Albi 2017 : Percujam d’Alexandre Messina remporte le prix du public

Posté par MpM, le 27 novembre 2017

Les œillades d’Albi se sont achevées dimanche 26 novembre avec la remise du Prix du public au documentaire Percujam d’Alexandre Messina qui sortira le 4 avril 2018. Dans ce film d’à peine une heure, le réalisateur suit un groupe constitué de musiciens autistes et de leurs éducateurs. Il mêle des images prises sur le vif pendant les concerts ou les répétitions à des témoignages face caméra des artistes. Les thèmes abordés vont ainsi bien au-delà de la musique (et de la maladie) pour proposer à la fois des tranches de vie spontanées et un reflet de leurs préoccupations terriblement simples et actuelles au sujet de l'avenir, de l'amour et d’une vie heureuse.

Si le film est formellement peu imaginatif (et parfois confus), on comprend pourquoi le public a eu envie de plébisciter ce document singulier qui nous fait partager le quotidien, tantôt trivial, tantôt émouvant, de personnalités fortes et attachantes qui viennent nous rappeler à juste titre que les personnes souffrant d'autisme trop souvent laissées en retrait à cause de leur handicap.

La compétition, qui était constituée de 13 films présentés en avant-première pendant le Festival, réunissait par ailleurs de belles propositions. On a notamment été subjugué par La douleur d’Emmanuel Finkiel, adaptation en état de grâce du livre de Marguerite Duras, dans lequel elle racontait les jours ayant suivi l'arrestation de son époux Robert Antelme, à la fin de la guerre, pour faits de résistance. Mélanie Thierry y devient  une allégorie de l’attente, masque de douleur sur le visage, et force intérieure sur le point de se rompre.

Peut-être n’avait-on jamais aussi bien entendu la voix de l’écrivaine que dans les splendides voix-off introspectives qui livrent sans barrière la pensée et les sentiments de celle qui écrit. On est également bluffé par le travail réalisé par le chef opérateur Alexis Kavyrchine qui rend physiquement palpable l'état mental du personnage en jouant sans cesse sur des images fondues et des arrières-plans flous. L'héroïne se retrouve ainsi isolée au milieu de la foule, toute à sa douleur, hors d'un monde qui ne peut plus être le sien. A découvrir absolument en salles dès le 24 janvier.

Autre temps fort, Jusqu’à la garde de Xavier Legrand qui est en quelque sorte la suite du court métrage qui l’avait révélé, Avant que de tout perdre, dans lequel une femme mettait tout en œuvre pour fuir, avec ses deux enfants, un mari violent. Définitivement séparés, les deux époux se disputent la garde de leur fils, Julien, âgé de onze ans. Entre le documentaire brut et le thriller haletant, ce premier long métrage qui a reçu deux lions d'argent à Venise (meilleur réalisateur et meilleur premier film) est une plongée sans concession dans l'univers de la violence conjugale : manipulation, contrition, menaces, utilisation des enfants pour atteindre la mère, propension à se faire passer pour une victime...

On a l'impression d'assister à une lente et irrépressible montée en puissance de la haine et de la colère, sans temps morts ni moments de répit, jusqu'à l'explosion finale qui consiste en une longue et intransigeante séquence d'assaut dans laquelle le simple travail sur les sons (une sonnette qui résonne dans la nuit, puis le silence déroutant, l’ascenseur qui arrive, les coups frappés à la porte...) suffit à générer une angoisse difficilement supportable. Léa Drucker et Denis Ménochet (déjà présents dans le court) sont d'une justesse irréprochable, incarnant avec une subtilité admirable ces deux personnages qui parviennent, malgré les enjeux, à rester dans la retenue et le minimalisme. Un film indispensable qui sortira en France le 7 février.

Enfin, Makala d'Emmanuel Gras, récompensé du Grand Prix lors de la dernière Semaine de la Critique, était lui aussi en lice. Ce superbe documentaire tourné en république du Congo suit Kabwita, un villageois qui fabrique du charbon de bois pour aller le vendre (en vélo) à de nombreux kilomètres de chez lui. Un voyage initiatique épuré et sensoriel qui donne à voir les fragilités de la destinée humaine dans des plans à la beauté hypnotique. A voir en France dès le 6 décembre.

Les films en compétition
La douleur d’Emmanuel Finkiel
Le ciel étoilé au-dessus de ma tête d’Ilan Klipper
Gaspard va au mariage d’Antony Cordier
Luna d’Elsa Diringer
Jusqu’à la garde de Xavier Legrand
Percujam d’Alexandre Messina
La fête est finie de Marie Garel-Weiss
La villa de Robert Guédiguian
Makala d’Emmanuel Gras
Une saison en France de Haroun Mahamat-Saleh
Marie-Curie de Marie-Noëlle Sehr
Corps étranger de Raja Amari
C’est le cœur qui meurt en dernier d’Alexis-Brault

Albi 2017 : rencontre avec Antony Cordier pour Gaspard va au mariage

Posté par MpM, le 24 novembre 2017

En compétition au Festival d'Albi, Gaspard va au mariage d'Antony Cordier est un mélange de comédie romantique et de film de famille qui réunit à l'écran Félix Moati, Christa Théret, Laetitia Dosch, Guillaume Gouix, Marina  Foïs et Johan Heldenbergh. A l'occasion du remariage de son père, Gaspard retourne dans sa famille qu'il n'a pas vue depuis longtemps, et qui gère un zoo. En chemin, il croise Laura, une jeune femme un peu paumée à qui il propose de jouer le rôle de sa petite amie.

