Tsai Ming-Liang, un artiste complet honoré à Bruxelles

Posté par MpM, le 9 mai 2014

Chaque année au mois de mai, la ville de Bruxelles propose pendant trois semaines le KunstenFestivaldesArts, une manifestation urbaine et cosmopolite qui propose un large choix d’œuvres artistiques créées par des artistes belges et internationaux. Danse, théâtre, expositions et performances se mêlent dans une vingtaine de centres d'art de la ville.

Dans ce cadre, le cinéma indépendant Galeries, situé au centre de Bruxelles dans l'une des plus belles galeries couvertes de la ville, consacre jusqu'à la fin du mois une rétrospective au cinéaste taïwanais Tsai Ming-Liang, l'un des invités du Festival, qui a créé la performance théâtrale The monk from Tang dinasty spécialement pour l'occasion (voir notre article).

En plus de son œuvre cinématographique "classique", des Rebelles du Dieu Néon aux Chiens errants, les Bruxellois sont invités à découvrir 7 courts métrages tournés entre 2012 et 2014 autour de la figure historique du moine bouddhiste Xuan Zang qui parcourut la Chine, puis le monde, à la recherche des textes sacrés du bouddhisme.

Cette installation, qui réunit les six films du projet Walker et le moyen métrage Journey to the west, est présentée dans le sous-sol du cinéma, un dédale labyrinthique d'anciennes caves voûtées qui lui offrent un écrin à la fois protecteur (loin des bruits du monde) et esthétique (l'épure et la simplicité du lieu sont tour à tour en contraste et en harmonie avec la richesse visuelle ou au contraire l'aridité de ce qui est présenté sur les différents écrans).

Le visiteur est donc invité à déambuler dans l'espace pour découvrir à son rythme les différentes vidéos qui se font écho de pièce en pièce. On y retrouve notamment l'acteur fétiche de Tsai Ming-Liang, Lee Kang-Sheng, vêtu de l'habit pourpre de moine bouddhiste, pieds nus, marchant comme au ralenti dans des espaces souvent ultra urbains, mais aussi parfois en pleine nature. Du choc entre le personnage et son environnement, de sa silhouette si frêle au milieu du gigantisme des villes et des foules, naît la poésie bouleversante propre à l’œuvre du réalisateur. On sent la solitude, l'isolement et l'abandon de l'individu dans un monde devenu oppressant, où tout va toujours plus vite, et qui semble tourner à vide.

No form de Tsai Ming LiangA ce titre, le film le plus percutant de l'ensemble est indéniablement No form, créé en 2012, dans lequel le moine interprété par Lee Kang-Sheng est littéralement pris dans une foule pressée qui le submerge. La narration y est presque évidente, plus explicite en tout cas que dans les autres films formellement plus expérimentaux, et le montage alterné entre la foule qui enserre Lee Kang-Sheng et l'effort fait par celui-ci pour s'en libérer crée à la fois une tension et la sensation d'une libération. On ne sait pourtant si l'espace blanc immaculé et lisse dans lequel évolue alors le personnage est une nouvelle prison, ou la forme fantasmée d'un Nirvana enfin atteint.

La scène finale, d'une beauté fulgurante et, accompagnée de la chanson ô combien symbolique de Nina Simone, Feeling good, est comme la promesse d'une rencontre vraie entre le moine et celui qui le regarde. Pour la première fois, le personnage relève la tête et, au bord des larmes, croise le regard du spectateur à travers la fenêtre de l'écran qu'il semble vouloir traverser. Comme souvent avec l’œuvre de Tsai Ming-Liang, on est bouleversé par le flot sensoriel de ces images qui rappellent un cinéma pur libéré de tout artifice.

Walker de tsai Ming LiangUne impression ressentie également face à Walker, lorsque Lee Kang-Sheng déambule dans un paysage urbain nocturne, à la fois désolé et glauque, finissant par porter à ses lèvres ce qui semble être une galette de maïs, avec sur le visage une expression de souffrance indescriptible. Ici, comme dans Journey to the west, la marche du moine interroge les passants qui le regardent avec surprise, agacement ou compassion. Car de films en films, Lee kang-Sheng se mue en une sorte de figure christique écrasée par le poids de sa tâche. Ses mouvements si lents, sa tête penchée en avant, ses mains ouvertes dans un geste de méditation, mais aussi de supplique et d'humilité, en font un pèlerin authentique, surgi du passé pour bousculer nos convictions et nos habitudes.

La réflexion qu'offre Tsai Ming-Liang, Walker de Tsai Ming Lianget qu'il se garde bien de mener à notre place, s'inscrit en effet dans une démarche globale inhérente à une société contemporaine saturée de tout, et notamment d'images. Il nous place face à tout ce qui est peu à peu banni de la place publique : la lenteur, la faiblesse, le détachement, la douleur, le silence... "Ces films visent à permettre au spectateur de repenser dans leur quotidien leur rapport au temps et à l'espace", résume-t-il en préambule de l'installation. "Ils sont un moyen de prendre la pulsation de chaque lieu et d'en faire ressortir son rythme propre, d'en prendre la température en quelque sorte."

En parallèle, ses courts métrages expérimentaux interrogent aussi notre propre regard : "Je désire que le spectateur puisse méditer sur cette question : est-ce que voir un homme qui marche, qui est en mouvement mais sans avoir de but et sans parler, peut être considéré comme une œuvre cinématographique", explique malicieusement Tsai Ming-Liang. Si faire du cinéma consiste avant tout à raconter une histoire, quelle que soit la forme qu'elle prend, alors la réponse est évidemment "oui". Car face à ce personnage comme détaché de tout, immergé dans des lieux multiples aux histoires diverses, le cerveau humain crée du lien et de l'émotion, reliant presque malgré lui les points invisibles du récit tissé par le réalisateur, et sans doute même au-delà de ce que le cinéaste avait pu imaginer au départ.

