Remember John Singleton (1968-2019)

Posté par vincy, le 29 avril 2019


John Daniel Singleton, né le 6 janvier 1968, est mort ce 29 avril à l'âge de 51 ans des suites d'un AVC. Il était tombé dans le coma il y a une dizaine de jours.

Il avait émergé dans la planète cinéma avec Boyz N the Hood en 1991, après des études de cinéma à USC, lauréat de trois bourses d'écritures. En filmant la jeunesse d'un ghetto de Los Angeles, avec Laurence Fishburne, Cuba Gooding Jr. et le rappeur Ice Cube, il devient le "Spike Lee" californien. Le film connaît un beau succès et Singleton est nommé comme meilleur réalisateur et meilleur scénariste aux Oscars. L'année suivante, il met en scène Eddie Murphy, alors star planétaire, dans un clip de Michael Jackson, "Remember the Time". Fan de musique, ses films ont toujours une bande originale très soignée.

Malheureusement, ce début en fanfare s'accompagne de deux mauvais films par la suite, Poetic Justice, avec Janet Jackson, Tupac Shakur et Regina King, et Higher Learning, parabole du vivre ensemble. Il poursuit son parcours avec un film historique de 2h20, Rosewood, histoire vraie d'un massacre d'Afro-américains en Floride dans les années 1920. Ving Rhames, Don Cheadle, John Voight sont au générique.

Mais c'est avec Shaft, reboote de la saga des années 1970, qu'il connaît à nouveau le succès (70M$). Le film d'action, avec Samuel L. Jackson et Christian Bale, trouve son public, même si aucune suite n'aura lieu. Trop irrégulier (le film suivant, Baby Boy fait un flop malgré un Léopard d'or à Locarno), le réalisateur s'évertue quand même, dans tous les genres, à dessiner le destin de héros noirs dans une Amérique dépeinte comme fracturée socialement, financièrement.

En 2003, il signe 2 Fast 2 Furious, de loin son plus gros carton (240M$ dans le monde), et son plus gros budget. Cela dilue un peu plus son savoir-faire dans des films de commande. Idem pour le suivant, Four Brothers (avec Mark Wahlberg en tête d'un casting comprenant Tyrese Gibson, Garrett Hedlund, Terrence Howard, Josh Charles, Chiwetel Ejiofor et Taraji P. Henson) Malgré sa violence, le film encaisse 74M$ aux USA. En reniant sa force - le portrait des afro-américains dans un monde dominé par les blancs -  il se fourvoie avec Identité secrète, thriller paranoïaque avec Taylor Lautner, Lily Collins, Alfred Molina, Maria Bello, Jason Isaacs et Sigourney Weaver.

Si au cinéma, le brillant Singleton n'a jamais trouvé de quoi faire sa place, ça n'a pas été le cas à la télévision pour laquelle il a créé, produit, scénarisé et en partie réalisé Snowfall. Il a également réalisé des épisodes d'Empire, American Cime Story et Billions.

Il a toujours critiqué les studios de ne pas laisser les réalisateurs noirs mettre en scène des blockbusters et de ne pas produire des films racontant l'histoire des noirs, mais il a aussi craint une forme d'homogénéisation et de banalisation dictées par le système. Autrefois cinéaste culte avec son regard si singulier sur sa communauté, tenant d'apporter une autre vision des choses, il est devenu un faiseur brillant, qui n'a jamais pu ou su trouver sa place, en cherchant à démontrer qu'un réalisateur noir pouvait être aussi bankable que les autres.

Cannes 2019: le jury de la compétition au complet

Posté par vincy, le 29 avril 2019

Deux mois après la révélation du président du jury - le cinéaste mexicain Alejandro G. Inarritu - Pierre Lescure et Thierry Frémaux révèle le jury de la compétition du 72e Festival de Cannes, qui débutera dans un peu plus de deux semaines. "Le Jury de Cannes est invité à voir des films réalisés parmi les plus grands cinéastes de l’époque – c’est encore le cas cette année. Toutes celles et ceux qui figurent en compétition doivent aussi se savoir regardés par de grands artistes – c’est également le cas !" expliquent-ils.

Avouons que c'est un jury paritaire et cosmopolite poids lourd.

- Elle Fanning. L'actrice américaine connaît bien son Président puisqu'elle a tourné pour lui dans Babel, en compétition à Cannes. Elle est venue sur la Croisette en 2016 avec The Neon Demon de Nicolas Winding Refn puis l’année suivante avec Les Proies de Sofia Coppola.

