César 2020: « Les Misérables » triomphe

Posté par vincy, le 28 février 2020

Florence Foresti a ouvert cette cérémonie pas comme les autres, avec Tchéky Karyo, qui ne s'est pas "rasé depuis Nikita". La 45e cérémonie des "connards, euh des César" a commencé avec un film court où elle parodie le Joker, personnage qui, rappelons-le, tente de faire rire en se croyant fait pour le stand-up.

Comme quoi le cinéma américain est toujours plus inspirant pour les ouvertures de cette soirée annuelle. Mais il fallait bien chauffer la salle depuis que ces César étaient menacés de gel. "Ça va la diversité? Vous vous êtes crus à la MJC de Bobigny. ici, c'est l'élite, on dégage".  Une polémique de moins. "Je suis très heureuse d'être là... enfin non... je suis très courageuse. Elle a bien choisi son année pour revenir la Foresti", balance-t-elle. "On est sur du rire bio".

Brillante, évidemment, elle s'est moquée de l'époque avec son autodérision habituelle (blackface et salut nazi): "Il semblerait que je sois blanche, hétéro, d'héritage chrétien. C'est pas grave!" Mais évidemment on l'attendait sur J'accuse -" douze moments où on va avoir un souci". Et elle s'en est bien sortie, avouons-le. Piquant avec humour Céline Sciamma et son équipe à 80% féminine, loin des objectifs du collectif 50/50. Du coronavirus à la bite de Benjamin Griveaux, toute l'actu y est passée pendant la cérémonie. Jusqu'à se payer l'Académie: "Y a plus de patron, c'est pas une intérim qui va m'arrêter". Jusqu'à rencontrer Isabelle Adjani dans un sketch filmé. Rappelons que Foresti avait fait il y a 5 ans une parodie de la star qui est devenue culte. Et Adjani de jouer les fausses folles, reprenant ainsi le sketch télévisuel de Foresti.

Sandrine Kiberlain a alors ouvert la soirée en tant que présidente. "Heureuse et touchée" d'être présidente de cette cérémonie, "la dernière d'une époque, la première d'une nouvelle", elle a pesé chacun de ses mots et clamé un discours résolument féministe. Un discours très social aussi  "Je crois profondément aux vertus de la crise" affirme-t-elle, citant Victor Hugo, mai 68, mais aussi des films oubliés par les nominations comme Les invisibles, C'est ça l'amour et Tu mérites un amour. Classe.

Moins convaincants, les discours des remettants, trop insistants, maladroits, parfois lourds ou plombants (on ne le dira jamais assez: l'écriture est le parent pauvre du cinéma), ou alors complètement insipides. Dommage parce que ça allait dans le bon sens de l'inclusion et de la diversité. Au final, beaucoup d'intermèdes étaient trop longs et assez vains. Il a fallu attendre deux heures et demi pour passer aux catégories reines. Imaginez notre supplice. Heureusement, il y a eu le bel hommage à Agnès Varda, en chanson, en voix et en images.

La diversité, l'égalité et la mixité étaient pourtant sur scène, notamment avec beaucoup de femmes lauréates (y compris dans les métiers techniques). Les remettants, bien sûr, mais aussi du côté des lauréats avec la belle double victoire Papicha. Ce n'est pas la seule réalisatrice couronnée puisque Yolande Zauberman a été primée côté documentaires, succédant à Agnès Varda et Mélanie Laurent dans cette catégorie essentiellement masculine. Et le court métrage a récompensé une co-réalisatrice (Lauriane Escaffre).
Avec sa nouvelle règle, le César du public a échappé à Qu'est-ce qu'on a encore fait au bon Dieu?, champion du box office, au profit des Misérables de Ladj Ly.

C'est une fois de plus le festival de Cannes qui cartonne avec J'ai perdu mon corps, La belle époque, Roubaix une lumière, Portrait de la jeune fille en feu, Parasite, Alice et le maire, Les Misérables et Papicha parmi les vainqueurs. Il n'y a pas eu de vrais perdants parmi les multi-nommés. C'est même plutôt un palmarès plutôt équilibré. Et de Roschdy Zem à Anaïs Demoustier en passant par Fanny Ardant et Swann Arlaud, les remerciements étaient beaux, les prix mérités.

Mais c'est bien Roman Polanski, récompensé personnellement par deux César dont celui de la réalisation, qui aura fait un bras d'honneur à tous.  On aurait tellement aimé, pour le symbole, que Céline Sciamma, soit distinguée. Les professionnels ont finalement fait de la résistance en séparant l'homme de l'artiste. Mais c'est quand même une provocation ce César pour Polanski (certes pas le premier). Un "symbole mauvais" comme anticipait le ministre de la Cuture. Adèle Haenel en a quitté la salle. Elle qui a tout bousculé, ouvert la voie, donner de la voix aux femmes, aura finalement été humiliée par les votants de l'Académie. D'autres personnes, dont Céline Sciamma, la suivent en criant "Quelle honte !". Un silence glacial paralyse la salle. Florence Foresti balance un "écoeurée" sur Instagram.

Heureusement, le seul vainqueur est un premier film venue de la banlieue, métissé et certes très masculin. Les Misérables, et son petit budget, a été récompensé quatre fois et sacré par le prix meilleur film. Le cinéma français, terre de contrastes et de contradictions...

Palmarès

César du meilleur film : Les Misérables
César de la meilleure réalisation : Roman Polanski pour J'accuse
César du meilleur premier film : Papicha de Mounia Meddour
César du film d'animation (long métrage) : J'ai perdu mon corps de Jérémy Clapin
César du film d'animation (court métrage) : La nuit des sacs plastiques de Gabriel Harel
César du meilleur film documentaire : M de Yolande Zauberman
César du meilleur court métrage : Pile poil de Lauriane Escaffre et Yvonnick Muller
César du public : Les Misérables
César du meilleur film étranger : Parasite de Bong Joon-ho

César de la meilleure actrice : Anaïs Demoustier dans Alice et le maire
César du meilleur acteur : Roschdy Zem dans Roubaix, une lumière
César du meilleur second-rôle féminin : Fanny Ardant dans La belle époque
César du meilleur second-rôle masculin : Swann Arlaud dans Grâce à Dieu
César du meilleur espoir féminin: Lyna Khoudri dans Papicha
César du meilleur espoir masculin: Alexis Manenti dans Les Misérables

César du meilleur scénario original : Nicolas Bedos pour La belle époque
César de la meilleure adaptation: Roman Polanski et Robert Harris pour J'accuse, d'après le roman D. de Robert Harris
César de la meilleure musique : Dan Levy pour J'ai perdu mon corps
César de la meilleure photo : Claire Mathon pour Portrait de la jeune fille en feu
César du meilleur montage : Flora Volpelière pour Les Misérables
César des meilleurs décors: Stéphane Rozenbaum pour La belle époque
César des meilleurs costumes: Pascaline Chavanne pour J'accuse
César du meilleur son : Nicolas Cantin, Thomas Desjonquières, Raphaël Mouterde, Olivier Goinard et Randy Thom pour Le Chant du loup

César 2020 : de Polanski à Sciamma

Posté par kristofy, le 28 février 2020

Pas de César d'honneur. Un réalisateur révolté contre un changement de règle (Philippe de Chauveron, qui concoure pour le César du public) et qui décide de boycotter la soirée. Des polémiques à foison du côté des révélations, des finances, des règlements. Une présidente intérimaire tout juste nommée. Une humoriste qui a de quoi ne pas se louper. Une présidente - Sandrine Kiberlain - piégée dans la pire année. Une diffusion en différé pour éviter les couacs en direct. Les César sont trainés dans la boue depuis deux mois. Année zéro ou année de transition: les révélations sur la cuisine des César ont fini par nous en désintéresser.

J'accuse absent de la salle Pleyel

Mais le ministre de la Culture, Franck Riester, a remis une pièce dans le juke-box hier. Un peu tard pour influencer les votes, autant dire inutile, il a déclaré qu'un César pour Roman Polanski serait un "symbole mauvais". Ispo Facto, Alan Goldman, producteur de J'accuse, de Roman Polanski, en tête avec 12 nominations, a déclaré cette après midi qu'aucun membre de l'équipe du film ne viendrait ce soir. Après tout, pourquoi aller à une soirée où on va se faire conspuer, même si les professionnels de la profession ont voté pour que J'accuse apparaisse dans 12 catégories...

Petit rappel. Voici la présentation de l'Académie des César : « La gloire vient à un film de cinéma de trois manières : par le plaisir du public (les entrées en salles, les achats vidéo, les audiences télévisées), par les faveurs de la critique (les médias et les festivals), et par la reconnaissance des professionnels de l’industrie cinématographique (les Académies nationales de cinéma). L’Académie des Arts et Techniques du Cinéma, usuellement appelée l’Académie des César, est l'institution qui, en France, organise cette troisième voie de distinction cinématographique, dédiée aux films et aux personnes qui les font. Elle est composée de plus de 4700 membres qui vont chaque année distinguer par leurs votes les artistes, les techniciens et les films qui leur ont paru les plus remarquables, en leur décernant un trophée appelé "César". »

Recevoir des nominations ou recevoir un César est bel est bien une récompense qui symbolise la reconnaissance des professionnels de l’industrie cinématographique pour une oeuvre ou l'un des membres qui y a participé.