Si les motifs ne sont pas très neufs, Antony Cordier les transcende pour proposer une comédie sans cesse surprenante qui évite la caricature pour aller vers une fantaisie pleine de saveur. Les situations sont cocasses, les répliques décalées et le scénario soigné, tandis que la structure en chapitres fait que l'on s'intéresse également à tous les personnages. Il se joue finalement dans ce mélange de conte et de règlements de comptes quelque chose à rapprocher de la fin de l'enfance et de la nécessité d'avancer avec sa vie, quitte à s'éloigner de sa famille. Une conclusion douce amère qui tranche avec l'énorme énergie du récit et de la mise en scène.

En attendant de découvrir le film en salles le 31 janvier prochain, nous avons rencontré Antony Cordier après la projection du film à un public albigeois particulièrement réceptif.

Ecran Noir : Comment est né le film ?

Antony Cordier : La genèse du projet est un peu compliquée. C'est vraiment une constellation de choses. Mais ça s'est fixé à partir du moment où on a eu l'idée, avec ma coscénariste, que cette histoire pourrait se passer dans un zoo. Ca m'a reconnecté avec un livre que je lisais quand j'étais enfant, qui racontait la vie du créateur du zoo de la Palmyre qui s'appelait Claude Caillé. C'était un homme très drôle, totalement autodidacte, pas du tout un intello, qui allait chasser des animaux en Afrique pour les ramener en France et les montrer dans des écoles.

Du coup, ce personnage que j'avais rencontré quand j'ai visité le zoo, parce qu'il était là pour accueillir les visiteurs, a servi d'inspiration pour le personnage de Max qui est joué par Johan Heldenbergh. Et de là est découlé toute la fratrie parce que dans le livre il y avait des photos de ses enfants, on les voyait vivre au milieu des fauves, des loutres, des serpents... On s'est très vite dit qu'il y avait là un univers qui n'avait pas été si souvent traité au cinéma et qui nous permettait d'aborder la famille, la folie de la famille, sous un angle un peu différent. Et du fait du contexte, cette folie allait être mieux acceptée. Comme on est dans un zoo, on peut dire : "on dirait qu'une fille se prend pour un ours", et comme c'est son environnement naturel, on se dit que ça pourrait arriver.

EN : Le "décor" du zoo vous a libéré, en quelque sorte...

AC : On cherche toujours à faire des scènes qui soient un peu marrantes pour le spectateur, et tous les contextes ne le permettent pas forcément. Parfois, on est amené à situer les histoires dans un contexte plus naturaliste. Et là en fait, le zoo, c'est drôle. Les animaux sont drôles. Prenez le tapir, on n'a pas l'impression qu'il existe en tant que tel, c'est comme un collage. C'est surréaliste. Donc le film doit profiter de ça. Par exemple, avec mon chef op', je le poussais à éclairer les scènes comme il l'avait jamais fait. De dire : "tiens, quand on descend dans le vivarium, et si le couloir était violet ? Si y'avait des néons et quand on arrive, la lumière est violette ? Et quand on remonte c'est orange ?" Ce qu'on ne fait pas habituellement, pour rester dans un cadre réaliste acceptable, et là, le fait d'être dans un zoo permet à tout le monde de monter un peu le curseur de l'expressivité.

EN : Et comment on se confronte au thème assez classique du "film de famille" ?

AC : J'aime beaucoup les films de famille, les familles dysfonctionnelles. Ca n'a pas toujours bonne presse d'ailleurs. Il y a beaucoup de films que j'adore : Margot va au mariage (auquel le titre Gaspard va au mariage rend un peu hommage), Elisabethtown de Cameron Crowe. Il y a tout un corpus qu'on a utisé à l'écriture et qui me parlait. Le fait de se confronter, c'était un plaisir. On se disait : ah ! Enfin on va faire un film sur nos familles, sur toutes les conversations qu'on a pu avoir elle et moi depuis dix ans, du genre "ma famille est insupportable, ils pensent que je suis comme ça, ils m'assignent une place et en fait je suis un peu ailleurs..." Tout ça, on pouvait le réinvestir dans le film. Pour nous, le film, c'est ça aussi. Nourri de choses personnelles. Chaque personnage essaye de se débattre avec la place qu'on lui assigne. On dit de Coline que c'est la dingue de la famille : il y a toujours un dingue dans les familles, là, c'est elle. Virgile, c'est le gestionnaire, alors qu'il ne l'est probablement pas. Il a autant de poésie que les autres sauf qu'elle est un peu mise sous l'éteignoir, et lui se débat aussi avec ça. On voit qu'il bout un peu.

EN : Le film fait pas mal de références au conte de fées, et notamment à Peau d'âne...

AC : C'est une des sources d'inspiration pour le personnage de Coline. On peut ne pas y penser quand on la voit. La blondeur de Deneuve, la côté sylphide, et la peau de bête. En plus ce personnage a la logique de Peau d'âne qui essaye d'échapper à son père en se transformant en souillon et en âne. C'est la même chose pour Colline qui essaye échapper au désir pour son frère en devenant un ours qui pue. Elle essaye de devenir le moins désirable possible.

EN : L'autre référence du film, finalement, c'est aussi la comédie romantique !

AC : Oui, complètement. C'est ce plaisir-là que l'on donne au spectateur face à la comédie romantique, de dire "on ne s'aime pas, donc on peut dormir ensemble", et le spectateur se marre parce qu'il voit bien où on va, il a tous les codes. Il y a une forme de jubilation qui est assez plaisante.

Albi 2017 : Puzzle et Kapitalistis remportent la compétition de courts métrages

Posté par MpM, le 23 novembre 2017

Très belle idée de la part du Festival d'Albi que de proposer un programme de courts métrages sélectionnés par des collégiens ! Après un appel à films et une présélection rigoureuse parmi les deux cents titres reçus, cinq classes de la région ont ainsi pu s'essayer aux joies de la programmation en choisissant huit films qui ont ensuite été soumis au vote du public.

