Unperfect Day pour Lou Reed (1942-2013)

Posté par vincy, le 28 octobre 2013

lou reed dans brooklyn boogie de paul auster

Il y a des week-ends comme ça. Soudainement, on apprend la mort d'un artiste. Lou Reed, 71 ans, disparaît. Pilier du Velvet Underground, inventeur d'un rock décadent, provocateur médiatique, il aura souffert d'avoir écrit des textes trop sombres pour que ses chansons deviennent aussi populaires que celles de son ami David Bowie. Il n'empêche, en 50 ans, le new yorkais, proche d'Andy Wahrol, est devenu une icône d'un rock sublime, laissant plusieurs chansons intemporelles, souvent réutilisées dans les bandes originales de film. Ainsi on entend du Lou Reed dans des films aussi différents que Men in Black III, Juno, Le scaphandre et le papillon, La science des rêves, Last Days, La famille Tenenbaum, Hedwig and the Angry Inch, Lost Highway , Trainspotting, Les Doors, Soleil de nuit... Les chansons Venus in Furs, Perfect Day, Walk on the Wild Side, Sweet Jane, Satellite of Love, I'm Sticking With You, entre autres, sont à jamais liées à des images de films en tous genres.

Lou Reed fut de temps en temps acteur. Aux côtés de Paul Simon dans One Trick Pony en 1980, chez Paul Auster dans Brooklyn Boogie en 1995 (photo) et Lulu on the Bridge en 1998, dans Prozac Nation, avec Christina Ricci et Jonathan Rhys Meyers en 2001, chez Luc Besson où il fut la voix de l'empereur Maltazard dans la franchise Arthur et les Minimoys en version anglophone. On l'aperçoit chez Wim Wenders dans son propre rôle dans Si loin, si proche! en 1993 et dans Palermo Shooting en 2008.

Mais peut-être que le plus beau personnage de Lou Reed au cinéma fut sans Lou Reed. En 1998, Todd Haynes réinterpréta les origines du glam rock, ce genre porté à son paroxysme par David Bowie, et des racines du punk, dont Reed mais aussi Brian Eno furent les démiurges. Le titre même du film - Velvet Goldmine - est une référence à sa Vénus en fourrure. Surtout, le personnage d'Ewan McGregor, Curt Wild, est un mélange assumé de Bowie, d'Iggy Pop et Lou Reed.

A 17 ans, Lou Reed avait subit un traitement par électrochocs, proposées à ses parents par un psychiatre, afin de le « guérir » de ses tendances homosexuelles. Expérience traumatisante qui l'entraîna à consommer des médicaments de façon dépendante et lui fit écrire des textes crus et choquants où la violence, la provocation, la dureté de la vie, la marginalité des homos, bi et autres trans étaient évoqués. Sébastien Lifshitz (Les Invisibles), qui avait donné le titre Wild Side à l'un de ses films en hommage à la chanson la plus célèbre du musicien, avait le projet de réaliser un documentaire sur cette partie de sa personnalité. Le cinéaste français espérait le tourner une fois que Reed se soit remis de sa greffe du foie, qui, hélas, lui fut fatale.

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Lire aussi : Berlin critique du documentaire sur le concert de Lou Reed réalisé par Julian Schnabel

La cinéaste Antonia Bird disparaît (1959-2013)

Posté par vincy, le 26 octobre 2013

antonia birdAntonia Bird est décédée des suites d'une longue maladie, jeudi dernier à Londres. Elle avait 54 ans.

La réalisatrice britannique avait réalisé quelques uns des meilleurs films anglais des années 90, à commencer par Prêtre (Priest) en 1995. Le film, qui choqua l'église catholique, avait reçu de nombreux prix : le Teddy Award à Berlin et le prix du public à Toronto notamment.

On lui doit également Face, De l'amour à la folie (Mad Love), et le film d'horreur Vorace (Ravenous) en 1999, son dernier long métrage de cinéma. Ses films parfois dérangeants s'attaquaient aux tabous de notre société, de la folie à la désintégration sociale, avec une esthétique réaliste et une certaine violence psychologique.