C'est donc uniquement cette reconnaissance qui est mise en lumière ce soir, alors que les César sont trainés dans la boue depuis deux mois.

Nominations légitimes?

Les 12 nominations pour le film J'accuse de Roman Polanski ont pour seule valeur de saluer le travail artistique réalisé sur ce film, et ces nominations concernent la musique, les décors, les costumes, les acteurs... Ainsi il n'y a pas du tout 12 nominations pour Polanski. En fait, il y en a seulement 3 (meilleur réalisateur, meilleur adaptation pour le scénario partagée avec le romancier Robert Harris, et meilleur film partagée avec le producteur Alain Goldman). Il n'y a donc qu'une seule nomination qui concerne pleinement Roman Polanski, celle de meilleur réalisateur. Et vu le contexte, on parierait presque que le film reparte bredouille.

Et cette nomination n'est pas absurde. Son film J'accuse a déjà été récompensé deux fois : Un grand prix du jury au Festival de Venise, avec une présidente du jury féministe argentine, et un Prix Lumières décerné par la presse internationale dans la catégorie réalisateur. Ni tribunal, ni défenseur de l'ordre moral, les César n'ont pas vocation à envoyer un message particulier hormis saluer un talent artistique pour une œuvre spécifique.

L'avis d'Adèle

Les nominations aux César de J'accuse sont indépendantes du passé judiciaire de Roman Polanski, mais c'est pourtant la cause de la polémique actuelle. Les violences faites aux femmes en écho au mouvement #MeToo aux Etats-Unis se cristallisent en France, en particulier par les différentes prises de parole de l'actrice Adèle Haenel.

Elle s'est exprimée sur le sujet, sur son expérience personnelle (avec un autre réalisateur mis en cause) à trois moments.

Octobre 2019 : le film J'accuse de Roman Polanski est projeté au festival de La Roche-sur-Yon. Invitée à la manifestation, Adèle Haenel demande à y organiser un débat sur 'la culture du viol' et sur la notion de 'différence entre l'homme et l'artiste' pour accompagner la séance.

Novembre 2019 : Adèle Haenel livre un témoignage de son expérience (sur le site Mediapart) et provoque un débat national. « Les monstres ça n'existe pas. C'est notre société. C'est nous, nos amis, nos pères. Il faut regarder ça. On n'est pas là pour les éliminer, mais pour les faire changer » dit-elle à propos du viol.

Février 2020 : Adèle Haenel radicalise son propos dans une interview au New York Times avec cette sortie liée aux César « Distinguer Polanski, c’est cracher au visage de toutes les victimes. Ça veut dire, ‘ce n’est pas si grave de violer des femmes’ ».

Il y a certes plein de choses à revoir et cela est déjà en cours de réflexion avec une nouvelle direction et des nouveaux statuts pour l'Académie des César: les règles et accès aux nominations, les oublis incompréhensibles qu'il faut éviter, le manque de diversité, le choix du César d'honneur, des catégories à revoir (animation, film étranger), etc...

Mais cette année, soyons objectifs, il y a eu principalement quatre films français qui ont été reconnus pour leur impact en France et à l'international : Grâce à Dieu de François Ozon, Grand prix à Berlin; Portrait de la jeune fille en feu de Céline Siamma (avec donc Adèle Haenel), prix du scénario à Cannes; Les Misérables de Ladj Ly, prix du jury à Cannes; et J'accuse de Roman Polanski, Grand prix du jury à Venise.

Ethique variable

C'est logique que ces films aient autant de nominations (respectivement 8, 10, 11 et 12) dans la plupart des catégories artistiques. Le casier judiciaire de Roman Polanski et celui de Ladj Ly deviennent pour certains un motif de protestation contre ces nominations : une 'bonne moralité' devrait-elle être exigée avant une reconnaissance d'un travail artistique sur un film ? Si le critère du casier judiciaire est retenu, on pourrait alors en inventorier d'autres : domiciliation fiscale hors de France, consommation de drogue, opération de chirurgie esthétique, contrat publicitaire avec une marque de luxe qui pollue et exploite des enfants ailleurs dans le monde..., et il n'y aurait plus beaucoup d'actrices et d'acteurs qui pourraient alors recevoir une nomination !

Est-ce que l’avenir des César est d'exclure des gens (Polanski comme d’autres) sur des critères de moralité ? Le défi est bel et bien celui d'une meilleure inclusion et d'une meilleure représentativité des femmes et autres minorités (le racisme et l'homophobie sont aussi des sujets à évoquer) dans le cinéma français. Bref, les César gagneraient à rendre visible les invisibles. En cela, les tribunes, prises de paroles qui vont dans ce sens sont le bienvenues. Et les protestations qui auront lieu le 28 février en dehors et dans la salle Pleyel ne sont pas à moquer.

Mais on espère que ce qui rassemblera un jour ces familles du cinéma fracturées sera plus artistique que politique. Si les César déçoivent c'est avant tout pour le manque d'audace des votants à choisir des films moins formatés.

Portraits de la jeune fille en feu et de la jeune fille et la mort

Ainsi on imaginerait bien une rencontre autour du 7e art entre Céline Siamma et Roman Polanski. À travers des personnages féminins forts dans les films de Roman Polanski (Repulsion, Rosemary's baby, Tess, La jeune fille et la mort, qui d'ailleurs forment une condamnation de l'acte de viol et parlent de ce traumatisme), il y a une discussion à avoir sur la représentation de la femme à l'écran.

La dernière séquence de Portrait de la jeune fille en feu de Céline Siamma montre Noémie Merlant dans une salle de spectacle qui observe en hauteur Adèle Haenel qu'elle avait aimée, un regard lourd de sens puisque ici les convenances de la société patriarcale ont gagné contre elles (le féminisme a perdu, temporairement).

La dernière séquence qui termine La jeune fille et la mort de Roman Polanski est identique : Sigourney Weaver dans une salle spectacle observe en hauteur Ben Kingsley, qui avait reconnu l'avoir violée et torturée. Un regard lourd de sens puisque ici elle ne s’est pas vengée en tuant son bourreau ni en détruisant sa famille (#MeToo nait en fait dans ce film de Polanski).

Etonnant mais vrai, Céline Sciamma a donc mis en scène une fin de film de la même manière que Roman Polanski 20 ans avant elle : il y a déjà une amorce de dialogue de cinéma entre eux. Ce qui n'empêche pas d'avoir sa propre opinion sur le réalisateur. Le reste, et Adèle Haenel l'a très bien compris, est une affaire de justice. Quiconque est accusé doit être jugé et pouvoir se défendre. C'est un Etat de droit. Ce n'est pas l'Académie des César.

César 2020: J’accuse, Les Misérables, La belle époque et Portrait de la jeune fille en feu en tête des nominations

Posté par vincy, le 29 janvier 2020

Florence Foresti sera la maîtresse de la 45e cérémonie des César, qui aura lieu le 28 février à la salle Pleyel et sera retransmise en direct et en clair sur Canal+. Sandrine Kiberlain présidera la cérémonie. Et l'affiche rend hommage à Anna Karina.

Les favoris des prochains César sont quatre : 12 nominations pour J'accuse, 11 ex aequo pour Les misérables et La belle époque et 10 pour Portrait de la jeune fille en feu. Notons quand même que Grâce à Dieu et Hors Normes cumulent 8 nominations et Roubaix, une lumière 7. Autant dire qu'il faut s'attendre à un palmarès façon puzzle, sans véritable vainqueur au final.

Meilleur film
La belle époque
Grâce à Dieu
Hors normes
J'accuse
Les misérables
Portrait de la jeune fille en feu
Roubaix, une lumière

Meilleure réalisation
Nicolas Bedos - La belle époque
François Ozon - Grâce à Dieu
Eric Tolédano, Olivier Nakache - Hors normes
Roman Polanski - J'accuse
Ladj Ly - Les misérables
Céline Sciamma - Portrait de la jeune fille en feu
Arnaud Desplechin - Roubaix, une lumière

Meilleure actrice
Anais Demoustier dans Alice et le maire
Eva Green dans Proxima
Adèle Haenel dans Portrait de la jeune fille en feu
Noémie Merlant dans Portrait de la jeune fille en feu
Doria Tillier dans La belle époque
Karin Viard dans Chanson douce
Chiara Mastroinanni dans Chambre 212

Meilleur acteur
Daniel Auteuil dans La belle époque
Damien Bonnard dans Les misérables
Vincent Cassel dans Hors normes
Jean Dujardin dans J'accuse
Reda Kateb dans Hors normes
Melvil Poupaud dans Grâce à Dieu
Roschdy Zem dans Roubaix, une lumière

Meilleure actrice dans un second rôle
Fanny Ardant  dans La belle époque
Josiane Balasko dans Grâce à Dieu
Laure Calamy dans Seules les bêtes
Sara Forestier dans Roubaix une lumière
Hélène Vincent dans Hors normes

Meilleur acteur dans un second rôle
Swann Arlaud dans Grâce à dieu
Grégory Gadebois dans J'accuse
Louis Garrel dans J'accuse
Benjamin Lavernhe dans Mon inconnue
Denis Ménochet dans Grâce à dieu

Meilleur espoir féminin
Céleste Brunnquell dans Les Eblouis
Lyna Khoudri dans Papicha
Luàna Bajrami dans Portrait de la jeune fille en feu
Nina Meurisse dans Camille
Mama Sané dans Atlantique

