Les reprises de l’été: Dennis Hopper, Blake Edwards et Nicolo Ferrari
The Last Movie (Director's Cut) de Dennis Hopper (1971)
L'histoire: Une équipe de cinéma est venue tourner un western dans un village péruvien niché dans les Andes. Une fois le film terminé, tous les Américains s’en vont, à l’exception de Kansas, l’un des cascadeurs, qui souhaite prendre du recul vis-à-vis d’Hollywood et s’installer dans la région avec Maria, une ancienne prostituée. Les choses dégénèrent lorsque les habitants décident de tourner leur propre film : les caméras, les perches et les projecteurs sont faux, mais la violence qu’ils mettent en scène est elle bien réelle. Kansas va se retrouver héros malgré lui de cette « fiction »…
Pourquoi il faut le voir? Après le succès d'Easy Rider en 1969; Dennis Hopper se lance dans une production beaucoup plus ambitieuse, qui sera récompensée au Festival de Venise, mais qui connaîtra un fiasco commercial suffisamment énorme pour que le comédien ne tourne plus pendant 9 ans. Universal avait laissé le "Final Cut" au cinéaste. Désorientés par le film, les pontes du studio ont abandonné la distribution et tous les droits du film, qu'ils ont cédé au réalisateur, qui ne peut tirer que quelques copies pour le présenter dans des festivals. Film rare, c'est ici la version originale qui ressort. Avec 40 heures de rush, il lui avait fallu une année pour monter son film. C'est aussi ici qu'on voit pour la première fois Jris Jristofferson. Et on remarque la présence de Samuel Fuller dans l'un des rôles principaux. Le film maudit n'est pas un chef d'œuvre mais son côté expérimental, chaotique, violent, confus et les splendides paysages péruviens, peuvent aussi être vius comme une mise en abyme d'une Amérique et d'un Cinéma condamnés à l'extinction.
The Party de Blake Edwards (1968)
L'histoire: Hrundi V. Bakshi est figurant d'une importante production hollywoodienne. Mais il met un temps inifini à mourir sous les balles de l'ennemi, ce qui provoque l'ire du réalisateur. A la fin de la séquence, la production se met en place pour l'explosion d'un décor imposant : un fort reconstitué. Mais ce serait sans compter le lacet d'Hrundi. celui-ci le refait en appuyant son pied sur le déclencheur de dynamite. Le fort explose sans qu'on ait pu tourner une seconde de film. Il est viré.
Le cinéaste appelle son producteur et lui demande de ne plus jamais employer ce maladroit. Celui-ci lui promet et note son nom sur un bout de papier, que sa secrétaire va prendre pour le patronyme d'un invité oublié à sa fameuse party.
Pourquoi il faut le voir? "Film quasi expérimental (y compris dans sa réalisation), il s'agit sans doute d'un délire les plus fous et les plus absurdes du 7ème art". Ainsi commence notre critique du film, excellent antidépresseur dopé par un Peter Sellers prodigieux. Là aussi il s'agit d'une destruction de cinéma (juste le décor) et d'un cataclysme qui cause gags et farces cultes. Blake Edwards est à son top avec cette comédie démente qui parodie Antonioni et copie Tati. Contrairement aux drôleries de l'époque, celle-ci se base sur un humour où l'image vaut milles répliques (même si certaines sont cultissimes). Improvisées et filmées en plans séquences, les scènes s'emboitent ainsi dans un grand capharnaüm, pour ne pas dire un joyeux bordel dévastateur. The Party est devenue au fil des années une référence, sans doute aussi la quintessence du génie de Sellers (avec Dr Folamour). De nombreux sketches ou films font référence à un des ingrédients de ce cocktail explosif de la comédie américaine.
Laura nue de Nicolo Ferrari (1961)
L'histoire: Laura, belle et jeune Italienne, épouse Franco pour se plier aux convenances. Très vite, elle s'ennuie dans son ménage et, n'éprouvant aucun amour pour son mari, va chercher le bonheur auprès d'autres hommes. C'est ainsi qu'elle rencontre Marco, un jeune professeur qui devient rapidement son amant...
Pourquoi il faut le voir? La version restaurée de ce film permet aussi de découvrir un cinéaste, âgé de 90 ans aujourd'hui, oublié du cinéma italien. A l'époque, Laura nue avait subit les critiques virulentes de l'église catholique face à ce portrait de femme plutôt politique. Outre la beauté de Giorgia Moll (Le Mépris de Godard, deux ans plus tard), on remarque avant tout son personnage qui hésite à rentrer dans l'âge adulte (autrement dit, mariage, maternité etc...), malgré un petit ami bellissimo (Nino Castelnuovo, amoureux transi de Deneuve dans Les parapluies de Cherbourg trois ans plus tard). Si elle se marie logiquement avec lui, elle devra se confronter à un dilemme, en rencontrant un autre bello ragazzo (Tomas Milian, qu'on verra aussi bien chez Antonioni, Bertolucci, Audiard, Reed, et The Last Movie de Dennis Hopper), dont elle devient la maîtresse. On comprend que ce ne soit pas très catholique. Mais c'est en fait sublimement sensible et assez sensuel. Nicolo Ferrari met ainsi en face à face une société conventionnelle ennuyeuse et une liberté amoureuse stérile, l'amour et le désir, l'émancipation féminine et l'indépendance sexuelle. C'est finalement un regard sur une détresse existentielle, si on voit au delà des plans fortement érotisants de l'héroïne.
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