[La Rochelle 4/6] Arthur Penn: l’individu, la collectivité et la violence

Posté par Martin, le 28 juillet 2019

Le Festival du film de La Rochelle, qui a lieu chaque année fin juin début juillet, est l’occasion de découvrir des films inédits, avant-premières, rééditions, et surtout des hommages et des rétrospectives. Cette année, furent notamment à l’honneur les films muets du Suédois Victor Sjöström (1879-1960) et les dix premiers films de l’Américain Arthur Penn (1922-2010), un des pères du Nouvel Hollywood. Parmi les nouveautés, fut remarqué le très bel essai de Frank Beauvais, Ne Croyez surtout pas que je hurle, qui sortira le 25 septembre 2019. Ces cinéastes questionnent chacun à leur manière la place de l’individu dans la collectivité. Tour d’horizon en trois chapitres.

Suite du chapitre 2

Anti-héros et hors-la-loi

Si Bonnie et Clyde ont toutes les caractéristiques des personnages du cinéma de Penn, ils apparaissent davantage comme les chantres d’une Amérique privée de parole que comme des renégats. L’histoire se passe en 1930, en pleine crise, ils sont eux aussi poursuivis (par la police), mais le peuple américain est loin de les mépriser. Dans une scène,  Bonnie, Clyde et leur acolyte, blessés, s’arrêtent sur un rivage quasi biblique, où une communauté en plein exode se repose. Au lieu de dénoncer les criminels, la petite communauté leur donne de l’eau et les touche du bout du doigt, geste christique, comme pour être certains qu’ils existent. En dépit de sa violence, le couple est l’image d’une révolte qui est celle de tout un peuple.

Une seconde scène, plus tôt dans le film, est encore plus symbolique. Dans une ferme abandonnée, au réveil, Clyde apprend à Bonnie à tirer. Soudain débarquent un fermier et son métayer noir. Ils se présentent. Clyde tend son arme au fermier – qui semble sortir des Raisins de la colère (1940) de Ford – qui lui-même la tend à son employé. C’est comme un relais, Clyde donne une arme à une femme, à un fermier ruiné, à un noir. Dans de nombreux plans, des personnages noirs sont assis au fond du cadre, comme attendant leur heure. Ce sont d’ailleurs deux fermiers noirs qui seront spectateurs involontaires de l’exécution du couple. Si l’histoire se déroule au début des années 1930, elle est bel et bien filmée en 1967, et les révoltes raciales des années 1950 trouvent ici des résonances directes.

Mauvais saints mais vrais martyrs, Bonnie et Clyde ne peuvent qu’être sacrifiés sur l’autel de la violence. Leur destin se joue au milieu du film lorsque, obligé de fuir en voiture dans la précipitation, Clyde tue à travers la vitre un homme qui s’accroche à la portière. Le visage de l’homme qui glisse, une trace de sang, et un trou au milieu du verre : ce miroir brisé est repris à la dernière image, quand une portière dessine un tableau mortifère, comme un écran télévisé, autour des personnages transpercés. Il n’y a pas d’autre espace pour Bonnie et Clyde que celui d’une voiture qui roule, qui roule jusqu’à n’être plus, là encore, qu’une carcasse sur le bas-côté.

