[2019 dans le rétro] Les 50 films qu’il fallait voir en 2019 (1/5)

Posté par redaction, le 26 décembre 2019

Un grand voyage vers la nuit de Bi Gan

Le deuxième long métrage du cinéaste chinois Bi Gan est une expérience sensorielle et métaphysique rare qui nous emmène sur les traces d’une femme autrefois aimée et disparue, aux confins des souvenirs et des rêves. Le trip le plus planant et existentiel de l'année, qui allie beauté formelle et recherche cinématographique pure.

Ne coupez pas! (One cut of the dead - Kamera o Tomeru na!), de Shinichiro Ueda

On observe parfois un phénomène du type The Blair witch project : un petit film inattendu au mini budget qui est tellement surprenant qu’il en devient visible dans les salles du monde entier tout en rapportant des millions de dollars… C’est ce qui s’est passé avec le japonais ‘Ne coupez pas!’ qui va devenir cultissime. Sa production semble amateur autant pour la mise-en-scène que l’interprétation mais cela renforce une certaine authenticité de vérité, et progressivement on découvre le hors-champs avec le vrai et le faux qui se confondent de manière très élaborée. Un joli tour de farce et attrape qui joue avec à la fois avec les codes du cinéma de genre et la grammaire du cinéma tout court, pour au final une réjouissante comédie.

Glass de M. Night Shyamalan

Deux ans après Split, M. Night Shyamalan conclut sa trilogie sur des super-héros avec un panache absolument déconcertant. En installant Bruce Willis en force tranquille et James McAvoy en acteur tout-terrain, le réalisateur d’Incassable et Split permet à Samuel L. Jackson de briller par sa folie douce tout en nous en mettant plein les yeux. Particulièrement doué, il a fait perdre la tête à la Toile. Complexe, hitchcockien et bourré de rebondissements, Glass est un des must-see de l'année.

Le Daim de Quentin Dupieux

Film d’ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs 2019, Le Daim était sans doute la parfaite synthèse de cette sélection parallèle : une liberté de ton, des prises de risques et des acteurs à contre-emploi. En engageant Jean Dujardin et Adèle Haenel pour incarner un duo de nobody obsédé par une veste en daim (qui parle !), le réalisateur d’Au poste a sans doute signé ici son meilleur film. Une comédie romanesque et résolument absurde !

C’est ça l’amour de Claire Burger

Primé à Venise puis aux Arcs, ce premier film en solo de la co-réalisatrice de Party Girl (Caméra d'or à Cannes) est d'une éblouissante sincérité. En suivant cet homme déboussolé par le départ de sa femme et devant apprendre à vivre avec leur deux filles adolescentes, Claire Burger nous fait vibrer, rire, pleurer, s’énerver avec des personnages qui nous ressemblent, englués dans des vies qui pourraient être les nôtres, avec une authenticité qui rabat les cartes des jeux de l'amour et du hasard.

Dieu existe, son nom est Petrunya de Teona Strugar Mitevska

Avec ses dialogues incisifs, son personnage haut en couleurs, et son propos sévère sur le pays, Dieu existe, son nom est Petrunya s'avère une comédie grinçante et irrévérencieuse qui propose un portrait au vitriol de la société macédonienne misogyne et craintivement inféodée à l'Eglise. On y découvre en prime l'un des personnages les plus enthousiasmants de l'année, Petrunyia, jeune trentenaire nihiliste et désabusée qui tient brillamment tête aux différents représentants du patriarcat, et affirme haut et fort la nécessité, pour son pays, d'entrer de plein pied dans la modernité.

Joker de Todd Phillips

Cet homme fragile qui se donne une autre image de lui même, dissimule son étrangeté derrière une autre apparence. Joaquin Phoenix utilise son corps avec une démarche tantôt claudicante ou dansante selon la tristesse ou la frénésie du moment, et surtout son visage et ses yeux qui traduisent, en plus de ses dialogues, un langage décryptant sa folie. Une performance impressionnante. Le film est une spirale infernale vers la psychose, et c’est aussi un énorme succès inattendu à cette hauteur (1 milliard au box-office) : iconique, inquiétant, flamboyant… Et Lion d'or à Venise. De quoi, enfin, redorer le blason cinématographique des super-héros.

Deux moi de Cédric Klapisch

Cédric Klapisch vient-il de signer son meilleur film ? C’est la question que l’on est en droit de se poser après avoir vu Deux moi, comédie dramatique sur deux trentenaires victimes de solitude à Paris. Résolument optimiste et humain, le film réconcilie les Parisiens avec les Provinciaux (terme ici utilisé sans aucun mépris). En montrant l’envers du quotidien de ceux qui vivent dans des métropoles et sont hyper-connectés, Deux moi est une belle piqûre de rappel : il convient d'apprécier chaque minute de sa journée et de savourer les moindres rencontres que le hasard crée. Ana Girardot et François Civil sont particulièrement touchants tandis que Camille Cottin, Eye Haïdara et Pierre Niney signent des apparitions inoubliables !

La Favorite de Yorgos Lanthimos

Même s'il s'agissait pour nous d'un film de l'année précédente, c'est bien une œuvre sortie en 2019, couronnée aux Oscars et aux European Film Awards. Une allégorie aux allures historiques et pourtant terriblement contemporaine. Un jeu de pouvoir entre trois femmes dont on retient le sacre d'Olivia Colman. La perversion dans les dialogues, la lumière froide et presque crépusculaire, la mise en scène stylisée et le soin apporté aux décors, tout rappelle La règle du jeu de Renoir et Barry Lyndon de Kubrick. On ressort fasciné par cette vision d'une élite aussi oisive que monstrueuse, où l'esprit est aussi cruel que dans les Liaisons dangereuses. Un formidable portrait de la décadence.

Les Misérables de Ladj Ly

La merveille de Montfermeil. En signant un premier film aux influences résolument américaines, notamment ce film à la John Carpenter, Ladj Ly a donné un autre regard sur la "banlieue", avec ce dialogue impossible entre les habitants et la police, sur fond de communautarisme et de république en voie de désintégration. Une impasse où le vivre ensemble parait un souvenir du passé. Avec une absence de manichéisme nécessaire pour son propos, et ce désir de comprendre plus que de juger, Les Misérables est devenu un film indispensable sur notre société, comme un miroir aux conflits qui la traversent depuis une vingtaine d'années. Cette violence sourde entre les laissés pour compte d'un système à cran et les garants de la protection qui ne savent pas y répondre autrement qu'en entretenant ces nerfs à vif. Un insoutenable cercle vicieux qui laisse K.O.