26 cinéastes réclament des moyens pour mieux diffuser leurs films en Europe

Posté par redaction, le 9 avril 2015, dans Business, Festivals, Personnalités, célébrités, stars.

À Rome, aujourd'hui, à l'occasion d'une table ronde organisée en marge du festival du Nouveau cinéma français, des cinéastes européens ont lancé un appel pour favoriser la diffusion de leurs oeuvres dans toute l'Europe. ils réclament, notamment, la taxation des acteurs d'internet qu'ils considèrent désormais comme des acteurs majeurs de l'industrie du cinéma, principalement pour la diffusion des films. Ils reprennent l'idée de la ministre de la Culture et de la Communication française Fleur Pellerin de taxer la bande passante ou le débit sur le réseau pour ces diffuseurs. Ils souhaitent également une meilleure protection des salles de cinéma existantes et des moyens pour en créer de nouvelles. Ils veulent aussi la création d'une charte de meilleure diffusion des oeuvres sur les chaînes de télévision publique.

"Il n'est pas normal que toutes les cinématographies d'Europe peinent à être accessibles pour tous les publics", écrivent ces 26 cinéastes, dont le Français Michel Hazanavicius, les Belges Jean-Pierre et Luc Dardenne, le Britannique Ken Loach, l'Italien Paolo Sorrentino, l'israélien Amos Gitaï, le hongrois éla Tarr, le norvégien Joachim Trer ou encore l'Allemand Wim Wenders.

Selon eux, il est urgent de prendre des mesures "afin que l'Europe soit irriguée de tout son cinéma".

"L'espoir d'une plateforme de diffusion du cinéma indépendant européen doit être un objectif crédible" peut-on lire dans ce texte. Ils estiment qu'il est urgent de favoriser l'émergence d'acteurs européens capables de concurrencer les géants mondiaux en matière de diffusion de films à la demande (VOD), pointant du doigt Amazon, Apple, Netflix....  A ce titre, ils n'ont pas tort de s'inquiéter de la dépendance du cinéma européen à des groupes américains dorénavant transnationaux.

Pour cela, les cinéastes interpellent la Commission européenne qui doit ambitionner de faire pression sur ces géants mondiaux du Net pour qu'ils se soumettent à "la fiscalité et l'économie de la création" européenne.

"Nous devons d'urgence imaginer une fiscalité culturelle pour les acteurs mondialisés de la diffusion" expliquent-ils.

Les premiers signataires sont Lucas Belvaux, Emanuele Crialese, Jean-Pierre Dardenne, Luc Dardenne, Dante Desarthe, Matteo Garrone, Costa Gavras, Amos Gitaï, Michel Hazanavicius, Kamen Kalev, Gérard Krawczyk, Paul Laverty, Mike Leigh, Ken Loach, Daniele Luchetti, Ursula Meier, Cristian Mungiu, Rebecca O’Brien, Jean-Paul Salomé, Volker Schlöndorff, Maurizio Sciarra, Ettore Scola, Abderrahmane Sissako, Paolo Sorrentino, Béla Tarr, Joachim Trier, Fernando Trueba, Wim Wenders.

L'intégralité du texte:

"Les discussions qui ont animé cette première Journée de Rome témoignent de la même urgence : alors que les fondations mêmes du droit d’auteur sont remises en question par ceux qui, en Europe, n’y voient à tort qu’un obstacle à la circulation des œuvres, nous voulons redessiner, en profondeur, la manière d’exposer notre cinéma et de le faire circuler entre nos pays.

Nos films témoignent, chacun à leur façon, à travers nos regards de cinéastes, de la vision à la fois la plus personnelle et la plus collective de l’Europe, dans toutes ses complexités : ses violences et ses joies, ses caricatures et ses réalités, ses conflits et ses unités, ses absurdités et ses rêves…

Ils sont en eux-mêmes une forme d’espérance et participent sans doute, humblement, à la construction d’une identité européenne.

A l’heure où un grand nombre de pays d’Europe font face à de nouveaux mouvements obscurantistes aux relents de haine, les lueurs d’espoir peuvent aussi venir du cinéma.