Anti western et espace démythifié

Si les westerns Le Gaucher et Missouri Breaks (1976) suivent la trame du personnage recherché et démasqué, Penn réalise entre les deux Little Big Man (1970) qui prend un malin plaisir à défaire les codes du genre. A plus de 120 ans, Jack, recueilli adolescent par les Cheyennes, raconte sa vie, une succession d’allers et retours entre deux civilisations, celle des Blancs et celle des Cheyennes. Mais dès qu’il retourne chez les Blancs, il affronte l’hypocrisie et la bêtise : il y a quelque chose du conte voltairien dans cette satire, particulièrement vive quand le personnage de Faye Dunaway qui, sous couvert de devenir une mère pour lui, lui donne le bain et le tripote, tout en lui parlant de religion. Quand Jack, devenu adulte, la retrouve, la dévote travaille dans un bordel. La réversibilité de ce monde est totale : on fait dire aux mots et aux actes ce que l’on veut qu’ils disent, et on peut très bien faire l’inverse de ce que l’on annonce. En ce sens, le personnage du Général Custer va encore plus loin dans son analyse magistrale de bêtise : il décide d’attaquer les Indiens, suivant les conseils de Jack, car il pense que le jeune Cheyenne d’adoption veut le tromper en disant la vérité. Absurdité d’un monde qui se construit sur la guerre, la violence et une rhétorique vaine. A l’inverse, les Cheyennes sont toujours prêts à remettre en cause une parole, aussi légendaire soit-elle : le grand-père, sentant son heure venir, veut suivre la tradition et monte sur une colline pour attendre la mort, mais il ne tarde pas à redescendre, un peu déçu, car elle n’est pas venue. Jack est un des rares personnages du cinéma de Penn qui réussit à s’intégrer à une communauté, mais c’est au moment où celle-ci est en train de disparaître. Une mélancolie rageuse perce derrière l’humour.

Le territoire de l’amitié

Si une Amérique unie n’est donc définitivement plus un idéal, il reste cependant une association possible, celle de l’amitié – au sens le plus large, le fait d’aimer. L’amour entre Bonnie et Clyde, entre Jack et son grand-père cheyenne, l’amitié dans Georgia (1981) – dont le titre original est Four friends – est le dernier refuge des personnages.

Georgia débute avec l’arrivée de Danilo, enfant, aux Etats-Unis et s’achève par le départ de ses parents qui retournent en Yougoslavie. Entre les deux, trente années sont passées, et Danilo est devenu américain, mais à quel prix… Au commencement, ils sont quatre, la belle Georgia et ses trois amis amoureux d’elle. Il suffit d’un plan pour que la fragile unité du quatuor soit remise en question : alors qu’ils jouent dans l’herbe, le chemisier de Georgia s’ouvre sur un sein que, sans gêne, elle tarde à cacher. Elle se relève, les trois garçons sont au sol, habités par un trouble nouveau. Mais ce désir enfin avoué les sépare moins au fond que l’histoire de leur pays : l’un part au Vietnam, l’autre reprend l’entreprise familiale de pompes funèbres, et Danilo fait, dit-il, ce que les fils d’immigrés font pour s’intégrer, devenir professeur pour parler leur langue mieux que les Américains. Quant à Georgia, elle n’aura de cesse, à force de vouloir être anticonformiste, de fuir toute construction véritable.

Mais il y a un cinquième ami qui raconte plus encore la destruction et le chaos de l’Amérique. C’est Louie, grand bourgeois gravement handicapé avec qui Danilo partage sa chambre à l’Université. Condamné, Louie, personnage le plus bouleversant du film, voit sa santé se dégrader au fil du récit, il ne se départ pourtant jamais d’un large sourire. Sa maladie semble être l’incarnation de sa caste malade. Son père, qui rappelle le magnat de La Poursuite impitoyable, ira cette fois au bout de la violence de ses propres mains : fou de jalousie que sa fille, la sœur de Louie, épouse Danilo, il prend son arme et la tue. La famille américaine modèle est malade et incestueuse ; elle ne peut accueillir d’étranger sous peine de s’autodétruire. Malgré la différence de classes, Louie crée un lien inédit avec Danilo et lui propose un pacte : le jour où l’homme marchera sur la lune, ils penseront l’un à l’autre. Ce lien par-delà la mort, par-delà l’espace terrestre, Danilo l’expérimente avec cet ami avant de pouvoir, in fine, demander à son père, qui à l’inverse de Louie ne montre jamais le moindre signe de joie, de lui offrir un sourire, et d’aller vers Georgia accepter un amour que leurs trajets respectifs – s’intégrer pour lui, se désintégrer pour elle – condamnaient à l’échec. Entre les années 1950 et les années 1980, les rêves de chaque personnage s’effondrent, miroir d’une Histoire sanglante marquée par la Guerre du Vietnam, l’assassinat de Kennedy et le scandale du Watergate, et il ne reste finalement à Danilo qu’un seul possible, celui d’aimer.

