Festivals et sorties de films: la Chine absente pour cause de virus

Posté par redaction, le 17 février 2020

Le coronavrius - aka COVID-19 - commence à produire son effet dans le cinéma. Ce virus potentiellement mortel né dans la région de Wuhan, en Chine, à la fin de l'année 2019, a entraîné une forme de paralysie économique dans l'Empire du milieu. Il était circonscrit à la Chine, avant de se propager progressivement dans le monde. Les liaisons aériennes avec la Chine sont suspendues. Et les manifestations culturelles commencent à être impactées.

Si, à Vesoul, capitale du cinéma asiatique en Europe le temps d'une semaine, les salles sont pleines, et les invités comme le public ne portent aucun masque, le président du jury n'a pas pu se déplacer. Le tibétain Pema Tseden n'a pas pu venir. Même s'il avait pu prendre un avion, une mise en quarantaine de deux semaines lui aurait été imposée. On l'a appris quelques jours avant le début du festival. D'autres invités chinois ont également annulé leur voyage dans l'Est de la France, notamment l'autre cinéaste tibétain Sonthar Gyal et la réalisatrice chinoise Wang Jing, qui a envoyée une petite vidéo pour parler de son film (et sa déception ne pas venir en France).

La Berlinale qui commence demain, avec son European Film Market qui attire des professionnels du monde entier, a commencé à prendre des mesures sanitaires et a mis à contribution différents instituts et hôpitaux. L'EFM a déjà enregistré plus de soixante annulations, principalement des professionnels chinois qui n'ont pas reçu l'autorisation de voyager et l'incapacité à obtenir un visa. La Chine présente cette année 3 longs et un court métrage, en plus d'une conversation avec Jia Zhangke, qui vient montrer son dernier documentaire dans le festival allemand.

Le festival de cinéma de Hong Kong a annoncé il y a quatre jours qu'il décalait ses dates aussi bien pour le festival que pour le marché du film. Normalement prévu fin mars, le festival, l'un des plus importants en Asie, aura lieu fin août. Toute l'industrie du cinéma semble à l'arrêt. Il est trop tôt pour savoir si le festival de Shanghai en juin aura bien lieu aux dates prévues. Mais la Chine, deuxième marché cinématographique du monde en recettes, a mis sous cloche le 7e art. Les sorties sont annulées semaines après semaines, y compris celles des blockbusters américains. Les équipes de James Bond ont tout annulé: la première à Pékin comme la sortie du film. Disney a fermé ses parcs de Hong Kong et Shanghai, et reporté la sortie chinoise de Mulan, pourtant calibré pour le marché national. Les studios hollywoodiens ont interrompu leurs voyages professionnels avec la Chine, Hong Kong et Macau.

Depuis le 24 janvier, les salles de cinéma chinoises sont fermées et le box office est dans le coma (aucune recette engrangée). Aucune date de réouverture n'est prévue. Durant les fructueuses fêtes du nouvel an chinois (20 à 30% des recettes annuelles), les exploitants ont perdu environ 200-250M$ de recettes.

Malgré tout, certains studios de tournage ont rouvert pour éviter de mettre trop de gens en chômage technique.  Le gouvernement chinois a promis des aides financières pour éviter des faillites dans le secteur. Reste que de nombreuses productions ont été reportées sans date de reprise. Et de nombreux cinémas indépendants pourraient fermer. Pour limiter la casse, un studio, Huanxi Media, a décidé de diffuser sa dernière production, Lost in Russia sur Internet, provoquant la fureur des exploitants. Les plateformes de type Netflix ont d'ailleurs été les premières à réagit en avançant des dates de diffusion de certains films: les Chinois restant chez eux, la demande est importante.

L'impact commence à se propager à Taiwan et en Corée du sud, qui voit son box office et les tournées promotionnelles ralentir voire abandonner. A Singapour, les films chinois ont été privés de sortie.

Le virus a infecté 70000 malades et tué au moins 1775 personnes, parmi lesquels le réalisateur Chang Kai, qui travaillait pour Hubei Film Studio.

[2019 dans le rétro] Un cinéma mondial toujours très hollywoodien

Posté par vincy, le 24 décembre 2019

Si on ne regarde que le box office, l'état des lieux du cinéma mondial pourrait être désespérant avec les 10 plus grosses recettes pour des films américains, dont 6 pour le studio Disney, qui au passage a battu un record historique de 10 milliards de dollars de recettes sur l'année (avant même l'arrivée de Star Wars).

Cette hégémonie des titres américains est encore plus frappante quand on remarque qu'ils réalisent tous de 60 à 77% de leurs recettes hors Amérique du nord. Seuls le cinéma chinois parvient à se faire une petite place dans le Top mondial avec quatre films, le film d'animation Ne Zha (700M$), The Wandering Earth (700M$), My People, My Country (430M$) et The Captain (410M$). On peut y ajouter 4 autres films dans le Top 50. L'essentiel des recettes proviennent cependant du marché chinois. Ce partage américano-chinois des recettes internationales laissent peu de place aux autres cinématographies. Hormis les très anglais Downton Abbey (188M$) et Yesterday (151M$), aucun film européen ne parvient à rivaliser avec les mastodontes des deux empires économiques.

Il y a heureusement des succès qui réjouissent. Ainsi Parasite qui a su cumuler plus de 125M$ de recettes. L'Asie confirme d'ailleurs ses bonnes performances avec des cartons comme les japonais Les enfants du temps - Weathering With You (180M$), Detective Conan (116M$) et One Piece: Stamped (80M$) ou le sud-coréen Extreme Job (120M$).

