[2019 dans le rétro] Le cinéma de genre en quête d’un nouveau souffle

Posté par kristofy, le 4 janvier 2020
C’était quoi le cinéma de genre en 2019 ?

L'année dernière parmi une production pléthorique au niveau international, il y avait tout de même eu une dizaine de films français notables (dont Revenge de Coralie Fargeat, La nuit a dévoré le monde de Dominique Rocher, La Femme la plus assassinée du monde de Franck Ribière...). Les surprises les plus fortes de 2018 en films de genre, de la SF à l'horreur, nous étaient venues en fait des plus grands cinéastes : Guillermo del Toro avec La Forme de l'eau, Steven Spielberg avec Ready player one, Lars von Trier avec The House that Jack built, la version en 3D de Détective Dee: la légende des Rois Célestes de Tsui Hark, et Ghostland du français Pascal Laugier.

Une fois ce souvenir ravivé, force est de constater que pour ce qui est des films sortis en salles en 2019, il y a toujours une belle diversité, mais beaucoup moins de succès populaire qui séduit au delà des spectateurs aficionados de sensations fortes, sauf à quelques exceptions.

Le genre sacré dans les festivals

Le succès d'estime de l'année avec un bouche-à-oreille de la part de ceux qui l'ont vu est sans doute le cauchemardesque Midsommar de Ari Aster. Même si, avec autant de buzz, on s'attendait à un succès bien plus large. Sans doute un excès de vanité et un culte peut-être trop prématuré (le film a été ressenti comme très flippant pour beaucoup, et trop long et navrant pour d'autres).

Bien évidemment on peut toujours compter sur les films coréens à sous-texte politique comme Le Gangster, le flic et l'assassin de Lee Won-tae (passé par le Festival de Cannes), billard à trois bandes efficace. L'année 2019 aura d'ailleurs été marquée par un autre succès plus extraordinaire lié au cinéma de genre mais qui dépasse ce type même de cinéma, un succès d'autant plus extraordinaire puisqu'il a déjoué n'importe quelle prédiction : il s'agit de Parasite de Bong Joon-ho qui a reçu la Palme d'or et attiré en salles par plus de 1,6 million de spectateurs en France (devenant le film à Palme d'or le plus vu depuis 15 ans et le film coréen le plus populaire de l'histoire). Tellement fédérateur, qu'il figure dans le top des favoris de l'année de tout le monde,  avec peut-être bientôt l'Oscar du meilleur film international... A cette Palme d'or, Venise a répondu par un Lion d'or à un autre film "de genre", et le sempiternel combat du Bien contre le Mal si américain, avec Joker de Todd Phillips, qui a su renouveler le film de super-héros.

Le cinéma de genre français se (re)cherche...
Il ne faut pas se le cacher: ce type de film représente un risque financier (un peu moins s'il est en langue anglaise), d'autant plus s'il est soumis à l'interdiction aux moins de 16 ans qui fait peur aux distributeurs et aux exploitants. Pourtant le public est bel et bien là comme le prouve les gros succès de certains films américains prémâchés et formatés (Ça - chapitre 2, Annabelle 3, Simetierre...).

L'embellie de l'année dernière est passée et malheureusement, en 2019, le cinéma de genre français dans les salles était quasiment invisible. Girls with balls de Olivier Afonso a connu une regrettable difficulté avec son distributeur initial et a dû être diffusé sur la plateforme Netflix. En fait, le seul film a être sorti discrètement en salles aura été Tout les dieux du ciel de Quarxx. Pour se consoler il y a eu tout de même une poignée d'autres films qui en s'approchant de certains éléments du genre sont à saluer : le sous-marin en guerre de Le Chant du Loup de Antonin Baudry, efficace, le rite vaudou de Zombi Child de Bertrand Bonello, délirant, et différentes folies meurtrières jouissives dans Le Daim de Quentin Dupieux (avec Jean Dujardin) ou dans Furie de Olivier Abbou, sans oublier le plutôt drôle Rebelles de Allan Mauduit (avec Cécile De France). On en voudrait plus... Pour se regonfler notre égo on peut se dire que le meilleur film de genre de 2018 avait été Ghostland réalisé par le français Pascal Laugier, qui a cartonné à l'international. Et il en est de même encore en 2019 (là encore tourné en langue anglaise) avec le "survival" dans une maison inondée en plein ouragan face à des alligators de Crawl de Alexandre Aja. Cela pourrait changer dans les années qui viennent depuis que le CNC a mis à disposition une aide spécifique aux films de genre. Mais il reste toujours le problème de la diffusion.