[La Rochelle 3/6] Arthur Penn: l’individu, la collectivité et la violence

Posté par Martin, le 27 juillet 2019

Le Festival du film de La Rochelle, qui a lieu chaque année fin juin début juillet, est l’occasion de découvrir des films inédits, avant-premières, rééditions, et surtout des hommages et des rétrospectives. Cette année, furent notamment à l’honneur les films muets du Suédois Victor Sjöström (1879-1960) et les dix premiers films de l’Américain Arthur Penn (1922-2010), un des pères du Nouvel Hollywood. Parmi les nouveautés, fut remarqué le très bel essai de Frank Beauvais, Ne Croyez surtout pas que je hurle, qui sortira le 25 septembre 2019. Ces cinéastes questionnent chacun à leur manière la place de l’individu dans la collectivité. Tour d’horizon en trois chapitres.

Chapitre 2 : Arthur Penn

Arthur Penn est un cinéaste à part. Ses films évoquent tous une part de l’Histoire américaine, mais selon un angle singulier, comme de biais. C’est sans doute ce qui fait qu’il lui faut tant lutter contre les studios qui ne comprennent définitivement rien à l’intellectuel qu’il est, avec sa sensibilité européenne et des thèmes ancrés dans le sol américain. Un western intimiste tourné avec des moyens télévisés : et cela donne son premier film Le Gaucher (1958) – pour lequel il souffre de ne pas avoir le final cut. Un film déconstruit, sous l’influence de Godard sur un comédien de stand up : c’est le libre et singulier Mickey One (1965). Ni l’audacieux scénario de Bonnie and Clyde (1967) ni le film fini ne séduiront la Warner – le film deviendra pourtant un immense succès.

Dès ses débuts, Arthur Penn dérange. A y regarder de plus près, les questions même de son cinéma – qu’est-ce qu’appartenir à un groupe ? la loi est-elle toujours bonne ? – l’éloignent de la philosophie manichéenne américaine alors même qu’il en utilise les codes – le shérif ou policier face aux escrocs, la mafia face au renégat… Chez Penn, il n’y a plus ni Bien ni Mal, mais des foules idiotes, des soldats arrogants et stupides, des politiciens corrompus et les autres, des déclassés, perdus, trahis, tués. Si ce regard pessimiste correspond bien à un nouveau cinéma en train d’éclore (Le Parrain date de 1972, Taxi Driver de 1976), Penn est de quelques années en avance sur les autres cinéastes du Nouvel Hollywood.

Une des caractéristiques de ce cinéma, c’est le regard frontal sur la violence. Penn commence à faire du cinéma en pleine guerre du Vietnam, et s’il ne l’aborde pas de front, ses films sont généreux en morts sanglantes. Cette guerre a une image, et même des images : pour la première fois, la violence s’invite dans les foyers américains par le biais de l’écran de télévision. Difficile dès lors de se reconnaître dans un groupe dominant qui se constitue sur le chaos et la mort. Les personnages de Penn sont des individualistes, moins par volonté qu’en réponse à une société qui les rejette. Quelque chose en eux les empêche de faire partie du monde, comme une tache qu’ils portent à la naissance. C’est le cas du Billy le Kid du Gaucher, précédé de sa légende : dès l’enfance, il aurait tué. C’est le cas de Helen Keller, la fillette aveugle et sourde, de Miracle en Alabama (1962). Penn fait de ces personnages, qui ont existé, des héros modernes : luttant pour communiquer, pour trouver une place dans une société qui ne sait pas quoi faire d’eux. Si l’institutrice de Helen lutte avec elle, pour elle, Billy perd très vite le père protecteur qui lui apprend à lire et veut faire de lui un homme, c’est-à-dire un être social. Mais être socialement, sans père ni repère, qu’est-ce que c’est ?