Antonia Bird était aussi productrice - avec l'acteur Robert Carlyle, qui jouait dans tous ses films, Mark Cousins et Irvine Welsh, ils avaient créé 4-Way Films. Elle avait surtout travaillé pour le petit écran tout au long de sa carrière.

Elle préparait depuis trois ans son retour au cinéma avec Cross My Mind, histoire érotique et passionnelle. Olivia Williams et Peter Mullan devaient être au générique.

Daniel Duval range son porte-plume (1944-2013)

Posté par vincy, le 10 octobre 2013

daniel duvalLe comédien et réalisateur Daniel Duval est décédé jeudi à l'âge de 68 ans des suites d'une longue maladie, a appris l'AFP jeudi auprès de l'agence artistique Ubba.

Véritable gueule - une sacrée tronche séduisante et même chaleureuse dès qu'il souriait, abimée comme il fallait pour paraître le dur à cuir façon Lanvin -, visage dont les rides se creusaient avec les années, Daniel Duval endossait souvent les rôles de flics ou de voyous. Dans La dérobade (1979) son deuxième long métrage en tant que réalisateur, il s'était donné le rôle du proxénète pas sympa.

Deux ans auparavant son film L'ombre du château lui avait valu un prix de la mise en scène au Festival de Moscou. Réalisateur au destin prometteur? De ses débuts dans les années 70 à la fin des années 80, Duval était aussi un second rôle, parmi d'autres. Il a longtemps souffert d'avoir un physique et un style de jeu proches de ceux de Philippe Léotard ou Richard Bohringer. On le remarquait dans Que la fête commence de Bertrand Tavernier, Les Loups entre eux de José Giovanni ou encore Stan the Flasher de Serge Gainsbourg. Un mec viril pour des films de mec.

Pourtant c'est grâce aux femmes que l'acteur, charmeur, va prendre sa place dans le cinéma art & essai : en 1996, il est à l'affiche de Y aura-t-il de la neige à Noël ? de Sandrine Veysset et Love, etc. de Marion Vernoux. Sans oublier deux ans après le très torride Si je t'aime, prends garde à toi de Jeanne Labrune où il se fout à poil dans tous les sens du terme.

Par la suite, Duval passe devant la caméra de Xavier Durringer, Christian Vincent, Philippe Garrel (Le vent de la nuit avec Deneuve).

A partir des années 2000, il accepte tout : de Michael Haneke en 2003 Le temps des loups et en 2005 dans Caché à Gomez & Tavarès ou Total Kheops, du polar traditionnel d'Olivier Marchal (Les Lyonnais, 36 Quai des orfèvres) ou d'Alain Corneau (le remake du Deuxième souffle) à des cinéastes populaires comme François Ozon (Le Temps qui reste) ou Pierre Salvadori (De vrais mensonges), de la jeune génération avec Jalil Lespert (Des vents contraires) à la plus ancienne avec Richard Bohringer (C'est beau une ville la nuit)... Duval est libre, solitaire, généreux et se fiche des étiquettes enchaînant Jean de La Fontaine, le défi, 3 amis de Michel Boujenah, Plus tard tu comprendras d'Amos Gitai ou Banlieue 13 ultimatum.

En 2006, après 16 ans d'absence derrière la caméra, il réalise Le temps des porte-plumes, avec Jean-Paul Rouve et Anne Brochet, film inspiré de sa propre histoire.

Patrice Chéreau (1944-2013), rideau!

Posté par vincy, le 7 octobre 2013

Patrice Chéreau

Patrice Chéreau vient de succomber d'un cancer du poumon à l'âge de 68 ans. Né le 2 novembre 1944 à Lézigné (Maine-et-Loire), il a réalisé 10 longs métrages de 1974 à 2009. Il était avant tout considéré comme l'un des plus grands metteurs en scène de théâtre et d'opéras, transcendant des actrices comme Dominique Blanc (La douleur de Marguerite Duras) ou révélant Marina Hands (Phèdre). On lui doit de sublimes mises en scène de Marivaux et de Koltès. Il préparait également une mise en scène de Shakespeare.