C'est Kapitalistis de Pablo Munoz-Gomez qui a été plébiscité par les spectateurs tandis que le Prix des Jeunes est allée à Puzzle de Rémy Rondeau. Le premier est une fable sociale ironique dans laquelle un travailleur immigré pauvre tente de gagner plus d'argent pour offrir à son fils le sac à la mode dont il a tellement envie pour Noël. Si le propos est juste et tristement actuel (absurdité du système, injustice sociale, violence symbolique envers les familles modestes), le traitement manque parfois de légèreté et enfonce quelques portes ouvertes sous le prétexte de faire rire.

Le second est un film de genre minimaliste qui utilise les codes du cinéma fantastique pour raconter la détresse d'un vieil homme qui se sent seul depuis la mort de sa femme. Les effets de suspense, particulièrement réussis (notamment l'idée du puzzle qui vire au cauchemar), parviennent à créer une ambiance anxiogène avec très peu de moyens. On aime se laisser prendre par la tension finale, malgré une fin explicative qui souligne inutilement ce que la mise en scène suffisait à suggérer.

Mais au-delà du palmarès (toujours forcément subjectif), cette sélection est l'occasion de se pencher sur le(s) type(s) de cinéma qui plaisent à un jeune public. On notera par exemple que l'animation était particulièrement bien représentée dans la sélection, de même que les films narratifs.

Les sujets étaient eux variés, de la guerre 14-18 réinventée (Poilus de Guillaume Auberval, Léa Dozoul, Simon Gomez) à un déjeuner familial qui tourne mal (Sirocco de Romain Garcia, Kevin Tarpinian, Thomas Lopez-Massy), de l'immigration illégale entre le Mexique et les Etats-Unis (Ojala de Marie-Stéphane Cattaneo) à un règlement de comptes entre ados (La convention de Genève de Benoit Martin), en passant par des oeuvres plus visuelles comme une fête de grenouilles dans une villa abandonnée (Garden party de Florian Babikian, Vincent Bayou et Victor Clair) ou l'aperçu d'un instant où le temps s'arrête (Blink de Manon Ghys, Victoria Léger, Nathan Rémy et William Steiner).

Parmi ces différentes propositions, et outre les films primés, deux courts métrages ont plus particulièrement retenu notre attention : La convention de Genève de Benoit Martin, une comédie très finement dialoguée qui oppose deux bandes rivales à la sortie du lycée, entre confrontation musclée et recherche de diplomatie (après une très belle carrière en festivals, il est maintenant présélectionné pour les César) et Poilus de Guillaume Auberval, Léa Dozoul et Simon Gomez, qui nous emmène dans les tranchées pendant la première guerre mondiale.

Si les poilus du titre sont devenus des lapins, ils n'en partagent pas moins avec leurs homologues humains toutes les horreurs de la guerre : la peur, le froid, l'injustice, et bien sûr le danger permanent. En seulement quelques scènes bouleversantes, il dépeint le quotidien terrifiant des soldats pris au piège des tranchées, et rappelle en filigrane, par le symbole des animaux transformés en soldat, l'universalité et l'actualité de la formule chère à Prévert : "quelle connerie, la guerre".

Albi 2017 : Les oeillades prennent le large avec Gaël Morel

Posté par MpM, le 22 novembre 2017

Pour sa première soirée, le festival Les oeillades d'Albi avait invité le réalisateur Gaël Morel pour Prendre le large, sorti sur les écrans le 8 novembre dernier. Le film raconte l'histoire d'Edith, une ouvrière textile dont l'usine s'apprête à délocaliser et qui, au lieu de prendre ses indemnités de licenciement, accepte d'être reclassée dans un atelier marocain. Commence alors pour elle une nouvelle vie partagée entre la dureté des conditions de travail et la douceur de belles rencontres.

C'est un très joli portrait de femme que brosse Gaël Morel, qui ne cache pas ce que le film doit à son actrice Sandrine Bonnaire. "Nous n'avons pas écrit le film pour elle, mais grâce à elle" a-t-il expliqué lors du débat suivant la projection. Son envie de travailler avec la comédienne est d'ailleurs l'un des moteurs du film, au même titre que son désir de rendre hommage à la classe ouvrière dont il est issu. Il souhaitait également collaborer avec l'écrivain Rachid O. qui co-scénarise le film.

Ce faisceau d'envies et de désirs de cinéma donne une oeuvre forte et puissante qui, suivant une trame classique, enchevêtre habilement le destin personnel de son héroïne aux réalités sociales d'un monde en souffrance. En plongeant son personnage dans un atelier marocain, le réalisateur joue sur l'inversion des situations (c'est elle l'étrangère, celle qui est mal vue et doit s'adapter à des règles qu'elle ne connaît pas) et parle ainsi à la fois de notre rapport aux autres et des méfaits d'une mondialisation déshumanisée.

"Le scénario c'est le croquis"

Pour autant, Gaël Morel ne voulait tomber dans aucun extrême en filmant le Maroc, pays où il a passé une partie de sa vie : ni la facilité de l'exotisme, ni la paresse du misérabilisme. Mais comment y arriver concrètement, lui a-t-on demandé lors d'un bref entretien. "Par exemple, c'était vraiment en évitant de filmer le Tanger orientaliste, la Medina, tous les lieux qui sont attachés à l'orientalisme tangérois", explique-t-il. "Comme je connaissais ce Tanger, j'ai voulu filmer en dehors de ça, et surtout je voulais filmer une ville verticale. On oublie que Tanger est construite sur des montagnes. Et donc on change de format. Quand on arrive au Maroc, d'un seul coup, le son s'ouvre, l'image s'agrandit, on est dans la verticalité. Ca m'intéressait de jouer l'idée de la verticalité tangéroise contre l'horizontalité en France."

