Posté par vincy, le 19 juin 2008
"Je suis le dernier survivant d'une partie de l'histoire du cinéma français" déclarait Jean Delannoy. Ce n'était pas présomptueux. Des cinéastes qui ont marqué la période qui a précédé la Nouvelle Vague , il était le dernier. L'essentiel de sa carrière se fit dans les années 40 aux années 60. Dès l'amorce de son déclin cinématographique, il présidera notamment l'Idhec (l'actuelle Fémis) puis le Syndicat national des auteurs et des compositeurs.
Delannoy c'est une Palme d'or à Cannes (La symphonie pastorale), un César d'honneur (en 1986), deux prix à Venise et un à Berlin (Dieu a besoin des hommes). Il fut surtout l'homme qui filma les grands classiques : Maigret (avec des dialogues de Michel Audiard parfois), Notre-Dame de Paris, La Princesse de Clèves, Le Bossu... Sur la fin de sa carrière, il fut fasciné par les grandes icônes religieuses (Bernadette Soubirous, Marie de Nazareth). Depuis longtemps Delannoy ne tournait plus rien de bien...
Car son amour des "reconstitutions" l'ancra dans un cinéma de fresque qui paraît presque désuet. Les trublions de la Nouvelle Vague qualifiaient même ses films d'académiques, Delannoy de technicien. Un "faiseur" en quelque sorte. Lui se considérait comme un artisan. Et personne ne conteste en effet un savoir-faire presque perfectionniste dans les aspects techniques du 7e art. Cela provenait sans doute de son passé de journaliste, comédien, décorateur, assistant réal, et même monteur. Mais son allure bourgeoise, son incapacité à rayer le vernis, son envie de faire du beau cinéma, presque lisse, sa distance permanente avec les émotions les plus brutes, si elles correspondaient à un public d'après-guerre, allait être en complet décalage avec la jeunesse post-Bardot/Sagan.
Il fut l'auteur de très grands succès populaires, fit tourner Gina Lollobrigida, Jean Marais, Micheline Presle, Paul Meurisse, Michèle Morgan, Jean Gabin, le récemment défunt Jean Desailly, Marina Vlady, Annie Girardot, Klaus Kinski, Philippe Noiret, Michel Bouquet, Anthony Quinn, Erich Von Stroheim... Mais il reste attaché à jamais à Jean Gabin dont il fut l'un des réalisateurs de prédilection, lui faisant des films "sur mesure".
Si les policiers ont pris l'ascendant sur son oeuvre, il a aussi touché à la critique sociale notamment avec Les amitiés particulières (1964), sans doute son film le plus audacieux, abordant ainsi l'homosexualité masculine. Car Delannoy avait une forme de bravoure à adapter un Cocteau avant-gardiste (dont L'éternel retour révélera le cinéaste au grand public), un Gide haï par la société, à solliciter Sartre pour un script... Il y a pires inspirations...
Il est mort à cent ans, dans son village de l'Eure-et-Loir. Il avait publié une autobiographie, Aux yeux du souvenir.
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Posté par vincy, le 13 juin 2008
Ces dernières années, le comédien, ex pensionnaire de la Comédie Française et ancien directeur de théâtre (Hébertot, Edouard VII et Madeleine), Jean Desailly, était surtout connu comme un homme de scène, le partenaire immuable de Simone Valère, à la ville comme sur les planches. Un couple de soixante ans qui ne s'est marié que tardivement : "Grâce à Dieu, nous n'avons jamais connu le chômage. Voilà pourquoi nous avons vécu dans le péché" s'amusaient-ils.
Il avait commencé comme dessinateur publicitaire, empoché le premier prix de comédie dès sa première année de conservatoire puis appris sur le tas son métier, au sein de la troupe amateure La Roulotte. Dès l'après guerre, il préféra le cinéma à la Comédie Française, qui le renvoya. Il intégra alors la compagnie d'un autre couple célèbre, les Renaud-Barrault.
Au cinéma, en 1946, il fut dans l'immense succès La symphonie pastorale, de Jean Delannoy, avec Michèle Morgan. Une palme d'or. On le retrouve en Marivaux chez Guitry dans Si Versailles m'était conté. Il retrouve Morgan dans Les Grandes manoeuvres, de René Clair. Delannoy, lui, le reprend pour Maigret tend un piège, avec le vieux Gabin et la jeune Girardot et Le baron de l'écluse, avec le plus vieux Gabin et la jeune Presle.
Dans les années 60, il croise pour la première fois Jean-Paul Belmondo. Chez Melville dans Le Doulos. Dix ans plus tard, ils seront réunis dans L'héritier, de Philippe Labro, puis dans Le professionnel, de Georges Lautner, où il incarnera le ministre. Le cinéma n'étant pas son métier principal, il acceptera d'y faire des apparitions, des seconds rôles, donnant ainsi la réplique à Henry Fonda, Anthony Quinn ou Alain Delon, même le temps d'une scène. Il jouait ainsi les bourgeois, les hommes à particules, les fonctionnaires en uniformes. Sa voix posé, grave, élégante l'a souvent rendu narrateur (Les Rois maudits, en série télévisée des années 70)...
Un acteur de cinéma de second plan, sans aucun palmarès, et pourtant un immense acteur. Seul François Truffaut lui offrit un rôle digne de son talent. Dans La peau douce (1964, photo), il incarne un éditeur connu, marié et d'apparence sage. Mais il y est irrésistiblement attiré par la sensuelle et délicieuse Françoise Dorléac. On le comprend. Cette tragédie amère et amoureuse, tout en silences impalpables et en tension tactile, est le film qu'il faut revoir pour apprécier ce qui restera de Jean Desailly : son amour du jeu.
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