Meilleur espoir masculin
Anthony Bajon dans Au nom de la terre
Benjamin Lesieur Hors normes
Alexis Manenti Les misérables
Liam Pierron La vie scolaire
Djebril Zonga Les misérables

Meilleur premier film
Atlantique de Mati Diop
Au nom de la terre de Edouard Bergeon
Le chant du loup d'Antonin Baudry
Les misérables de Ladj Ly
Papicha de Mounia Meddour

Meilleur film étranger
Douleur et gloire de Pedro Almodovar
Le jeune Admed de Jean-Pierre et Luc Dardenne
Joker de Todd Philips
Lola vers la mer de Laurent Micheli
Once upon a time in Hollywood de Quentin Tarantino
Parasite de Bong Joon-Ho
Le traitre de Marco Bellocchio

Meilleur film documentaire
68, mon père et les cloux de Samuel Biguiaoui
La cordillière des songes de Patricio Guzman
Lourdes de Thierr Demaizière et Alban Teurlay
M de Yolande Zauberman
Wonder boy Olivier Rousteing, né sous X de Anissa Bonnefont

Meilleur film d'animation

Long métrage animation
La fameuse Invasion des ours en Sicile de Lorenzo Mattotti
Les Hirondelles de Kaboul de Zabou Breitman et Eléa Gobbé-Mévellec
J’ai perdu mon corps de Jérémy Clapin

Court métrage animation

Ce magnifique gâteau
Je sors acheter des cigarettes
Make it soul
La nuit des sacs plastiques

Meilleur court métrage
Chien bleu de Fanny Liatard, Jérémy Trouilh
Beautiful loser de Maxime Roy
Le chant d'Ahmed de Foued Mansour
Netfa football club de Yves Piat
Pile poil de Lauriane Escaffre, Yvonnick Muller

Meilleur scénario original
Céline Sciamma pour Portrait de la jeune fille en feu
François Ozon pour Grâce à Dieu
Nicolas Bedos pour La belle époque
Eric Tolédano, Olivier Nakache pour Hors normes
Ladj Ly, Giordano Gederlini, Alexis Manenti pour Les misérables

Meilleure adaptation
Costa Gavras - Adults in the room
Roman Polanski, Robert Harris - J'accuse
Jérémy Clapin, Guillaume Laurant - J'ai perdu mon corps
Arnaud Desplechin, Léa Mysius - Roubaix une lumière
Dominik Moll, Gilles Marchand - Seules les bêtes

Meilleure musique originale
Alexandre Desplat pour J'accuse
Fatima Al Qadiri pour Atlantique
Dan Lévy pour J'ai perdu mon corps
Marco Casanova, Kim chapiron pour Les misérables
Grégoire Hetzel pour Roubaix, une lumière

Meilleure image
Nicolas Bolduc pour La Belle époque
Pawel Edelman pour J'accuse
Julien Poupard pour Les Misérables
Claire Mathon pour Portrait de la jeune fille en feu
Irina Lubtchansky pour Roubaix, une lumière

Meilleur montage
La belle époque
Grâce à dieu
Hors normes
J'accuse
Les misérables

Meilleur son
La belle époque
Le chant du loup
J'accuse
Les misérables
Portrait de la jeune fille en feu

Meilleurs costumes
La belle époque
Edmond
J'accuse
Jeanne
Portrait de la jeune fille en feu

Meilleurs décors
La belle époque
Le chant du loup
Edmond
J’accuse
Portrait de la jeune fille en feu

[2019 dans le rétro] Les 50 films qu’il fallait voir en 2019 (5/5)

Posté par redaction, le 30 décembre 2019

La vie invisible d’Euridice Gusmao de Karim Aïnouz

Du Brésil, il y a eu ce mélodrame romanesque superbe, primé à Un certain regard à Cannes. L'histoire de deux sœurs que le destin sépare. L'une conservera son rang, dans la bourgeoisie, tout en poursuivant un rêve de plus en plus inaccessible. L'autre sera reniée, et devra se refaire une famille, déclassée parmi les pauvres. Ce tableau du Brésil des années 1950 est aussi un magnifique portrait de femmes mais surtout une belle esquisse à la condition de la femme dans un pays sexiste et machiste. On en ressort bouleversé.

Only You de Harry Wootliff

La plupart des films romantiques se focalisent sur la rencontre ou sur la séparation. Plus rares sont ceux qui se polarisent sur l'entre deux. L’anglaise Harry Wootliff signe la plus émouvante histoire d’amour de l’année à propos des aléas qui fragilisent un couple qui cherche à se construire. Only You se développe d'abord comme une tendre comédie romantique autour d'une différence d'âge (la femme a presque 10 ans de plus que l’homme), puis il évolue vers len drame intime, avec un désir d'enfant qui ne peut être comblé, tout cela avec en plus les influences de leur entourage... Présenté aux Festival de Dinard et de Cabourg, il a été doublement recompense aux British Independent Film Awards. Le film vibre d’autant plus fort qu’il réunit Laia Costa et Josh O'Connor, définitivement parmi les grands de sa génération.

The Lighthouse de Robert Eggers

On savait le réalisateur de The Witch talentueux mais rien ne nous préparait à la claque que fût son second long-métrage. Centré sur les péripéties de deux gardiens de phare coincés sur une île des plus mystérieuses dans la Nouvelle-Angleterre du XIXe siècle, The Lighthouse est un puzzle absolument impossible à reconstituer. Une œuvre qui hante pendant des semaines tant ses plans troublent la rétine. D’un Willem Dafoe en transe grâce à la lumière du phare et un Robert Pattinson sexuellement obsédé par une sirène, The Lighthouse n’a laissé personne indifférent sur la Croisette. Certains ont adoré les plans complètement WTF quand d’autres sont restés bloqués sur cette bande son angoissante. Dans tous les cas, il s’agit d’un grand film sublimé par un noir et blanc savamment utilisé et un duo d’acteurs au sommet.

Ville neuve de Félix Dufour-laperrière

"On est seulement en juin, et Ville neuve est déjà le plus beau film de l’année" écrivions-nous au moment de sa sortie. On est en décembre, et (pour au moins l'une d'entre nous) c'est toujours le cas. Parce que le premier long métrage de Félix Dufour-laperrière, libéré des contraintes narratives ou esthétiques traditionnelles, expérimente en toute liberté pour nous proposer un film vertigineux de beauté dans lequel cohabitent les espaces du rêve, du souvenir, de l’espoir, du collectif et de l’intime.

So long my son de Wang Xiaoshuai

Fresque historique à la fois intime et tragique, So long my son raconte la grande histoire de la Chine sur plusieurs décennies à travers le destin de trois couples liés par une profonde amitié depuis l’époque de la Révolution culturelle. Wang Xiaoshuai explore ainsi les thématiques liées à la culpabilité et à la résilience, et brosse le portrait sensible et attachant d'une poignée d'individus pris dans le vent de l'histoire. Ne dressant jamais les protagonistes les uns contre les autres, il met au contraire au jour les absurdités criminelles d'un système qui broie ses propres forces vives.

El reino de Rodrigo Sorogoyen

Le cinéma espagnol conserve son éclat dès qu'il s'agit de thriller. El Reino confirme le talent de de Rodrigo Sorogoyen comme scénariste et réalisateur, avec son protégé, le formidable Antonio de la Torre. Tous ripoux, cette mort (politique) aux trousses est une longue traque qui use des codes de la série pour nous tenir en haleine. La corruption mine la démocratie et l'innocence est relative. Entre sens de l'épate et quête de la vérité, ce film efficace est un plaisir coupable où le cinéaste semble s'amuser à jouer avec nos nerfs et ceux de ses personnages.

Tel Aviv on Fire de Sameh Zoabi

Une fois de plus, le cinéma du Proche-Orient flirte avec l'absurde pour notre plus grand plaisir. Acide et noir, ce film corrosif et humaniste tente l'impossible réconciliation entre deux pays en guerre, mariant l'humour et le suspens. Cette satire israélo-palestinienne se sert de son aspect "feel-good" pour délivrer un discours politique où chacun en prend pour son grade. C'est bien cette ironie mordante qui séduit.

Atlantique de Mati Diop

Polar ou film fantastique, étude sociologique ou tragédie romantique, Atlantique a été l'un des premiers films les plus remarquables de l'année, à la fois une histoire d’amour et d’émancipation, fable moderne sur l’immigration et sur les rapports de classe.
Mati Diop parvient ainsi à donner un visage, une histoire et même une forme de justice aux milliers de réfugiés qui reposent dans les fonds sous-marins, sans sépulture et sans oraison funèbre., tout en nous offrant une grande richesse narrative dans un Sénégal contemporain, loin des clichés sur l'Afrique.

J'accuse de Roman Polanski

Eloignons-nous de la polémique sur le réalisateur. J'accuse reste l'un des films importants de l'année. Grand prix du jury à Venise, ce thriller légaliste et historique autour de l'affaire Dreyfus est avant tout une dénonciation de l'antisémitisme culturellement ancré dans la France de l'époque et un décryptage de la montée de cet antisémitisme qui conduira à l'horreur de l'Holocauste. Loin du film d'époque engoncé, J'accuse oscille entre fatalisme historique et foi en l'homme, capable de résister au système au nom d'un combat juste.