Concernant la réalité sociale marocaine, minutieusement décrite dans ce mélange d'autoritarisme et d'esclavage moderne, certaines choses se sont décidées au moment du repérage. "Une fois que je repère le lieu et que je me dis : ça va se passer là, j'enquête sur le lieu où je vais tourner. Et donc là j'ai des réponses. Ca oxygène le scénario. A la base, il y a des choses que j'ai envie de filmer, donc je regarde si elles existent ou pas. Si elles existent, après, je vais aller dans les détails, pour que ça élève le scénario à un niveau de réalité. Vous voyez, c'est comme un croquis : vous faites un croquis et après vous trouvez le matériel pour construire. Ben disons que le scénario c'est le croquis, et après, quand vous trouvez un lieu, vous amenez des choses. Comme la scène de fouille ! Cette fouille, elle était là. C'était pas un truc de décor. "

Même chose pour la terrible séquence dans les champs de fraises "hors sol" qui a été filmée dans une véritable exploitation, avec les vraies ouvrières qui y travaillent dans des conditions souvent terribles, logeant le soir dans un petit dortoir où elles sont enfermées.

Le réalisateur n'a pas hésité à confronter sa comédienne à ces réalités-là, en faisant suivre à son personnage une trajectoire évidemment initiatique non seulement d'un point de vue intérieur, mais également physique. "On a beaucoup travaillé sur son apparence, ses vêtements, alors c'est presque invisible, mais ça apporte quelque chose. Et Sandrine a un truc avec son visage : quand il est fermé, il dégage une gravité et une sévérité rares. Et dès qu'elle sourit, c'est un autre personnage. Donc il y avait ça. Après, il y a une chose qui s'appelle la confiance. Elle m'a fait confiance et de mon côté, la confiance était déjà là dès l'écriture du scénario. C'était vraiment une confiance réciproque, un abandon de l'un à l'autre, qui fait qu'on s'est trouvé. On s'est vraiment trouvé."

Albi 2017 : les œillades mettent les jeunes réalisatrices à l’honneur

Posté par MpM, le 18 novembre 2017

Pour sa 21e édition qui commence le 21 novembre, le festival Les Œillades d'Albi propose un programme une fois de plus éclectique et prometteur mêlant avant-premières, coups de cœur, rencontres, ateliers à destination de la jeunesse et compétition de courts métrages.

Trois grandes thématiques traversent globalement la manifestation : tout d'abord la jeune création, qui sera à l'honneur à travers les films de jeunes réalisatrices comme Carine Tardieu (Ôtez-moi d'un doute), Elsa Diringer (Luna), Mélanie Laurent (Plonger), Marie Garel-Weiss (La fête est finie), Marine Francen (Le semeur), Marie-Noëlle Sehr (Marie Curie) et Raja Amar (Corps étranger) ; ensuite une large place accordée au documentaire (avec notamment 12 jours de Raymond Depardon et Makala d'Emmanuel Gras) et enfin un focus sur le polar dans le cinéma français en présence d'Yves Boisset, Robin Davis et Serge Korbe.

En tout, dix-sept avant-premières seront présentées, dont 13 concourent pour le prix du public. On retrouvera notamment La douleur d'Emmanuel Finkiel, Gaspard va au mariage d'Antony Cordier, Une saison en France de Mahamat-Saleh Haroun, L'échange des princesses de Marc Dugain ou encore Jusqu'à la garde de Xavier Legrand.

Parmi les "coups de cœur", il faut signaler Prendre le large qui sera accompagné par le réalisateur Gaël Morel, Une famille syrienne (également en présence de Philippe van Leeuw) et 120 battements par minute de Robin Campillo. Enfin, les rencontres-débats autour du polar français permettront de revoir Allons z'enfants et La femme flic de Yves Boisset ainsi que J'ai épousé une ombre et La guerre des polices de Robin Davis.

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Les œillades d'Albi
21 édition
Du 21 au 26 novembre 2017
Informations et programme sur le site de la manifestation

Les Œillades 2016: un week-end avec Jean-Louis Trintignant

Posté par cynthia, le 21 novembre 2016

Annonciateur de belles rencontres, le soleil a alimenté avec douceur ce weekend à Albi. Le festival des Œillades a accueilli, à une journée de faire sa révérence, une pléiade de vedettes dont une légende vivante du cinéma français, Jean-Louis Trintignant. Autant vous dire que la journée a été riche en émotions.

À l'heure du petit-déjeuner, nous avons eu le plaisir de rencontrer l'équipe de Il a déjà tes yeux de Lucien Jean-Baptiste, et même si nous n'avons pas été transportés par cette comédie, nous sommes forcés de constater que son réalisateur et son actrice sont adorables, drôles et qu'il fût terriblement plaisant d'échanger quelques mots avec eux.

La bonne humeur de Lucien Jean-Baptiste et Aïssa Maïga

Un jour Ryan Gosling a confié qu'il ne voudrait pas jouer dans un film qu'il réalise afin de se concentrer uniquement sur ses acteurs. Nous avons donc posé la question à Lucien Jean-Baptiste qui lui s'en est donné à cœur joie (ou presque). «C'est difficile de gérer les autres et soi-même, mais si j'ai un conseil à donner à Ryan Gosling, c'est de bien préparer son personnage au préalable et de s'entourer d'une équipe capable de se donner à 150% ...mais aussi de se reposer (rires) !» En interview, Aïssa Maïga et Lucien Jean-Baptiste sont aussi complices qu'à l'écran. D'ailleurs que l'actrice (prochainement sur France 2 dans une saga policière) a qualifié le tournage de «meilleur tournage de» sa vie. «Je rentrais chez moi, toute heureuse de ce tournage, c'était comme si j'étais dans une colonie de vacances!»

