Robert Hossein (1927-2020) quitte la scène

Posté par vincy, le 31 décembre 2020

Il aura attendu le dernier jour de cette année 2020, et le lendemain de son 93e anniversaire, pour tirer a révérence. Robert Hossein, né Abraham Hosseinoff, est mort.

Acteur, metteur en scène et producteur de spectacles « démesurés », Robert Hossein avait un charme vénéneux, celui des hommes virils à belle gueule, capables d’être inquiétants et séduisants, mystérieux et mélancoliques. Sans doute ses origines salves. Enfant de la balle – un père acrobate et une mère comédienne, ancien élève du cours de René Simon et de Tania Balachova, il débute très jeune sur scène. Tout aussi précoce, il se lance dans la mise en scène au théâtre du Grand Guignol, aux côtés de Frédéric Dard (il fait d’ailleurs un clin d’œil à son ami en faisant une apparition dans San Antonio, film de 2003). Longtemps avant de prendre la direction du Théâtre populaire de Reims où il expérimente l’alliage du spectacle vivant et du cinéma, créant des spectacles grandioses et grandiloquents, qui feront sa fortune à partir des années 1980. Il dirige aussi pendant le début des années 2000 le Théâtre Marigny. Cette passion des planches lui vaut un Molière d’honneur amplement mérité dans les années 1990.

Joffrey

Amoureux du jeu, amant prolifique – de Marina Vlady à Candince Patou en passant par Caroline Eliacheff et Marie-France Pisier -, il était iconoclaste dans son art. Dans le privé, fils d’un père azéri et d’une mère juive, il avait décidé de se faire baptiser après ses 50 ans, embrassant pleinement la religion catholique jusqu’à lui dédier ses derniers spectacles, prosélytes et papistes.

Révélateur de talents (notamment la jeune Isabelle Adjani), Robert Hossein a croisé les plus grands (Gabin et Belmondo, entre autres) durant sa carrière cinématographique, éclectique et chaotique.

Là encore, il ne sait pas choisir entre son métier d’acteur et la réalisation. Il réalise quinze longs métrages entre 1955 et 1982, dont quelques-uns inspirés par Frédéric Dard (Toi, le venin) et une version épique des Misérables, avec Lino Ventura et Michel Bouquet.

L’acteur sera bien plus convaincant. Débutant chez Sacha Guitry, il enchaîne les figurations et petits rôles dès la fin des années 1940. En 1955, il perce avec Du rififi chez les hommes de Jules Dassin, puis, entre deux réalisation, tourne avec Roger Vadim (qui en fait un de ses acteurs récurrents), Yves Allégret, Gérard Oury, Christian Jaque, Claude Autant-Lara et André Hunnebelle (dans un OSS 117). S’il passe à côté de la Nouvelle Vague, il décroche en 1964 un premier rôle dans un film populaire (3 millions d’entrées), celui de Joffrey de Peyrac, dans Angélique marquise des anges, romance de cape et d’épée. Le début d’une saga où Hossein, malgré son tragique trépas à l’issue du premier film, s’impose en star.

Bébel

Si l’acteur n’a jamais été tête d’affiche, il a ce charisme nécessaire pour s’imposer dans des films aux genres variés, passant du cinéma italien à la comédie française, du thriller au mélodrame en costume. Il passe ainsi de Marguerite Duras à un Marco Polo à gros budget, de Jean Aurel à Mauro Bolognini, de Claude Lelouch à Nadine Trintignant, en passant par Roger Hanin. Pour Le Casse d’Henri Verneuil, il s’offre un personnage ambiguë, aux côtés de Jean-Paul Belmondo et Omar Sharif. Il retrouve « Bébel » dans Le professionnel de Georges Lautner, Les Misérables de Claude Lelouch Un homme et son chien de Francis Huster. Il le met en scène à Marigny dans les fantastiques Kean et Cyrano de Bergerac.

Si on le croise ici et là – chez Alexandre Arcady dans Le Grand Pardon, chez Jean Yanne, dans le beau Les enfants du désordre de Yannick Bellon, dans le premier film de Sophie Marceau, La disparue de Deauville, de passage dans le Vénus Beauté institut de Tonie Marshall – on sent bien que le cinéma ne l’intéresse plus à depuis maintenant 40 ans.

Shows messianiques

Il préfère la scène avec les textes de Georges Simenon, Jean-Paul Sartre, John Steinbeck, Jean Anouilh… C’est avant tout en mettant en scène des spectacles pour des salles gigantesques, loin des beaux théâtres feutrés, amenant l’interactivité du public, qu’il se taille une réputation sur son seul nom, avec Hossein en lettres capitales, barrant les affiches de publicité.