- Maimouna N’Diaye. Actrice et réalisatrice du Burkina Faso, lauréate au FESPACO et Trophées francophones en 2015 pour son rôle dans L’Œil du Cyclone de Sékou Traoré, Maimouna N’Diaye a débuté chez Otar Iosseliani dans La chasse aux papillons (1992) et chez Michel Ocelot à qui elle prête sa voix dans Kirikou (1996). . Elle a réalisé des documentaires comme Warbassanga (1998) et Tranches de Vie.

- Kelly Reichardt. On l'attendait en compétition avec son nouveau film, First Cow, mais il est toujours en post-production. La réalisatrice, scénariste et monteuse américaine s'est faîte connaître avec des films singuliers et parfois radicaux. Avec Wendy et Lucy, elle est sélectionnée à Un Certain Regard en 2008. Son dernier long métrage Certaines Femmes a été projeté en avant-première au Festival du Film de Sundance en 2016.

- Alice Rohrwacher. Chouchou du Festival, la scénariste et cinéaste italienne a été révélée à la Quinzaine des Réalisateurs en 2011 avec Corpo celeste. Trois ans plus tard, elle revient à Cannes, cette fois en Compétition, avecLes Merveilles (Le Meraviglie), et remporte Grand Prix du jury. À nouveau en Compétition avec son dernier film Heureux comme Lazzaro (Lazzaro Felice), elle repart avec le Prix du Scénario en 2018.

- Enki Bilal. Un auteur de bandes-dessinées connu dans le monde entier, entre SF et dystopie, mais aussi un cinéaste. L'auteur de Bug, sa plus récente série, numéro 1 des ventes et bientôt en série TV pour France 2, est exposé partout, du Louvre à la Chine. Il a aussi réalisé trois films: Bunker Palace Hotel (1989) Tykho Moon (1996) et Immortel, ad vitam (2004).

- Robin Campillo. On se souvient tous de l'effet 120 battements par minute à Cannes il y a deux ans. Le cinéaste, qui a commencé en écrivant et montant les films de Laurent Cantet, dont Entre les murs, Palme d'or en 2008, a plongé dans le grand bain en réalisant son premier long métrage Les Revenants en 2004. En 2013, Eastern Boys est présenté à Venise. Puis c'est le sacre 120BPM, en Compétition, et Grand Prix du jury. Avant d'être césarisé l'année suivante. Campillo prépare son nouveau film actuellement.

- Yorgos Lanthimos. Nommé quatre fois aux Oscars, Yorgos Lanthimos est un cinéaste grec. Son deuxième lon, Canine,a reçu le Prix Un Certain Regard au 62e Festival de Cannes avant d’être nommé aux Oscars dans la catégorie Meilleur Film en langue étrangère. Puis vint, The Lobster, sen compétition, et finalement le Prix du Jury avant d'être nommé pour l’Oscar du Meilleur Scénario. De nouveau en Compétition en 2017 avec Mise à mort du cerf sacré, il est distingué par le Prix du Scénario. Cette année, La Favorite, Grand prix à Venise, a reçu dix nominations aux Oscars, dont Meilleur Film et Meilleur Réalisateur, a valu l’Oscar de la Meilleure Actrice à Olivia Colman pour sa performance.

- Pawel Pawlikowski est un autre cinéaste européen qui a connu un beau parcours aux Oscars. Son dernier film Cold War, prix de la mise en scène à Cannes l'an dernier, a été nommé trois fois pour le Meilleur Réalisateur, la Meilleure Photographie et le Meilleur Film en langue étrangère. L'Oscar du meilleur Film en langue étrangère, il l'avait obtenu avec Ida (2015). Il avait débuté avec des documentaires et s'était fait connaître au début des années 2000 avec My Summer of Love.

Avengers Endgame et Game of Thrones: la collapsologie fait un carton

Posté par redaction, le 29 avril 2019

Avengers Endgamea tué le jeu. 350 millions de $ au box office nord-américain, record absolu, 1,2 milliards de $ au total dans le monde, du jamais vu. Aux Etats-Unis, en trois jours et un soir, le film se classe déjà 50e du box office historique, 203e si on ajuste le dollar à l'inflation au niveau de Twilight : New Moon et de Comment se débarrasser de son patron?. Au niveau mondial, c'est la 18e recette la plus importante, grâce notamment à un score monstrueux en Chine (300M$). Il a fracassé tous les records pour un week-end d'ouverture. Le film a déjà battu le score final de Captain America: Civil War, égalisant même celui d'Iron Man 3. En France, Avengers a attiré 2,8 millions de spectateurs en 5 jours, soit le 6e meilleur démarrage de l'histoire et le plus important depuis 2008.