Brooklyn affairs de Edward Norton

Mélange de classicisme hautement référence et de mise en scène moderne sans fioritures, cette fresque au service des exclus et des minorités est un des plus beaux films américains de l'année. Pas seulement par ce qu'il dénonce (la corruption, la paupérisation, l'exclusion), mais bien par ses méandres romanesques. Il ne s'agit pas seulement d'une investigation en eaux troubles. C'est aussi une très belle histoire d'amour, une ode au jazz, un hymne à New York, une déclaration à la résistance citoyenne. On n'en demandait pas temps et on regrette d'avance que ce film soit injustement oublié des palmarès de fin d'année.

[2019 dans le rétro] Les 50 films qu’il fallait voir en 2019 (3/5)

Posté par redaction, le 28 décembre 2019

It must be heaven d'Elia Suleiman

Qu'il est bon d'observer les absurdités du monde à travers le regard malicieusement distancié d'Elia Suleiman ! L'éternel Auguste du cinéma palestinien promène son mutisme mélancolique, son air perpétuellement impassible et son auto-dérision touchante de Nazareth à New-York, en passant par Paris, et constate avec résignation et humour que l'obsession pour la sécurité, la dictature des normes et les multiples aberrations du quotidien sont loin d'être l'apanage de la seule Palestine. Il n'y a probablement rien de mieux que son cinéma résolument poétique, visuel et burlesque pour dénoncer les violences en général et les exactions israéliennes en particulier.

Parasite de Bong Joon-ho

C’est la palme d’or inespérée du Festival de Cannes, suive ensuite d’un large succès inattendu (et mondial) : ce nouveau film de Bong Joon-ho est l'une des plus belles surprises de l’année. Ça ressemble à un film d'arnaque, mais c’est bien plus que ça : c’est aussi une affaire de famille, et un drame social. Cherchez l’intrus ! Parasite est une succession de rebondissements et d'escalade, où la misère est enfouie dans les sous-sols. Chaque nouvelle situation bouscule la précédente et rend imprévisible la suite, passant de la comédie au thriller. C’est un film à revoir pour être de nouveau soufflé par son brio. le diable se niche dans les détails. Ce coup de maître de Bong Joon-ho est virtuose et promis à rester l'un des films marquants de la décennie qui s'achève.

J’ai perdu mon corps de Jérémy Clapin

Un récit ténu et intime, à fleur de peau, qui convoque à la fois le cinéma de genre et le récit initiatique, pour une réflexion sur le destin qui n'est dénuée ni d'humour, ni de souffle épique. On se laisse porter par la mise en scène précise et inspirée de Jérémy Clapin qui parvient à rendre bouleversant un simple champ contre-champ entre un livreur de pizza et un interphone, et à donner vie, émotion et personnalité à une main coupée abandonnée à elle-même. Quant à la mélancolie sourde qui hante le récit, sublimée par la musique de Dan Levy, c'est celle des souvenirs et des regrets, ravivés par la nostalgie d’un temps révolu, et le désir indicible de trouver un jour sa place dans le monde.

Les invisibles

Ce succès en salles n'était pas forcément prévisible, lui non plus. Et osons-le dire, ce fut l'un des films français les plus intéressants de l'année, par son scénario, son interprétation et son sujet. La comédie sociale de Louis-Julien Petit, qui penche du côté des laissés pour compte et des marginaux, face à un Etat normatif et déshumanisé, est plus que réjouissante. En mélangeant réalité et fiction, en se mettant du côté des résistants qui tentent de construire des digues pour que certains retrouvent leur dignité, le réalisateur parvient à un équilibre parfait entre drame et comédie, avec des touches de mélo de temps en temps. Une sorte de coup de cœur qui réchauffe justement les cœurs et nous tend un miroir déculpabilisant sur l'horreur économique, tout en restant positif.

The Irishman de Martin Scorsese

En décidant de proposer son dernier film sur Netflix, Martin Scorsese pourrait bien avoir offert au géant du streaming (actuellement en danger) le film qu’il lui manquait dans son roaster. Véritable plongée dans le quotidien d’un vrai tueur à gages mêlé à des syndicats, The Irishman donne aux spectateurs une réelle leçon de cinéma. Pendant 3 heures et 29 minutes, Martin Scorsese filme en effet Robert De Niro comme il ne l’a jamais fait : avec la pudeur des amis de longue date, la franchise des collaborateurs réguliers et l’intelligence des grands cinéastes. Sur plusieurs décennies, Martin Scorsese montre en outre les motivations et les implications du crime organisé dans l’Amérique de l’après-guerre. La légende de 77 ans rassemble ses thèmes phares (crime, famille et foi) dans une oeuvre majeure qui ne manquera pas de faire du bruit aux prochains Oscars !

Mektoub My Love: Intermezzo de Abdellatif Kechiche

C’est l’intermède le plus long et le plus sidérant du cinéma français avec 3h30 de film dont 3h dans une boite de nuit, ça danse, ça se drague, ça se confie ... et ça lèche. La quête narrative absolutiste de Kechiche à capter le ‘vrai’ dans sa durée valorise particulièrement ses actrices qui jouent sans vraiment jouer. Au point de choquer le spectateur ou de le perturber hors de sa zone de confort. C’est le choc polémique de Cannes et de 2019, qui devrait sortir en salles prochainement, sans doute rmeixé, remanié, remonté. En attendant la 3ème partie de cette aventure Mektoub My Love. Une audace formelle absolument captivante, déroutante, rebutante, fascinante.

Bacurau de Juliano Dornelles et Kleber Mendonça Filho

Le cinéma brésilien est entré en résistance. Ce western SF est avant tout un pamphlet politique, dans un cadre presque apocalyptique, un décor de désolation où les pauvres sont menacés d'expropriation, d'exploitation et même d'extinction. A la violence sociale et l'autoritarisme qui règne, arbitraire et crue, les deux réalisateurs opposent la solidarité et la défiance par les armes. Puisque l'époque est sauvage, soyons-le. Cette parabole qui rappelle la trame d'Astérix contre les romains est à la fois un spectacle intimiste et un drame brutal et combattif. En jouant sur les sensations et en manipulant les genres, les deux brésiliens ne dissipent pas nos inquiétudes mais nous montrent qu'il ne faut jamais laisser les bras.

90’s de Jonah Hill

Chronique d’un jeune adolescent qui intègre un groupe de skaters un peu plus âgés que lui. Il va souvent observer et parfois partager leur mode de vie alternatif, évitant ainsi le morne quotidien des autres… Tout dans le film y compris sa mise en scène témoigne de ces années 90 qui ont vu grandir le héros (et l’acteur Jonah Hill devenu ici réalisateur inspiré) à travers différents passages initiatiques. 90’s est une restitution étonnante de l’époque, où on se découvre une possible autre famille avec plus de libertés, sans éviter les dangers. Car grandir a ses risques. Entre insouciance et inconscience, aspiration à couper le cordon et sécurité du refuge qu'est le foyer familial, ce film pas loin de Van Sant, est une fable harmonieuse sur la douleur, celle d'apprendre à être soi-même. Skateboarding is not a crime ?

Give Me Liberty de Kirill Mikhanovsky

Dès les premières minutes, Give Me Liberty déroute. Particulièrement bruyant et agité, le film de Kirill Mikhanovsky nous entraîne dans la ville de Milwaukee (et de manière générale l’Amérique profonde) des laissés-pour-compte : les immigrés, les malades, les handicapés, etc. Fait avec tout l’amour du réalisateur pour ses origines russes, Give Me Liberty mêle à la fois le film social, le drame familial et le documentaire politique. Porté par Chris Galust (une sacrée graine d’acteur) et Lauren ‘Lolo’ Spencer, le film présenté à la Quinzaine des Réalisateur fait rire et émeut par alternance pendant près de 2 heures. Un cinéaste à suivre. Que demander de plus ?

La vérité de Hirokazu Kore-eda

Généralement, les cinéastes étrangers venus filmer Paris et ses comédiens et comédiennes restent dans la carte postale et ses clichés. Sans doute parce que Catherine Deneuve a été l'inspiratrice et l'accompagnatrice du cinéaste japonais, Palme d'or 2018, cette nouvelle affaire de famille est une jolie réussite, gourmande, subtile, délicieuse. Evidemment, La vérité est un hymne à Deneuve, qui trouve ici l'un de ses plus grands rôles, à la fois elle-même tel qu'on se l'imagine, et une autre. En multipliant les références à sa filmographie et en s'amusant avec son image, avec quelques répliques vachardes dignes du théâtre comique français, le réalisateur lui fait un immense cadeau. Mais c'est aussi un film de Kore-eda, dans son ADN, avec cette famille de sang éclatée, cette famille de cinéma hypocrite, où finalement tous les masques vont tomber. Brillante allégorie où la vie et la fiction s'entremêlent jusqu'à ne plus distinguer l'émotion sincère de celle que l'on reproduit.

[2019 dans le rétro] Les 50 films qu’il fallait voir en 2019 (2/5)

Posté par redaction, le 27 décembre 2019

Être vivant et le savoir d'Alain Cavalier

Collage complexe de moments et de souvenirs, de tentatives minuscules de lutter contre l’ironie du sort, de mantras et de confidences à cœur ouvert, Etre vivant et le savoir est le portrait ténu de l'auteure Emmanuèle Bernheim, amie d'Alain Cavalier, qui est décédée alors qu'ils étaient en train d'écrire un film ensemble. A sa manière, faite de bribes et de fragments, le réalisateur conjure la mort, célèbre la vie et le cinéma, et empêche une nouvelle fois les disparus qui lui sont chers de disparaître tout à fait.