C'est évidemment beaucoup plus que les 68M$ (dont 15,5M$ à l'étranger soit près de 3 millions d'entrées, dont un tiers en Allemagne) de Qu'est-ce qu'on a encore fait au bon Dieu?, leader français de l'année. Même Anna de Luc Besson, traditionnellement le champion à l'export, n'a réussit à récolter que 30M$ au global (4 millions d'entrées). Le cinéma français n'a d'ailleurs pas brillé à l'international. Rares sont les films qui ont attiré plus de 500000 spectateurs à l'extérieur des frontières et ce sont surtout des sorties de 2018 qui ont cartonné (Astérix et le secret de la potion magique, Mia et le lion blanc, Ghostland). Il y a une exception avec Minuscule 2, qui est d'ailleurs le plus gros succès français en Chine de l'année.

Pour finir avec les chiffres, Douleur et Gloire (35M$) est l'un des rares films européens non anglophones à avoir su trouver son public dans plusieurs pays, y compris aux Etats-Unis. Le cinéma espagnol est aussi un des seulss qui résiste au déferlement américain avec trois films locaux classés dans le top 20, là où l'Italie n'en place qu'un et l'Allemagne deux.

Cependant, si les recettes donnent Hollywood vainqueur par K.O., la qualité des films est ailleurs. Pas étonnant que des films comme Parasite, Douleur et Gloire, J'ai perdu mon corps, Les Misérables, Portrait de la jeune fille en feu se retrouvent classés dans les palmarès ou nommés dans les grandes cérémonies hollywoodiennes, et pas seulement dans la catégorie meilleur film étranger.

Car, avant tout, on a vu des propositions cinématographiques fabuleuses et enthousiasmantes, encourageantes même d'un point de vue de cinéphiles. Il suffit de voir le singulier Synonymes de l'israélien Nadav Lapid, l'un des films les plus originaux et jubilatoires de l'année, Ours d'or audacieux à Berlin. Qui fait écho, étrangement au film palestinien It must be Heaven de Elia Suleiman. Deux hymnes à la paix à travers l'exil, sur fond d'humour absurde. Dans la même veine drôlatique, n'oublions pas Tel Aviv on fire de Samej Zoabi, qui a séduit un peu partout en Occident.

Du côté asiatique, l'année fut riche. Outre Parasite, carton mondial (mais seulement 5e du box office local avec 10 millions d'entrées, la Corée du Sud maintient son statut à part avec le phénomène Extrême Job de Lee Byeong-heon (16 millions d'entrées), le beau succès d'Exit de Kee Sang-geun ou le remarqué Le Gangster, le Flic et l'Assassin de Lee Won-tae. Au Japon, les productions nationales ont aussi brillé, même si peu se sont exportées, et si il s'agit essentiellement de films de genre. First Love (Hatsukoi) de Takashi Miike, Au bout du monde de Kiyoshi Kurosawa et surtout le très beau Asako I & II de Ryusuke Hamaguchi ont montré malgré tout que le cinéma japonais conservait une belle variété de talents. Le cinéma chinois exporté est surtout un cinéma de festivals. C'est avant tout l'interdiction de voyager de One second de Zhang Yimou qui a frappé les esprits. Il n'empêche, quatre des grands films orientaux de l'année sont venus de l'Empire du milieu: Un grand voyage vers la nuit de Bi Gan et Les Éternels de Jia Zhangke, tous deux à Cannes en 2018, So long my son de Wang Xiaoshuai, primé à Berlin et le splendide polar Le lac aux oies sauvages de Diao Yi'nan, en compétition à Cannes en mai. Toujours à Cannes, en provenance d'une région qui a donné peu de grands films cette année, Pour Sama de Waad al-Kateab, documentaire syrien, est sans doute l'une des œuvres les plus bouleversantes de l'année.

Le cinéma latino-américain a été plus contrasté, et plus engagé aussi: féminisme, homosexualité, autoritarisme... les réalisateurs s'attaquent de front aux problèmes de leur pays, que ce soit l'effrayant Tremblements de Jayro Bustamente, le grandiose Bacurau de Juliano Dornelles et Kleber Mendonça Filho, le sublime La Vie invisible d'Eurídice Gusmão de Karim Aïnouz ou le saisissant Companeros d'Alvaro Brechner. On a aussi en tête les images de La Cordillère des songes de Patricio Guzmán, de Nuestras Madres de César Díaz, de La flor de Mariano Llinás et de L'Ange de Luis Ortega.

Plus au nord, au Québec, l'année fut morose, en qualité le plus souvent, et en recettes, désespérément. Ainsi, malgré deux films, Xavier Dolan n'a pas retrouvé ses succès d'antan, repartant sans prix de Cannes, et finissant l'année avec deux flops. Son ancienne actrice, Monia Chokri sortait aussi son premier film, La femme de mon frère, sans plus de succès. La Chute de l'empire américain de Denys Arcand est sorti dans l'indifférence malgré un sujet dans l'air du temps, tandis que le canadien Guest of Honour d'Atom Egoyan a déjà été oublié à Venise. Au Québec, seul un film a été un gros hit cette année, la comédie Menteur avec 590000 entrées. Louise Archambault avec Il pleuvait des oiseaux a cependant confirmé sa bonne cote avec 200000 entrées. La femme de mon frère (76500, 3e), Matthias et Maxime (44500, 4e), le très beau Jeune Juliette (32200, 5e), The Death & life of John F. Donovan (21700, 8e) révèlent l'extrême faiblesse du cinéma québécois sur son propre territoire.

