Jean Desailly défaille définitivement (1920-2008)
Ces dernières années, le comédien, ex pensionnaire de la Comédie Française et ancien directeur de théâtre (Hébertot, Edouard VII et Madeleine), Jean Desailly, était surtout connu comme un homme de scène, le partenaire immuable de Simone Valère, à la ville comme sur les planches. Un couple de soixante ans qui ne s'est marié que tardivement : "Grâce à Dieu, nous n'avons jamais connu le chômage. Voilà pourquoi nous avons vécu dans le péché" s'amusaient-ils.
Il avait commencé comme dessinateur publicitaire, empoché le premier prix de comédie dès sa première année de conservatoire puis appris sur le tas son métier, au sein de la troupe amateure La Roulotte. Dès l'après guerre, il préféra le cinéma à la Comédie Française, qui le renvoya. Il intégra alors la compagnie d'un autre couple célèbre, les Renaud-Barrault.
Au cinéma, en 1946, il fut dans l'immense succès La symphonie pastorale, de Jean Delannoy, avec Michèle Morgan. Une palme d'or. On le retrouve en Marivaux chez Guitry dans Si Versailles m'était conté. Il retrouve Morgan dans Les Grandes manoeuvres, de René Clair. Delannoy, lui, le reprend pour Maigret tend un piège, avec le vieux Gabin et la jeune Girardot et Le baron de l'écluse, avec le plus vieux Gabin et la jeune Presle.
Dans les années 60, il croise pour la première fois Jean-Paul Belmondo. Chez Melville dans Le Doulos. Dix ans plus tard, ils seront réunis dans L'héritier, de Philippe Labro, puis dans Le professionnel, de Georges Lautner, où il incarnera le ministre. Le cinéma n'étant pas son métier principal, il acceptera d'y faire des apparitions, des seconds rôles, donnant ainsi la réplique à Henry Fonda, Anthony Quinn ou Alain Delon, même le temps d'une scène. Il jouait ainsi les bourgeois, les hommes à particules, les fonctionnaires en uniformes. Sa voix posé, grave, élégante l'a souvent rendu narrateur (Les Rois maudits, en série télévisée des années 70)...
Un acteur de cinéma de second plan, sans aucun palmarès, et pourtant un immense acteur. Seul François Truffaut lui offrit un rôle digne de son talent. Dans La peau douce (1964, photo), il incarne un éditeur connu, marié et d'apparence sage. Mais il y est irrésistiblement attiré par la sensuelle et délicieuse Françoise Dorléac. On le comprend. Cette tragédie amère et amoureuse, tout en silences impalpables et en tension tactile, est le film qu'il faut revoir pour apprécier ce qui restera de Jean Desailly : son amour du jeu.
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Jean Desailly, la gentillesse associée au talent…Un bonhomme rare. Pascal.