Tremblements de Jayro Bustamente

Alors que les thérapies de conversion sont de plus en plus contestées légalement, le cinéma s'en empare depuis quelques temps, avec des histoires fortes, souvent vraies. Cette fois-ci, cela ne se passe pas dans un pays occidental mais dans un Guatémala conservateur, catholique, avec un homme marié et père d'un certain âge, faisant partie de l'élite. Bouleversant, le film provoque un sentiment de révolte tant le procédé de "guérison" , entre secte et hypocrisie, est absurde et aberrant. Quand la société broie les destins au nom des convenances et de la morale, cela donne un spectacle où la purification et la castration d'un individu par les siens fait en effet trembler.

Crawl, de Alexandre Aja

Pour Quentin Tarantino c’est carrément son film préféré de 2019, c’était au moins un des films de cet été : un ouragan qui inonde les maisons, des gens coincés à l’intérieur avec l’eau qui monte de plus en plus et des alligators tout autour ! Le scénario de Crawl est certes basique mais efficace, tout l’intérêt du film est de découvrir comment les héros vont s’en sortir. Ce qui élève ‘Crawl’ est justement qu’il est réalisé sous haute tension par l’expert du genre Alexandre Aja : c’est un pur film de mise en scène qui joue avec la géographie d’un presque huis-clos d’une maison depuis la cave jusqu’au toit. Ce survival se double en même temps d’un drame familial entre l’héroïne Kaya Scodelario et son père Barry Pepper : deux interprètes très bons et plusieurs alligators très féroces, c’est bingo.

Et puis nous danserons de Levan Akin

Pour son troisième long-métrage, le réalisateur suédois Levan Akin s’est laissé porter par la terre de ses ancêtres, la Géorgie. Le résultat est sans appel. Bien plus qu’une histoire d’amour gay, Et puis nous danserons est un portrait d’homme d’aujourd’hui particulièrement fort. Dans une Géorgie toujours régie par l’homophobie, Merab pense s’épanouir grâce à l’amour sans vraiment réaliser que reconnaître ses sentiments et l’objet de son attirance n’est que le premier pas vers l’acceptation de soi et l’indépendance. Plus lumineux que Moonlight et Call Me By Your Name, Et puis nous danserons est une bouffée d’air frais chez les drames LGBTQ et la preuve que le coming out demeure une source d’inspiration inépuisable. A l’image de Levan Gelbakhiani, acteur révélation de la Quinzaine des Réalisateurs dont la sensibilité n’a pas fini de nous fasciner.

Le traitre de Marco Bellocchio

Le cinéma italien a révélé sa pleine forme cette année, avec ce biopic d'un mafieux repenti en tête, hélas reparti bredouille de la Croisette. Ce film aussi politique qu'historique sur la moisissure et la pourriture qui contamine un pays, dont le traitre est formidablement interprété par Pierfrancesco Favino, est à la fois un bon polar, un film de procès et le portrait d’un homme qui décide de venger la mort des siens en faisant tomber tous les autres. En gardant la foi tout en portant un regard désespéré sur son pays, Bellocchio réalise une œuvre magistrale sur l'humanité qu'il y a en chacun de nous, même face aux pires conservatismes et aux pires injustices.

Perdrix d'Erwan Le Duc

Pour son premier long métrage, Erwan le Duc continue de filer le cinéma subtilement décalé qui a fait le succès de ses courts. Avec des choix formels très marqués, ainsi qu'un rythme syncopé qui va à l'encontre des standards de la comédie, Perdrix parvient à être à la fois drôle, attachant et bizarre, ce qui n'est pas la moindre de ses qualités. On est conquis par son quatuor familial dysfonctionnel, ses nudistes révolutionnaires, son commissariat nonchalant, et surtout par Juliette Webb, exceptionnelle Maud Wyler qui réinvente le rôle de l'héroïne volcanique qui bouleverse tout sur son passage.

Once Upon a Time… in Hollywood de Quentin Tarantino

Presque chacun de ses films est précédé (sur l’affiche ou dans son générique même) d’une numérotation, celui-ci est officiellement le 9ème film de Quentin Tarantino qui a juré s’arrêter à 10. Il a (re)visité presque tous les genres, du western au kung-fu, des guerres à l'exploitation. Once Upon a Time… in Hollywood continue dans cette voie, composée d'une narration en forme de longs chapitres très dialogués et une nostalgie plus personnelle. Retour en 1969 comme symbole d’un certain âge d’or du cinéma en compagnie de certains (anti) héros qui aspirant eux-aussi à entrer dans la légende. La tragédie qui guette la célèbre Sharon Tate ouvrira un portail justement vers une autre légende… Le 7e art est capable de tout. Tarantino persévère ainsi à transformer l'Histoire en sublimant une réalité où les méchants sont toujours perdants.

Asako I & II de Ryusuke Hamaguchi

En compétition à Cannes en 2018, ce fut le premier beau film sorti en 2019. Cette romance mélancolique et fantomatique, aussi délicate que sensible, suit les élans du coeur de ses personnages. Film dual, où tout fonctionne par deux, fonctionnant sur des ellipses temporelles et une finesse d'écriture séduisante, Asako est touchant de bout en bout, sans dramaturgie excessive, et en laissant le spectateur libre de ses interprétations. Une démonstration de la force du cinéaste japonais qui sait écouter et défendre chacun de ses personnages, entre nuances intelligentes et simple empathie.

Boy Erased de Joel Edgerton

En adaptant le les mémoires de Garrard Conley, fils de pasteur contraint de suivre une thérapie de conversion pour soigner son homosexualité, Joel Edgerton prenait de sacrés risques. Mais à voir le résultat, on se demande encore comment l’on a pu douter du réalisateur de The Gift. Porté par un incroyable casting (Lucas Hedges, Russell Crowe, Nicole Kidman, Joe Alwyn, Xavier Dolan, Troy Sivan), Boy Erased est un de ces films qui font réfléchir. Particulièrement poignant, il aura en effet soulevé de nombreuses interrogations chez ses spectateurs. Preuve s’il en fallait une qu’il ne faut jamais se reposer sur ses lauriers lorsqu’il est question d’acquis sociaux ou d’acceptation des différences.

Ne croyez surtout pas que je hurle de Frank Beauvais

Si on s'interroge régulièrement sur le formatage de la narration cinématographique, sur la capacité du 7e art à nous raconter des histoires avec une véritable originalité et un point de vue réellement singulier, on a la preuve avec ce film que tout est encore possible. Avec un texte très littéraire, profondément intime, le réalisateur raconte en voix off un passage dépressif de sa vie, la France rurale, et l'incapacité à aller de l'avant. Pour illustrer ses mots et ses maux, il se sert d'images d'autres films. Un pillage en règle où il rend à la fois hommage à toutes les formes de cinéma et démontre que le cinéma a déjà presque tout montré. A la limite de l'expérimentation, le film bouscule nos regards et trouble nos repères. Ce qui en fait, de loin, le film le plus audacieux de l'année, et l'un des plus poignants.

[2019 dans le rétro] Les 50 films qu’il fallait voir en 2019 (1/5)

Posté par redaction, le 26 décembre 2019

Un grand voyage vers la nuit de Bi Gan

Le deuxième long métrage du cinéaste chinois Bi Gan est une expérience sensorielle et métaphysique rare qui nous emmène sur les traces d’une femme autrefois aimée et disparue, aux confins des souvenirs et des rêves. Le trip le plus planant et existentiel de l'année, qui allie beauté formelle et recherche cinématographique pure.

Ne coupez pas! (One cut of the dead - Kamera o Tomeru na!), de Shinichiro Ueda

On observe parfois un phénomène du type The Blair witch project : un petit film inattendu au mini budget qui est tellement surprenant qu’il en devient visible dans les salles du monde entier tout en rapportant des millions de dollars… C’est ce qui s’est passé avec le japonais ‘Ne coupez pas!’ qui va devenir cultissime. Sa production semble amateur autant pour la mise-en-scène que l’interprétation mais cela renforce une certaine authenticité de vérité, et progressivement on découvre le hors-champs avec le vrai et le faux qui se confondent de manière très élaborée. Un joli tour de farce et attrape qui joue avec à la fois avec les codes du cinéma de genre et la grammaire du cinéma tout court, pour au final une réjouissante comédie.

Glass de M. Night Shyamalan

Deux ans après Split, M. Night Shyamalan conclut sa trilogie sur des super-héros avec un panache absolument déconcertant. En installant Bruce Willis en force tranquille et James McAvoy en acteur tout-terrain, le réalisateur d’Incassable et Split permet à Samuel L. Jackson de briller par sa folie douce tout en nous en mettant plein les yeux. Particulièrement doué, il a fait perdre la tête à la Toile. Complexe, hitchcockien et bourré de rebondissements, Glass est un des must-see de l'année.

Le Daim de Quentin Dupieux

Film d’ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs 2019, Le Daim était sans doute la parfaite synthèse de cette sélection parallèle : une liberté de ton, des prises de risques et des acteurs à contre-emploi. En engageant Jean Dujardin et Adèle Haenel pour incarner un duo de nobody obsédé par une veste en daim (qui parle !), le réalisateur d’Au poste a sans doute signé ici son meilleur film. Une comédie romanesque et résolument absurde !