Il débute cette aventure de grands shows historico-dramatiques avec Le cuirassé Potemkine, Notre-Dame de Paris et Danton et Robespierre, première collaboration avec Alain Decaux. Il rejoue avec l’historien les grandes étapes de l’Histoire de France, demandant au public de condamner ou d’acquitter Louis XVI, non sans polémique. Il est récupéré par les partis politiques de droite et d’extrême-droite puis par les ultra-catholiques quand il revisite Napoléon, Jésus, la vierge Marie, Charles de Gaulle ou encore Jean-Paul II. Ses spectacles sont des cartons au Palais des Sports ou au Stade de France, à Lourdes ou au Puy du fou. De temps à autres, il revient aux classiques : Jules César, On achève bien les chevaux, Ben-Hur et même Angélique, son exquise marquise. L’auteur de Je crois en l’homme parce que je crois en Dieu (2016, Plon) est bien loin du jeune homme saltimbanque qui fréquentait Dard et mettait en scène des pièces comme L’Affaire Szenec ou Les bas-fonds de Maxime Gorki.

Les Miz

On préfère retenir son sens de l’audace et son talent à épater le grand public avec Les Misérables, comédie musicale d’après Victor Hugo, en 1980. Avec le livret de Claude-Michel Schönberg et Alain Boublil, il réussit avec brio à lancer ce qui deviendra, en anglais, le plus grand succès des musicals de West End à Londres, puis de Broadway. Finalement, il aura eu ce destin à la Valjean, devenant notable et croyant, délaissant ses « crimes » et cherchant les châtiments, choisissant ses créations comme autant de guides vers une forme d’espérance, puisant dans on imagination sans fin. Un « marginal mystique et méfiant » comme il se définissait, « croyant et désespéré », solitaire, à l’image de son livre préféré, Le désert des Tartares, de Dino Buzzati. Le spirituel l’a emporté sur le matériel. « Le passé, c'est un souvenir. Si vous vivez dans le passé, vous êtes foutu. Il faut espérer dans l'avenir, mais je trimballe une éternelle nostalgie de la vie.... ».

[We miss Cannes] 13 Palmes d’honneur

Posté par vincy, le 14 mai 2020

Depuis la Palme des palmes en 1997 pour Ingmar Bergman, le Festival de Cannes a couronné 12 autres artistes par une Palme d'honneur, dont 6 Français. Passage en revue avec un extrait de leur premier film présenté à Cannes (le deuxième pour Belmondo puisque son premier film cannois fut le même que celui de Jeanne Moreau). Certains sont très connus, d'autres beaucoup moins.

1997: Ingmar Bergman

2002: Woody Allen

2003 : Jeanne Moreau

2005 : Catherine Deneuve

2007 : Jane Fonda

2008 : Manoel de Oliveira

2009 : Clint Eastwood

2011 : Jean-Paul Belmondo

2011 : Bernardo Bertolucci

2015 : Agnès Varda

2016 : Jean-Pierre Léaud

2017 : Jeffrey Katzenberg

2019 : Alain Delon

Et si on regardait… L’homme de Rio

Posté par vincy, le 10 avril 2020

Vendredi à 14h, France 2 diffuse l'inusable comédie d'aventure L'Homme de Rio. (Et sur La Cinetek pour ceux qui sont abonnés)

C'est sans doute le must du genre dans le cinéma français, qui a d'ailleurs les honneurs de Cannes Classics en 2013. Une semaine après Le Sauvage, dont la filiation est évidente. Ecrit par Philippe de Broca, Daniel Boulanger, Ariane Mnouchkine et Jean-Paul Rappeneau (rien que ça), le film réunit Jean-Paul Belmondo, qui vient de fêter ses 87 ans, et la regrettée (mais sublime éternellement) Françoise Dorléac. Le scénario, fortement influencé par les aventures de Tintin, a été nommé aux Oscars (c'est dire la qualité).

A ces deux stars, s'ajoute un générique salivant: Jean Servais, Simone Renant, Adolfo Celi, Roger Dumas, Daniel Ceccaldi, et le jeune Ubiracy De Oliveira alias sir Winston, le petit cireur de chaussures.

Aventure exotique jusque dans la forêt amazonienne, en passant par Rio et Brasilia (en construction), romantisme (à l'américaine: c'est la femme qui mène l'homme à la baguette), dérision. Le mix est réussi et a inspiré Lawrence Kasdan pour Les aventuriers de l’Arche perdue, Luc Besson, Hayao Miyazaki et Michel Hazanavicius, entre autres.

Il faut dire que c'est une leçon dans le genre: du rythme, du charme, des personnages secondaires mémorables, des répliques cultes, de l'action et ce qu'il faut de méchants, dragons à terrasser et statuettes à déterrer.