Après avoir communiqué leur enthousiasme et leur bonne humeur, le pas léger mais un peu stressé nous a mené à la conférence de presse de Jean-Louis Trintignant.

Trintignant, le sage conteur

Lorsqu'un monstre sacré comme Trintignant arrive à Albi, on ne peut que s'incliner et applaudir. C'est ce que toute l'assemblée a fait avant que l'acteur ne se mette à nous applaudir aussi. Modeste (un peu trop vu son talent), drôle, sage et lumineux, l'acteur de Un homme et une femme et de Z s'est livré avec passion à nous, à nos confrères et à quelques chanceux présents durant sa Masterclass que l'on n'oubliera pas.

L'acteur confie qu'il est devenu franc avec l'âge et, qu'à présent, il dit ce qu'il pense, ce qui permet un entretien magistral à graver dans la roche. Pour son film coup de cœur au festival francophone d'Albi , il a choisit Asphalte de Samuel Bencherit car pour lui "nous sommes sur terre pour essayer de construire quelque chose ensemble" et c'est ce que ce film semble montrer avec fougue et son casting 5 étoiles. Il ajoute qu'il avait le goût du drame auparavant mais que dorénavant, "il faut raconter les choses avec légèreté." "On ne va pas au cinéma pour voir les erreurs de la vie." Réalisateurs, réalisatrices, prenez notes!

Comme à Écran Noir on aime la poésie, on lui a parlé de l'une de ses passions, ce qui lui a donné l'envie de réciter un poème. C'est ainsi que de sa voix rauque, il illumina la salle d'Albi de quelques vers du poète du XIXe siècle, Jules Laforgue.

Trintignant, le monstre sacré

Nous lui avons demandé ce qu'était un bon acteur... Il a rit : "C'est quelqu'un qui a de la chance parce qu'il y en a beau coup qui pourrait être bien mais, on ne sait pas pourquoi, ils sont bien mais ça ne marche pas. Franchement le cinéma c'est un truc vraiment à part. On a une présence au cinéma ou pas. Il y a des très bons acteurs comme un vieux de mon âge, Robert Hirsch. Il a fait un ou deux films mais ça n'accroche pas alors qu'il est très bien au théâtre. Mais alors pourquoi ça n'accroche pas au cinéma ? Moi c'est un peu le contraire. Je crois que je suis meilleur au théâtre parce que je ne me suis jamais vu alors qu'au cinéma on se voit et pourtant je ne sais pas...ça marche bien au cinéma. Moi je préfère faire du théâtre."

Alors on lui pose la question: "dans les années 70, en haut de l'affiche il y avait vous, Delon et Belmondo, qu'est-ce qui vous différenciait de ces deux autres acteurs?" Et il répond humblement: "Enfin il y avait surtout eux, moi je n'ai jamais été une vedette. Mais pour répondre et bien je ne sais pas... tout d'abord j'étais assoiffé de notoriété. Pour être une vedette il faut se penser vedette, il faut penser que ce que l'on fait est supérieur aux autres moi je n'ai jamais pensé ça. Je trouvais Alain Delon plus beau que moi et je trouvais Belmondo meilleur comédien...maintenant...moins (rires)."<

Trintignant à Cannes l'an prochain

Malgré sa modestie, Jean-Louis Trintignant a eu des succès à la pelle. Il affectionne évidemment Un homme et une femme, qui célèbre ses 50 ans cette années: "Parce que ça a été le film français qui a fait le plus de recette dans le monde. Cela a été formidable surtout que c'est un petit film: au départ on était 5 en tous techniciens compris. Et puis il y a eu Ma nuit chez Maud et Le Conformiste".

Non l'acteur n'arrêtera pas malgré ce qu'il veut bien laisser croire. Il veut revenir sur les planches très bientôt et vient de terminer le nouveau film de Michael Haneke. "Je ne fais pas grand chose mais j'ai fait un autre film avec Haneke l'été dernier qui va sortir en octobre et qui va à Cannes au mois de mai je crois. Cela se passe à Calais, on a tout tourné à Calais et c'est l'hisoire d'une famille bourgeoise qui a construit le tunnel sous la manche. Cela se passe à Calais maintenant avec les migrants et le rapport avec cette famille bourgeoise c'est que leurs problèmes stupides de fric ou d'adultère sont en même temps que ceux des migrants qui tentent de survivre. Je joue le patriarche. C'est très beau mais peut-être que ça ne sera pas bien, je ne sais pas."

A jamais et Orpheline

Après cet entretien partagé, nous nous sommes dirigés vers les salles obscures pour le prochain film de Benoît Jacquot, À jamais. Le film, inspiré du roman de Don DeLillo, raconte la traversée schizophrène de son héroïne (Julia Roy, magistrale et un brin Natalie Portman dans Black Swan) qui tente de faire le deuil de l'homme de sa vie. Nous aurions pu être séduits (en particulier grâce à l'actrice) mais les scènes qui s'enchaînent et l'atmosphère pesante ont eu raison de notre dévotion. Dommage.

Nous avons enchaîné avec Orpheline d'Arnaud Des Paillières, un film dérangeant, déceva,t et à la limite du porno/pédophile qui file la nausée. Malgré le casting , on se sent vite mal à l'aise devant ces scènes de sexe crues et glauques qui jaillissent à tout va et sans aucune raison: on a envie de s'arracher les yeux devant les gros plans sur les fesses et les tétons de ces quatre actrices principales (oui, il les a mis à poil les quatre, comme quoi il fallait être réalisateur messieurs) et on a envie de se jeter sous un train devant une intrigue en puzzle qui se veut étonnante mais qui est incompréhensible.