C’est ça l’amour de Claire Burger

Primé à Venise puis aux Arcs, ce premier film en solo de la co-réalisatrice de Party Girl (Caméra d'or à Cannes) est d'une éblouissante sincérité. En suivant cet homme déboussolé par le départ de sa femme et devant apprendre à vivre avec leur deux filles adolescentes, Claire Burger nous fait vibrer, rire, pleurer, s’énerver avec des personnages qui nous ressemblent, englués dans des vies qui pourraient être les nôtres, avec une authenticité qui rabat les cartes des jeux de l'amour et du hasard.

Dieu existe, son nom est Petrunya de Teona Strugar Mitevska

Avec ses dialogues incisifs, son personnage haut en couleurs, et son propos sévère sur le pays, Dieu existe, son nom est Petrunya s'avère une comédie grinçante et irrévérencieuse qui propose un portrait au vitriol de la société macédonienne misogyne et craintivement inféodée à l'Eglise. On y découvre en prime l'un des personnages les plus enthousiasmants de l'année, Petrunyia, jeune trentenaire nihiliste et désabusée qui tient brillamment tête aux différents représentants du patriarcat, et affirme haut et fort la nécessité, pour son pays, d'entrer de plein pied dans la modernité.

Joker de Todd Phillips

Cet homme fragile qui se donne une autre image de lui même, dissimule son étrangeté derrière une autre apparence. Joaquin Phoenix utilise son corps avec une démarche tantôt claudicante ou dansante selon la tristesse ou la frénésie du moment, et surtout son visage et ses yeux qui traduisent, en plus de ses dialogues, un langage décryptant sa folie. Une performance impressionnante. Le film est une spirale infernale vers la psychose, et c’est aussi un énorme succès inattendu à cette hauteur (1 milliard au box-office) : iconique, inquiétant, flamboyant… Et Lion d'or à Venise. De quoi, enfin, redorer le blason cinématographique des super-héros.

Deux moi de Cédric Klapisch

Cédric Klapisch vient-il de signer son meilleur film ? C’est la question que l’on est en droit de se poser après avoir vu Deux moi, comédie dramatique sur deux trentenaires victimes de solitude à Paris. Résolument optimiste et humain, le film réconcilie les Parisiens avec les Provinciaux (terme ici utilisé sans aucun mépris). En montrant l’envers du quotidien de ceux qui vivent dans des métropoles et sont hyper-connectés, Deux moi est une belle piqûre de rappel : il convient d'apprécier chaque minute de sa journée et de savourer les moindres rencontres que le hasard crée. Ana Girardot et François Civil sont particulièrement touchants tandis que Camille Cottin, Eye Haïdara et Pierre Niney signent des apparitions inoubliables !

La Favorite de Yorgos Lanthimos

Même s'il s'agissait pour nous d'un film de l'année précédente, c'est bien une œuvre sortie en 2019, couronnée aux Oscars et aux European Film Awards. Une allégorie aux allures historiques et pourtant terriblement contemporaine. Un jeu de pouvoir entre trois femmes dont on retient le sacre d'Olivia Colman. La perversion dans les dialogues, la lumière froide et presque crépusculaire, la mise en scène stylisée et le soin apporté aux décors, tout rappelle La règle du jeu de Renoir et Barry Lyndon de Kubrick. On ressort fasciné par cette vision d'une élite aussi oisive que monstrueuse, où l'esprit est aussi cruel que dans les Liaisons dangereuses. Un formidable portrait de la décadence.

Les Misérables de Ladj Ly

La merveille de Montfermeil. En signant un premier film aux influences résolument américaines, notamment ce film à la John Carpenter, Ladj Ly a donné un autre regard sur la "banlieue", avec ce dialogue impossible entre les habitants et la police, sur fond de communautarisme et de république en voie de désintégration. Une impasse où le vivre ensemble parait un souvenir du passé. Avec une absence de manichéisme nécessaire pour son propos, et ce désir de comprendre plus que de juger, Les Misérables est devenu un film indispensable sur notre société, comme un miroir aux conflits qui la traversent depuis une vingtaine d'années. Cette violence sourde entre les laissés pour compte d'un système à cran et les garants de la protection qui ne savent pas y répondre autrement qu'en entretenant ces nerfs à vif. Un insoutenable cercle vicieux qui laisse K.O.

[2019 dans le rétro] Un cinéma mondial toujours très hollywoodien

Posté par vincy, le 24 décembre 2019

Si on ne regarde que le box office, l'état des lieux du cinéma mondial pourrait être désespérant avec les 10 plus grosses recettes pour des films américains, dont 6 pour le studio Disney, qui au passage a battu un record historique de 10 milliards de dollars de recettes sur l'année (avant même l'arrivée de Star Wars).

Cette hégémonie des titres américains est encore plus frappante quand on remarque qu'ils réalisent tous de 60 à 77% de leurs recettes hors Amérique du nord. Seuls le cinéma chinois parvient à se faire une petite place dans le Top mondial avec quatre films, le film d'animation Ne Zha (700M$), The Wandering Earth (700M$), My People, My Country (430M$) et The Captain (410M$). On peut y ajouter 4 autres films dans le Top 50. L'essentiel des recettes proviennent cependant du marché chinois. Ce partage américano-chinois des recettes internationales laissent peu de place aux autres cinématographies. Hormis les très anglais Downton Abbey (188M$) et Yesterday (151M$), aucun film européen ne parvient à rivaliser avec les mastodontes des deux empires économiques.

Il y a heureusement des succès qui réjouissent. Ainsi Parasite qui a su cumuler plus de 125M$ de recettes. L'Asie confirme d'ailleurs ses bonnes performances avec des cartons comme les japonais Les enfants du temps - Weathering With You (180M$), Detective Conan (116M$) et One Piece: Stamped (80M$) ou le sud-coréen Extreme Job (120M$).

C'est évidemment beaucoup plus que les 68M$ (dont 15,5M$ à l'étranger soit près de 3 millions d'entrées, dont un tiers en Allemagne) de Qu'est-ce qu'on a encore fait au bon Dieu?, leader français de l'année. Même Anna de Luc Besson, traditionnellement le champion à l'export, n'a réussit à récolter que 30M$ au global (4 millions d'entrées). Le cinéma français n'a d'ailleurs pas brillé à l'international. Rares sont les films qui ont attiré plus de 500000 spectateurs à l'extérieur des frontières et ce sont surtout des sorties de 2018 qui ont cartonné (Astérix et le secret de la potion magique, Mia et le lion blanc, Ghostland). Il y a une exception avec Minuscule 2, qui est d'ailleurs le plus gros succès français en Chine de l'année.

Pour finir avec les chiffres, Douleur et Gloire (35M$) est l'un des rares films européens non anglophones à avoir su trouver son public dans plusieurs pays, y compris aux Etats-Unis. Le cinéma espagnol est aussi un des seulss qui résiste au déferlement américain avec trois films locaux classés dans le top 20, là où l'Italie n'en place qu'un et l'Allemagne deux.

Cependant, si les recettes donnent Hollywood vainqueur par K.O., la qualité des films est ailleurs. Pas étonnant que des films comme Parasite, Douleur et Gloire, J'ai perdu mon corps, Les Misérables, Portrait de la jeune fille en feu se retrouvent classés dans les palmarès ou nommés dans les grandes cérémonies hollywoodiennes, et pas seulement dans la catégorie meilleur film étranger.

Car, avant tout, on a vu des propositions cinématographiques fabuleuses et enthousiasmantes, encourageantes même d'un point de vue de cinéphiles. Il suffit de voir le singulier Synonymes de l'israélien Nadav Lapid, l'un des films les plus originaux et jubilatoires de l'année, Ours d'or audacieux à Berlin. Qui fait écho, étrangement au film palestinien It must be Heaven de Elia Suleiman. Deux hymnes à la paix à travers l'exil, sur fond d'humour absurde. Dans la même veine drôlatique, n'oublions pas Tel Aviv on fire de Samej Zoabi, qui a séduit un peu partout en Occident.

Du côté asiatique, l'année fut riche. Outre Parasite, carton mondial (mais seulement 5e du box office local avec 10 millions d'entrées, la Corée du Sud maintient son statut à part avec le phénomène Extrême Job de Lee Byeong-heon (16 millions d'entrées), le beau succès d'Exit de Kee Sang-geun ou le remarqué Le Gangster, le Flic et l'Assassin de Lee Won-tae. Au Japon, les productions nationales ont aussi brillé, même si peu se sont exportées, et si il s'agit essentiellement de films de genre. First Love (Hatsukoi) de Takashi Miike, Au bout du monde de Kiyoshi Kurosawa et surtout le très beau Asako I & II de Ryusuke Hamaguchi ont montré malgré tout que le cinéma japonais conservait une belle variété de talents. Le cinéma chinois exporté est surtout un cinéma de festivals. C'est avant tout l'interdiction de voyager de One second de Zhang Yimou qui a frappé les esprits. Il n'empêche, quatre des grands films orientaux de l'année sont venus de l'Empire du milieu: Un grand voyage vers la nuit de Bi Gan et Les Éternels de Jia Zhangke, tous deux à Cannes en 2018, So long my son de Wang Xiaoshuai, primé à Berlin et le splendide polar Le lac aux oies sauvages de Diao Yi'nan, en compétition à Cannes en mai. Toujours à Cannes, en provenance d'une région qui a donné peu de grands films cette année, Pour Sama de Waad al-Kateab, documentaire syrien, est sans doute l'une des œuvres les plus bouleversantes de l'année.