On observe le même carton avec la série Game of Thrones, dont la 8e saison annonce l'épilogue. Elle a démarré aux USA avec 17,4 millions de téléspectateurs lors de son lancement mi-avril, là encore un record. En sept saisons, la saga avait multiplié par cinq son audience. La progression se poursuit. Et on ne compte pas le téléchargement illégal, alors que GOT reste la série la plus piratée du monde.

On écrit dans notre critique d'Avengers: Endgame: "De ce mois d’avril 2019, on ne retiendra que l’ultime saison de Game Of Thrones côté séries. Mais côté cinéma, on ne saurait faire plus incontournable qu’Avengers : Endgame. Peut-être parce que dans les deux cas, il y aura un avant et un après."

C'est très clair. mais surtout, les deux "achèvements" de ces méga-franchises traduisent deux tendances sociologiques plus profondes.

Les deux histoires, jouant avec les mythes, racontent finalement l'effondrement du monde. Dans Game of Thrones, cela passe par une multitude de morts, dont aucun héros n'est à l'abri. Environ 400 personnages quittent le monde des vivants. Les stars sont souvent plus protégée, autrement dit essentiellement ceux qui sont apparus au début de la série, mais on sait que personne n'est immortel, pas même les nobles.

Chez les super-héros de Marvel, c'est la moitié d'entre eux qui a disparu à la fin d'Avengers: Infinity War. La sélection guerrière de GOT est remplacée ici par une volonté d'assainir le cosmos de son surplus démographique, désastreux pour l'équilibre économique, social et écologique. Si on savait déjà que certains allaient ressurgir d'outre-tombe, il n'empêche que la théorie de Thanos était bien similaire à celle de la bataille de Winterfell: l'espèce est menacée.

Les deux grandes sagas de l'année, de la décennie même, illustrent finalement la théorie de l'effondrement, ou collapsologie, décrite dans un livre écrit par Pablo Servigne et Raphaël Stevens au printemps 2015. Notre monde va dans le mur: le chaos est proche et l'humanité est menacée d'extinction. Ce discours est évidemment simplifié dans les deux récits chevaleresques, mais il rencontre un écho inconscient chez les spectateurs, qui s'identifient très bien à cet enjeu apocalyptique, bien plus qu'à une guerre nucléaire ou extra-terrestre. On reproche d'ailleurs souvent l'aspect sombre des scènes les plus spectaculaires, l'obscurité étant un facteur dramaturgique.

This is the End

A cela s'est ajouté une montée en puissance des deux franchises en terme de narration. Les spectateurs adorent les conclusions: celles qui sont définitives, quitte à renaître autrement. La finalité des choses, comme la mort l'est avec la vie, a son importance. Comme lorsqu'on lit un livre qu'on adore, on sait que la frustration peut-être là, mais on est satisfait d'avoir terminé l'histoire. En annonçant leurs adieux, les Avengers et Game of Thrones ont capitalisé sur une fanbase conquise d'avance et prête pour les accompagner ... jusqu'à la mort."Part of the journey is the end" rappelle Iron Man dans le film.

Il n'y a rien de pire qu'une franchise ou une série qui ne sait pas se terminer à temps. On l'a vu avec Harry Potter (apothéose réussie, spin-off moins convaincants), les Pirates des Caraïbes et Transformers (sans fin, et perdant leurs publics), Le seigneur des anneaux (qui se suffisait à lui-même, sans décevoir avec Le Hobbit), ou encore Shrek et L'âge de glace qui, au-delà du troisième épisode, perdaient de leur intérêt.

Ou alors il faut savoir se réinventer, comme Star Wars, qui a sur rebondir après une deuxième trilogie trop opportuniste et moins performante. Pour Marvel, c'est le moment de se renouveler avec les Eternels, Black Widow, Shang-Chi, Docteur Strange, Black Panther, les Gardiens de la Galaxie et Captain Marvel. Pour HBO, il s'agir d'explorer la mythologie de Game of Thrones en allant dans le passé, en amont de l'histoire. Une histoire sans fin définitive, finalement, un peu à la manière des mangas.

Mais, en rappelant que tout bonheur a un but (et un épilogue), et que personne n'est immortel, les Avengers comme Game of Thrones nous rappellent que la vie est courte et aléatoire. Mais aussi que le monde autour de nous est peut-être en train de s'effondrer. Bizarrement, tout le monde le sait, mais personne ne veut être spoilé.