Poursuivis par la foule


Billy le Kid n’est pas antipathique, mais il est du mauvais côté. Penn arrive à nous faire aimer des personnages de voleurs, de tueurs, et dont la principale caractéristique est d’être recherchés, voire objets d’une chasse à l’homme – ce sera encore le cas avec Bonnie and Clyde (1967). La tête de Billy est mise à prix. Mickey One est poursuivi par des truands, menace sourde et invisible, intériorisée par le personnage incapable de vivre autrement que dans la fuite.

Dans La Poursuite impitoyable (1966), la chasse à l’homme – c’est le titre original : The Chase – est nettement plus concrète. Bubber (Robert Redford) apparaît finalement peu dans le film : il s’échappe de prison, la foule se lance à sa recherche, tandis que ses amis et le shérif tentent de le sauver. Bubber met en route l’intrigue, et quand il réapparaît enfin, il n’a pas idée de ce qui s’est passé sans lui. Il ne sait pas par exemple que le shérif (Marlon Brando) a tout fait pour le sauver. Il ne sait pas que sa femme (Jane Fonda) est amoureuse d’un autre, qui n’est autre qu’un de ses amis. Bubber est coupable – il s’est échappé, il a essayé de voler un homme au début – mais c’est le personnage le plus innocent. Il ne s’est pas vendu comme le shérif, il n’a pas trahi comme sa femme et son ami, et surtout il n’a pas déclenché un incendie, il n’a pas tué, comme la foule furieuse s’apprête à le faire.

Cette inversion des valeurs est totale dans le film : le lieu même de la justice devient celui de la violence aveugle. C’est en effet dans son bureau, au-dessus de la prison, que le shérif est lynché par les sudistes ivres. Cette longue scène, d’une rare violence, montre le visage de Brando qui se défait peu à peu sous les coups. Lui, le dernier visage humain de la ville, devient un masque de sang. Mais cette violence, elle rôde partout : dès le début, Bubber retourne l’homme à qui il veut voler sa voiture et se rend compte que son complice de fuite l’a tué. Ensuite, c’est un mécano noir qui est dangereusement suivi par trois gaillards ivres : à tout moment, le récit pourrait basculer dans le crime raciste. Et évidemment il y a le crime social, le plus insidieux, car le mieux admis, qui règne au-dessus des autres – ce magnat qui refuse de boire un verre avec ses employés et pense acheter le shérif qu’il a lui-même placé. Les cercles de cette société sont infranchissables : en haut, le patron et les grands bourgeois, puis il y a ceux qui rêvent d’en être, et enfin il y a la troisième caste, les criminels, les noirs et les pauvres. Cette violence culmine dans un autre lieu hautement symbolique pour la culture américaine du déplacement et de la vitesse : la casse où s’est réfugié Bubber. Des idéaux, il ne reste que les cadavres, les carcasses démontées qui brûlent dans une civilisation qui ressemble furieusement, et cela bien avant que le feu ne prenne, à l’enfer.

Festival Lumière – Jour 1: Ted Kotcheff et Faye Dunaway in the Town

Posté par Morgane, le 14 octobre 2014

Le Festival Lumière à Lyon a fait claquer son clap d'ouverture! Et pour cette 6ème édition, les festivaliers ont eu droit à des séances supplémentaires avant même l'ouverture officielle du lundi soir… Pour ma part ça a été Wake in frightde Ted Kotcheff (surtout connu pour son opus Rambo) à qui le festival rend hommage cette année.

Un film sauvé de la destruction
Le réalisateur canadien était présent pour nous dire quelques mots avant la projection. On apprend alors que le film a été apprécié par la critique lors de sa sortie mais boudé par le public australien qui n'aimait pas du tout le portrait que Ted Krotcheff dressait d'eux (qui est en effet assez peu reluisant). Et le réalisateur d'enchaîner: "Savez-vous pourquoi j'aime les Français? Quand le film a été présenté à Cannes en 1971, il a eu les honneurs de la critique mais aussi l'amour du public!". En effet le film est resté 9 mois dans les salles parisiennes puis a disparu littéralement pendant 25 ans! En 1996, un producteur australien s'est demandé ce qu'il était advenu et est parti à sa recherche, mais en vain. Puis le monteur du film (qui adorait Wake in fright) s'est lancé lui-même à sa recherche durant 13 ans. Londres, Dublin, New York pour finalement retrouver négatifs, bandes-sons etc. à Pittsburgh, dans une boîte sur laquelle il était inscrit "for destruction". "À une semaine près le film était détruit" nous dit Ted Krotcheff, amusé…