Le cinéma de genre américain capitalise ses recettes...
Au global les plus gros succès aux Etats-Unis en millions de dollars sont, comme d'habitude, des suites avec des super-héros. Le cinéma de genre est donc aussi inclus dans cette exploitation d'un univers déjà connu avec diverses suites : Godzilla 2: Roi des monstres, Retour à Zombieland, Happy Birthdead 2 You, et bien sûr Star Wars, épisode IX: l'ascension de Skywalker. Et quand on ne fait pas de suite alors on produit un reboot d'une histoire bien connue mais avec un autre acteur comme le nouveau (et raté) Hellboy de Neil Marshall, et l'ambitieux Alita: Battle Angel de Robert Rodriguez, qui espérait en faire une trilogie. Parfois le plaisir (coupable) est bien là, mais souvent bien que le spectacle soit plaisant la déception s'invite aussi.

Les grands noms ne font plus recette...
Il y a quelques années certains noms sur une affiche étaient suffisamment vendeur pour remplir les salles, un succès précédent était la promesse d'un nouveau succès, mais ce n'est clairement plus le cas. Il y a eu plusieurs résultats (à divers degrés) très en dessous des espérances des distributeurs, et surtout de celles du spectateurs. C'est le cas pour Gemini Man de Ang Lee avec Will Smith, malgré ses prouesses techniques, Glass de M. Night Shyamalan avec Bruce Willis, alors que le film remplissait son contrat, Ad Astra de James Gray avec Brad Pitt, sans doute trop métaphysique, et The Dead don't die de Jim Jarmusch avec Bill Murray, trop léger. Cette année on a frôlé l'overdose de nouvelles adaptations d'histoires de Stephen King : Doctor Sleep (la suite de Shining), Simetierre (le remake), Ça: chapitre 2 (la suite du remake). Mais King reste une valeur sûre en salles si on en croit le box office des deux derniers.

A noter toutefois que c'est avec le cinéma de genre que l'actrice noire Lupita Nyong'o regagne en popularité depuis son Oscar pour 12 Years a Slave en 2013. Après avoir reçu peu de propositions, elle a su rebondir sur le carton de Black Panther l'année dernière. Cette année, elle était l'héroïne principale de deux films fantastiques, à se battre contre des zombies dans Little monsters (récompensé du Corbeau d'or au BIFFF) et contre son double maléfique dans Us de de Jordan Peele.

Les surprises les plus rafraîchissantes...
Si les gros films, pour généraliser, n'ont pas été cette année à la hauteur des attentes, il y a eu d'autres films plus modestes qui ont été des bonnes surprises (comme chaque année d'ailleurs). Captive State de Rupert Wyat ayant connu un échec aux Etats-Unis est sorti presque inaperçu courant avril tout comme la comédie-phnéomène cultissime Ne coupez pas! du japonais Shin'ichirô Ueda, sortie très discrète aussi de Brightburn: l’enfant du mal de David Yarovesky.

C'est clairement le cinéma nordique qui renouvelle le plus le cinéma de genre, même si il est relativement ignoré, faute d'un manque de diffusion des films : Cutterhead du danois Rasmus Kloster Bro, The Quake du norvégien John Andreas Andersen, The Unthinkable du collectif suedois Crazy Pictures (sorti en dvd), et Border en Suède par le danois Ali Abbasi sorti en salles début janvier 2019 (après une récompense au Festival de Cannes 2018). N'oublions pas le norvégien André Øvredal, qui a réalisé aux Etats-Unis Scary Stories (co-scénarisé par Guillermo Del Toro).

Pour conclure, finissons sur un espoir pour l'année à venir. La nouvelle actrice qui peut prétendre au titre de la 'Screaming Queen' de 2019 est Samara Weaving dans l'attrayant Wedding Nightmare...

BIFFF 2019 : les films catastrophe, nouvelle tendance du cinéma scandinave

Posté par kristofy, le 20 avril 2019

Pour les films fantastiques, on peut reconnaître une région du globe à certaines spécificités : torture psychologique, humour sarcastique, bagarre à coups de marteau... au Japon, en Espagne, en Corée du Sud.

Les pays nordiques, en dehors des best-sellers littéraires, semblaient plus méconnus. Leurs films fantastiques sont plutôt signés de grands cinéastes reconnus dans les Festivals: Lars Von Trier (Mélancholia, The house that Jack built…) et Nicolas Winding Refn (Valhalla Rising, The Neon demon…) du Danemark, Andre Ovredal de Norvège (The Troll hunter, The Jane doe identity), Tomas Alfredson de Suede (Morse), Timo Vuorensola de Finlande (Iron Sky)…

Cette année, le BIFFF a programmé 7 films de cinéastes nordiques avec tueurs, zombies, odyssée spatiale et une série de films catastrophes à glacer le sang. Revue de détails pour 3 d’entre eux vraiment remarquables, et que vous pouvez déjà découvrir :

The Quake, de John Andreas Andersen, Norvège.

