BIFFF 2014 : Hollywood et le cinéma français selon Jean-Pierre Jeunet

Posté par kristofy, le 20 avril 2014

jean pierre jeunet © ecran noirJean-Pierre Jeunet a une étagère qui reçoit un nouveau César presque chaque décennie : 1981, César du meilleur court-métrage d'animation pour Le Manège (coréalisé avec Marc Caro), 1991, César du meilleur court-métrage de fiction pour Foutaises, 1992, César de la meilleure première œuvre et César du meilleur scénario original pour Delicatessen (avec Marc Caro), 2002, César du meilleur film et César du meilleur réalisateur pour Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain... Mais, au delà de ce palmarès officiel, sa filmographie reste un univers où le fantastique et l'enfance voisinent, lui conférant un style singulier au même titre qu'un Tim Burton.

Jean-Pierre Jeunet a été invité à donner une "master-class" au BIFFF cette année. À partir d'objet piochés dans une malle comme autant de symboles à ses films (un nain de jardin, un roman, un œuf...), il a évoqué autant son parcours que divers aspects de son métier pendant 2 heures devant une salle comble.

Les acteurs

J'ai l'amour des tronches et des rôles de composition, ce qui explique d'ailleurs pourquoi Dominique Pinon est dans tout mes films. Audrey Tautou est l'actrice parfaite comme Dominique Pinon est l'acteur parfait. Helena Bonham Carter est super aussi. Mon premier rendez-vous avec Jodie Foster pour lui proposer le rôle dans Un long dimanche de fiançailles, c'était au café des 2 Moulins où j'ai tourné Amélie Poulain, des touristes étaient là pour prendre des photos du café et ils ont demandé à Jodie de s'écarter sans la reconnaître !

La passion du cinéma

J'ai toujours eu l'envie de faire des films avant l'envie de voir des films. À des jeunes étudiants, je demande si ils ont envie de faire metteur en scène ou d'être metteur en scène, ce n'est pas pareil. L'essentiel c'est la joie de faire. Un des premiers chocs au cinéma ça a été Il était une fois dans l'ouest que j'ai dû voir à 17 ans, j'ai vu Orange Mécanique 14 fois. Mon film préféré c'est Quai des brumes de Prévert et Carné. Quand La Cité des enfants perdus a fait l'ouverture du festival de Cannes, on s'est fait descendre par les critiques. En France on lèche, on lâche, on lynche.

Alien 4

Le premier jour de tournage sur le plateau, on entend la traditionnelle annonce 'camera rolling' et puis rien, la caméra était en panne, c'est comme un symbole de ce tournage. J'ai par exemple entendu d'un "executive" du studio « fais un beau plan sur trois, ça suffira »... Maintenant les américains aiment bien le détester parce que trop arty, trop sensuel, pas assez de violence. Eux, quand il y a des centaines de coups de feu, il n'y a pas de problème, mais apercevoir un téton de femme ça leur fait peur. La version director's cut, c'est juste un truc de commerce pour ressortir le film une fois de plus en dvd: ma version c'est celle qui était au cinéma. Mathieu Kassovitz m'a fait un un jour ce compliment « on dirait un film de Jeunet mais avec des aliens dedans ».

Les relations avec les Américains

Après Alien 4, le studio de la Fox s'est montré intéressé par produire Amélie Poulain puis leur service marketing à dit non. Ils ont beaucoup regretté ensuite. On m'a proposé de faire Harry Potter 5 mais ce n'était pas très intéressant parce que tout était déjà en place, et puis j'étais sur le projet de L'Odyssée de Pi: j'ai écrit une vraie adaptation du roman avec mon co-scénariste Guillaume Laurant, ainsi que tout le storyboard. Ça aurait coûté 85 millions de dollars mais la Fox ne voulait mettre que 70 millions de budget. Et c'était aussi trop tôt pour que la technologie produise des images de synthèse de la qualité qu'il fallait, on a attendu plusieurs années. Trois ans plus tard, ils ont finalement mis un budget de plus de 100 millions de dollars et c'est Ang Lee qui l'a fait. On m'a aussi proposé à un moment Stoker que j'ai refusé, je ne regrette pas, Park Chan-Wook l'a fait et je n'ai pas trouvé ça terrible.

L'Extravagant Voyage du jeune et prodigieux T. S. Spivet va être distribué par à Harvey Weinstein qui va vouloir couper le montage, comme pour Grace de Monaco de Olivier Dahan et Snowpiercer de Bong Joon-ho : ça va faire scandale (lire nos actualités du 18 octobre 2013 et du 25 août 2013). Il a déjà fait le coup, il y a 22 ans avec Delicatessen.

Le test-screening : le studio appelle ça le 'focus group' mais les réalisateurs appellent ça le 'fuckers group', personnellement je fais un test-screening juste pour vérifier que telle ou telle scène est bien comprise mais le final-cut ça reste à moi.

Le cinéma français aujourd'hui

Depuis quelques temps il y a une sorte de retour à la 'nouvelle nouvelle vague' où on revient au réalisme, je n'aime pas ça. Delicatessen a pu ouvrir une porte à des gens comme Mathieu Kassovitz et à Jan Kounen, mais depuis ? J'aimerai être foutu dehors à coup de pompes pour des nouveaux réalisateurs, mais je ne vois pas vraiment de relève du cinéma français. Le cinéma français c'est 90% de laideur, on ne s'intéresse qu'aux acteurs et pas à l'image...

jean pierre jeunet helena bonham carter

Les Prix Lumières sacrent La Vie d’Adèle

Posté par vincy, le 21 janvier 2014

lea seydoux adele exarchopoulosSans surprise, la presse étrangère installait à Paris, qui remettait ses prix Lumières lundi 20 janvier, a distingué  La Vie d'Adèle, Palme d'or au Festival de Cannes. Le film a gagné tous les prix pour lesquels il concourrait (voir la liste des nominations) : meilleur film, réalisateur, actrice et révélation féminine.