Enfin, le cinéma européen se porte bien. Même si de grands noms comme Ken Loach, Fatih Akin, les frères Dardenne ont déçu, sans doute parce qu'ils persévèrent dans la même veine, en s'orientant vers un discours de moins en moins généreux ou surprenants. Ce n'est pas qu'une question de goût puisque même leurs fans n'ont pas vraiment suivi.

Le cinéma européen reste producteur de grands films, exportés, récompensés, applaudis. La Favorite de Yórgos Lánthimos en fut l'emblème cette année, avec un triomphe hollywoodien en plus d'un gros succès public international. Au sud, des cinéastes réputés comme Marco Bellocchio (Le traître), qui symbolise un renouveau du cinéma italien auquel on peut raccrocher Martin Eden Pietro Marcello, Pedro Costa (Vitalina Varela, Leopard d'or à Locarno), Costa Gavras (Adults in the Room) prouve que, malgré la télévision, le cinéma résiste bien. C'est surtout le cinéma espagnol est le plus en forme avec des films aussi divers El reino de Rodrigo Sorogoyen, Viendra le feu d'Oliver Laxe, Yuli d'Icíar Bollaín, Petra de Jaime Rosales... L'Europe centrale et de l'Est n'est pas en reste avec des œuvres comme Sunset de Laszlo Nemes, Une grande fille de Kantemir Balagov, le formidable Dieu existe, son nom est Petrunya, de Tenona Strugar ou encore Les siffleurs de Corneliu Porumboiu. Sinon, du très émouvant Et puis nous danserons (And Then we Danced) de Levan Akin au très étrange Border d'Ali Abbassi en passant par L'audition d'Ina Weiss, L'œuvre sans auteur de Florian Henckel von Donnersmark, Yesterday de Danny Boyle, Noureev de Ralph Fiennes, c'est là encore l'éclectisme qui prime, mais surtout il s'agit de la quête d'une narration spécifique, s'affranchissant de limites morales et plaidant pour une liberté de création. Même s'ils ne trouvent pas un public aussi large qu'on pouvait l'espérer.

Une grande partie de ces films sont des coproductions françaises, principal soutien financier des auteurs. Il en est ainsi également des deux films au féminin venus d'Afrique, Atlantique de Mati Diop, Grand prix du jury à Cannes, film sénégalais dans l'âme, et Papicha de Mounia Meddour, film algérien dans sa chair.

On finira ce tour du monde avec quelques films d'animation qui là aussi se distinguent dans leur proposition esthétique. Funan de Denis Do, Bunuel après l'âge d'or de Salvador Simo, Les enfants de la mer de Ayumu Watanabe, La fameuse invasion des Ours en Sicile de Lorenzo Mattoti. A eux quatre, ils démontrent que le cinéma n'est pas qu'un produit formaté, même dans l'animation. Chaque pays revendique finalement sa part d'exception culturelle, sa personnalité dans un monde où les images sont encore trop américaines.

Star Wars IX: carton au USA, déception en France, fiasco en Chine

Posté par vincy, le 20 décembre 2019

Star Wars: l'ascencion de Skywalker devrait être le succès annoncé, malgré des critiques plutôt tièdes. Le film a déjà ramassé 40M$ au box office nord-américain lors des avant-premières d'hier soir. C'est un peu moins qu'Avengers:Endgame, ultime épisode de la franchise lui aussi, que les deux derniers Star Wars et que le dernier Harry Potter. Pour son premier week-end, les analystes prévoient un démarrage entre 170M et 200M$, ce qui ne sera, cependant, pas un record de la saga là encore.

A l'international, en deux jours, ce neuvième film de la Guerre des Etoiles a déjà rapporté 59M$ dans 46 pays. La faute aux grèves? En France, le film n'a attiré que 391 283 entrées sans avant-premières mercredi, sorti dans 731 salles, soit beaucoup moins que les épisodes VII (619 200 entrées) et VIII (503 727 entrées).

L'exception est cependant ailleurs, du côté de la Chine, deuxième marché mondial. Le film n'a récolté que 6,2M$ depuis mercredi, battu en plus par trois film locaux: le polar Sheep without a Sheperd (60M$ en une semaine), le film d'arts martiaux IP Man 4 (14M$ pour sa sortie ce vendredi) et la romance Only Cloud Knows (4,6M$ en une journée). L'Ascension de Skywalker devrait finir dernier de la nouvelle trilogie au final avec un cumul estimé à 18M$. Pas de quoi rivaliser avec les 615M$ d'Avengers:Endgame.

Ce flop démontre que le phénomène Star Wars, né en Occident il y a plus de 40 ans, n'a pas su s'imposer dans l'Empire du milieu. Si le box office du Réveil de la force y a été honorable (126M$), avec un bon premier week-end (52M$), la suite, Les derniers Jedi, s'effondrait déjà (29M$ le premier week-end, 43M$ au total).

La force faiblit, mais en Chine, elle semble carrément inexistante.

Avec les fêtes, le succès reste de toute façon assuré, qu'il batte ou non des records. Depuis la relance de la saga il y a vingt ans, les recettes mondiales fluctuent entre 650M$ et 2,1 milliards de $ (Le réveil de la Force). L'enjeu pour Disney est qu'il fasse aussi bien que Les derniers Jedi (1,3 milliards de $) pour sauver la face. Cependant, après le semi-échec de Solo, il devient crucial de trouver la bonne formule pour relancer l'univers mythique imaginé par George Lucas dans les années 1970. Sinon les Skywalker vont se faire traiter de Boomers.

Hong Kong, Chine, Taïwan: secousses sismiques dans le 7e art

Posté par vincy, le 7 octobre 2019

Le cinéma subit à son tour les effets de la situation politique de Hong Kong, dont les citoyens revendiquent a minimia le maintien d'un pays-deux systèmes distinguant Hong Kong du continent chinois, statut obtenu lors de la rétrocession par les britanniques en 1997. Depuis la fin mars, la métropole de près de 8 millions d'habitants vit aux rythmes de manifestations monstres où la violence policière et étatique est de plus en plus brutale.

