Incapable de filmer en Thaïlande, Apichatpong Weerasethakul prospecte en Colombie

Posté par vincy, le 14 mars 2017

Apichatpong Weerasethakul pourrait tourner pour la première fois loin de sa Thaïlande. En Colombie plus précisément. Palme d'or en 2010, le cinéaste a confié quelques détails sur son projet au Hollywood Reporter. Il va effectuer un voyage de deux mois dans ce pays sud-américain afin de vouloir comprendre "la violence qui s'est développée ici et l'histoire de la colonisation", ce qui, selon lui, fait écho à son propre pays. Cette recherche devrait aboutir à un film, qu'il souhaiterait tourner sur place.

Il explique qu'il est actuellement contrarié par la censure et le climat politique de la Thaïlande, qui est régit par une Loi martiale depuis mai 2014. Il confie au journal professionnel américain qu'il est obsédé depuis un moment par l'Amérique latine. Alors qu'il présentait une rétrospective de son œuvre au Festival de Carthagène, en Colombie, la semaine dernière il a décidé d'expliquer et de justifier dans ce projet.

Amoureux de la jungle et de ses animaux, il voudrait s'affranchir de la vision occidentale de cette forêt tropicale, cette "romantisation" comme il la définit. Il accuse d'ailleurs les artistes occidentaux d'avoir influencé les auteurs, les cinéastes et les populations en montrant une jungle qui n'a rien à voir avec la réalité, mais qui est devenue dans les livres, les films et les esprits une sorte de vision unique de la jungle.

Devant l'impossibilité de filmer librement - la Loi en Thaïlande interdit d'évoquer ou critiquer la monarchie, la religion ou l'armée - il préfère aller filmer la réalité ailleurs. Les films en Thaïlande sont considérés comme de la propagande. De nombreux artistes sont menacés ou emprisonnés depuis le coup d'Etat militaire.

Dix films à ne pas rater au 39e festival de Clermont Ferrand

Posté par MpM, le 1 février 2017

clermont 2017

A un an de son 40e anniversaire, le festival de Clermont Ferrand a de quoi être confiant : en 2016, il a comptabilisé plus de 160 000 entrées et accueilli environ 3500 professionnels, pour un total de près de 8000 films reçus. Pour capitaliser sur ces beaux chiffres, la manifestation qui se tient du 3 au 11 février a concocté cette année encore un programme riche et dense qui ravira aficionados du court métrage, simples amateurs et néophytes absolus.

Comme tous les ans, ce sont les compétitions qui ont la part belle, avec trois sélections distinctes : internationale (75 films, 58 nationalités), nationale (60 films dont 12 coproductions) et "labo" (30 films jugés plus singuliers, voire "expérimentaux", issus de 17 pays). Pour la première fois, un prix sera remis au meilleur documentaire en lice dans les trois sections. Un focus permettra également de découvrir le meilleur du cinéma colombien tandis que la rétrospective thématique mettra l'accent sur "l'humour noir".

Il sera par ailleurs possible de se pencher sur les cinémas africain (avec deux programmes "Regards d'Afrique") et coréen (avec une rétrospective de la Korean Academy of Fine Arts), de découvrir les 7 films d'anticipation de la collection "Demain si j'y suis" ou encore de redécouvrir le Front populaire à travers deux "Courts d'histoire". Enfin, le marché du film, autre centre névralgique du festival, accueillera des exposants d'une quarantaine de pays.

10 films à ne pas rater

Certains films sélectionnés ont déjà fait leurs preuves dans d'autres festivals ou avant-premières. Petit guide de ceux qu'il ne faudra surtout pas manquer.

Anna de Or Sinai (Israël)

Grand Prix de la Cinéfondation lors du dernier festival de Cannes et Grand prix au festival de Poitiers, Anna poursuit logiquement sa carrière à Clermont. Il dresse le portrait touchant d’Anna, une femme d’une quarantaine d’années qui se met en quête, le temps d’une soirée, d’un homme qui pourrait partager sa solitude. Jamais mièvre ni cruelle, la jeune réalisatrice filme son héroïne avec une bienveillance lumineuse qui lui redonne peu à peu confiance. En une nuit, sans éclats ni rebondissements spectaculaires, Anna passe d’une mélancolie amère à une forme d’autodérision et d’humour qui tirent le récit vers une légèreté joyeuse et presque décalée.

Campo de vibeiras de Cristèle Alves Meira (Portugal)

Notamment présenté à la Semaine de la critique 2016, ce film envoûtant et singulier commence sur une énigme et s'achève sur un mystère. Qu'est-il arrivé à Lurdes, qui a fui la demeure familiale ? Et à sa vieille mère acariâtre, retrouvée morte au milieu des vipères ? Peu de réponses, mais une ambiance saisissante et une mise en scène habitée.

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Cannes 2015 : l’Amérique du Sud à l’honneur dans le palmarès de la Semaine de la critique

Posté par MpM, le 21 mai 2015

Paulina

Traditionnellement première section parallèle à annoncer son palmarès, la Semaine de la Critique du Festival de Cannes récompense cette année les deux longs métrages sud-américains de la sélection. C'est en effet un drame argentin dérangeant, Paulina de Santiago Mitre, qui a séduit le jury Nespresso. Le film raconte le cheminement singulier d'une jeune femme victime de viol qui décide de protéger ses agresseurs.

La Tierra y la sombra de César Augusto Acevedo, film colombien sur le délitement d'un monde, repart lui avec le Prix Révélation France 4 et le Prix SACD. Il raconte à travers le destin d'une famille le déclin d'une région de Colombie condamnée à se vider de ses habitants

Enfin, l'aide Fondation Gan pour la diffusion revient au très beau film français Ni le ciel ni la terre de Clément Cogitore qui se déroule dans un camp de soldats français en Afghanistan.

