Très belle idée de la part du Festival d'Albi que de proposer un programme de courts métrages sélectionnés par des collégiens ! Après un appel à films et une présélection rigoureuse parmi les deux cents titres reçus, cinq classes de la région ont ainsi pu s'essayer aux joies de la programmation en choisissant huit films qui ont ensuite été soumis au vote du public.
C'est Kapitalistis de Pablo Munoz-Gomez qui a été plébiscité par les spectateurs tandis que le Prix des Jeunes est allée à Puzzle de Rémy Rondeau. Le premier est une fable sociale ironique dans laquelle un travailleur immigré pauvre tente de gagner plus d'argent pour offrir à son fils le sac à la mode dont il a tellement envie pour Noël. Si le propos est juste et tristement actuel (absurdité du système, injustice sociale, violence symbolique envers les familles modestes), le traitement manque parfois de légèreté et enfonce quelques portes ouvertes sous le prétexte de faire rire.
Le second est un film de genre minimaliste qui utilise les codes du cinéma fantastique pour raconter la détresse d'un vieil homme qui se sent seul depuis la mort de sa femme. Les effets de suspense, particulièrement réussis (notamment l'idée du puzzle qui vire au cauchemar), parviennent à créer une ambiance anxiogène avec très peu de moyens. On aime se laisser prendre par la tension finale, malgré une fin explicative qui souligne inutilement ce que la mise en scène suffisait à suggérer.
Mais au-delà du palmarès (toujours forcément subjectif), cette sélection est l'occasion de se pencher sur le(s) type(s) de cinéma qui plaisent à un jeune public. On notera par exemple que l'animation était particulièrement bien représentée dans la sélection, de même que les films narratifs.
Les sujets étaient eux variés, de la guerre 14-18 réinventée (Poilus de Guillaume Auberval, Léa Dozoul, Simon Gomez) à un déjeuner familial qui tourne mal (Sirocco de Romain Garcia, Kevin Tarpinian, Thomas Lopez-Massy), de l'immigration illégale entre le Mexique et les Etats-Unis (Ojala de Marie-Stéphane Cattaneo) à un règlement de comptes entre ados (La convention de Genève de Benoit Martin), en passant par des oeuvres plus visuelles comme une fête de grenouilles dans une villa abandonnée (Garden party de Florian Babikian, Vincent Bayou et Victor Clair) ou l'aperçu d'un instant où le temps s'arrête (Blink de Manon Ghys, Victoria Léger, Nathan Rémy et William Steiner).
Parmi ces différentes propositions, et outre les films primés, deux courts métrages ont plus particulièrement retenu notre attention : La convention de Genève de Benoit Martin, une comédie très finement dialoguée qui oppose deux bandes rivales à la sortie du lycée, entre confrontation musclée et recherche de diplomatie (après une très belle carrière en festivals, il est maintenant présélectionné pour les César) et Poilus de Guillaume Auberval, Léa Dozoul et Simon Gomez, qui nous emmène dans les tranchées pendant la première guerre mondiale.
Si les poilus du titre sont devenus des lapins, ils n'en partagent pas moins avec leurs homologues humains toutes les horreurs de la guerre : la peur, le froid, l'injustice, et bien sûr le danger permanent. En seulement quelques scènes bouleversantes, il dépeint le quotidien terrifiant des soldats pris au piège des tranchées, et rappelle en filigrane, par le symbole des animaux transformés en soldat, l'universalité et l'actualité de la formule chère à Prévert : "quelle connerie, la guerre".