Pour ne pas froisser la Chine, deuxième marché mondial en nombre de spectateurs en salles, certaines personnalités du cinéma ont déjà refusé de soutenir les hong kongais, à commencer par l'actrice du film Mulan, Liu Yifei. D'ores et déjà des appels aux boycotts ont répliqué. Mais la Chine sait se faire pression. Dès qu'une personnalité du spectacle ou du sport apporte son soutien au "mouvement des parapluies", le régime de Pékin ordonne la rétractation, ou c'est l'interdiction de travailler en Chine. Aussi, aucun des cinéastes hongkongais ne s’est exprimé à titre personnel sur cette crise pour continuer à bénéficier de l'accès aux puissantes industries culturelles chinoises. Dans La Croix, Arnaud Lanuque justifiait ce silence il y a un mois: "Le cinéma de Hong Kong est devenu limité, et ces réalisateurs ne veulent pas faire de petits films. Pour faire des films ambitieux, il faut nécessairement passer par le marché chinois. Hong Kong n’a plus que des films à petits budgets, des drames sociaux, des comédies, et des films fantastiques (genre interdit en Chine)."

Migration en Corée du sud

Mais depuis deux semaines, le cinéma hong kongais est quand même sur les dents. Les Asian Film Awards ont décidé de quitter leur lieu d'accueil historique, remis chaque année depuis 2007 au Festival international du film de Hong Kong en mars. Ils migreront à Busan, en Corée du sud, la ville où se déroule le plus grand festival de cinéma en Asie. Si bien que les prochains AFA auront lieu en octobre 2020. A un mois des Asia Pacific Screen Awards (qui se déroulent à Brisbane en Australie).

Fondé par la HKIFF Society, les AFA ont ensuite noué des partenariats avec les festivals de Busan et Tokyo, tout en restant juridiquement basés à Hong Kong. Depuis longtemps, les organisateurs réfléchissent à une rotation entre les trois festivals (Tokyo a lieu fin octobre). Mais les difficultés de Busan à l'époque avaient mis ce projet à l'écart. Cette rotation serait de nouveau en discussion.

Le Festival du film de Hong Kong devrait quand même avoir lieu, et accueillerait malgré tout un prix honorifique des AFA, afin de conserver son emprise sur la marque. Mais il faudra bien attendre encore un an pour connaître le successeur d'Une affaire de famille de Hirokazu Kore-eda. Et on ignore encore si le cinéma chinois (5 statuettes du meilleur film en tant que producteur ou co-producteur) y sera le bienvenu.

Exclusion du cinéma chinois

Car, l'effet de choc n'est pas terminé. Les Golden Horse Awards se mêlent aussi de real-politik. Les récompenses de cinéma taïwanaises sont décernées depuis 1962 distinguant les films d’expression chinoise, qu’ils viennent de Taïwan, des territoires sinophones (Hong Kong, Singapour, ...) et depuis 1996 de Chine continentale.

Or, l'île de Taïwan, à la fois état souverain non indépendant et province chinoise avec son propre système politique et économique, est en pleine campagne électorale. Et elle est partagée entre ceux qui souhaitent le rattachement à la Chine, sur la base de Hong Kong (un pays, deux systèmes), et ceux qui revendiquent l'indépendance (qui sont de plus en plus renforcés dans leur conviction en voyant les événements de Hong Kong).

Les récentes nominations aux Golden Horse Awards montrent que les professionnels ont choisi leur camp: les films chinois sont complètement absents et seuls quelques films de Hong Kong ont reçu des citations (Suk Suk, My Prince Edward, Bamboo Theatre). Deux films de Singapour et un de Malaisie complètent les nominations hors-Taïwan. C'est d'autant plus une claque que les films de Chine et de Hong Kong ont largement dominé le palmarès des GHA depuis leur création. Seules 8 productions ou coproductions taïwanaises ont remporté le prix du meilleur film depuis 1996.

Présidés par Ang Lee, les GHA sont considérés comme les Oscars du cinéma en langue chinoise. Mais l'an dernier, Fu Yue, prix du meilleur documentaire, avait choqué le régime chinois en réclamant l'indépendance de Taïwan lors de son discours d'acceptation. En guise de rétorsion, les autorités chinoises, en août dernier, ont alors décidé de boycotter tous les films nommés aux Golden Horse Awards, interdits de sortie en Chine continentale.

De peur de ne plus pouvoir travailler en Chine, plusieurs personnalités de cinéma de Hong Kong ont déjà fait savoir qu'ils ne soumettaient par leurs films aux GHA, ce qui explique l'absence de films chinois (il n'y a eu que 148 candidats contre 228 l'an dernier). Dernier en date, et pas des moindres, le cinéaste Johnnie To, qui s'est retiré de la présidence du jury, qui choisit les gagnants, au nom d'obligations contractuelles.

Mais surtout, la Chine a décidé de lancer ses propres récompenses, les Golden Rooster Awards, qui auront lieu à Xiamen, le même soir (23 novembre) que les Golden Horse Awards. A cette politique de menaces, le régime chinois ajoute d'autres formes de pressions sur les festivals internationaux en interdisant à certains films et talents de s'y rendre, à l'instar de One Second de Zhang Yimou, retiré au dernier moment de la compétition de Berlin, ou de Liberation de Li Shaohong, film d'ouverture du festival de Pingyao (créé par Jia Zhangke), remplacé trois jours avant sa projection par un autre film.

