Un scénario inédit signé d'Ingmar Bergman a été exhumé des archives et sera bientôt tourné pour le grand écran, rapporte les médias suédois et l'AFP ce dimanche 20 novembre. 64 minutes avec Rebecka devrait sortir en 2018, à l'occasion du centenaire de la naissance du metteur en scène décédé en 2007. De Prévert à Kubrick en passant par Truffaut, l'adaptation d'un scénario inédit et posthume n'est pas nouvelle.
Un scénario écrit il y a 47 ans.
Le script retrouvé a été rédigé sur un petit cahier gris presque par hasard lors d'une réorganisation des archives, au milieu de milliers de scénarios, de brouillons, de photographies, de dessins et de lettres que le cinéaste avait léguées en 2002 à la fondation qui porte son nom. Bergman l'avait écrit en 1969.
Ecrit en 1969, alors que Bergman avait 51 ans, le scénario était prêt pour un tournage. L'histoire est celle d'une jeune femme introvertie, professeure dans une institution pour sourds et muets, cherchant l'émancipation sexuelle, conjugale et politique. Enceinte, révoltée, elle fréquente seule une boîte de nuit échangiste, avoue l'adultère à son mari, qui lui pardonne mais qu'elle quitte quand même, provoquant ainsi un scandale. Parallèlement un autre scandale se créé quand une adolescente pensionnaire de l'institution fait le mur pour retrouver la femme qu'elle aime. Le scénario explore les thèmes du réalisateur : la folie, les convenances sociétales et morales, le péché, la haine filiale, le désir.
Un projet hollywoodien avec Fellini et Kurosawa.
A l'origine, le film devait être inclus dans un triptyque écrit et réalisé par Bergman, l'Italien Federico Fellini et le Japonais Akira Kurosawa. Fellini avait contacté Bergman en 1962 pour lui demander s'il était intéressé par un tel projet auquel se joindrait Kurosawa. Un contrat a même été signé par le Suédois et l'Italien en 1968. Fellini a, cependant, vite abandonné la partie. Et le studio hollywoodien qui avait imaginé ce projet n'a finalement jamais donné suite. Une correspondance avec les producteurs américains montrent qu'un accord n'a jamais été trouvé puisqu'ils voulaient rallonger le film pour en faire une série télévisée. Bergman a refusé ce qui aurait du être son premier film tourné en anglais. Mais une chose est certaines: les négociations avec la Warner, United Artists et Universal pour le distribuer ont échoué.
Le directeur de la Fondation Ingmar Bergman, Jan Holmberg, qui a communiqué l'annonce de ce scénario retrouvé, explique qu'on "peut vraiment parler d'un choc des cultures", entre les "scènes de sexualité violente et l'homosexualité, (le film) n'aurait jamais été diffusé à la télé américaine dans les années 60".
Suzanne Osten pour le réaliser.
Déjà adapté pour la radio (avec "69 année érotique" de Serge Gainsbourg en fond musical), le scénario doit être porté à l'écran par la réalisatrice Suzanne Osten, icône féministe et figure de l'avant-garde des années 1970, qui n'a eu de cesse de dénoncer l'emprise de Bergman sur le cinéma suédois. Bergman et Osten, dont les films ont été récompensés dans plusieurs festivals durant les années 1990, "étaient souvent ennemis et s'opposaient régulièrement", rappelle Jan Holmberg.
Mais selon lui, "64 minutes avec Rebecka est peut-être son oeuvre la plus marquée par la tentative d'une femme de se libérer d'un monde patriarcal" et correspond finalement à ce que critiquait la réalisatrice. Suzanne Osten dénonçait régulièrement le conservatisme du cinéaste et son emprise sur le cinéma suédois. de quoi, pour elle aussi, s'émanciper et s'affranchir de ce "père" du cinéma mondial.