Le cinéma latino-américain a été plus contrasté, et plus engagé aussi: féminisme, homosexualité, autoritarisme... les réalisateurs s'attaquent de front aux problèmes de leur pays, que ce soit l'effrayant Tremblements de Jayro Bustamente, le grandiose Bacurau de Juliano Dornelles et Kleber Mendonça Filho, le sublime La Vie invisible d'Eurídice Gusmão de Karim Aïnouz ou le saisissant Companeros d'Alvaro Brechner. On a aussi en tête les images de La Cordillère des songes de Patricio Guzmán, de Nuestras Madres de César Díaz, de La flor de Mariano Llinás et de L'Ange de Luis Ortega.

Plus au nord, au Québec, l'année fut morose, en qualité le plus souvent, et en recettes, désespérément. Ainsi, malgré deux films, Xavier Dolan n'a pas retrouvé ses succès d'antan, repartant sans prix de Cannes, et finissant l'année avec deux flops. Son ancienne actrice, Monia Chokri sortait aussi son premier film, La femme de mon frère, sans plus de succès. La Chute de l'empire américain de Denys Arcand est sorti dans l'indifférence malgré un sujet dans l'air du temps, tandis que le canadien Guest of Honour d'Atom Egoyan a déjà été oublié à Venise. Au Québec, seul un film a été un gros hit cette année, la comédie Menteur avec 590000 entrées. Louise Archambault avec Il pleuvait des oiseaux a cependant confirmé sa bonne cote avec 200000 entrées. La femme de mon frère (76500, 3e), Matthias et Maxime (44500, 4e), le très beau Jeune Juliette (32200, 5e), The Death & life of John F. Donovan (21700, 8e) révèlent l'extrême faiblesse du cinéma québécois sur son propre territoire.

Enfin, le cinéma européen se porte bien. Même si de grands noms comme Ken Loach, Fatih Akin, les frères Dardenne ont déçu, sans doute parce qu'ils persévèrent dans la même veine, en s'orientant vers un discours de moins en moins généreux ou surprenants. Ce n'est pas qu'une question de goût puisque même leurs fans n'ont pas vraiment suivi.

Le cinéma européen reste producteur de grands films, exportés, récompensés, applaudis. La Favorite de Yórgos Lánthimos en fut l'emblème cette année, avec un triomphe hollywoodien en plus d'un gros succès public international. Au sud, des cinéastes réputés comme Marco Bellocchio (Le traître), qui symbolise un renouveau du cinéma italien auquel on peut raccrocher Martin Eden Pietro Marcello, Pedro Costa (Vitalina Varela, Leopard d'or à Locarno), Costa Gavras (Adults in the Room) prouve que, malgré la télévision, le cinéma résiste bien. C'est surtout le cinéma espagnol est le plus en forme avec des films aussi divers El reino de Rodrigo Sorogoyen, Viendra le feu d'Oliver Laxe, Yuli d'Icíar Bollaín, Petra de Jaime Rosales... L'Europe centrale et de l'Est n'est pas en reste avec des œuvres comme Sunset de Laszlo Nemes, Une grande fille de Kantemir Balagov, le formidable Dieu existe, son nom est Petrunya, de Tenona Strugar ou encore Les siffleurs de Corneliu Porumboiu. Sinon, du très émouvant Et puis nous danserons (And Then we Danced) de Levan Akin au très étrange Border d'Ali Abbassi en passant par L'audition d'Ina Weiss, L'œuvre sans auteur de Florian Henckel von Donnersmark, Yesterday de Danny Boyle, Noureev de Ralph Fiennes, c'est là encore l'éclectisme qui prime, mais surtout il s'agit de la quête d'une narration spécifique, s'affranchissant de limites morales et plaidant pour une liberté de création. Même s'ils ne trouvent pas un public aussi large qu'on pouvait l'espérer.

Une grande partie de ces films sont des coproductions françaises, principal soutien financier des auteurs. Il en est ainsi également des deux films au féminin venus d'Afrique, Atlantique de Mati Diop, Grand prix du jury à Cannes, film sénégalais dans l'âme, et Papicha de Mounia Meddour, film algérien dans sa chair.

On finira ce tour du monde avec quelques films d'animation qui là aussi se distinguent dans leur proposition esthétique. Funan de Denis Do, Bunuel après l'âge d'or de Salvador Simo, Les enfants de la mer de Ayumu Watanabe, La fameuse invasion des Ours en Sicile de Lorenzo Mattoti. A eux quatre, ils démontrent que le cinéma n'est pas qu'un produit formaté, même dans l'animation. Chaque pays revendique finalement sa part d'exception culturelle, sa personnalité dans un monde où les images sont encore trop américaines.

[2019 dans le rétro] Le cinéma français entre gris clair et gris foncé

Posté par vincy, le 23 décembre 2019

Une belle année pour le cinéma français? Côté festivals et prix internationaux, c'est indéniable. Rarement la production française n'a autant brillé à Berlin, Cannes, Venise et Hollywood. A Berlin, la coproduction franco-israélienne de Nadav Lapid, Synonymes, a raflé l'Ours d'or, tandis que Grâce à Dieu de François Ozon repartait avec le Grand prix du jury. A Cannes, deux premiers films ont récolté les honneurs - Les Misérables de Ladj Ly, prix du jury, Atlantique, coproduction franco-sénégalaise signée Mati Diop, Grand prix du jury - en plus d'un prix du scénario pour Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma et de la mention spéciale pour Elia Suleiman et son It Must be Heaven. Et à Venise, J'accuse de Roman Polanski a été sacré par un Grand prix du jury tandis qu'Ariane Ascaride a été couronnée pour son rôle dans Gloria Mundi. On peut ajouter l'excellent parcours dans les palmarès du film d'animation de Jérémy Clapin, J'ai perdu mon corps. Avec les films de Sciamma, Ly et Diop, ils fait partie des films en vogue actuellement dans les bilans de fin d'année aux USA.

Le ciel se couvre de quelques nuages clairs quand il s'agit des entrées de tous ces films acclamés par les professionnels et la critique. J'accuse et Les Misérables ont dépassé les 1,3 million d'entrées et Grâce à Dieu a séduit plus de 900000 spectateurs. Tous les autres ont plus ou moins limiter la casse avec des scores honnêtes dans le circuit art et essai, sans réaliser d'exploit.

Dans un contexte favorable - la fréquentation des salles de cinéma connaît une belle hausse cette année en France, à plus de 200 millions de tickets -, le cinéma français n'affiche que 33-34% de part de marché. Un seul film français se classe dans les 10 films les plus vus. Quatre films français ont dépassé les 2 millions d'entrées. La variété paye, mais elle ne fédère que très peu. 15 films hexagonaux sont millionnaires, ce qui n'est pas su mal, et 26 au total ont franchi la barre des 700000 spectateurs. Ce n'est pas un mauvais score en soi.

Il est surtout intéressant de constater que la comédie française ne paye plus forcément. Certes, Qu'est-ce qu'on a encore fait au bon Dieu? est le seul film français populaire de l'année (6,7M d'entrées), le seul à se placer dans le Top 10 d'ailleurs. Mais les autres comédies avec castings de comiques - Nicky Larson, Inséparables, All Inclusive, Chamboultout, Tanguy le retour... - ont largement déçu. Le potentiel est plutôt du côté des seniors (C'est quoi cette mamie?!, surprise estivale, Joyeuse retraite!, surprise hivernale, comme quoi la ponctuation paye), d'une écriture plus engagée (La vie scolaire, Hors-normes, Alice et le maire) voire de la comédie féminine et sociale (Les invisibles, Rebelles), beaucoup mieux rentabilisées.

Si la comédie ne fait plus automatiquement recette (la faute à une formule sans doute trop éculée), les drames et les grandes destinées retrouvent des couleurs avec des hits comme Nous finirons ensemble, de Guillaume Canet, malgré un box office bien moindre que Les petits mouchoirs, Au nom de la terre, avec Guillaume Canet  qui a séduit 20 fois plus de spectateurs en province qu'à Paris, Le chant du loup, avec une bonne dose de suspens et d'action, Donne-moi des ailes dans le registre familial, La belle époque à l'ambition plus romanesque, Le mystère Henri Pick et Venise en Italie, sur un mode plus divertissant, L'incroyable histoire du facteur Cheval, presque tragique ou avec un peu moins de succès mais pas mal de bon buzz, Mon inconnue, dans une veine fantastique, Le daim dans un style déjanté, et Les crevettes pailletées et sa joyeuse ambiance gay-friendly.

Tous ces films ont trouvé leur public, en restant fidèle à leur genre. Hélas, hormis Minuscule 2, aucun film d'animation français n'a rivalisé avec les productions américaines; idem pour les thrillers ou les films d'horreur. Le public français reste classique pour ne pas dire conservateur dans ses choix. De plus en plus d'ailleurs. Seuls quatre films non américains ou non français ont attiré plus de 700000 curieux. Aujourd'hui, un film d'auteur à 300000 spectateurs est considéré comme un succès.