Le Festival de Cannes était d'ailleurs à l'honneur lors de cette soirée puisque Grand Central, La Vénus à la fourrure, Les Garçons et Guillaume à table et Les Chevaux de Dieu ont squatté ce qu'il restait de catégories. Deux petites exceptions : Raphaël Personnaz pour Quai d'Orsay a été primé comme révélation masculine (cela ne fait jamais que 13 ans que le jeune homme est dans le métier) et le chef opérateur Thomas Hardmeier a reçu le prix de la meilleure photo.

Le passé et 9 mois ferme repartent bredouilles.

MEILLEUR FILM : La vie d’Adèle de Abdellatif KECHICHE
MEILLEUR REALISATEUR : Abdellatif KECHICHE
PRIX SPECIAL DU JURY : Grand Central de Rebecca ZLOTOWSKI
MEILLEUR SCENARIO ORIGINAL ou ADAPTATION : David IVES et Roman POLANSKI pour La Vénus à la fourrure de Roman POLANSKI
MEILLEURE ACTRICE : Léa SEYDOUX dans Grand Central de Rebecca ZLOTOWSKI et La vie d’Adèle de Abdellatif KECHICHE
MEILLEUR ACTEUR : Guillaume GALIENNE dans Les Garçons et Guillaume, à table de Guillaume GALIENNE
REVELATION FEMININE DE L’ANNEE : Adèle EXARCHOPOULOS dans La vie d’Adèle – Chapitres 1 et 2 de Abdellatif KECHICHE
REVELATION MASCULINE DE L’ANNEE : Raphaël  PERSONNAZ dans Quai d’Orsay de Bertrand TAVERNIER et dans Marius de Daniel AUTEUIL
PRIX HEIKE HURST du MEILLEUR PREMIER FILM : Les Garçons et Guillaume, à table de Guillaume GALIENNE
MEILLEUR FILM FRANCOPHONE HORS DE France : Les Chevaux de Dieu de Nabil AYOUCH (France, Maroc, Belgique)
PRIX TECHNIQUE CST DE LA MEILLEURE PHOTO : Thomas HARDMEIER (AFC) pour T.S. Spivet de Jean-Pierre Jeunet

Jean-Pierre Jeunet se lance à son tour dans la 3D

Posté par vincy, le 18 novembre 2011

Jean-Pierre Jeunet revient derrière la caméra. Il a annoncé aujourd'hui dans Le Film Français qu'il réaliserait l'adaptation du roman L'extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet, de Reif Larsen. Le titre du film ne devrait pas être celui du livre, selon le magazine. Le scénario a été écrit avec son collaborateur habituel, Guillaume Laurant. Le film sera produit par Epithète, Tapioca, la société de Jeunet, et Gaumont.

Dans son entretien au Film français, Jeunet raconte :"Pour l'anecdote, quand j'ai contacté l'auteur, Reif Larsen (dont il s'agit du premier livre, ndlr), il m'a dit qu'il avait cinq réalisateurs à qui il pensait pour un film : David Fincher, Tim Burton, Wes Anderson, Michel Gondry et moi-même. Et j'étais le premier à le contacter. Depuis, nous n'avons plus cessé de travailler ensemble. (...) C'est une belle rencontre. En plus,  le bouquin est réputé à peu près inadaptable."

Dès janvier, Jeunet avouait avoir été conquis. Sur son blog, il écrivait que "L’extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet (en Anglais The selected works of T.S.Spivet) est un livre magnifique de Reif Larsen dont je suis en train d’acheter les droits. Plutôt que de mal en parler, je vous invite à visiter le site extraordinaire de ce livre extraordinaire : www.tsspivet.com. J’ai rencontré Reif Larsen il y a deux semaines à New York et ai eu l’impression de découvrir un frère jumeau juste vingt huit ans plus jeune que moi. Il m’a dit: « Quand j’ai vu Amélie, j’ai eu l’impression que quelqu’un avait gratté au fond de mon crâne »…"

Le cinéaste explique comment il a été séduit par ce livre. "Quant à moi, j’ai été conquis dés la sixième ligne du livre: "Le téléphone a sonné un après-midi du mois d’août, alors que ma soeur Gracie et moi étions sur la véranda en train d’éplucher le maïs doux dont les grands seaux en fer-blanc. Les seaux étaient criblés de petites marques de crocs qui dataient du printemps dernier, quand Merveilleux, notre chien de ranch, avait fait une dépression et s’était mit à manger du métal.""

T.S. Spivet sera ainsi son premier film en 3D et sera tourné en anglais."J'ai écrit T.S.Spivet en le concevant en 3D. Je vais l'utiliser sans sur-découper comme le font beaucoup de films, mais de manière contemplative et narrative. Un peu comme les effets spéciaux pour Amélie qui servaient l'aspect poétique et narratif du film. Je veux prendre le contre-pied de ce qu'on voit habituellement."

L'histoire est celle d'un pré-ado surdoué, dessinant tout ce qu'il voit,. En apprenant qu'il gagne un prix, il s'aventurera à traverser seul les USA pour aller recevoir sa récompense. Jeunet a commencé les repérages au Canada. Il restera à trouver le casting, qui devrait être américain.

Le livre est paru en France en avril 2010 chez NIL, et en format poche en juin dernier.

Hormis sa publicité pour Chanel n°5, Jeunet n'a rien tourné depuis Micmacs à tire-larigot, sorti en 2009, et relatif échec pour le cinéaste habitué aux succès.