Mais heureusement que ce ne fut pas le cas: ce film quelque peu inclassable est une très belle découverte, qui nous plonge de suite dans une atmosphère bien particulière. La scène d'ouverture, un panorama sur un hôtel miteux et une école perdus au milieu du désert australien, scindé en deux par une voie de chemin de fer. L'ambiance est posée en quelques minutes seulement. L'immensité est omniprésente et pourtant, d'entrée de jeu, on étouffe. La scène de fin, la même que celle d'ouverture, métaphore de cet endroit d'où l'on ne peut s'échapper, accentue ce sentiment oppressant. Le soleil écrasant, la sueur qui perle sur les visages, tout semble poisseux, collant.

Une plaque Ted Kotcheff sur le mur des cinéastes
John Grant, jeune instituteur, doit rentrer à Sidney pour retrouver sa petite amie lors des vacances de Noël. Mais en route il se retrouve en quelque sorte bloqué à Yabba, ville étrangement étrange où tout le monde est très - trop - accueillant et qui se révèlera finalement être une ville cauchemar pour John. Ville qui va le plonger dans la douce folie de ses habitants l'entraînant peu à peu dans une véritable descente aux enfers durant laquelle il va perdre contact avec la réalité.

Ted Kotcheff donne à son film un rythme déconcertant pour le spectateur alternant des scènes qui semblent n'en plus finir au point de nous enivrer, suivies d'un retour au calme qui fait suite à la tempête, pour que celle-ci reprenne ensuite le dessus de plus belle. Le spectateur est baladé, ballotté tout comme le héros qui a bien du mal à reprendre son souffle.

Donald Pleasance y est superbe en docteur mi-sage mi-fou, parfois bouée de sauvetage mais doux dingue avant tout. Ce film est surtout surprenant et donne le "la" au festival. À l'issue de la projection, Ted Kotcheff s'est rendu rue du Premier Film pour inaugurer sa plaque sur le Mur des Cinéastes.

4000 personnes à l'ouverture
L'ouverture officielle du Festival Lumière à la Halle Tony Garnier s'est déroulée devant plus de 4000 personnes. Thierry Frémaux et Bertrand Tavernier présidaient la cérémonie durant laquelle on a pu apercevoir Nicole Garcia, Michel Legrand, Pierre Richard, Jerry Schatzberg, Jean-Hughes Anglade, Richard Anconina, Michael Cimino, Laetitia Casta, Tonie Marshall et quelques autres ainsi que Gérard Collomb (maire de Lyon) et Jean-Jack Queyranne (président du conseil régional de Rhône-Alpes).

Et pour ouvrir cette 6ème édition allait être projeté le classique d'Arthur Penn, Bonnie and Clyde (1967, 10 nominations aux Oscars), en présence d'une Faye Dunaway émue aux larmes. "Voici quelques mots pour décrire notre art: excellence, intelligence, intuition et surtout beauté, juste la beauté. Car si c'est beau c'est forcément de l'art. C'est pour cela qu'on travaille, qu'on espère, pour chaque film, chaque personnage. Et sans vous tous, je ne serai pas la même Faye Dunaway."

Un scénario destiné à Truffaut puis Godard
Bertrand Tavernier a ensuite dit quelques mots sur le film. On a ainsi appris que Faye Dunaway est arrivée sur le film de Bonnie and Clyde un peu par hasard, par un concours de circonstances. Curtis Hanson a fait des photos d'elle et celles-ci ont intrigué Arthur Penn et Warren Beatty. C'est donc un peu grâce à lui que Faye Dunaway est devenue Bonnie Parker.