Homme engagé politiquement (à gauche), assumé sexuellement avant l'heure (ardent défenseur de la lutte contre le SIDA), Chéreau fut un éphémère patron de la Fémis, patron emblématique du Théâtre des Amandiers à Nanterre durant 8 ans (il fit émerger toute une génération de comédiens) et président du jury du Festival de Cannes. Cette homme errait dans sa solitude. Et ne savait que transposer ses doutes existentiels : "Je ne sais raconter les choses qu'à travers moi".

8 ans après avoir commencé sa carrière théâtrale, il passe derrière la caméra, en 1974 avec La Chair de l'orchidée, avec Charlotte Rampling, Bruno Cremer, Edwige Feuillère et Simone Signoret. "J'ai dû le raccourcir car les producteurs me l'avaient demandé. Et à l'époque je pensais qu'en raccourcissant un film long, on le rendait rapide. Alors qu'en fait on fait un film long tronqué !" expliquait-il, comme pour justifier les maladresses de l'oeuvre. Il retrouve Signoret pour son deuxième long-métrage, Judith Therpauve (1978).

Mais c'est en 1983 que Chéreau se révèle comme cinéaste avec L'Homme blessé. Alors que l'homosexualité n'est plus un délit ni une maladie, depuis peu, il filme l'histoire d'un adolescent bourgeois qui croise un homme plus âgé impliqué dans le milieu de la prostitution et qui décide de se prostituer pour gagner son amour. Le film, César du meilleur scénario, forge la carrière du jeune et sensuel Jean-Hugues Anglade.

Pour Hôtel de France, il prend sa troupe des Amandiers, Laurent Grévill, Valeria Bruni Tedeschi, Bruno Todeschini, Agnès Jaoui et Vincent Pérez. Sa mise en scène s'affine, entre esthétisation, tragédie sentimentale et drame humain. Ce style sera porté à son paroxysme avec La Reine Margot en 1994, où Anglade, Auteuil, Lisi, Todeschini croisent la folie d'Adjani, qui joue ici, sans qu'on le sache alors, son dernier grand rôle. Le film est en compétition à Cannes et lui vaut le prix du jury et un prix d'interprétation à Virna Lisi.

Il revient sur la Croisette avec Ceux qui m'aiment prendront le train, épopée chorale qui transporte le cortège à Limoges, entre comédie à l'italienne et mélancolie très française. Il récolte le César du meilleur réalisateur. Mais, après ses deux films, Chéreau décide de changer de registre avec des films plus claustrophobes, plus sexuels aussi. Des films de passion.

Intimité (Intimacy), en 2000, est cru. Ce film londonien expose homosexualité et hétérosexualité en chair et en os. Brillamment mis en scène, sans doute son plus abouti, le film est primé (Ours d'or à Berlin, Prix Louis-Delluc) mais boudé par le public. Prix de la mise en scène à Berlin, Son frère en 2003, à l'origine un téléfilm, est dans la même veine. Inspiré d'un livre de Philippe Besson, cette oeuvre presque mortifère, avec Bruno Todeschini et Eric Caravaca, évoque le combat contre la maladie (le SIDA). Sans doute le plus beau film français sur le sujet. Mais derrière ce thème, Chéreau filme avant tout une superbe relation fraternelle, où l'émotion, palpable, tire les larmes.

Après Gabrielle, huis clos en costumes avec Isabelle Huppert et sa "muse" Pascal Greggory, il flirte avec Visconti mais échoue à séduire public et critiques. Son ultime film, Persécution, en 2009, avec Romain Duris, Charlotte Gainsbourg et Jean-Hugues Anglade, ne parvient pas plus à reconquérir ses aficionados malgré un thème très contemporain, le harcèlement et l'intrusion.

Chéreau était aussi acteur, souvent impeccable et même parfois formidable. On l'a vu chez Andrzej Wajda (Danton), Youssef Chahine (Adieu Bonaparte), Michael Mann (Le dernier des Mohicans), Claude Berri (Lucie Aubrac), Raoul Ruiz (Le temps retrouvé), Ronie Marshall (Au plus près du Paradis) et Michael Haneke (Le temps du loup). Rien que ça.