Cannes 2019 – Zhang Ziyi: « Je suis quelqu’un qui ne fait pas de plans »

Posté par kristofy, le 23 mai 2019

Zhang Ziyi connaît déjà bien le Festival de Cannes : elle avait été membre du jury de la compétition en 2006 avec comme président Wong Kar-wai, puis de nouveau jurée de la section Un Certain Regard en 2013. Cette année elle y est de retour pour un "rendez-vous avec Zhang Ziyi", soit l'une des rencontres en forme de masterclass comme il y en a eu avec Alain Delon. En attendant celle de Sylvester Stallone demain.

Elle est apparue sur nos écrans devant la caméra des plus grands cinéastes pour des gros succès autant en Asie que à l'international: The Road Home de Zhang Yimou en 1999, Tigre et Dragon d'Ang Lee en 2000 (hors-compétition à Cannes, 4 Oscars l'année suivante), Rush Hour 2 de Brett Ratner et La Légende de Zu de Tsui Hark en 2001, Hero toujours de Zhang Yimou en 200, et Le secret des poignards volants (présenté à Cannes en 2004), 2046 (compétition à Cannes) et The Grandmaster de Wong Kar-wai, Mémoires d'une geisha de Rob Marshall, The Crossing de John Woo, The Cloverfield Paradox de Julius Onah, et bientôt dans les salles Godzilla 2 : Roi des monstres.

Zhang Ziyi est revenue sur plusieurs films emblématiques de sa carrière tout en parlant à la fois d'elle et de ses envies :

Tigre et Dragon
J'avais 19 ans lors du tournage, j'étais débutante. A l'époque j'étais étudiante au Centre d'Art Dramatique de Chine, et j'avais déjà tourné un premier film. Un de mes professeurs avait envoyé ma photo pour le casting de Tigre et Dragons mais je crois qu'elle a été rejetée. Le réalisateur avec qui je venais de tourner à été en contact avec Ang Lee et il lui a parlé de moi. J'ai dû suivre un entrainement de 2 mois aux arts-martiaux, sans savoir quel rôle j'allais vraiment avoir au final. Je me suis entrainée à fond. Quand on a un grand succès très jeune, les gens ne remarquent pas les efforts qui ont été faits.

The Grandmaster
C'est le second film fait avec Wong Kar-Wai, après 2046. J'avais un peu peur de ce nouveau tournage car c'était en cantonais alors que je parle mandarin. J'étais dans l'insécurité totale et en même temps je me concentre sur le moment présent. Parmi les différents réalisateurs avec qui j'ai travaillé c'est peut-être Wong Kar-Wai qui me connaît le mieux. C'est une chance d'être devenue amie avec lui.

les tournages à l'étranger
Pour Rush Hour 2 ce qui les intéressait, c'est que je savais faire du kung-fu pour des combats. Je ne veux pas faire le même type de rôles à Hollywood. Pour Mémoires d'une geisha de Rob Marshall, c'est un rôle à part, car c'est très rare qu'une femme asiatique soit le rôle principal dans un film de studio hollywoodien. Dans Godzilla 2 : Roi des monstres , c'est un rôle où il y avait des choses à exprimer, et pas seulement un rôle destiné à une asiatique. Je fais attention à ça. J'ai refusé plusieurs rôles car je me suis demandé pour quelle raison les accepter. 

L'avenir
De nature, je suis quelqu'un qui ne fait pas de plans, qui laisse couler les choses. Je me concentre sur le film lui-même, que ce soit avec un projet de premier film ou un film sans promesse de succès. La patience paie pour attendre des rôles meilleurs. A 40 ans, le plus important est la valeur des rôles, c'est-à-dire quoi transmettre à travers les films.

Cannes 2019 : Qui est Diao Yinan ?

Posté par MpM, le 18 mai 2019

Depuis ses débuts derrière une caméra, Diao Yinan fait sensation, cumulant deux sélections cannoises et un Ours d’or à Berlin en quatre longs métrages. C’est pourtant en tant qu’acteur et scénariste qu’il a fait ses premiers pas, et le public occidental l’a notamment découvert à l’affiche du film d’anticipation politique All tomorrow’s parties de Yu Lik Wai, sélectionné en section Un Certain Regard à Cannes en 2003.

Issu d’un milieu simple mais cultivé (son père est rédacteur dans un magazine culturel, sa mère est actrice), il s’oriente vers l'Académie de Pékin et l'écriture théâtrale. Après une dizaine d’années en tant qu’acteur et scénariste, il passe à la réalisation de son premier long métrage, Uniforme (2003), dont l’un des conseillers artistiques n’est autre que son compatriote Jia Zhang-ke. Le film met en scène un jeune homme à l’avenir complètement bouché, qui découvre l’ivresse du pouvoir en endossant l’uniforme de policier qu’il a trouvé. Sélectionné au Festival de Vancouver, puis à celui de Rotterdam, il remporte plusieurs récompenses dont le prix Dragons and Tigers et le prix NETPAC.

C’est ensuite la reconnaissance cannoise avec Train de nuit à Un Certain Regard (2007). Le film raconte la rencontre amoureuse entre une femme huissier de justice et le mari de la détenue condamnée à mort dont elle a la charge. A la fois portrait d’une femme chinoise, "opprimée par sa solitude, épiée par ses voisins et témoins des atrocités du système " comme nous l'écrivions alors, et dénonciation d’une "société chinoise écrasante, niant l’individu".