Le scénario, lui, avait été écrit en premier lieu pour François Truffaut puis pour Jean-Luc Godard. Il a ensuite été refusé par plusieurs réalisateurs - dont Arthur Penn d'ailleurs car il ne voulait pas que Clyde Barrow soit bisexuel. Warren Beatty a insisté et Arthur Penn a finalement accepté en faisant quelques modifications et en transformant notamment Clyde Barrow en bisexuel impuissant. Peu de gens croyaient au film finalement, alors que ce fut un énorme succès dû, dit-on, à son côté anti-establishment.

Ce film a aussi pris beaucoup de libertés par rapport à la véritable histoire de Bonnie et Clyde qui n'étaient apparemment pas aussi magnifiques et romantiques. Et Tavernier de citer alors pour l'occasion: "Quand la légende devient plus intéressante que la réalité, imprimons la légende."

Les lumières s'éteignent, la légende s'illumine et la magie peut opérer…

Festival Lumière : une ouverture en Bonnie and Clyde

Posté par Morgane, le 29 août 2014

Faye DunawayLa rentrée se fait sentir et cela signifie que le Festival Lumière approche à grands pas !

Nouvelle annonce en cette fin d'été : ce que nous réserve la soirée d'ouverture...
Après Jean-Paul Belmondo, présent l'année dernière pour Un singe en hiver d'Henri Verneuil, l'édition 2014 s'ouvrira avec une grande figure féminine du cinéma hollywoodien. Faye Dunaway sera en effet l'invitée d'honneur de cette soirée d'ouverture à la Halle Tony Garnier, le lundi 13 octobre, et présentera Bonnie and Clyde d'Arthur Penn, film (copie restaurée par la Warner) de 1967 dont elle partage l'affiche avec Warren Beatty.

On se souvient de Faye Dunaway (qui a soufflé ses 73 bougies cette année) dans L'Affaire Thomas Crown de Norman Jewison, Portrait d'une enfant déchue de Jerry Schatzberg, Little big man où elle retrouve Arthur Penn, Chinatown de Roman Polanski ou encore Les trois jours du condor de Sydney Pollack. Plus récemment c'est, entre autres, sur le petit écran qu'elle fait des apparitions dans certaines séries comme Alias, Les experts ou bien Grey's anatomy.

Quant à Arthur Penn, décédé il y a presque quatre ans, il appartient à cette catégorie de réalisateurs marquants mais qui tournent peu et se font plutôt rares. Moins de 20 films à son actif mais beaucoup de classiques comme La poursuite impitoyable, Bonnie and Clyde, The Missouri breaks, Georgia, etc. dans lesquels il retrouve à plusieurs reprises Faye Dunaway mais aussi Warren Beatty, Marlon Brando, Gene Hackman...

La soirée promet donc d'être belle, glamour et riche en émotions ! On peut juste se demander si le Prix Lumière de cette année, mister Pedro Almodovar, nous fera l'honneur de sa présence dès l'ouverture du festival comme ce fut le cas l'année dernière avec le grand Tarantino...

Arthur Penn tire sa révérence (1922-2010)

Posté par geoffroy, le 30 septembre 2010

Arthur PennArthur Penn, l’alter ego cinématographique de Sam Peckinpah, est décédé dans la nuit de mardi à mercredi à l’âge de 88 ans. Avec la disparition de cet immense cinéaste qui tournait peu (13 films en 31 ans), la nouvelle vague américaine vient de perdre l’un de ses derniers chefs de file.

Arthur Penn, au-delà de l’excellent technicien qu’il fut, réussit ce tour de force de renouveler les genres aussi codifiés qu’étaient, à l’époque, le western et le film policier. Il suffit de voir ou revoir La Poursuite Impitoyable (1965) avec Marlon Brando, Robert Redford et Jane Fonda pour s’en convaincre. Le film aborde sans détour, et dans un réalisme froid jusqu’alors inédit, des thématiques aussi complexes que l’alcoolisme, la cruauté, la lâcheté, le courage, l’adultère… L’aspect psychologique des personnages prend le dessus sur l’ «action » même si le suspense y est formidablement bien rendu. Le film fait « mouche », devient une référence instantanée à l’image, sept ans plus tôt, du Gaucher, adaptation ô combien novatrice d’un certain Billy the Kid. Outre qu’il lança la carrière de Paul Newman, le réalisateur américain modernise le personnage pour en faire un adolescent rebelle au même titre que Jim Stark dans la Fureur de Vivre (Nicholas Ray, 1955).