Le film The Wave était dans certains top 10 des meilleurs films de l’année 2016 (son réalisateur norvégien Roar Uthaug a été appelé à Hollywood pour réaliser le nouveau Tomb Raider). C’était d’ailleurs tellement bien que l’équipe en a fait cette suite réalisée par John Andreas Andersen. Après le tsunami en bordure d’une côte à Geiranger et ses 248 morts, cette fois c’est carrément un tremblement de terre dans la capitale, qui sera évidemment pire ! Encore une fois les effets spéciaux des catastrophes naturelles sont épatants, mais surtout ils sont au service de l’histoire : un géologue qui calcule les risques de cataclysme et qui craint de les voir survenir quand personne n’y croit. A Oslo, bien qu’ une faille sismique soit tout de même surveillée sans aucune alerte depuis 1904, il n'y a apriori aucun risque.

The Quake débute quelques années après l’autre film, on (re)découvre le héros solitaire et séparé de sa famille car il ressasse encore le traumatisme du tsunami, quand un collègue trouve la mort dans un tunnel de Oslo. Il y a bien un énorme tremblement de terre imminent mais sa femme et sa fille se trouve dans un immense building, le temps d’aller les chercher et c’est le piège qui s’effondre en étant à l’intérieur… Le seul reproche de ce film est qu’il soit centré uniquement sur cette famille en danger, quand l’autre donnait plus à voir une communauté de voisins en péril. Si avec The Wave on avait eu le souffle coupé, c’est le cœur qui s'arrête pour The Quake avec cet homme qui va tout faire pour sauver encore une nouvelle fois femme et enfants. (malheureusement pas de sortie en salles, disponible en e-cinéma)

The Unthinkable, du collectif Crazy Pictures, Suède

Dans beaucoup de films catastrophe, il y a toujours une histoire d’amour. Dans The Unthinkable on a ainsi un film d’amour dans une histoire de catastrophe. C’est l’œuvre de Crazy Pictures qui est un collectif de 5 Suédois qui ensemble s’occupent de l’écriture, la production, la réalisation, les effets spéciaux… C’est peut-être d’ailleurs parce que le film a été conçu à plusieurs mains qu’il raconte en fait 2 grandes histoires d’amour manquées et parallèles : celle du héros qui n’est pas parvenu à se déclarer à une fille qu’il retrouve douze années plus tard, et celle du héros en rapports conflictuels avec son père durant sa jeunesse auquel il va se confronter.

On verra que c’est autant compliqué de se rapprocher que de s’éloigner de qui on voudrait alors que dans le pays se déroule une vaste et mystérieuse attaque qui provoque à la fois des accidents de voitures, des coupures de courant, la mort de militaires et la disparition du gouvernement ! Le père entre dans une paranoïa d’agents étrangers tandis que la fête du solstice d’été est peut-être l’occasion pour le fils de reconquérir sa femme idéale. Mais des hommes armés et des hélicoptères en action vont tout perturber… The Unthinkable, étonnant à plus d’un titre, est logiquement sélectionné dans chaque festival fantastique comme Sitges, Paris, Gerardmer, et donc enfin le Bifff à Bruxelles. (il est désormais disponible depuis le 3 avril en dvd et blu-ray, édité par Wild Side)

Cutterhead, de Rasmus Kloster Bro, Danemark

En plein Copenhague, il y a un vaste chantier en cours. En fait, il s’étend loin en profondeur puisqu’il s’agit de percer des nouveaux tunnels pour un métro. Rie est une femme chargée d’y passer une journée à documenter les travaux avec des photos, elle descend alors dans les entrailles de la terre et y découvre dans des passages étroits le travail pénible de tunnelier. La plupart des ouvriers ne parlent pas danois ni même à peine anglais: il y a Ivo d’origine croate qui rentre chez lui une semaine par trimestre et Bharan qui a fuit l’Erythrée et qui a une lourde dette envers sa famille. Ces trois personnages vont se retrouver coincés - après une alarme incendie - dans un réduit de quelques mètres : la chaleur augmente, l’oxygène baisse, pas de nourriture, et l'incertitude d'une éventuelle intervention des secours…

Cutterhead débute presque comme un documentaire social pour très vite devenir une catastrophe oppressante et claustrophobe. Dès l’enfermement, c’est filmé au plus près des visages avec un soin particulier sur les sons extérieurs. L’angoisse et la peur gagnent en même temps les protagonistes et les spectateurs. Au fur à mesure que le temps passe, le désespoir l'emporte et les chances de survie s'amoindrissent. Il va falloir lutter pour soi et peut-être même contre les autres. Avec ce film, danger de suffocation…