Sept ans plus tard, Diao Yinan remporte l’Ours d’or avec Black coal, Thin Ice, un polar poisseux et désenchanté aux accents romantiques mêlés de cynisme. Sur fond d’enquête pour découvrir qui a tué et démembré un employé d’une carrière minière, le cinéaste brosse à nouveau le portrait d’un pays au bord de l’explosion, dans lequel il n’est plus possible que de survivre difficilement. La violence individuelle, filmée sans fard, apparaît comme le reflet d’une violence collective plus insidieuse, basée notamment sur l’argent et la puissance qu’il confère à ceux qui en sont pourvus.

En 2014, il expliquait dans un entretien au Figaro : "Ma critique de la société passe par l'intrigue policière parce qu'elle permet d'exprimer deux thèmes qui m'importent: la violence et la solitude. La violence m'effraie, et plus j'en ai peur, plus j'ai envie de l'exprimer à l'écran, en lui donnant une dimension esthétique ou satirique. Parce que l'écart entre riches et pauvres crée beaucoup de situations et d'événements absurdes dans la société chinoise."

Contre toute attente, Black Coal connaît un succès populaire en Chine, et c’est auréolé de ce double plébiscite que le cinéaste chinois revient cette année avec son 4e long métrage, Le lac aux oies sauvages, propulsé pour la première fois en compétition à Cannes. Il s’agit à nouveau d’un polar qui réunit au cœur d’une chasse à l’homme "un chef de gang en quête de rédemption" et "une prostituée prête à tout pour recouvrer sa liberté". Un programme qui pourrait bien accélérer la rapide ascension de Diao Yinan dans le club fermé des cinéastes chinois de tout premier plan.

Wong Kar-wai retourne à Shanghaï pour son prochain film

Posté par vincy, le 20 mars 2019

Wong Kar-wai de retour? 6 ans après son dernier film, The Grandmaster, le maître de Hong Kong s'apprêterait à clore sa trilogie commencée avec In the Mood for Love et poursuivie avec 2046.

Selon le journal chinois Ming Pao, le réalisateur retournerait sur les plateaux cet hiver pour réaliser (enfin) Blossoms, film en gestation depuis quelques années. Il écrit le scénario depuis plus de quatre ans, explorant les archives et les documents concernant les époques qu'il souhaite reconstituer. Wong Kar-wai a confirmé auprès de la presse chinoise ce projet à l'occasion d'une cérémonie de la Hong Kong Film Writers Association qui lui décernait un prix honorifique le 17 mars dernier.

Blossoms serait librement inspiré du roman éponyme de Jin Yucheng (inédit en français) qui suit trois résidents de Shanghaï de la Révolution culturelle chinoise dans les années 1960 à la fin du XXe siècle. Rappelons que le cinéaste aux lunettes noires est originaire de Shanghaï, ville qu'il a quitté avec sa mère à l'âge de 5 ans en 1963, et où il n'est pas revenu avant le début des années 1990. C'est cette période d'absence et sa ville natale qu'il veut filmer. Il a d'ailleurs confessé que le film serait son plus personnel, tout en confirmant qu'il serait bien dans une suite à In the Mood for Love et 2046.

In The Mood for Love est né d'un incident. Il envisageait à l'origine une romance musicale à Pékin. Mais, empêché par l’administration chinoise, il imagine alors une trilogie amoureuse. Il filme beaucoup, y compris à Macao et Bangkok, et jette presque tout pour ne garder que ce qui aboutira au film emblématique de la carrière du réalisateur.

La production de Blossoms s'annonce ambitieuse puisque Shanghaï a été transformée. Les quartiers qu'il veut reconstituer n'existent plus. Pour l'instant aucun acteur n'a été choisi. Et le réalisateur a déjà prévenu qu'ils devront parler le dialecte Shanghaïen.

Après avoir abandonné le biopic sur Gucci et suspendu la série Tong Wars pour Amazon, il semble que Wong Kar-wai revienne cette fois-ci pour de bon.

Berlinale 2019 : culpabilité, résilience et idéologies au centre de So long my son de Wang Xiaoshuai

Posté par MpM, le 14 février 2019

Seizième et dernier film présenté en compétition à Berlin cette année, So long, my son de Wang Xiaoshuai est comme on pouvait s’y attendre une fresque intime et tragique qui raconte en filigrane la grande histoire de la Chine sur plusieurs décennies. On y suit trois couples liés par une profonde amitié depuis l’époque de la Révolution culturelle, et qui sont tour à tour touchés par les conséquences directes de la politique du régime ainsi que par des drames plus personnels.

Wang Xiaoshuai explore ainsi les thèmatiques liées à la culpabilité et à la résilience, tout en mettant en évidence les conséquences des décisions politiques idéologiques sur l’existence concrète des gens. Il s’attaque notamment à la politique de l’enfant unique, dont on sait qu’elle a été parfois appliquée si strictement que des avortements forcés ont été pratiqués sur des femmes presque à terme. Sans véhémence, et parfois même avec une ironie noire, lorsque les personnages principaux sont récompensés publiquement pour un avortement qui leur a été imposé, le cinéaste rappelle que cette politique est un cas assez exemplaire de contrôle extrême du corps des femmes et de la vie intime des individus. Politique dont il « oublie » pudiquement de préciser qu’elle a mécaniquement induit un déséquilibre entre la population masculine et la population féminine du pays.

Toutefois, le film ne se veut pas à charge, et s’avère surtout dépourvu de rancoeur contre les individus. Les protagonistes excusent l’enfant responsable de la mort de leur fils, car il n’est qu’un enfant. Ils pardonnent aussi à celle qui ne fait qu’appliquer la loi et suivre les règles éditées par le régime (même si obéir aux ordres n’excuse jamais l’inexcusable). C’est le système lui-même que blâme en filigrane le film, mettant au jour les fissures dans le mythe du succès économique et social chinois, et pointant les effets chaotiques sur les individus d’un pays en constante évolution forcée.