C’est la raison pour laquelle il est de notre responsabilité de réfléchir à favoriser une meilleure circulation des œuvres nationales à travers le continent qui est le nôtre, en prenant garde toutefois à ce que ce ne soit pas au détriment de la vitalité de notre création.

Il n’est pas normal que toutes les cinématographies d’Europe peinent à être accessibles pour tous les publics.

Nous demandons donc à l’ensemble des autorités publiques, institutions européennes, aux instances nationales de régulation en matière de cinéma, aux EFAD, ou encore aux chaînes de télévision, de réfléchir avec nous à des mesures positives en matière de diffusion et de promotion des œuvres européennes, afin que l’Europe soit irriguée de tout son cinéma.

Pour cela, il faut porter une attention à tous les moyens de diffusion :

  • aux salles de cinéma: les efforts doivent être poursuivis pour pallier aux déserts cinématographiques qui existent encore dans de nombreux territoires. Il faut à la fois éviter la fermeture des salles existantes et en permettre l’installation de nouvelles. Les salles indépendantes ne doivent pas être laissées pour compte dans l’équipement numérique. Une vigilance particulière doit être portée aux aides qui facilitent et accélèrent la distribution des films dans les salles à l’échelle européenne : elles restent le meilleur lieu de rencontre entre le cinéma et son public.
  • aux chaînes de télévisions: nous engageons d’ores et déjà les chaînes publiques à travailler à une charte de meilleure diffusion des œuvres européennes, en travaillant notamment sur les échanges ou en travaillant à des programmations mutuelles ou réciproques. Il faudra aussi les aider à développer leur déclinaison numérique (notamment la télévision de rattrapage), dans un modèle économique sain et non destructeur de valeur. L’espoir d’une plateforme de diffusion du cinéma indépendant européen doit être un objectif crédible. Il peut venir des télévisions.
    • aux plateformes de VOD: il faut repenser une régulation européenne pertinente pour l’émergence d’acteurs européens capables de concurrencer les géants mondiaux. Internet a été longtemps l’objet de nos inquiétudes, notamment matérialisés par les ravages du piratage. Nous voulons croire qu’il peut être aujourd’hui le meilleur partenaire du cinéma européen, s’inscrire dans un cercle vertueux du partage de la valeur où tous opérateurs contribueraient au financement de la création et devenir un moyen exceptionnel d’exposition de nos œuvres.

      Pour cela, la Commission européenne doit adapter ses directives : sur les média audiovisuels, mais aussi sur la fiscalité. Elle doit nourrir deux ambitions : encourager le développement des acteurs européens qui financent et éditorialisent le cinéma européen, et insérer les géants mondiaux du Net dans la fiscalité et l’économie de la création.

      Nous devons d’urgence imaginer une fiscalité culturelle pour les acteurs mondialisés de la diffusion. Les pistes évoquées en France par la Ministre de la Culture et de la Communication Fleur Pellerin sur la taxation de la bande passante nous semblent une voie pertinente à explorer, et la réflexion doit pouvoir être menée jusqu’à son terme.

      D’ores et déjà, nous demandons à la Commission européenne, à travers Europe Créative, de dégager des moyens pour le sous-titrage et l’adaptation des œuvres européennes dans les autres langues du continent, à un haut niveau de qualité. La disponibilité de nos films dans d’autres langues permet une meilleure circulation des films sur les chaînes publiques, les plateformes de VOD, accélère la distribution des films dans les salles et leur circulation à l’échelle européenne et mondiale. On le voit de plus en plus, la disponibilité des films, de façon légale, c’est aussi un enjeu dans la lutte contre le piratage et dans la prévention de ses effets désastreux sur la création. Un enjeu sur lequel il est aussi urgent que la Commission européenne s’exprime et intervienne pour soutenir les initiatives prises en faveur de la circulation des œuvres en Europe et lutter efficacement et courageusement contre le développement du piratage.

      Nous partageons avec la Commission européenne la volonté de favoriser l’accès des films à tous. Ils sont un élément essentiel de l’éducation à l’image et, au-delà sans doute, de l’éducation des consciences. Mais ne nous trompons pas de moyens pour y parvenir : cela serait ravageur pour le cinéma.

      Nos socles communs, comme le droit d’auteur ou l’exception culturelle, doivent être préservés pour servir d’aiguillon à une nouvelle politique culturelle européenne."

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