Outre le scénario exquis, les dialogues ciselés, un second degré délicat, c’est bien entendu le duo de charme Belmondo-Dorléac qui fait mouche. En amoureux transi, prêt à bondir sur des planches à des dizaines de mètres au dessus du sol (il réalise pour la première fois ses propres cascades) ou tout simplement à se soumettre à tous les caprices de sa dulcinée (y compris en choisissant une voiture rose avec des étoiles vertes), Bébel est à la fois héroïque et vulnérable, viril et sensible. Il symbolise de manière avant-gardiste l’homme moderne, ni macho, ni métrosexuel. Quant à sa partenaire, elle est au sommet de sa beauté, parvient à passer de la mélancolie à l’acuité, de ses rêvasseries délirantes à un rire presque espiègle. Elle incarne la féminité à la perfection, libre et malicieuse. Difficile de ne pas succomber à ce duo de stars.

De Broca nous emmène sans accros de vastes paysages à une grotte dans la jungle, comme on s'enfonce dans un entonnoir, un piège qui servira de tombeau (ça change des pyramides). Cette spirale vers la mort permettra à aussi à Orphée de sauver son Eurydice des enfers d'un homme jaloux, possessif, cupide et dominateur (coucou #metoo).

Ces 12 travaux d’Adrien, lancé par la princesse aux yeux mécaniques et au sourire irrésistible, sont une parenthèse enchantée jamais égalée, à l'exception des films de Rappeneau sans doute. Une sacrée aventure aussi burlesque qu'héroïque, qui file à vive allure. Une grande vadrouille par delà les océans qui a su traverser le temps.

Les yeux d’or de Marie Laforêt se ferment (1939-2019)

Posté par vincy, le 3 novembre 2019

La chanteuse et actrice Marie Laforêt est morte samedi 2 novembre en Suisse, a annoncé sa famille aujourd'hui, à l'âge de 80 ans. De son vrai nom Maïtena Marie Brigitte Douménach, née le 5 octobre 1939, elle s'était retirée du métier il y a dix ans. Sa carrière est lancée quand elle remporte le concours "Naissance d'une étoile", organisé par Europe 1 en 1959.

Si son premier film, Liberté de Louis Malle, est abandonné, elle est prise pour le rôle féminin principal dans Plein soleil, le film mythique de Réné Clément, avec Alain Delon et Maurice Ronet. Il y a pires débuts même si elle en gardait un souvenir amer: "Alain Delon et Maurice Ronet étaient si prétentieux, si méprisants : deux trous du cul !" On ne reteindra que son personnage d'amante bronzée et peu vêtue. Magnétique.

Elle rencontre alors le réalisateur Jean-Gabriel Albicocco, qui deviendra son mari, qui la fait tourner dans deux de ses films : La Fille aux yeux d'or (Lion d'Argent au Festival de Venise), qui va lui donner son surnom d'artiste, et Le Rat d'Amérique, avec Charles Aznavour.

Comédienne, sans réel plan de carrière, elle a navigué de la comédie burlesque au drame en costumes. Dans les années 1960, ses plus prolifiques, Marie Laforêt est ainsi aux génériques de films aussi différents que Le Rouge et le Noir de Pierre Cardinal, Leviathan (Grand Prix de la critique Festival de Venise) de Léonard Keigel, À cause, à cause d'une femme de Michel Deville, La Chasse à l'homme de Édouard Molinaro, Des filles pour l'armée de Valerio Zurlini, Marie-Chantal contre le docteur Kha de Claude Chabrol...

Après une décennie quasiment vide, consacrée à la chanson, elle revient en second-rôle à la fin des années 1970 grâce à Jean-Paul Belmondo, qui en fait l'une de ses partenaires fétiches. Elle se régale avec des personnages de bourgeoises bafouées, flirtant avec un langage vulgaire et un ton cassant. On l'a voit ainsi dans Flic ou voyou de Georges Lautner, Les Morfalous de Henri Verneuil (où elle se réjouit de voir son mari électrocuté en pissant, lâchant : "c'est la première fois que sa bite fait des étincelles") et Joyeuses Pâques de Georges Lautner, pas dupe des mensonges cocasses de son mari qui tente de la faire cocue avec une jeune femme (Sophie Marceau).

Ces succès populaires la conduisent naturellement vers des comédies françaises et oubliables. Pourtant, Marie Laforêt tourne aussi dans quelques films beaucoup plus marquants dans les années 1980: Le Pactole de Jean-Pierre Mocky, Tangos, l'exil de Gardel (Grand Prix Spéçial du Jury au Festival de Venise) de Fernando Ezequiel Solanas, et Fucking Fernand de Gérard Mordillat, où son personnage formidable de tenancière de maison close lui vaut sa seule nomination aux César.

La suite de sa filmographie sera plus inconsistante, la comédienne préférant alors le théâtre. On la croise dans Dis-moi oui de Alexandre Arcady, Tykho Moon de Enki Bilal, Héroïnes de Gérard Krawczyk et une dernière fois dans Les Bureaux de Dieu de Claire Simon en 2008.