La prostate de Trintignant

Dieu merci Trintignant et sa bonne humeur nous ont exorcisé de ces deux films. Venu présenté le film Z de Costa Gavras, ce grand monsieur s'est installé dans la salle au milieu de tous afin de revoir le film qu'il n'a pas vu depuis 1970. Puis il s'est prêté au jeu des questions-réponses, avec le public cette fois, avant de faire une pause: "je veux faire pipi, je reviens, permettez-moi".
Quelques photos et puis s'en va. La présence de Trintignant aura été l'événement de cette 20ème année du festival des Œillades. Un beau cadeau mutuel (le festival le mérite) dont nous avons pleinement profité. Nous n'oublierons pas et nous y penserons jusqu'à l'année prochaine.

Les Œillades 2016: le Diable est partout

Posté par cynthia, le 19 novembre 2016

Alors que le Festival des Œillades d'Albi a démarré sur les chapeaux de roues cette semaine, il se poursuit avec un grand bol d'air de jeunesse. Les 20 ans du festival se fêtent avec les jeunes, la réflexion et le rire, mais pas seulement. En une journée on aura navigué entre les enfers, l'Arctique et une cité de banlieue. On sera passé du charme envoûtant au délire dégoûtant, d'une belle fable à une comédie stéréotypée, de l'émancipation des femmes au racisme ordinaire.

Après un petit petit-déjeuner devant Ma vie de Courgette (l'un de nos coups de cœur de l'année et déjà 500000 spectateurs dans les salles), c'est un autre film d'animation qui a ouvert la cinquième journée du Festival. La jeune fille sans mains, de Sébastien Laudenbach, est une libre adaptation du conte angoissant des Frères Grimm. Véritable découverte, ce choc visuel n'aurait jamais pu voir le jour sans le cran et la passion de son réalisateur/dessinateur. Une jeune fille se voit offrir au diable par son père contre de l'or. Le Diable la veut sale: son père l'oblige alors à ne plus se laver et en vient à lui couper les mains (trop propre aux yeux du mal). Plein de métaphores telles que l'émancipation sexuelle, parentale et mentale de la femme, La jeune fille sans mains est une plongée dans la modernité. Violent, touchant et parfois très érotique, ce film s'inspire du dessin et des estampes asiatiques. De la première minute et jusqu'à la dernière, il noie le spectateur avec violence et douceur dans un tableau animé de couleurs et de formes laissant planer le mystère en soulevant des tas de questions et d'interprétations possibles: une véritable fable philosophique animée. Sortie le 14 décembre.

Nous avons poursuivi notre voyage avec Le Voyage au Groënland, présenté à l'ACID en mai dernier, d'un de nos chouchous, Sébastien Betbeder. Il s'agit de l'épopée de deux loseurs parisiens dans le froid du Groenland. Thomas et Thomas sont les deux meilleurs amis du monde. Comme tous meilleurs amis ils décident de se faire des vacances ensemble mais pas n'importe où; au Groenland. La raison? Le papa du premier Thomas a logé domicile dans ce lieu enneigé. Si les quarante premières minutes nous captivent et nous font rire aux éclats, le reste du film plombe l'ambiance avec des scènes trop longues et cette volonté trop voyante du "je veux faire vibrer la corde sensible du spectateur". Les scènes finissent par s'enchaîner tel un documentaire de Nat Geo Wild au point de devoir supporter l'abattage d'un ours polaire et le dépeçage d'un phoque (Brigitte Bardot vient de se suicider avec une boîte de Doliprane. On aurait voulu l'aider mais comme on a fait la même chose...). Végétariens et cinéphiles vous êtes prévenus. Sortie le 30 novembre.

Après avoir eu l'estomac dans le crâne, notre cerveau s'est fait la malle très très loin devant le Il a déjà tes yeux de Lucien Jean-Baptiste. Un couple noir adopte un enfant blanc et c'est parti pour le film le plus stéréotypé de la sélection. Entre les blagues sur les noirs, les juifs, les gays, les musulmans, les clichés de cité, le personnage de Zabou Breitman raciste au look de Nanny Mcphee et le personnage gros lourd qui se veut drôle (Vincent Elbaz, tristement pas drôle dans le rôle du meilleur pote du héros), nous étions plus accablés que mort de rire. Un genre de Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu? inversé légèrement trop prévisible pour séduire. Dommage que la seule scène intelligente entre une fille et son père qui essaye de le rendre tolérant à travers un magnifique discours, ne dure que 2 minutes. Sortie le 18 janvier 2017.

Après une telle journée où le mal s'invite là où ne l'attend pas forcément, il nous tarde de revenir au grande cinéma, avec un certain Jean-Louis Trintignant.

Jean-Louis Trintignant à l’honneur des 20e Œillades d’Albi

Posté par cynthia, le 7 novembre 2016

A moins d'une semaine de son ouverture, le 20e Festival des Œillades d'Albi (14 au 20 novembre) a dévoilé la majeure partie de sa programmation. Avant de vous faire vivre de l'intérieur ce festival que nous affectionnons fortement, on fait le point sur les temps forts qui vous attendent.

Cette année, Albi s'ouvrira avec Cessez-le-feu de Emmanuel Courcol. Ce film conte l'histoire de Marcel, invalide de guerre, qui tente d'apprendre le langage des signes auprès d'une professeure. Ce drame réuni Romain Duris et Céline Sallette.

La programmation
La programmation de la 20e édition aura le plaisir d’accueillir monsieur Jean-Louis Trintignant pour un hommage à se monstre sacré. Il accompagnera trois de ses films: Le Dix-septième ciel de Serge Korber (1966) , Z de Costa-Gavras (1969) et Asphalte de Samuel Benchetrit (2015).