Audacieux, le metteur en scène avait cet aspect bipolaire qui introduisait de la théâtralité dans le cinéma et du mouvement presque cinétique sur les planches. Amoureux des acteurs, il aimait les voir souffrir sur scène et semblait fasciner par les gros plans sur grand écran. Lyrique, spectaculaire, sa mise en scène était aussi intérieure et intimiste. Désir, folie, mort et liberté étaient les piliers d'une oeuvre où l'homme, aliéné par le conformisme, était prêt à tous les excès pour s'en sortir. Peu importe le risque, l'issue.

A l'image de cet homme qui ne se reposait jamais et qui lançait sans doute à ceux qui acceptaient de s'engager avec lui : "que ceux qui m'aiment me suivent". Peu le pouvaient.

Carlo Lizzani (1922-2013), mort amère

Posté par vincy, le 5 octobre 2013

carlo lizzani

Carlo Lizzani s'est suicidé samedi 5 octobre en se jetant par la fenêtre du troisième étage d'un bâtiment romain, selon la police. Le scénariste et réalisateur italien avait 91 ans.

Comme scénariste, Lizzani est connu pour ses collaborations avec Roberto Rossellini (Allemagne année zéro, prix du meilleur scénario à Locarno), Giuseppe De Santis (Riz amer, nominé à l'Oscar du meilleur scénario) ou Alberto Lattuada (Le Moulin du Pô).

Dès la fin de la seconde guerre mondiale, Lizzani réalisera des documentaires avant de filmer des fictions: polars, drames historiques, mais aussi  comédie érotique ou oeuvres romanesques. Il a dirigé Gina Lollobrigida, Marcello Mastroianni, Pier Paolo Pasolini, Gérard Blain, Silvana Mangano, Ugo Tognazzi, Gian Maria Volonté, Michele Placido, Giancarlo Giannini...

Parmi sa foisonnante filmographie, notons Achtung! Banditi! (1951, prix du meilleur réalisateur à Karlovy Vary), La chronique des pauvres amants (1954, prix international du Festival de Cannes), Le bossu de Rome (1960), Traqués par la Gestapo (1961), Le procès de Vérone (1963), La vita agra (1964), Bandits à Milan (1968, meilleur réalisateur aux Donatello italiens), Fontamara (1980, Grand prix des Amériques au Festival de Montréal) et Remake Rome Ville ouverte (1996). Depuis une quinzaine d'années, il était revenu au documentaire (notamment un sur Luchino Visconti) avant de signer un film requiem, Hotel Meina en 2007.

Lizzani a aussi dirigé la Mostra de Venise entre 1979 et 1982. Il a reçu un prix David di Donatello pour l'ensemble de sa carrière en 2007

Tom Clancy (1947-2013) : Jack Ryan en deuil

Posté par vincy, le 2 octobre 2013

tom clancy ben affleckL'écrivain Tom Clancy est mort mardi dans sa ville de Baltimore (il est propriétaire de son équipe de Baseball, les Orioles) à l'âge de 66 ans, d'une brève maladie, a annoncé mercredi son éditeur Penguin Group.

Auteur de près de 20 romans (la plupart avec le personnage de Jack Ryan), il s'était mis à écrire après avoir échoué à intégrer l'armée. Il invente alors le techno-thriller, genre qui mélange l'espionnage, les technologies, la psychologie humaine (virile) et la vision d'une Amérique impérialiste menacée en permanence. Ses romans très documentés mettaient en scène un monde où le terrorisme et les armes nucléaires ou bactériologiques se propageaient jusqu'au coeur de son pays. Républicain affirmé, ses livres devenaient de plus en plus patriotiques. Son dernier livre sera publié à la fin de l'année aux Etats-Unis.

