dont 50 000 à Paris) dans 55 salles participantes.

Parmi les 16 films de la sélection, les trois oeuvres ayant rencontré le plus de succès à l'occasion de leur reprise en salle furent sans grande surprise l'excellent Mommy de Xavier Dolan, avec 39 000 entrées supplémentaires (un petit surplus pour un film qui a déjà séduit 1,2 million de spectateurs en France), le grandiose The Grand Budapest Hotel de Wes Anderson (28 000 tickets) et le film français Hippocrate de Thomas Lilti (26 000 billets). La Palme d'or Winter Sleep en a profité pour franchir le cap des 300 000 entrées à cette occasion.
Ce sont pour les petits films que le Festival a un effet salvateur, en augmentant considérablement leur fréquentation : Au bord du monde de Claus Drexel, qui a réuni 10 110 spectateurs (20,5% de son total) ou Eastern Boys de Robin Campillo, nommé au César du meilleur film, qui a gagné 7 000 spectateurs (14% de son total).

Enfin, le prix des festivaliers, attribué pour la troisième année par le public du festival, distingue cette année Mommy de Xavier Dolan, arrivé largement en tête des suffrages. Une distinction qui sera l'occasion d'une soirée spéciale proposée aux lecteurs de Télérama le 24 février au Cinéma des Cinéastes à Paris.

Vesoul 2015 : la Chine, l’Iran et les thrillers à l’honneur

Posté par MpM, le 10 février 2015

fica2015Il fut longtemps le plus important festival de cinéma asiatique de France, il est désormais le seul de cette envergure. Alors que l'on apprend semaine après semaine l'arrêt (ou la suspension) de manifestations consacrées au cinéma, le Festival des cinémas d'Asie de Vesoul tient bon. Mieux, après les fastes de son 20e anniversaire, il revient en 2015 avec une programmation solide, élégante et ambitieuse qui permet une fois de plus de concilier tous les publics, des plus cinéphiles aux plus néophytes, avec un seul mot d'ordre : la curiosité.

Le secret d'une telle longévité réside bien sûr dans toute une alchimie d'éléments. Mais avant tout, c'est le fruit de vingt années de travail acharné et patient de la part de ses créateurs, Martine et Jean-Marc Thérouanne, qui n'ont jamais cessé de poursuivre leur rêve : partager leur passion avec le plus grand nombre. La 21e édition du FICA qui s'ouvre ce 10 février est ainsi le résultat de leurs efforts, mais aussi le terreau des éditions futures dont on sait déjà qu'elles ne céderont ni en exigence, ni en qualité. Un rendez-vous solide et incontournable s'est en effet établi à Vesoul et les plus grandes personnalités du cinéma asiatique y vont désormais comme on va à Cannes ou Venise.

Cette année, c'est ainsi le réalisateur chinois Wang Chao, par ailleurs président du jury international, qui recevra le Cyclo d'or d'honneur pour l'ensemble de son oeuvre. Un hommage sera également rendu au cinéaste Wu Tianming qui avait lui aussi été honoré à Vesoul en 2007. Le cinéma chinois sera décidément à la fête lors de cette 21e édition puisqu'une rétrospective de 36 films présentera également des oeuvres de cinéastes des troisième, quatrième, cinquième et sixième générations.

Autre temps fort du FICA 2015, la section thématique intitulée "Tenir en haleine" proposera de voir ou revoir des films comme Ajami de Scandar Copti et Yaron Shani, Sparrow de Johnnie To, Infernal affaires d'Andrew Lau et Alan Mak, Mystery de Lou Ye, ou encore Black coal de Diao Yi'nan... En parallèle, les compétitions longs métrages et documentaires réserveront elles-aussi leurs quotas d'émotion avec des films venus de tout le continent asiatique.

Enfin, le FICA n'oublie pas le cinéma iranien qui sera représenté par la société de production "Iraniens indépendants" et six de ses derniers films, inédits en France. Comme le soulignent les organisateurs du festival, il s'agit de rendre hommage à une société courageuse dans laquelle faire du cinéma librement ne va pas de soi. Car c'est aussi cela, l'esprit du Festival de Vesoul : s'engager aux côtés des cinématographies fragiles ou bafouées et rappeler sans cesse la nécessité de faire mais aussi de montrer et de voir un cinéma militant qui lutte pour la simple liberté d'exister.

Conscient et soucieux de ces enjeux, Ecran Noir est d'autant plus fier d'accompagner cette belle manifestation pour la 8e année consécutive et forme le vœu d'être à nouveau à ses côtés tout au long de sa troisième décennie... et au-delà.

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Festival des cinémas d'Asie de Vesoul
Du 10 au 17 février 2015

Programme et informations sur le site de la manifestation