Finesse des émotions

So long, my son s’avère ainsi un portrait sensible et attachant d’une poignée d’individus qui tentent de vivre leur vie le plus sereinement possible malgré les épreuves et les obstacles qu’ils traversent. Le récit prend son temps (même si l’on ne sent pas passer les trois heures du film) et assume ses accents mélodramatiques comme la tendresse qu’il porte à ses personnages. Bien sûr, cette génération a payé au prix fort l’élévation de la Chine nouvelle. Mais le réalisateur a choisi, à travers les retrouvailles finales, de ne justement pas les sacrifier. Il leur redonne ainsi à la fois dignité et espoir, tout en leur permettant d’être autre chose que des pions dont la vie aura été vaine, au service exclusif d’un plan plus large les dépassant.

Il faut d’ailleurs souligner la manière subtile et touchante dont le cinéaste dépeint la relation qui unit le couple central Yaojun et Liyun. Cela ne passe guère par les dialogues, car le film est peu bavard, mais beaucoup par les gestes, le hors champ et la mise en scène tout en retenue. Le relatif classicisme à la fois de l’intrigue (aux rebondissements romanesques à souhait) et du style (de larges plans fixes posés et aérés et une construction complexe par flashback successifs) met d’ailleurs en valeur cette finesse des émotions et des sentiments. Cela permet à Wang Xiaoshuai de replacer l’humain au centre, et de signer un film beaucoup plus riche que ce que son statut de grande fresque historique laissait présager.

Vesoul 2019 : le silence et l’exil face aux politiques absurdes

Posté par kristofy, le 11 février 2019

Comme à son habitude, le Festival International des Cinémas d'Asie de Vesoul propose en compétition des films de tous horizons (Chine, Corée du Sud, Inde, Japon, Iran, Philippines, Afghanistan...) La plupart de ces films, dont trois sont signés de réalisatrices, montrent des familles qui éprouvent diverses difficultés. Certaines sont en résonance avec leur pays avec en fond une critique d'un système. Deux films sont particulièrement interrogateurs, voir dénonciateurs : Widows of silence et A family tour.

Widows of silence, réalisé par Praveen Morchale : originaire de l'Inde, il s'agit de son 3ème long-métrage. Il raconte une histoire dans le  Cachemire. Une femme dont le mari est porté disparu depuis 7 ans est seule avec sa fille de 11 ans et sa belle-mère âgée muette de chagrin. Cette femme doit plusieurs fois se déplacer pour des formulaires demandant un acte de décès de son mari qu'elle n'arrive pas à obtenir, l'une des raison est d'ailleurs de lui soustraire des terres de son mari...

Praveen Morchale explique ce qui l'interpelle : « Le Cachemire est une zone très conflictuelle entre l'Inde et le Pakistan, depuis des dizaines d'années. Il y a des gens qui traversent des frontières pour disparaître et d’autres pour devenir soldat ailleurs par exemple. Il y a surtout le problème interne des gens qui sont à un moment arrêtés par des militaires et qu'on ne revoit jamais. Il y aurait 2500 femmes veuves officiellement mais plutôt environ 10000 disparus officieusement, la situation est douloureuse pour les proches surtout les épouses et les enfants. Il y a un peu plus d'un an j’ai découvert dans un article de journal le terme de ‘demi-veuve’ et je me suis intéressé à ce que ça voulait dire, en fait des femmes dont les maris ont disparus après des arrestations.

Je suis allé au Cachemire et j'y ai rencontré des gens incroyablement généreux et qui partagent beaucoup de choses, et aussi des femmes qui m'int raconté des choses horribles et absurdes qui arrivent là-bas. Les médias locaux ne parlent jamais des malheurs de ces femmes et de ces enfants, les journaux et les radios ne parlent que d'actions militaires victorieuses par exemple, mais rien de négatif sur le pays. Beaucoup de ces femmes sont illettrées ou bloquées au quotidien dans des démarches administratives, elles sont d'autant plus silencieuses ou ignorées que personne ne parlent d'elles, de ces veuves dont les maris sont morts on ne sait où ni comment. Environ 6 mois plus tard je faisais le film, le tournage a duré 17 jours dans un petit village où personne n'avait jamais vu de caméra. A l'écran c'est la réalité, les villageois jouent leur vie à l'image : le chauffeur est chauffeur, l'infirmière est infirmière. Que des non-professionnels donc sauf l'actrice principale qui a fait du théâtre et le chef du bureau d'état civil qui est en fait mon assistant qui fait l'acteur ici. Dans mon film 99% des choses sont vraies d'après ce que m'ont raconté plusieurs femmes rencontrées là-bas, sauf le final est fictif. »

A family tour, réalisé par Ying Liang : il est chinois mais il a dû s'éloigner de sa région natale pour aller vivre à Hong-Kong, sa précédente réalisation When night falls lui avait valu diverses difficultés avec le pouvoir et c'est d'ailleurs le sujet de son nouveau film. Une réalisatrice exilée à Hong-Kong parce qu'un de ses film a offensé les autorités chinoises participe à un festival dans la dissidente Taïwan. Elle en profite pour y faire venir sa mère malade qu'elle n'a pas vue depuis cinq ans. La mère participe à un voyage groupé touristique et à chaque étape la réalisatrice avec son mari et son fils va la rejoindre pour passer du temps ensemble...