Chanteuse, galeriste, animatrice, écrivaine

Gracieuse, énigmatique, capable d'une franchise désarçonnante ou d'un humour graveleux, Marie Laforêt captait la lumière par une cinégénie naturelle, aidée par des yeux splendides qui ont fasciné au-delà des frontières. C'est d'ailleurs, avant tout, en tant que chanteuse qu'elle fut connue dans le monde. Dès le début des années 1960, Saint-Tropez Blues, enregistrée avec Jacques Higelin, puis Vendanges de l'amour et Viens sur la montagne, énormes tubes de l'époque la lancent. Elle fait de nombreuses reprises à succès, en plus de chanter quelques hits comme Frantz avec Guy Béart. Pionnière de la "world music" en France, avec des airs plus folks et métissés, puisant dans les rythmes brésiliens ou les mélodies slaves, elle se produit dans de grandes salles comme l'Olympia. Dans les années 1970, elle se réoriente vers des chansons plus commerciales et moins personnelles (Tant qu'il y aura des chevaux, Il a neigé sur Yesterday) avant de renoncer aux enregistrements lorsqu'elle s'installe en Suisse en 1977, pour "échapper à la surmédiatisation et pouvoir écrire des livres dans l'anonymat".

Elle ouvre une galerie d'art, pour laquelle elle exerce aussi la profession de commissaire-priseur. Elle écrit également: Contes et légendes de ma vie privée, Mes petites magies, livre de recettes pour devenir jeune, Panier de crabes : les vrais maîtres du monde, et, sous le pseudonyme de Erna Huili-Collins, elle participe à l'ouvrage collectif Correspondances intempestives : à la folie... pas du tout.

"Ma carrière est de bric et de broc"

Marie Laforêt a aussi animée durant un été une émission sur RTL, "Cause toujours, tu m'intéresses". La comédienne a aussi brûlé les planches, notamment dans Le Partage de midi, de Paul Claudel, L'Écorce bleue de Marguerite Yourcenar, Le Vietnam de Marguerite Duras, Master Class de Terrence McNally, où elle incarne Maria Callas et pour laquelle elle fut nommée deux fois au Molière de la meilleure comédienne, La Presse est unanime de Laurent Ruquier. Sa dernière prestation fut récitante dans l'opéra de Simon Laks L'Hirondelle inattendue, à Marseille.

Mariée cinq fois, Marie Laforêt a eu trois enfants avec Judas Azuelos, dont la réalisatrice Lisa Azuelos, et avec Alain Kahn-Sriber. Elle avait confié avoir été une mère absente, compliqué, rappelant les paroles d'une de ses chansons: "Sans la tendresse, l'amour ne serait rien." Fréquentant des hommes d'affaires qui lui ont valu des articles de presse (people ou généraliste) sulfureux, elle était humble et snob, drôle et distante, sensuelle et intello. "Ma carrière est de bric et de broc mais ma vie est remplie du début à la fin" expliquait-elle en guise de résumé. Après tout, comme elle le disait: "Le bonheur est un métier, il s'apprend."

L’incorrigible et fidèle Charles Gérard est mort (1922-2019)

Posté par vincy, le 22 septembre 2019

L'acteur Charles Gérard est décédé jeudi à l'âge de 96 ans, a annoncé à l'AFP Michel Godest, avocat de Jean-Paul Belmondo. Le comédien, second rôle fétiche de Claude Lelouch, était un grand ami de Bebel, avec qui il a partagé l'affiche durant trois décennies et la tribune de Roland Garros encore plus longuement.

Avec son nez cassé par Jean-Paul Belmondo - dès leur première rencontre sur un ring de boxe en 1948 -, Gérard Adjémian, avait commencé en tant que réalisateur à la fin des années 1950: Une balle dans le canon, L'ennemi dans l'ombre, Les démons de minuit, La loi des hommes, A couteaux tirés, L'homme qui trahit la mafia.

En 1970, on le voit dans le voyou, aux côtés de Belmondo, comédie de Claude Lelouch. Avec le réalisateur il tourne 18 films, jusqu'au Courage d'aimer en 2005, parmi lesquels L'aventure d'est l'aventure, Les uns et les autres, Edith et Marcel, Tout ça pour ça!...

Mais on le voit aussi dans d'autres comédies populaires comme La gifle de Claude Pinoteau, L'incorrigible de Philippe de Broca, Le jouet de Claude Veber, L'animal de Claude Zidi, Flic ou voyou et Le Guignolo de Georges Lautner, Qu'est-ce qui fait courir David? de Elie Chouraqui, La Smala de Jean-Loup Hubert, ou le film collectif Les infidèles en 2012. Mais on l'a aussi vu chez Nadine Trintignant, Jacques Brel, Henri Verneuil, Fabien Ontnteniente...