Dans une compétition relativement homogène, les choix des jurés étaient particulièrement ouverts. Toutefois, on ne peut s'empêcher de regretter l'absence au palmarès du très captivant huis clos palestinien, Dégradé de Tarzan & Arab Nasser (voir notre lettre du 18 mai). Mais tout n'est pas fini : en tant que premier film, il est encore en lice pour la Caméra d'or.

Grand Prix Nespresso
Paulina de Santiago Mitre

Prix Révélation France 4
La Tierra y la sombra de César Augusto Acevedo

Prix SACD
La Tierra y la sombra de César Augusto Acevedo

Prix Découverte Sony CineAlta du Court Métrage
L'enfant est au coeur (Varicella) de Fulvio Risuelo

Prix Canal+ du Court Métrage
Ramona de Andrei Cretulescu

Aide Fondation Gan pour la diffusion
Ni le ciel ni la terre de Clément Cogitore

Premier panorama du cinéma colombien de paris

Posté par MpM, le 7 juin 2013

panorama colombienDepuis peu, le cinéma colombien se fait remarquer en Europe, et notamment dans les grands festivals internationaux. On a ainsi pu découvrir dernièrement deux longs métrages colombiens, La Playa de Juan Andrés Arango et La Sirga de William Vega qui ont en commun d'avoir été sélectionnés à Cannes avant de connaître une carrière dans les salles françaises.

Cette émergence n'a rien à voir avec le hasard, mais plutôt avec la volonté politique de Bogota de défendre et soutenir son cinéma national. En effet, jusqu’au milieu des années 2000, la Colombie produisait  entre 1 et 8 films par an.

Depuis la loi de 2003, qui a doté le pays de structures de production et de dispositifs de soutien à destination des réalisateurs locaux, ce sont aujourd’hui entre 30 et 40 films colombiens qui voient le jour chaque année.

S'appuyant sur un vivier de jeunes cinéastes et producteurs engagés, la cinématographie colombienne se caractérise désormais par une recherche créative et des choix esthétiques ambitieux. Face à un tel dynamisme,  l´association Le chien qui aboie (qui a vocation à partager et valoriser le cinéma sud-américain) a eu l'idée de s'associer au cinéma La Clef pour organiser le 1er Panorama du cinéma colombien.

Jusqu'au 11 juin, les Parisiens et Franciliens peuvent ainsi découvrir une compétition de longs et de courts métrages colombiens inédits, ainsi qu'un focus spécial sur la société de production Ciné-Sud Promotion et un cycle de films marquants issus de la dernière décennie.

L'occasion (quasiment unique) de saisir cette cinématographie peu diffusée dans toute sa diversité, qu'il s'agisse d'un documentaire sur la culture ancestrale palenquera (Del palenque de san basilio d'Erwin Goggel, déclaré film  patrimonial colombien) ou d'une fiction anxiogène sur les travailleurs de nuit de Bogotá, harcelés par les bandits et criminels locaux (Los asesinos de Rodrigo Dimaté).

Du cinéma pour tous les goûts, et surtout pour toutes les curiosités.

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Panorama du du cinéma colombien
Jusqu'au 11 juin 2013
Informations et horaires sur le site de la manifestation

Alternative pacifique

Posté par geoffroy, le 21 mars 2008

Continuité. Telle pourrait être le parti pris d’une sélection engagée qui prône le thème de la lutte comme réponse aux évènements qui meurtrissent l’Amérique Latine. De lutte il en est justement question dans le documentaire de Juan José Lozano, Hasta la Ultima Piedra (Jusqu’à la dernière pierre).

Alors que la Colombie est toujours sous l’emprise d’une terrible guerre civile opposant la République colombienne et les différentes guérillas (dont les rebelles FARC), de « simples » paysans décidèrent de créer en 1997 des zones de neutralité appelées communautés de paix. Posture courageuse se réclamant d’une stratégie de paix alternative, ces communautés refusent de cautionner toute action par les armes. Soutenues par de nombreuses ONG,
celles-ci furent pourtant la cible de la folie sanguinaire des guérilleros et des forces paramilitaires. Les tortures, enlèvements, assassinats, actes de barbarie etc. obligèrent les paysans à quitter les villages. Ils existent aujourd’hui environ 60 villages (regroupant 5000 membres) totalement autonomes, cultivant la terre à partir d’un fonctionnement collectif d’entraide et de non implication dans les luttes armées.

Filmé avec une sobriété d’école, ce documentaire est un témoignage troublant de ce que doivent entreprendre les peuples afin de garantir un minimum de sécurité et d’espérance. Initiative « de la main qui travaille », ce chemin de « croix » contre la violence des hommes est une belle leçon de résistance pacifique contre la guerre. Par la prise de parole des uns et les actions de ceux qui en sont les garants, le film démontre à tous ceux qui pourraient en douter encore le niveau de conscience politique d’une population qui ne demande que sécurité, éducation, assistance et soutien. Les villages deviennent ce havre de paix salutaire au cœur des affrontements. Mais pendant combien de temps ?

Malgré son découpage classique, un peu statique et redondant, le documentaire de Juan José Lozano est doté d’une discrétion qui l’honore et laisse ainsi entrevoir par ses plans intermédiaires la fragilité de ces villages. Nous respirons cette angoisse permanente et palpons le danger aux alentours. Si la joie semble avoir abandonné ces contrées, la volonté est là tout comme le droit d’un peuple de vivre en paix.

Hasta la Ultima Piedra témoigne d’une réalité qui, comme l’indique l’un des protagonistes, se doit d’être « une lutte pour un homme nouveau et un monde différent ».