Depuis A la poursuite d'Octobre rouge en 1984, qui pressent la fin de la guerre froide, en passant par La Somme de toutes les peurs en 1991, qui anticipe un énorme attentat terroriste aux USA, Tom Clancy avait su vendre par millions ses ouvrages. Richissime, il avait créé des déclinaisons portant son nom comme label (Net Force, Op Center, toutes deux adaptées au cinéma) mais aussi des jeux vidéos en collaborant à des scénarios comme ceux de Splinter Cell (en cours d'adaptation avec Tom Hardy), Ghost Recon ou la série des Rainbow Six réalisé par son studio, Red Storm Entertainment, désormais filiale d'Ubisoft.

Le cinéma n'a pas longtemps hésité à transposer, dans le désordre, la série des Jack Ryan. De 1990 à 2002, l'espion a été incarné par Alec Baldwin (À la poursuite d'Octobre Rouge, de John McTiernan avec Sean Connery), Harrison Ford (Jeux de guerre, de Philip Noyce avec Sean Bean et Danger immédiat, toujours de Philip Noyce avec Willem Dafoe) et Ben Affleck (La Somme de toutes les peurs, de Phil Alden Robinson avec Morgan Freeman). Il faudra ajouter Chris Pine dans The Ryan Initiative (Jack Ryan: Shadow Recruit), de Kenneth Branagh, qui sort pour les fêtes.

Au total les quatre premiers films ont récolté près de 800 millions de recettes dans le monde, lors de leurs sorties respectives dans les salles.

Amidou (1935-2013), de Lelouch à Hollywood

Posté par vincy, le 20 septembre 2013

Amidou

Amidou, de son vrai nom Hamidou Benmassoud, est mort hier à l'âge de 78 ans à Paris.

Premier acteur d'origine maghrébine à s'être fait connaître à l'international, le franco-marocain était né le 2 août 1935 à Rabat. Il avait obtenu un prix d'interprétation au Conservatoire National d'Art Dramatique puis débuté sur les planches avec Madeleine Renaud et Jean-Louis Barrault dans "Les "Paravents" de Jean Genet à l'Odéon en 1968.

Comédien fétiche de Claude Lelouch (avec 10 films entre 1960 et 2001), il a aussi tourné en France Georges Lautner (Fleur d'oseille, La valise), Alain Cavalier (La chamade), Philippe de Broca (La poudre d'escampette), Roger Hanin (Soleil) et trois fois pour Alexandre Arcady (L'union sacrée, le grand pardon 2, Comme les cinq doigts de la main).

Mais c'est avec Hollywood qu'Amidou a pu déployer son charme, avec un sourire généreux et un regard intense. L'acteur a été filmé par William Friedkin (Le convoi de la peur, L'enfer du devoir), Otto Preminger (Rosebud), John Huston (A nous la victoire), John Frankenheimer (Ronin), Gillies MacKinnon (Marrakech Express (Hideous Kinky)) et Tony Scott (Spy game, jeu d'espions).

Il a reçu quelques prix en tant que meilleur acteur, notamment au Festival du Caire pour le film de Leila Triquie, Poursuite et au Festival de Tanger, pour le film de Rachid Boutounès, Ici et Là. En 2005, il fut honoré au Festival de Marrakech avec un trophée pour l'ensemble de sa carrière, reçu des mains de Martin Scorsese.

Valérie Benguigui (1965-2013), rires et châtiment

Posté par vincy, le 3 septembre 2013

valérie benguiguiUn César (mérité) en début d'année l'avait enfin consacrée. Second-rôle brillant, elle étincelait dans Le prénom en épouse en colère et fatiguée des disputes familiales dans Le prénom, avec un personnage qu'elle avait créé sur scène en 2010. Valérie Benguigui, 47 ans, est décédée ce mardi 3 septembre, des suites d'un cancer. Sacrée par un César, et puis Avé, morituri te salutant.