Sa gueule et sa silhouette pouvaient le faire jouer des commissaires comme des malfrats, des prolos comme des machos. Avenant comme colérique, salaud comme sympathique, Charles Gérard aura fait un grand voyage, de Constantinople où sa famille arménienne s'était installée à Versailles où il est mort. Un boxeur mis K.O. qui s'est relevé plusieurs fois, et qui, finalement, aura été un visage familier du cinéma français.

François Perrot (1924-2019): le métier d’acteur et rien d’autre

Posté par vincy, le 21 janvier 2019

François Perrot, habitué des seconds rôles au cinéma avec près de 150 films et pièces de théâtre pendant près de soixante ans, est décédé dimanche à l'âge de 94 ans. Nommé une seul fois aux César (La Vie et rien d'autre de Bertrand Tavernier) en 1990, le comédien se glissait dans tous les costumes, à la demande.

Certains cinéastes n'hésitaient pas à faire régulièrement appel à ses services. Pour Claude Chabrol, il tourne Nada, Les innocents aux mains sales, Alice ou la dernière fugue. Avec Tavernier, il embellit sa filmographie de titres comme Coup de torchon, La vie et rien d'autre, et Quai d'Orsay (son dernier rôle en 2013). Claude Zidi l'enrôle aussi deux fois (Inspecteur la Bavure, Banzaï) tout comme Claude Lelouch (La belle histoire, Une pour toutes), Bertrand Blier (La femme de mon pote, Merci la vie) ou Henri Verneuil, aux côtés de Jean-Paul Belmondo (Le corps de mon ennemi, Les morfalous). Bébel et lui c'est aussi L'inconnu dans la maison de Georges Lautner et Un homme et son chien de Francis Huster. On le voit aussi chez des cinéastes aussi différents que André Cayette (A chacun son métier), Jean-Louis Trintignant (Le maître-nageur), Jean Yanne (Je te tiens tu me tiens par la barbichette), Costa-Gavras (Clair de femme), Christian de Chalonge (L'argent des autres), Roger Vadim (Surprise Party), André Téchiné (Hôtel des Amériques), José Giovanni (Une robe noire pour un tueur), Jacques Deray (Trois hommes à abattre), Maurice Dugowson (Sarah)... Films policiers, comédies (parfois proches de la série Z), drames d'auteur: François Perrot n'avait pas de frontières.

Sans plan de carrière, il navigue ainsi de Laurent Bénégui à Diane Kurys (Je reste!). Sans oublier la télévision avec des séries comme Chateauvallon, Le château des oliviers ou La prophétie d'Avignon, en passant par des Maigret, Cordier et autres Cinq dernières minutes. Père, militaire, flic, juge, médecin, notable ou chef d'entreprise: ses personnages étaient très loin de son métier d'origine, ébéniste.

Il avait débuté avec Louis Jouvet avant de rejoindre le TNP de Jean Vilar. C'est d'ailleurs au théâtre qu'il a le plus brillé, interprétant Molière, Gogol, Brecht, O'Neill, Camus, Wilde, Buzzati, Dard, ou même la pièce de Maria Pacôme, disparue il y a peu, Les Seins de Lola. Lui même metteur en scène, il a été dirigé par André Barsacq, Georges Vitaly, Robert Hossein, Jean-Louis Barrault et Jean-Luc Moreau.

Fin des tribulations de Maria Pacôme (1923-2018)

Posté par vincy, le 1 décembre 2018

La comédienne Maria Pacôme est morte samedi à l'âge de 95 ans, a annoncé son fils à l'AFP.

Née le 18 juillet 1923, après le cours Simon, où elle côtoie Michèle Morgan (qui est déjà une actrice connue) et de Danièle Delorme, elle épouse l'un des grands acteurs de l'époque en 1950, Maurice Ronet. Par amour pour lui, elle sacrifie sa carrière pour faire de la peinture et de la poterie. Finalement elle divorce en 1956 et revient à ses premières passions: la comédienne débute en 1958 au théâtre dans "Oscar", avec Pierre Mondy et Jean-Paul Belmondo. Elle sera aux côtés de Bébel au cinéma en 1965 dans Les tribulations d'un Chinois en Chine de Philippe de Broca. Elle y joue la future belle-mère bourgeoise de Belmondo.

Elle tourne déjà un peu depuis quelques années, des petits rôles dans des comédies comme Les jeux de l'amour du même de Broca, Le tracassin d'Alex Joffé, Le Gendarme de Saint-Tropez de Jean Girault.

