Albi 2017 : rencontre avec Antony Cordier pour Gaspard va au mariage
En compétition au Festival d'Albi, Gaspard va au mariage d'Antony Cordier est un mélange de comédie romantique et de film de famille qui réunit à l'écran Félix Moati, Christa Théret, Laetitia Dosch, Guillaume Gouix, Marina Foïs et Johan Heldenbergh. A l'occasion du remariage de son père, Gaspard retourne dans sa famille qu'il n'a pas vue depuis longtemps, et qui gère un zoo. En chemin, il croise Laura, une jeune femme un peu paumée à qui il propose de jouer le rôle de sa petite amie.
Si les motifs ne sont pas très neufs, Antony Cordier les transcende pour proposer une comédie sans cesse surprenante qui évite la caricature pour aller vers une fantaisie pleine de saveur. Les situations sont cocasses, les répliques décalées et le scénario soigné, tandis que la structure en chapitres fait que l'on s'intéresse également à tous les personnages. Il se joue finalement dans ce mélange de conte et de règlements de comptes quelque chose à rapprocher de la fin de l'enfance et de la nécessité d'avancer avec sa vie, quitte à s'éloigner de sa famille. Une conclusion douce amère qui tranche avec l'énorme énergie du récit et de la mise en scène.
En attendant de découvrir le film en salles le 31 janvier prochain, nous avons rencontré Antony Cordier après la projection du film à un public albigeois particulièrement réceptif.
Ecran Noir : Comment est né le film ?
Antony Cordier : La genèse du projet est un peu compliquée. C'est vraiment une constellation de choses. Mais ça s'est fixé à partir du moment où on a eu l'idée, avec ma coscénariste, que cette histoire pourrait se passer dans un zoo. Ca m'a reconnecté avec un livre que je lisais quand j'étais enfant, qui racontait la vie du créateur du zoo de la Palmyre qui s'appelait Claude Caillé. C'était un homme très drôle, totalement autodidacte, pas du tout un intello, qui allait chasser des animaux en Afrique pour les ramener en France et les montrer dans des écoles.
Du coup, ce personnage que j'avais rencontré quand j'ai visité le zoo, parce qu'il était là pour accueillir les visiteurs, a servi d'inspiration pour le personnage de Max qui est joué par Johan Heldenbergh. Et de là est découlé toute la fratrie parce que dans le livre il y avait des photos de ses enfants, on les voyait vivre au milieu des fauves, des loutres, des serpents... On s'est très vite dit qu'il y avait là un univers qui n'avait pas été si souvent traité au cinéma et qui nous permettait d'aborder la famille, la folie de la famille, sous un angle un peu différent. Et du fait du contexte, cette folie allait être mieux acceptée. Comme on est dans un zoo, on peut dire : "on dirait qu'une fille se prend pour un ours", et comme c'est son environnement naturel, on se dit que ça pourrait arriver.
EN : Le "décor" du zoo vous a libéré, en quelque sorte...
AC : On cherche toujours à faire des scènes qui soient un peu marrantes pour le spectateur, et tous les contextes ne le permettent pas forcément. Parfois, on est amené à situer les histoires dans un contexte plus naturaliste. Et là en fait, le zoo, c'est drôle. Les animaux sont drôles. Prenez le tapir, on n'a pas l'impression qu'il existe en tant que tel, c'est comme un collage. C'est surréaliste. Donc le film doit profiter de ça. Par exemple, avec mon chef op', je le poussais à éclairer les scènes comme il l'avait jamais fait. De dire : "tiens, quand on descend dans le vivarium, et si le couloir était violet ? Si y'avait des néons et quand on arrive, la lumière est violette ? Et quand on remonte c'est orange ?" Ce qu'on ne fait pas habituellement, pour rester dans un cadre réaliste acceptable, et là, le fait d'être dans un zoo permet à tout le monde de monter un peu le curseur de l'expressivité.
EN : Et comment on se confronte au thème assez classique du "film de famille" ?
AC : J'aime beaucoup les films de famille, les familles dysfonctionnelles. Ca n'a pas toujours bonne presse d'ailleurs. Il y a beaucoup de films que j'adore : Margot va au mariage (auquel le titre Gaspard va au mariage rend un peu hommage), Elisabethtown de Cameron Crowe. Il y a tout un corpus qu'on a utisé à l'écriture et qui me parlait. Le fait de se confronter, c'était un plaisir. On se disait : ah ! Enfin on va faire un film sur nos familles, sur toutes les conversations qu'on a pu avoir elle et moi depuis dix ans, du genre "ma famille est insupportable, ils pensent que je suis comme ça, ils m'assignent une place et en fait je suis un peu ailleurs..." Tout ça, on pouvait le réinvestir dans le film. Pour nous, le film, c'est ça aussi. Nourri de choses personnelles. Chaque personnage essaye de se débattre avec la place qu'on lui assigne. On dit de Coline que c'est la dingue de la famille : il y a toujours un dingue dans les familles, là, c'est elle. Virgile, c'est le gestionnaire, alors qu'il ne l'est probablement pas. Il a autant de poésie que les autres sauf qu'elle est un peu mise sous l'éteignoir, et lui se débat aussi avec ça. On voit qu'il bout un peu.
EN : Le film fait pas mal de références au conte de fées, et notamment à Peau d'âne...
AC : C'est une des sources d'inspiration pour le personnage de Coline. On peut ne pas y penser quand on la voit. La blondeur de Deneuve, la côté sylphide, et la peau de bête. En plus ce personnage a la logique de Peau d'âne qui essaye d'échapper à son père en se transformant en souillon et en âne. C'est la même chose pour Colline qui essaye échapper au désir pour son frère en devenant un ours qui pue. Elle essaye de devenir le moins désirable possible.
EN : L'autre référence du film, finalement, c'est aussi la comédie romantique !
AC : Oui, complètement. C'est ce plaisir-là que l'on donne au spectateur face à la comédie romantique, de dire "on ne s'aime pas, donc on peut dormir ensemble", et le spectateur se marre parce qu'il voit bien où on va, il a tous les codes. Il y a une forme de jubilation qui est assez plaisante.
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