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Rétrospective Tsai Ming-Liang et Installation Walker
Jusqu'au 25 mai 2014
Cinéma "Galeries"
26 Galerie de la Reine
1000 Brussels
Informations et horaires sur le site du cinéma

Box office 2013 : Les productions nationales cartonnent en Chine et au Japon

Posté par vincy, le 11 janvier 2014

journey to the west - le vent se lève

Depuis l'an dernier, la Chine est devenu le 2e marché le plus important du monde, déclassant le Japon à la troisième place. 2013 n'aura fait que consolider cette hiérarchie.

La Chine a encaissé 3,6 milliards de dollars de recettes dans ses salles de cinéma (800 millions de $ de plus qu'en 2012). La part de marché des films chinois s'est élevée à 59% (48,5% en 2012). C'est d'autant plus remarquable que le nombre de films chinois produits en 2013 est en baisse. Ces bons résultats sont essentiellement liés à l'augmentation du nombre de salles, qui est passé de 13 000 écrans à 18 200.

En tête cette année, Journey to the West  Conquering the Demons, le film de Stephen Chow (205 millions de $, lire notre actualité du 14 février). Il devance de loin Iron Man 3 (124M$) et So Young de Vicky Zhao (118M$). Suivent Pacific Rim (114M$), Personal Tailor de Feng Xiaogang (107 M$), Young Detective Dee : Rise of the Sea Dragon (99M$), American Dream in China de Peter Chan (89M$), Finding Mr. Right de Wue Xiaolu (85M$), Tiny Rimes de Guo Jingming (79M$), Police Story 2013 de Jacky Chan (72M$, encore en salles) et Gravity (71M$).

Le box office est clairement dominé par les comédies (très hollywoodiennes même si elles sont chinoises) et les films d'action.

Le rival asiatique, le Japon, n'a pas encore publié ses statistiques annuelles. Mais le box office est indéniablement très nippon. Vainqueur toute catégorie, Hayao Miyazaki avec Le vent se lève. Miyazaki réussit un grand chelem : tous ses films depuis Princesse Mononoke ont été les leaders de l'année. Le film a rapporté 120 millions de $. Derrière on trouve un autre film d'animation, Monstres Academy (90M$) et Ted (44M$).

Notons que sur les dix premiers films de l'année, seuls deux n'étaient pas distribué par Toho : le Disney-Pixar et en 9e position Tel père, tel fils de Kore-eda Hirokazu, prix du jury à Cannes, et qui a récolté 31 millions de $. Hormis Ted et Monstres Academy, tous les films du Top 10 sont japonais.  Ainsi Iron Man 3 n'est que 17e et Gravity 24e. L'animation continue de dominer le marché avec les séries Pocket Monsters, Dragonball, Detective Conan et Doraemon.

Box office Chine : Le show de Stephen Chow

Posté par vincy, le 14 février 2013

En lançant son nouveau film durant la semaine fériée de la nouvelle année chinoise, Stephen Chow a célébré l'année du Serpent avec fastes. Journey to the West : Conquering the Demons a fracassé le record chinois détenu par Painted Skin : The Resurrection, de Wuershan, sorti en juin dernier. Painted Skin avait récolé 70 millions de Yuans (8,3 M€) lors de son premier jour d'exploitation ; Journey to the West a rapporté 78 millions de Yuans (9,3 M€) dès son jour de sortie, soit 1,9 million d'entrées le 10 février. Les leaders de ce début d'année 2013, Skyfall (10 millions d'entrées, 57,2 M$) et The Grandmaster (7,5 millions d'entrées, 45 m$), peuvent frémir. Toutes nationalités confondues, jusque-là, seul Transformers : Dark of the Moon avait fait mieux avec 102 millions de Yuans le jour de sa sortie, en juillet 2011.

Stephen Chow reconquiert ainsi son statut de star après une absence de 5 ans. Suite à ses cartons de Shaolin Soccer et Crazy Kung-fu, qui ont détenu jusqu'en 2011 les records de recettes à Hong Kong, il restait à transformer l'essai en Chine, où ses films ont souvent été censurés, piratés, ou vendus sous le manteau. De plus, son dernier film, CJ-7 n'avait pas rencontré le même succès que ce soit en Asie ou à l'étranger. La déception était d'autant plus grande que Crazy Kung-fu avait gagné les principaux prix aux Hong Film Awards et aux Golden Horse Film Festival Award.

Journey to the West est l'adaptation du célèbre roman Le Voyage en occident (connu aussi sous le titre du Singe Pèlerin), transposé dans les années 90. Les Shaw Brothers avaient déjà adapté ce livre, qui a inspiré de nombreux films, séries TV dessins animés et spectacles vivants. Notons que Chow avait joué le personnage principal de l'une de ses adaptations, Le Roi singe, de Jeffrey Lau, en 1994.

Le film, mélangeant comédie, aventures et action, est sorti dans une large combinaison de salles, occupant 2 écrans sur 5. Stephen Chow, cette fois-ci, n'apparaît pas à l'écran. On y retrouve Huang Bo, star de l'énorme hit local Lost in Thailand, Shu Qi, la plus sexy des actrices d'Hou Hsiao-Hsien, vue également dans The Transporter, et la star pop Show Luo.

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Lire aussi : 2012 : Et la Chine devînt le deuxième marché mondial du cinéma…