Sur les planches ou sur les plateaux, elle incarne parfaitement les bourgeoises tantôt coquines tantôt excentriques, parfois délurées, parfois au bord de la crise de nerf, dans la lignée des Jacqueline Maillan. Au théâtre, elle devient vite une tête d'affiche des comédies populaires, comme celle de Jean Poiré, Joyeuses Pâques en 1981. Au ciné, on la voit dans les films de Girault, de George Lautner, de Jean Becker (Tendre voyou), de Pierre Richard (Le distrait). Mais après 1980, et l'énorme succès des Sous-doués de Claude Zidi, où elle campe une directrice aussi dingue que dictatoriale, elle s'absente du grand écran. On l'aperçoit sur le petit, qu'elle n'aimait pas: "Non, je ne vais pas regarder la télé, je vais l'allumer, mais sans la regarder pour bien lui manifester mon mépris" écrivait-elle dans son autobiographie. Elle était lucide et explique en partie son insuccès cinématographique: "Je ne suis pas photogénique. Dans une piscine, quand j'ai la tête mouillée, j'ai l'air d'un rat saucé dans l'huile."

Mais c'est au théâtre qu'elle consacre tourte son énergie.

Auteure

Car depuis 1977, sans doute frustrée de se voir confier toujours les mêmes rôles, elle écrit aussi ses pièces: Apprends-moi Céline avec un jeune Daniel Auteuil, Le Jardin d'Eponine, On m'appelle Émilie avec un très jeune Patrick Bruel, Les Seins de Lola, Et moi et moi, Les Désarrois de Gilda Rumeur et enfin L'Éloge de ma paresse, qui lui valu une nomination au Molière du one man show.

Au cinéma, elle a reçu une seule nomination aux César, dans la catégorie de la meilleure actrice dans un second rôle pour La Crise. C'est en 1992. Coline Serrau la choisit pour être la mère de Vincent Lindon, où elle transporte une scène de ras-le-bol général contre son époux et son fils en grande embardée féministe. La séquence devient culte. Le film est un succès populaire.

Sa rousseur, sa voix, son style de femme classe et déglinguée lui permettent de se singulariser et de devenir au fil des décennies un visage familier pour les Français. Même si le cinéma ne lui a jamais vraiment déclaré sa flamme. On la voit chez de Chalonge, Zeitoun, Alessandrin ou, en 2012, l'adaptation d'Arrête de pleurer Pénélope de Juliette Arnaud et Corinne Puget.

Sur scène, elle avait fait ses adieux en 2009, avec La Maison du lac, remplaçant Danielle Darrieux, qui ne peut plus jouer, aux côtés de Jean Piat, décédé il y a deux mois. La pièce avait été un triomphe.

Comme elle le disait si bien: "Drôle de carrière: tout le monde me connaît et personne ne parle de moi!"

Lelouch a de la suite dans les idées

Posté par vincy, le 16 octobre 2018

Claude Lelouch veut-il boucler sa boucle? Au Festival Lumière, le réalisateur a confirmé qu'il planchait sur une suite d'Itinéraire d’un enfant gâté, son troisième plus gros succès en France, sorti en 1988. Il reconstituerait le duo Jean-Paul Belmondo / Richard Anconina pour l'occasion. Le film était projeté à Lyon ce week-end.

Itinéraire d'un enfant gâté est l'histoire d'un ascension (Belmondo) et d'une transmission (à Anconina). Le film s'achève sur la "disparition" de Belmondo. Il est enterré par les siens, alors qu'il vit libéré, en pleine savane. Dans Le Parisien, le réalisateur affirme que le film s'intitulera Itinéraire de deux enfants gâtés. Lelouch explique que "C’est l’enthousiasme de Jean-Paul qui nous a donné envie de faire cette suite. Il veut faire un grand retour au cinéma."

On sait déjà que pour cette suite, "le jeune est devenu vieux et le vieux est devenu jeune". "Je vais faire le film d’un gamin, un film très optimiste qui donne envie aux gens d’apprécier le monde dans lequel ils vivent. C’est cette adolescence dans des corps fatigués qui va être passionnante à filmer" précise Claude Lelouch.

Il se tournerait en France, en Italie, en Espagne, et en Afrique. Atteint par un grave accident vasculaire cérébral il y a 17 ans, Belmondo n'a pas tourné de fiction depuis 2009 (Un homme et son chien). Il a un autre projet en cours, avec Fabien Oteniente à la réalisation.

Le réalisateur vient de terminer l'épilogue de sa trilogie Un homme et une femme (1966), Palme d'or et plus gros succès populaire de sa filmographie. Il en avait déjà fait une suite, Un homme et une femme: 20 ans déjà, en 1986, gros échec au box office. Il a réussit à recréer le duo Anouk Aimée / Jean-Louis Trintignant, alors que ce dernier avait assuré en avoir terminé avec le cinéma à cause de son cancer de la prostate.