Avec 30 ans de carrière, la comédienne était un de ces visages connus des spectateurs et téléspectateurs, sans être une célébrité. Discrète et travailleuse, elle enchaînait les films, principalement des comédies où elle se donnait à fond pour donner de l'épaisseur à des personnages issus de la classe moyenne. La soeur de Dov dans La vérité su je mens! (1997) c'était elle. Benguigui a tourné avec Pierre Richard, Charlotte de Turkheim, Michel Hazanavicius, Marion Vernoux, Artus de Penguern, récemment disparu, Olivier Daran (Pur week-end où elle pétait allègrement les plombs), Steve Suissa... Les réalisatrices faisaient souvent appel à elle pour son talent : une mécanique bien huilée côté comédie, et une efficacité redoutable pour changer la tonalité d'une scène, parfois pète-sec, ou complètement émotive. Coline Serreau (Chaos), Nicole Garcia (Selon Charlie), Jennifer Devoldère (Jusqu'à toi), Lisa Azuelos (Comme t'y es belle!), Isabelle Doval (Rire et châtiment), Anne Fassio (Je déteste les enfants des autres), Axelle Ropert (La famille Wolberg), et Anne Le Ny (Les Invités de mon père) ne s'y sont pas trompées. Passant de Toledano/Nakache (Je préfère qu'on reste amis) à Olivier Baroux (trois films au compteur dont Safari) ou Pascal Elbé (Tête de turc), elle a joué en toute discrétion dans des films populaires plus ou moins réussis.

Valérie Benguigui avait surtout fait sa place au soleil sur le petit écran et sur les planches. A la télévision, on la découvre dans la série culte "Palace", avant qu'elle ne tienne un rôle récurrent durant plus de 40 épisodes dans "Avocats et associés". Au théâtre, outre le Prénom, elle fut mise en scène par Pascal Elbé ou Bernard Murat, jouant Molière, Labiche, Stephenson, Feydeau... Elle avait surtout mis en scène elle même plusieurs spectacles, notamment les exquis One-Woman Show de Valérie Lemercier.

Elmore Leonard, petit arrangement avec la mort (1925-2013)

Posté par redaction, le 20 août 2013

Elmore Leonard

L'écrivain américain Elmore Leonard, surnommé "Dutch", est décédé aujourd'hui à l'âge de 87 ans. Victime d'une attaque, le mois dernier, il rédigeait son 46e roman. Et là aucun twist final pour nous faire croire à une arnaque.

Baptisé par le New York Times du "plus grand auteur de polars vivant",, son talent particulier à décrire des personnages atypiques, entre crime et humour noir, en a fait l'un des auteurs les plus inspirant pour Hollywood. Apôtre de la rédemption, roi du twist final qui détermine la vraie couleur (et donc la morale) de ses personnages, prince de la digression avec de multiples pistes qui perdent le lecteur, il était surtout apprécié pour ses dialogues non pas littéraires mais "parlés", vivants et réalistes. Entre Far-West et "pulps" cultes, il laisse une oeuvre profondément américaine, en détournant les myhtes, ou au contraire en les glorifiant jusqu'à la noirceur.

3h10 pour Yuma (deux versions en 1957 et 2007) est resté dans l'histoire du Western. Mais Leonard est aussi à l'origine d'autres westerns comme Hombre (de Martin Ritt, avec Paul Newman, 1967), Valdez (d'Edwin Sherin, avec Burt Lancaster, 1971) ou Tandado ville sans loi (1990).

Il a également écrit lui-même les adaptations de La guerre des bootleggers (The Moonshine War, 1971), Stick le justicier de Miami (de et avec Burt Reynolds, 1985), Paiement cash (de John Frankenheimer, 1986), Cat Chaser (d'Abel Ferrara, 1989). Leonard était aussi scénariste : Joe Kidd (de John Sturges, avec Clint Eastwood, 1972) et Monsieur Majestyk (de Richard Fleischer, avec Charles Bronson, 1974).