Pourtant si la légende est à l'honneur, ce sera la jeunesse qui sera mise en avant avec les rétrospectives du sublime Divines de Uda Benyamina et du captivant Ma vie de courgette de Claude Barras, qui fera l'objet d'analyse de la part les collégiens du Tarn.

Outre la jeunesse, le rire sera à l'honneur avec des rencontres autour du comique et du burlesque des pionniers de la comédie tels Jacques Tati (avec une projo de Jour de fête) et le récemment disparu Pierre Etaix, mais aussi des prestations à propos des grandes figures du comique racontées par les enfants de Louis de Funès et Francis Blanche. Les films Cigarettes et chocolat de Sophie Reine, Venise sous la neige de Elliott Covrigaru et Il a déjà tes yeux de Lucien Jean-Baptiste détendront les zygomatiques des spectateurs.

Enfin, dans le cadre du mois du documentaire, trois films de Sébastien Lifshitz - Les invisibles, César du meilleur documentaire, Les Vies de Thérèse, Queer Palm 2016, et Bambi - seront projetés.

Au total, 34 longs-métrages francophones (fictions et documentaires) dont 24 en avant-premières seront présentés.

Avant-premières
Outre Cessez-le-feu, de nombreuses avant-premières seront présentées aux festivaliers: le très attendu Orpheline ' Arnaud des Paillières avec son casting glamour et sexy composé d'Adèle Haenel, Adèle Exachopoulos et la sublime Gemma Arterton. Mais aussi Corniche Kennedy de Dominique Cabrera, nouvelle adaptation d'un roman de Maylis de Kerangal, avec Lola Creton et Aïssa Maïga, ou encore Les mauvaise herbes du québécois Louis Bélanger, avec Alexis Martin, Gilles Renaud, Luc Picard. On pourra aussi voir 54 de Yan England, qui a brillé au Festival du film francophone de Namur, A jamais de Benoît Jacquot, Dans la forêt de Gilles Marchand, Le Voyage au Groenland de Sébastien Betbeder et le longuement attendu Paris pieds nus de Fiona Gordon et Dominique Abel.

Albi 2015 : les Oeillades sous le signe de l’émotion

Posté par cynthia, le 27 novembre 2015

Du 17 au 22 novembre dernier a eu lieu la 19e édition du film francophone d'Albi (les Oeillades). Encore sous le choc des attentats de Paris, cette semaine de cinéma made in France nous a secoués, et a pas mal humidifié nos rétines... Retour sur une semaine riche en émotions !

Tout commence par un discours... celui du représentant du Festival, Claude Martin, qui ouvre le bal de cette nouvelle édition avec les mots justes. Il confie tout d'abord qu'il s'agit de la première fois que le festival commence par un concert de musique de films, celui de l'orchestre de New Orleans Fiesta. Il ajoute que c'est aussi une soirée «particulière parce que cette soirée, cette manifestation dans son ensemble est ternie par les évènements que vous savez. Je ne vous cache pas que les conditions sont telles que ce festival est déjà amputé d’un grand nombre de participants et notamment scolaires (nous perdons là plus de 1200 scolaires qui étaient la fierté de notre festival).»

En effet, les scolaires n'ont pu assister ni aux projections, ni au festival en raison des mesures de sécurité prises par l'État. Claude Martin ajoute avec émotion que «n'ayant pas l’envie de faire un discours traditionnel d’ouverture, je me contenterai au nom des organisateurs de ce festival, de dédier notre Festival aux victimes des attentats de Paris du 13 novembre, mais aussi de Charlie Hebdo. Ironie de l’histoire, nous projetons jeudi 19, un documentaire intitulé l’humour à mort de Daniel et Emmanuel Leconte, dédié à toutes ces victimes.» Le documentaire des Leconte a d'ailleurs été présenté en avant-première (il est prévu en salles le 16 décembre) au festival d'Albi, sous bonne garde, puisque des vigiles inspectaient chaque spectateur à l'entrée.

«Le cinéma colle souvent à l’actualité, confie Claude Martin. Justement, au nom de toutes ces victimes qui aimaient la vie, nous avons pensé que notre devoir était de maintenir ce Festival, la vie culturelle dans notre ville, notre département, notre pays. Certes nous le ferons plus solennellement, sans faire la fête, mais nous le ferons. La démocratie est à ce prix. Nous sommes en guerre contre de grands malades qui agissent cachés… on se doit de rester debout et bien visibles. Le cinéma doit sans doute divertir, mais il doit aussi avertir. Un réalisateur doit plus aider les gens à se "tourner vers" qu'à se "détourner" comme le dit Cédric Klapisch. Il ne doit pas "endormir", mais donner à voir, informer, éveiller la curiosité. Nous continuerons à défendre ce cinéma qui ouvre les yeux des gens pour mieux lutter contre ceux qui veulent nous les faire fermer.» C'est d'ailleurs ainsi que s'est déroulée cette semaine de cinéma : bonne humeur (malgré tout), septième art, musique... le règne de la culture envers et contre tout (Dieu merci!).

Parce que le cinéma français n'a peur de rien...

Durant cette 19e édition, l'académie des Lumières composée de trois journalistes internationaux (Grazyna Arata pour la Pologne, Seamus McSwiney pour l'Irlande et Lisa Nesselson pour les USA) a décerné le Prix Lumière au film Peur de Rien de Danielle Arbid. Un hasard ? Peut-être pas... Non seulement il s'agit d'un film captivant mais il est aussi dans l'air du temps avec son héroïne libanaise et fraîchement débarquée à Paris dans les années 90, et qui va, tout en combattant les amalgames, découvrir la littérature, l'amour, la musique et le sexe à travers trois hommes de classes sociales différentes.

