Le blockbuster de l'année n'est pas sur grand écran. Depuis 15 mois, le scénario le plus palpitant, celui avec des rebondissements imprévus et une fin relativement incertaine, se déroule sur des estrades, sur le petit écran, sur le web. Captain America (Donald Trump) affronte Wonder Woman (Hillary Clinton). Le premier n'a eu aucun mal à jouer les stars de télé-réalité (il en est issu), faisant monter le buzz sur twitter en pleine nuit, survivant à toutes les attaques. Il est le héros des années 1950, celui qui veut croire à un monde où l'Amérique était la puissance dominante unilatéralement (or, même au cinéma, le déclin de l'empire américain est annoncé). Un conservateur qui se drape dans le patriotisme. Le feuilleton lui doit beaucoup grâce à un sens de la punch-line et un goût pour le politiquement incorrect.
La seconde est une star de la politique, qu'on connaît depuis des décennies, mariée à une autre star de la politique. Mais elle a du affronter un rival grisonnant mais populaire chez les jeunes, de sérieuses soucis politiques (elle est encore à l'époque des courriels imprimés, elle a une petite baisse de fatigue de temps en temps). Vénérable et respectable, elle est un peu ambivalente et a du composer une Justice League avec Barack "Black Panther" et Michelle "Storm" Obama pour compenser ses failles face à l'indestructible adversaire.
Le match prend fin mardi. Personne à Hollywood n'aurait pu imaginer un tel récit: deux vedettes pas vraiment appréciées qui luttent à mort pour avoir le droit d'appuyer sur le bouton nucléaire. Chaque semaine, il y a un twist imprévu, un grain de sable dans le rouage d'une production qui coûte des centaines de millions de dollars. Et le spectacle est en mondiovision.
A quelques jours du final de la saison 58, le 45e big boss du monde "libre" sera un autodidacte sans scrupules à la Reagan (autre acteur qui a surpris son monde) ou une femme un peu cynique. C'est Game of Thrones sans l'hémoglobine, House of Cards avec le téléspectateur/internaute/citoyen qui décide interactivement de l'épilogue, Koh-Lanta où le moins pire arrive à tenir sur un pied en équilibre plus longtemps que l'autre.
Captain America se réjouit déjà de dire "You're Fired" à Wonder Woman. Mais celle-ci n'attend qu'une chose: le renvoyer dans sa tour dorée.