En 1995, un changement se produit : les films adaptés de ses romans deviennent meilleurs et profitables. Ainsi Get Shorty, de Barry Sonnefeld, avec John Travolta, Gene Hackman et Rene Russo ramène une sélection à Berlin, un Golden Globe du meilleur acteur et 77 M$ au box office US. Deux ans plus tard, Tarantino adapte Rum Punch qui deviendra Jackie Brown, sans doute l'un de ses plus grands films, avec Pam Grier, Samuel L. Jackson, Robert De Niro, Michael Keaton, Bridget Fonda, Chris Tucker, Robert Forster... Là encore le film est en compétition à Berlin. Tarantino aime tellement les bouquins de Leonard qu'il avoue avoir écrit le scénario de True Romance en s'inspirant de lui.

L'apothéose arrive en 1998 avec Hors d'atteinte, de Steven Soderbergh, film qui fait renaître le cinéaste et révèle Clooney en star de cinéma. Le style Leonard est en parfaite adéquation avec la mise en scène, mixant érotisme, passion et film noir. Le scénario est nommé aux Oscars et le film remporte de multiples prix cette année-là.

Tout Hollywood voudra alors faire un film adapté d'un de ses romans ou nouvelles : Owen Wilson, Morgan Freeman, Charlie Sheen se retrouvent dans La grande arnaque (The Big Bounce) en 2004 ; Travolta, Uma Thurman, Vince Vaughn, Harvey Keitel, Danny DeVito sont réunis dans la comédie noire Be Cool en 2005 ; Joseph Gordon-Levitt réalise un court métrage à partir de Sparks, avec Carla Gugino, en 2009 ; Jennifer Aniston, Isla Fisher et Tim Robbins vont être à Toronto en septembre avec Life of Crime, de Daniel Schechter.

Elmore Leonard a également été très exploité par la télévision. Il a d'ailleurs écrit la série Justified, dont la 5e saison est déjà signée avec FX Networks.

Il avait conscience que les studios massacraient parfois ses histoires. Universal avait par exemple acquis les droits de son roman La Brava, sans jamais le produire. Pas rancunier, le romancier issu d'une famille prolétaire continuait inlassablement d'écrire. Il n'hésitait pas non plus à donner des conseils. Avec une bibliographie prolifique, nul ne doute que les producteurs continueront à puiser dans ce vivier d'histoires qui jouaient avec la mort (souvent pour du fric).

Décès d’Haji, l’égérie culte de Russ Meyer

Posté par vincy, le 12 août 2013

hajiHaji, de son vrai nom Barbarella Catton, s'est éteinte le 10 août. Née à Québec le 24 janvier 1946, la comédienne et ancienne danseuse "exotique" reste surtout gravée dans les mémoires des cinéphiles pour son rôle dans le film culte de Russ Meyer, Faster, Pussycat! Kill! Kill! (1965). Elle incarnait Rosie, l'amante lesbienne. Meyer la découvrit dans un bar de strip-tease dans les faubourgs de L.A.

Sensuelle, sexy et animale, elle avait les mensurations idéales pour provoquer la pudibonderie américain dans les films du réalisateur, qui en fit son égérie. Elle tournera avec lui Le gang sauvage (1965), Good Morning... and Goodbye! (1967), Orgissimo (1970) et le légendaire Supervixens (1975). e

Son tour de poitrine et son sourire ont aussi séduits d'autres cinéastes. La filmographie comporte des navets d'un sous-genre respectable comme Bigfoot. Mais elle a aussi tourné dans des films plus "classiques" comme Up Your Alley d'Art Lieberman (1971), Meurtre d'un bookmaker chinois du grand John Cassavetes (1976) et même une version musicale de Don Quichote (en 1976 aussi). Quelques séries Z plus tard, elle disparu des radars. Pas le genre à recevoir un Oscar, même d'honneur.

La brune pulpeuse a malgré tout continué de conquérir de nombreux adolescents du monde entier qui la découvraient dans des festivals, sur leurs ordinateurs ou les vidéo-clubs. La femme était écolo, discrète, vivant à l'écart de tout, ignorant même le culte autour de ses films (et sans doute de ses seins). Loin de l'image de la femme sexuellement affirmée et sauvage qu'elle incarnait dans une période de libération sexuelle, Haji avait construit sa vie près de Malibu, se souciant peu de son apparence, et militant pour le droit des animaux.