Ying Liang évoque comment la Chine surveille des cinéastes : « Cette histoire est une fiction qui reflète mon histoire personnelle. Un de mes films a fait que je ne pouvais plus retourner en Chine, c'était une phase difficile et j'ai repensé totalement ma vie. La première version du scénario était à propos d'un homme réalisateur en exil et c'était trop proche de moi. Faire du personnage principale une femme réalisatrice permettait de suggérer différents choix de vie et en faire un personnage plus fort : ici ce n'est pas une femme qui suit son mari par exemple, c'est elle qui est moteur des décisions. Je suis originaire de Chine mais à Hong-Kong il y a plus de libertés, notamment pour faire des films et les montrer, mais en ce moment Hong-Kong change à une vitesse folle et en pire.

Les deux actrices sont originaires de Pékin, et je leur ai demandé clairement "voulez-vous prendre le risque d'apparaître dans mon film?" L'actrice qui joue la mère était déjà dans mon précédent film qui m'a vau des problèmes dans le rôle de la maman d'un garçon ayant tués des policiers chinois, en fait elle est aussi elle-même productrice de films indépendants comme Lou Ye, elle connait les risques de censure. Dans ma vraie vie; mes parents n'ont pas fait ce type de voyage dans un pays tiers pour me voir, c'est risqué car on ne sait pas ce qui peut se passer à leur retour. Le contact avec mes parents en Chine est comme dans ce film, c'est par internet et limité à des choses simples. Je ne peux pas leur parler de ce que je fais dans mon métier et cache certaines choses, et eux évitent de me poser certaines questions. »

Bilan 2018: Hollywood et la Chine dominent le box office mondial

Posté par vincy, le 11 janvier 2019

Malgré Netflix, le piratage, le mondial de foot, les séries ici et ailleurs, le prix du ticket en hausse, le pouvoir d'achat en berne ou, dans certains pays, des mouvements sociaux et des troubles politiques, le cinéma (en salles) reste un produit culturel très attractif et populaire. rance, usa, chine, japon, royaume uni...

La France s'en sort plutôt bien avec 200,5 millions d'entrées en 2018. La fréquentation est en recul de 4,3% mais reste au dessus des 200 millions de spectateurs, ce qui en fait, toujours, le plus gros marché cinématographique européen, devant le Royaume Uni. Le cinéma français s'en sort bien avec 39,3% des entrées et deux films nationaux - Les Tuche 3, La famille Ch'ti - dans le Top 3, au dessus des 5 millions de spectateurs. Avec les cartons du Grand bain, d'Astérix - le secret de la potion magique et de Taxi 5, le cinéma hexagonal continue d'être plébiscité face à une concurrence hollywoodienne féroce. Au total 39 films (dont 11 Français) ont passé le cap du million d'entrées (contre 55 en 2017), confirmant une concentration sur quelques gros films.

L'Allemagne a en revanche vu son box office plonger de 15,5%, avec seulement 95,8 millions de spectateurs. Les films allemands ont séduit 22,9% des spectateurs et aucun n'est classé dans le Top 10. Plus frappant, le marché allemand, alors qu'il s'agit du pays le plus peuplé d'Europe, passe derrière le marché espagnol. Avec une légère baisse de 2%, le box office en Espagne a atteint 97,7 millions de billets vendus d(ont 17,5% pour des films espagnols). Côté Italie, c'est la grande dépression. 2018 a été la pire année depuis une décennie avec 86 millions de tickets vendus. La part de marché des films italiens (dont là aussi aucun ne se classe dans les 10 films les plus vus) s'élève à 22%.

Finalement, c'est le Royaume Uni qui relève la tête avec des entrées estimées entre 170 et 180 millions d'entrées, en hausse par rapport à l'an dernier. A Hong Kong aussi le box office augmente de 6% (même la part de marché des films nationaux est en recul, à 13%). De même la Chine continue de progresser avec des recettes en hausse de 9%. L'Empire du milieu reste le 2e marché mondial (hors Inde) avec 8,9 milliards de dollars de recettes. La part de marché des films nationaux, aidés par une limitation des films étrangers, est aussi en hausse (62%). Trois films - Operation Red Sea, Detective Chinatown 2 et Dying to Survive ont fait des scores de blockbusters américains (respectivement 532M$, 496M$ et 452 M$), soit 17% du box office national annuel.

En Corée du sud, le bilan est contrasté avec des recettes en hausse de 3% mais des tickets vendus en baisse avec 216 millions d'entrées (contre 220 l'an dernier), soit le 4e marché mondial (hors Inde). La Corée conserve sa place de champion en nombre d'entrées par habitant (plus de 4 films vus par habitants). Les coréens continuent de plébisciter leurs films (51% de parts de marché) et deux films nationaux ont passé le cap des 10 millions de spectateurs (Along With the Gods: The Two Worlds et Along With the Gods: The Last 49 Days).

Le Japon n'a pas encore fourni ses chiffres, tout comme la Russie ou le Brésil et le Mexique. Côté USA (et Canada anglais), c'est champagne en tout cas. Les recettes ont progressé de 6,7% (11,9 milliards de $), battant le record de 2016, et le public est de retour dans les salles : on prévoit une hausse de 4%, soit 1,3 milliards de billets vendus. Disney a capté un quart des recettes avec ses films.

Au niveau mondial, les premières estimations évaluent les recettes en salles à 41,7 milliards de dollars, soit 2,7% de plus qu'en 2017. Non seulement, le cinéma n'est pas mort, mais il est encore profitable. Un Marvel a passé le cap des 2 milliards de recettes, trois autres films ont été milliardaires, tous américains. Au total, 17 ont récolté plus de 500M$, dont 2 chinois. Un tiers est un film de super-héros et seulement trois ne sont ni une suite ni un remake ni une franchise. Hollywood rules again.