Tourné en partie à Deauville, le scénario est secret. On imagine aisément une projection spéciale à Cannes, 52 ans après la Palme.

Lumière 2018 – Vincent Lindon « crève d’envie de mettre en scène un film »

Posté par Morgane, le 16 octobre 2018

© ecran noir

Festival Lumière, Lyon. Lundi 15 octobre, 10h, le soleil brille et la file d'attente est déjà longue devant les portes de la Comédie Odéon. Tous attendent impatiemment l'arrivée de Vincent Lindon pour cette "masterclass part 3". En effet il avait déjà fait une masterclass lors d'une précédente édition du festival, puis l'avait prolongée en revenant à l'Institut Lumière quelques mois plus tard pour la continuer aujourd'hui même lors de cette 10e édition. Car Vincent Lindon a pu être classé comme un acteur timide et peu loquace mais c'est en réalité tout l'inverse. Il ne s'arrête plus, a des tonnes d'anecdotes à raconter et semble pouvoir parler de son métier d'acteur des heures durant. La preuve en est encore aujourd'hui avec ces 2h30 de masterclass qui, selon Thierry Frémaux, devraient se poursuivre avec une nouvelle rencontre à l'institut Lumière dans les mois à venir.

10h30, les portes s'ouvrent, le public s'installe. 10h45 Thierry Frémaux et Vincent Lindon prennent place sur la scène, éclairage rouge et très en forme à la sortie d'un mâchon matinal, tradition lyonnaise consistant à remplacer le petit déjeuner classique par de la cochonnaille, des tripes et du vin rouge principalement. Comme le dit Thierry Frémaux, "on en sort en léger état d'ébriété avec un grand sentiment de supériorité".

Les sujets sont nombreux et très éclectiques. Vincent Lindon passe de la question du numérique à son métier d'acteur. Concernant le numérique, les portables, les selfies etc. il dit qu'avec tout cela on a le sentiment de vivre les choses par procuration et non en direct. "Il faut arrêter avec ces machines, c'est comme si vous n'aviez plus de cœur ni de tête." (notons quand même que le comédien "facetime" de temps en temps place Saint-Sulpice à Paris).

Il bascule alors sur le Cinéma: "je ne dis pas que c'était mieux avant internet, mais je dis qu'il faut quand même connaître les metteurs en scène qui nous ont précédé pour pouvoir faire des films magnifiques!" Et il trouve alors formidable ce festival car les salles sont pleines pour voir des films restaurés de 1930, des Chaplin, des Keaton etc. "c'est incroyable!"

Il revient ensuite sur la violence de sa profession, sur sa vie quotidienne "d'un banal déconcertant" et sur le métier d'acteur qui ne peut être bien fait que si l'on "parle avec les gens, que si l'on échange. Il ne faut pas s'enfermer. Moins on vit, moins on va dans la rue, moins on parle aux autres, plus on a de filtres et plus on se perd et moins on a de talent."

"J'aimerais que des jeunes se battent pour être à ma table!"

Il parle du milieu bourgeois dans lequel il a grandi, de ce monde où "quand y'a plus y'a encore". Il raconte cette fausse solitude qu'il chérit c'est-à-dire "être seul avec plein de gens au bout du fil". Cette envie étant acteur depuis 30 ans que son nom reste un tout petit peu. "Je voudrais passer deux ans de ma vie avant de mourir à ce qu'on ne me fasse que des honneurs. Comme ce que vit actuellement Belmondo au festival! J'aimerais que des jeunes se battent pour être à ma table!" Ce besoin d'être regardé tout en étant conscient que "c'est le regard sur l'homme qui me plait plus que le regard sur l'acteur". Souhaitant cette reconnaissance il dit en même temps ne pas avoir conscience de la place qu'il pourrait occuper dans le Cinéma français. "Je n'en reviens pas à chaque fois qu'on prononce mon nom. Je pense que c'est ma force à moi de penser que je suis indispensable et en même temps un encombrement. Je ne peux pas imaginer un jour qu'il y ait un hommage pour moi ou que je me retrouve dans un livre sur l'histoire du cinéma."

Il en est ensuite venu sur sa façon de préparer ses rôles. "Je fais un travail inconscient énorme. Je sais mon texte à la perfection, c'est le stade après le par cœur. Et pour moi le naturel passe par un excès de travail."

"Je pense qu'au cinéma l'habit fait le moine." Très intéressé par le rendu, il précise: "quand je joue un rôle j'ai besoin d'être au plus près du fantasme que je me fais de moi dans ce personnage." C'est pourquoi dans le film Casanova (qui sortira en salles au mois de mars 2019) il a beaucoup de grosses bagues mais sur ses mains bien à lui, c'est-à-dire avec les ongles rongés et ses mains de "pseudo-paysan".