C'est de là que proviennent les orages à venir. Des distributeurs baissent le rideau. Les quatre majors américaines captent une entrée sur deux cette année. UGC peut se consoler avec le Bon Dieu, Pathé avec le Canet et Gaumont avec Nakache-Tolédano, aucun distributeur indépendant français n'a réussi à dépasser les 2 millions d'entrées avec un film, à l'exception de Diaphana avec Au nom de la terre.

Comme tous les ans, les fiascos sont nombreux, certains plus lourds que d'autres. Et c'est d'ailleurs le prototype de la comédie à la française, Le dindon - un vaudeville, deux têtes d'affiche (Dany Boon, qui s'offre son plus gros bide, et Guillaume Gallienne), un énorme budget de 14M€ - qui s'est planté magistralement. Comme quoi il n'y a pas de recettes.

L'autre gros flop de l'année c'est Isabelle Huppert. Omniprésente avec 4 films à l'affiche, la star n'a pas séduit avec ses variations de femme névrosée que ce soit dans Greta (137000 entrées), Frankie (67000), Blanche comme neige (60000) ou Une jeunesse dorée (10000). Trop répétitive? En tout cas depuis Elle en 2016, l'actrice n'a jamais réussi à attirer les cinéphiles.

Ils ont été nombreux à se prendre un mur, de Convoi exceptionnel de Bertrand Blier à Made in China, de Ibiza, avec Clavier, à Persona non grata, de Roubaix une lumière d'Arnaud Desplechin à Fête de famille, de J'irai où tu iras de Géraldine Nakache à Playmobil le film, d'Anna de Luc Besson à Trois jours et une vie, de Mon chien stupide d'Yvan Attal à Just a Gigolo en passant par l'éternel Lelouch et Les municipaux trop c'est trop. Et justement, ils se tous sentis de trop.E t soyons complètement déprimants avec les ratages de Lucie Borleteau (Chanson douce), Michel Denisot (Toute ressemblance) et Amanda Sthers (Holy Lands).

En tout cas, les échecs n'épargnent ni les grandes vedettes ni les comédies, ni les films de genre, ni les talents découverts à la télévision. On trouve surtout regrettable de voir que les films d'animation pour adultes soient confrontés à un plafond de verre (autour de 300000 entrées) ou que les documentaires manquent de visibilité même quand ils sont acclamés. On s'interroge sur la manière dont les films français sont promus, sur l'absence de réponse des spectateurs à des cinéastes comme Klapisch, Jolivet, Pascal Thomas ou Bonitzer, ou sur l'absence de curiosité pour des jeunes talents comme Sébastien Betbeder (Debout sur la montagne) ou Judith Davis (Tout ce qu'il me reste de la révolution), ou sur l'indifférence face à des films noirs récompensés ou audacieux (Sympathie pour le Diable, L'intervention, Nevada). On peut regretter que des films bien faits, bien joués, et intéressants n'aient pas rempli les salles.

On se console avec des jolies rencontres, celles où on se fiche de la quantité pour se réjouir de leurs qualités, comme Perdrix ou Les hirondelles de Kaboul. Au moins, ils illustrent la diversité de la production française, et parfois révèlent quelques talents prometteurs. Car l'année 2019 restera sans doute comme l'une des plus éclectiques et les plus surprenantes de la décennie pour le cinéma français. C'est ça l'amour, comme le titre du film de Claire Burger, auréolé de prix et 100000 spectateurs au compteur. Ou encore le très singulier et enthousiasmant Ne croyez surtout pas que je hurle de Frank Beauvais. Des hauts et des bas, là où ne les attendait pas. Et si c'était la fin du règne du rire, pour revenir à celui des belles histoires contemporaines?

les hirondelles de kaboul

Le problème est sans doute ailleurs. Le ticket de cinéma vaut parfois très cher. Mais surtout les moins de 25 ans ne représentent plus que 28 % des entrées alors que les plus de 50 ans, autrefois minoritaires, fournissent 44 % des entrées. D'où le succès des comédies à casting senior d'ailleurs. Ce vieillissement du public est une bonne chose pour les films du milieu qu'ils soient français ou étrangers. Malheureusement, le fait que les jeunes concentrent leurs sorties cinéma sur les blockbusters américains, largement dominateurs cette année, et préfèrent désormais occuper leurs loisirs aux séries et aux jeux vidéos, peut conduire dans les années à venir à un bouleversement de la cinéphilie dont on mesure encore trop faiblement l'impact sur la création. Il faudra toute la force du système - festival de Cannes, CNC, exploitants - pour que cette génération pas encore tout à fait perdue, retrouve le désir d'aller au cinéma pour voir autre chose que des super-héros.

Prix Lumières 2020: Les Misérables, J’accuse et Roubaix une lumière en tête

Posté par vincy, le 3 décembre 2019

Un film d'animation dans la catégorie mise en scène et un premier film, Les Misérables, qui est en tête des nominations avec 7 citations: les 130 correspondants de la presse internationale ont fait leur choix pour les Prix Lumières 2020, dont la présidente sera, cette année Isabelle Girodano.

Si Berlin avec Grâce à Dieu et Venise avec J'accuse sont bien présents dans la liste, le festival de Cannes se taille la part du lion avec près de 40 nominations! On note surtout que celles-ci se concentrent sur quelques films. C'est paradoxalement dans la catégorie documentaire que les films les plus audacieux se trouvent, tandis qu'à l'inverse, les catégories d'interprétation sont très peu surprenantes, pour ne pas dire conservatrices.

Meilleur Film
Grâce à Dieu de François Ozon
J’accuse de Roman Polanski
Les Misérables de Ladj Ly
Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma
Roubaix, une lumière de Arnaud Desplechin

Meilleure Mise en scène
Jérémy Clapin - J’ai perdu mon corps
Arnaud Desplechin - Roubaix, une lumière
Ladj Ly - Les Misérables
Roman Polanski - J’accuse
Céline Sciamma - Portrait de la jeune fille en feu

Meilleure Actrice
Fanny Ardant - La Belle époque de Nicolas Bedos
Anaïs Demoustier - Alice et le maire de Nicolas Pariser
Eva Green - Proxima d’Alice Winocour
Noémie Merlant - Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma
Karin Viard - Chanson douce de Lucie Borleteau

Meilleur Acteur
Swann Arlaud - Grâce à Dieu de François Ozon
Daniel Auteuil - La Belle époque de Nicolas Bedos
Jean Dujardin - J’accuse de Roman Polanski
Fabrice Luchini - Alice et le maire de Nicolas Pariser
Roschdy Zem - Roubaix, une lumière de Arnaud Depleschin

Meilleur Scénario
Nicolas Bedos - La Belle époque
Ladj Ly, Giordano Gederlini et Alexis Manenti - Les Misérables
François Ozon - Grâce à Dieu
Nicolas Pariser - Alice et le maire
Roman Polanski et Robert Harris - J’accuse

Meilleure Image
Manuel Dacosse - Grâce à Dieu de François Ozon
Pawel Edelman - J’accuse de Roman Polanski
Irina Lubtchansky - Roubaix, une lumière de Arnaud Desplechin
Claire Mathon - Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma
Julien Poupard - Les Misérables de Ladj Ly

Révélation Féminine
Céleste Brunnquell - Les Éblouis de Sarah Suco
Mina Farid - Une fille facile de Rebecca Zlotowski
Nina Meurisse - Camille de Boris Lojkine
Lise Leplat Prudhomme - Jeanne de Bruno Dumont
Mama Sané – Atlantique de Mati Diop

Révélation Masculine
Thomas Daloz - Les particules de Blaise Harrison
Alexis Manenti - Les Misérables de Ladj Ly
Tom Mercier - Synonymes de Nadav Lapid
Issa Perica - Les Misérables de Ladj Ly
Thimotée Robart - Vif-Argent de Stéphane Batut

Meilleur Premier Film
Atlantique de Mati Diop
Une intime conviction d’Antoine Raimbault
Les Misérables de Ladj Ly
Nevada de Laure de Clermont-Tonnerre
Perdrix de Erwan Le Duc

Coproduction Internationale
Bacurau de Kleber Mendonça Filho Et Juliano Dornelles
It Must Be Heaven de Elia Suleiman
Le jeune Ahmed de Luc et Jean-Pierre Dardenne
Lola vers la mer de Laurent Micheli
Papicha de Mounia Meddour

Film D'animation
La fameuse Invasion des ours en Sicile de Lorenzo Mattotti
Funan de Denis Do
Les Hirondelles de Kaboul de Zabou Breitman et Eléa Gobbé-Mévellec
J’ai perdu mon corps de Jérémy Clapin
Wardi de Mats Grorud

Documentaire
Etre vivant et le savoir d’Alain Cavalier
Lourdes de Thierry Demaizière et Alban Teurlai
M de Yolande Zauberman
Ne croyez surtout pas que je hurle de Frank Beauvais
68, mon père et les clous de Samuel Bigiaoui

Musique
Fatima Al Qadiri - Atlantique de Mati Diop
Christophe - Jeanne de Bruno Dumont
Alexandre Desplat - Adults in the room de Costa-Gavras
Evgueni Galperine et Sacha Galperine - Grâce à Dieu de François Ozon
Dan Levy - J’ai perdu mon corps de Jérémy Clapin