En deux films Arthur Penn réinvestit donc deux genres phares du cinéma Hollywoodien. Mieux, il en dépoussière les codes. Aussi bien par sa mise en scène fluide au montage cut d’école que par les thématiques qu’il osera développer. Le réalisateur-scénariste Paul Schrader, l’un des premiers à avoir réagi dans les colonnes du New-York Times, considère d’ailleurs qu’ « Arthur Penn a apporté la sensibilité du cinéma européen des années 60 au 7ème art aux Etats-Unis ». Il aura porté, au même titre que Nicholas Ray, Elia Kazan, Joseph Losey ou encore Sam Peckipah, les bases du renouveau du cinéma américain et réalisé en 1967 son chef-d’œuvre : Bonnie and Clyde.

Film de toutes les audaces (scènes de violences, émancipation criminelle face à l’ordre morale, rigueur de la mise en scène, beauté du couple Fane Dunaway / Warren Beatty ; humour noir…), Bonnie and Clyde inspirera nombre de grands cinéastes dont Norman Jewison (l’Affaire Thomas Crown, 1968), Roman Polanski (Chinatown, 1974), Terence Malick (la Balade Sauvage, 1973) ou encore l’œuvre de Michael Mann. Le cinéaste ne s’arrête pas là et conclu une décennie d’innovation cinématographique par un film somme, sorte d’anti-western courageux et satirique stigmatisant l’attitude des « blancs » vis-à-vis de la communauté indienne, Little Big Man (1970). Dernier vrai succès commercial, Little Big Man s’avère être également le dernier grand film du réalisateur. Tournant beaucoup moins à partir de cette date, il réalisera un western de bonne facture (Missouri Breaks, 1976) et Target (1985), film de commande avec Gene Hackman et Matt Dillon. Il  reçu en 2007 l’Ours d’Or à Berlin pour l’ensemble de sa carrière.

Considéré à raison comme l’un des cinéastes les plus critiques envers  son époque, Arthur Penn fait partie des faiseurs doués capables de sublimer un genre sans jamais le corrompre. Sa mise en scène aiguisée aura, toujours selon Paul Schrader, « ouvert la voie à la génération des metteurs en scène américains des années 70 ». Martin Scorsese, Francis Ford Coppola ou Michael Cimino peuvent lui dire merci.

Nous, nous lui souhaitons bon vent.

Un nouveau film pour célébrer les 75 ans de Bonnie and Clyde

Posté par vincy, le 5 avril 2009

bonnie and clydeTout le monde connaît la chanson de Gainsbourg & Bardot. Et puis, évidemment, le film avec Warren Beatty et Faye Dunaway. Enorme succès mondial, Bonnie & Clyde est rentré dans l'histoire du 7e Art grâce à sa violence exacerbée dans l'assault final. Et peut-être aussi parce que les deux acteurs étaient parmi les plus beaux du cinéma à cette époque. 10 nominations aux Oscars pour ce film d'Arthur Penn, classé dans la catégorie des classiques, même 42 ans après.

Bonnie et Clyde sont ressuscités aux Etats-Unis à l'occasion des 75 ans de l'embuscade qui a conduit à leur fin brutale. C'était le 23 mai 1934. En Amérique, on s'apprête à préparer les commémorations. Tous les ans, des Américains viennent célébrer ce mythe qualifié de "Roméo et Juliette du Midwest". Deux nouveaux livres seront publiés. Mais surtout Hollywood va produire une version actualisée avec Hilary Duff et Kevin Zegers (le fils de Felicity Hoffman dans le très beau Transamerica). De quoi vouloir séduire la génération 2.0?