Il avoue qu'il "crève d'envie de mettre en scène un film" mais qu'il aurait trop peur que des acteurs lui piquent des rôles pendant qu'il le préparera. "Alors quand je serai vraiment chauve j'attaque ma première mise en scène!"

Belmondo et Delon

Concernant le théâtre il dit que ce n'est pas pour lui car on joue le soir, pile à l'heure de l'apéro et du dîner. Non plus sérieusement pour le théâtre: "J'ai peur d'aimer le théâtre à en mourir! Du coup si j'aime trop j'ai peur de ne vouloir faire que du théâtre et du coup de lâcher le cinéma. Je suis comme un gamin qui aurait peur de lâcher une rive pour aller sur une autre. Du coup je ne vais pas y aller comme ça je suis peinard." En tout cas la pièce qu'il rêverait de jouer est celle du Misanthrope avec le rôle d'Alceste.

Il revient sur ses quelques films clef (37,2° le matin, L'étudiante, La crise, Fred, Welcome et La loi du marché), insiste sur le fait qu'il aime ceux qui travaillent dur et déteste les flemmards, ceux qui font les choses à moitié. Et de conclure avec en vrac son amour pour Gabin, son admiration pour Delon. "Belmondo c'est joyeux, c'est le soleil, tout est gai. Je ne crois pas avoir jamais entendu quelqu'un dire de Belmondo, aujourd'hui ça ne va pas très fort. Delon c'est le contraire, c'est l'ombre. Et je ne crois pas que quelqu'un ait dit de Delon, aujourd'hui il est très en forme. Mais les deux me fascinent."

Anecdotes, humour, histoires de cinéma, histoires d'acteur, moments de l'enfance... C'était un beau moment de partage que nous a proposé Vincent Lindon. Mais maintenant il est temps de quitter les lieux, Javier Bardem va venir prendre sa suite dans la salle. C'est ça la magie du Festival Lumière!

Le Festival Lumière souffle ses 10 bougies

Posté par Morgane, le 15 octobre 2018

Le mois d'octobre est arrivé à Lyon et avec lui son désormais traditionnel Festival Lumière qui, pendant 10 jours, dans de très nombreuses salles de Lyon et de la Métropole, va ravir les très nombreux cinéphiles fidèles au rendez-vous.

Car en 10 ans, après seulement trois jours de festival, nous pouvons déjà constater que l'amour que le public lui porte ne s'essouffle pas, bien au contraire: il ne fait que grandir.

Les séances, toujours aussi nombreuses, font quasiment toutes salles combles que ce soit pour l'avant-première du dernier film d'Alfonso Cuaron, Roma (Lion d'Or à Venise), pour un film d' Alfred Hitchcock de 1956, Le faux coupable (projeté en 35mm avec trois ruptures de pellicule en une séance) ou encore le documentaire Hollywood 1982, un été magique au cinéma. La Comédie Odéon affichait également complet pour la rencontre avec Vincent Lindon ce matin et les places pour la masterclass avec Javier Bardem se sont envolées en quelques minutes.

On peut dire qu'un véritable vent de cinéphilie souffle sur Lyon en ce moment, et que cela va durer jusqu'à dimanche prochain!

L'ouverture a donc eu lieu samedi à la Halle Tony Garnier. Comme pour les éditions précédentes 5000 personnes étaient présentes au rendez-vous. Plusieurs noms du 7e Art étaient elles aussi au rendez-vous. Jerry Schatzberg, Elsa Zylberstein, Monica Bellucci, Guillermo Del Toro, Jean Dujardin, Vincent Lindon et bien d'autres... Javier Bardem, invité d'honneur cette année avec Liv Ullmann, a fait son entrée sous un tonnerre d'applaudissements! Claude Lelouch, qui revient pour présenter le film d'ouverture Itinéraire d'un enfant gâté, est accompagné par le duo du film, Richard Anconina et le rare Jean-Paul Belmondo. Celui-ci, à qui le festival avait rendu hommage en 2013, soulève le deuxième tonnerre d'applaudissements de la soirée. C'est toujours très émouvant de voir ce grand nom du Cinéma français ovationné par 5000 personnes faisant son entrée les larmes aux yeux...

Thierry Frémaux et Bertrand Tavernier, respectivement directeur et président de l'Institut Lumière, sont montés sur scène. Le film des 10 ans a été projeté, le film de cette édition également ainsi que les traditionnels films des Frères Lumière. Renzo Piano était également dans l'assistance disant quelques mots sur cette "Cité Lumière" qui permettra de donner un nouveau visage à cette institution qu'est l'Institut Lumière et qui pour le moment en est à la phase de projet.

Après 2h30 de cérémonie, il est désormais temps de laisser place à la magie du Cinéma! Les lumières s'éteignent, le silence se fait et la musique entêtante de Francis Lai joue ses premières notes... Silence, on tourne...