L'amour et le sexe étaient présents sous toutes les coutures cette semaine. Troublant dans le Marguerite et Julien de Valérie Donzelli (invitée d'honneur), injustement massacré au dernier Festival de Cannes, suggéré dans le doux Goût des merveilles de Éric Besnard, dérangeant et plat dans Et ta sœur de Marion Vernoux, se voulant sensuel dans La Fille du Patron d'Olivier Loustau et enfin dénonciateur d'une société où tout va trop vite dans Bang Gang de Eva Husson (véritable petit chef-d'œuvre).

Dénonciateur, c'est ce qu'a été également le documentaire L'humour à mort de Daniel et Patrice Leconte. Retraçant les attentats tragiques de Charlie Hebdo et de l'Hyper casher de Vincennes, et entrecoupé par des images d'archives, il nous plonge dans l'enfer du 7 janvier et redonne vie l'espace d'un film aux grands disparus du magazine. Les mouchoirs sont bien utiles pendant la séance.

Nous pouvons en dire autant avec Arrêtez-moi là de Gilles Bannier où Reda Kateb montre une nouvelle fois l'étendue de son talent à l'écran... pas étonnant que Hollywood ait posé un œil sur lui (Zero Dark Thirty, Lost River...). Présent pour le film, l'acteur n'a pourtant pas la grosse tête... bien au contraire. Reda Ketab est discret, gentil et rougit lorsqu'on le complimente sur son jeu d'acteur : «oh merci, c'est très gentil ça !».

Autres personnalités à avoir fait vibrer notre cœur, Valérie Donzelli (simple, drôle, cultivée et belle avec ça), Christa Theret (timide et douce) ou encore Grégoire Ludig (tordant et attentionné).

Véritable détecteur de talent et de stars du septième art, les Oeillades d'Albi c'est un peu le jumeau français de Deauville, la simplicité en plus.

Festival d’Albi: d’Annie Cordy à Guy Georges, tour d’horizon de la sélection

Posté par cynthia, le 24 novembre 2014

Le 18ème festival des Œillades ou festival du film francophone d'Albi s'est achevé ce weekend. On y était et on a aimé. Retour sur ces quelques jours riches en émotions.

Une mamie stylée et une fille indécise

Au premier jour, le dogme était placée sous le signe des destins et de la jeunesse. Les souvenirs de Jean-Paul Rouve continue sa tournée des festivals. Annie Cordy joue les mamies en pleine rébellion depuis que son fils (Michel Blanc) l'a mise en maison de retraite et ça nous a remué les entrailles. Ajoutons à ça une excellente prestance pour le jeune Michel Spinosi et vous obtenez l'un des coups de cœur du festival. L'humour du romancier David Foenkinos évite le mélo et permet à chacun de retrouver une seconde jeunesse... Le film sort le 15 janvier dans les salles.

Après avoir dévoré de succulent petits four, on nous a offert en plat de résistance le plombant Mon amie Victoria de Jean-Paul Civeyrac. L'histoire d'une jeune fille qui ne sait pas vraiment ce qu'elle veut dans la vie. Sortir avec Thomas ou son frère? N'en faire qu'à sa tête? Le film aurait pu être intéressant sans la voix off monotone et somnolente qui nous conte l'histoire comme une professeur de latin sous antidépresseur.

Quand la musique guide nos pas

Au deuxième jour, le mot d'ordre du festival était la musique. On a commencé par la douce claque d'Alix Delaporte avec Le dernier coup de marteau. Ou comment un jeune adolescent va découvrir la musique classique à travers un père tout juste retrouvé. Un film tendre et mélodieux à l'inverse du suivant qui n'est autre que l'immense Whiplash du francophone Damien Chazelle. Grand prix du dernier festival de Deauville mais aussi prix du public, Grand prix à Sundance, prix du meilleur film selon le magazine Elle, bref, on ne présente plus ce monstre cinématographique qui vous étourdira dès le 24 décembre prochain dans les salles.

Difficile de briller face à lui me direz-vous et pourtant le Baby Balloon de Stefan Liberski a tout de même scintillé dans les salles obscures d'Albi. L'histoire d'une jeune rockeuse en surpoids qui tente de s'imposer. Le film belge est sorti en juillet dernier. Un peu trop sage pour être rock, mais assez pop pour séduire.

Rébellions

Parce qu'il n'y a pas qu'Annie Cordy qui s'est rebellée durant le festival, Raja Amari est venue nous présenter Printemps Tunisien, qui revient sur la révolte tunisienne de 2010. Le film, qui nous a laissé sans voix, sera en diffusion le 18 décembre en exclusivité sur Arte. Drôle, triste et ravageur.

Autre réussite inattendue, le dernier film de Louis-Julien Petit avec sa comédie sociale Discount. Il nous a ému et nous a pris aux tripes. L'histoire de ces caissiers devenus des Robin des bois de la nourriture ne laisse pas de marbre dans cette société de surconsommation.

Ovnis et chocs

La 18ème édition s'est achevée par un véritable ovni cinématographique, Vincent n'a pas d'écailles de Thomas Salvador, et un choc en plein coeur, L'affaire SK1 de Frédéric Tellier.

Le premier est l'histoire d'un homme sans histoire qui voit sa force décupler au contact de l'eau. Il tente tant bien que mal de vivre normalement. Un petit Hulk à sa façon sans effets spéciaux ni costume en cuir moulant, Vincent est le super-héros de campagne qu'on attendait pas. Ce qu'on n'attendait pas non plus c'était la grosse peur qui nous tenaillait après la projection de L'affaire SK1. L'histoire vraie de la plus grande traque des années 90, celle du violeur Guy Georges.