L'intention n'est pas artistiquement infondée. Après tout, le mythe Bonnie & Clyde est né en pleine Grande dépression économique. Cette histoire romantique a fait vibrer une Amérique gangrénée par les gangsters. Cela fait écho avec cette même Amérique en crise financière, dont le cancer est, ce coup-ci, du côté du système bancaire.

Hilary Duff et Kevin Zegers pour remplacer Faye Dunaway et Warren Beatty?! 

Mais pourquoi prendre deux comédiens inexpérimentés et peu connus en dehors des magazines people pour faire une nouvelle version de cette histoire culte? Interrogée sur le choix d'Hilary Duff pour le rôle de Bonnie, Faye Dunaway s'est offusquée : "Ils auraient pu au moins engager une vraie comédienne". Avec moins de classe, Duff a rétorqué : "la remarque n'était pas utile, mais je serai aussi cinglée qu'elle si j'avais son physique à son âge." Une élégance rare. Duff oublie deux choses : on ne reste pas jeune et jolie très longtemps, même à Hollywood, et Faye Dunaway reste l'une des plus grandes comédiennes américaines de ses 40 dernières années. On en reparlera donc dans 40 ans.

La tournage de The Story of Bonnie and Clyde commence ce mois-ci, et pourrait sortir d'ici la fin de l'année. Ecrit et réalisé par Tonya S. Holly, dont c'est le troisième film, il ne s'agit pas d'un remake. On annonce même une fin avec une suprise, un "twist".

De toute façon, le film d'Arthur Penn avait déjà excessivement romancé cette histoire, jusqu'à rendre glamour deux criminels qui ressemblaient à des gamins, petits poids plumes physiquement. Alors pourquoi ne pas la transformer davantage?

Paul Newman est mort : l’ultime grand saut…

Posté par vincy, le 27 septembre 2008

paulnewman.jpgIl était l'une des plus grandes légendes du cinéma américain. Paul Newman est mort vendredi 26 septembre à l'âge de 83 ans. Son décès était attendu depuis quelques semaines lorsque sa famille avait annoncé que l'acteur avait cessé de se soigner pour son cancer des poumons. Oscarisé pour son rôle dans La couleur de l'argent (de Martin Scorsese, hommage à un autre de ses grands rôles, L'arnaqueur), ce daltonien aux yeux bleus magnifiques avait été nommé neuf fois pour la statuette suprême, et avait reçu, par ailleurs, deux Oscars d'honneur. Il reçut aussi un prix d'interprétation à Cannes en 1958, l'année de sa révélation mondiale. Il donne la réplique à Elizabeth Taylor, entre alcool et impuissance, clamant : "La vérité c’est renoncer à ses rêves et mourir inconnu."

Parmi ses rôles les plus marquants soulignons La chatte sur un toit brûlant, Le gaucher, Exodus, Le rideau déchiré, Butch Cassidy et le Kid, Buffalo Bill et les indiens, Juge et hors-la-loi, L'arnaque, Le verdict... Il a ainsi tourné avec Hitchcock, Altman, Lumet, Penn, Huston. Son cinéaste de prédilection fut George Roy Hill. Récemment, il prêta sa beauté grecque vieillissante aux caméras des frères Coen (Le grand saut), à Sam Mendès (Les sentiers de Perdition) ou encore à James Ivory (Mr & Mrs Bridges). Mais son dernier rôle fut la voix d'une vieille bagnole autrefois célèbre, dans Cars (Pixar).

Newman était aussi réalisateur (De l'influence des rayons gamma... vient de ressortir à Paris), scénariste, producteur, entrepreneur , coureur automobile (2e au 24 heures du Mans) et activiste-pacifiste.

Il avait débuté sur les planches et continuait de jouer et de mettre en scène jusqu'à l'annulation d'une pièce de Steinbeck, pour cause de maladie. C'est là qu'il annonça sa retraite définitive : "Je ne me sens plus capable de travailler au niveau que je souhaite, expliquait-il. Quand on commence à perdre la mémoire, la confiance, sa capacité d'invention, il vaut mieux tout arrêter."

Voir aussi le portrait d'Ecran Noir.