Travelling?: Dans le menu, le festival, le cinéma, l’envie… et Mexico

Posté par Morgane, le 18 février 2010

Durant le festival Travelling à Rennes, j’ai eu l’occasion de déjeuner en compagnie d’Anne Le Hénaff et Mirabelle Fréville qui s’occupent toutes deux de la partie artistique du festival et d’Isabelle Buron, chargée de la presse du festival au niveau national et international.

Ce fut alors l’occasion de discuter plus en détails des choix du festival et de se pencher plus particulièrement sur le concours de la nouvelle dont c’était cette année la deuxième édition.

Travelling a été créé à Rennes il y a 21 ans de cela, avec Londres au coeur de la première édition. Les villes mises à l’honneur ont donc été nombreuses et le choix de chaque année peut paraître délicat à renouveler. Celui-ci se fait finalement assez naturellement, en fonction de l’actualité, du contexte, et en concertation le plus souvent. Pour le choix d’Istanbul pour cette édition 2010, cela faisait longtemps qu’Anne Le Hénaff souhaitait plonger au coeur de cette ville et de son cinéma mais l’accès à son patrimoine cinématographique était relativement compliqué. La saison de la Turquie en France lui donnait alors l’aide logistique nécessaire pour donner vie à ce projet.

Concernant le concours du scénario d’une nouvelle, c’est Mirabelle Fréville qui est à l’origine de ce beau projet.

D’où lui vient cette idée et cette envie??

Chaque année, Travelling fait un focus sur une ville et ce thème est l’essence même du festival. Le festival se concentrait alors principalement sur la diffusion des films. Le concours du scénario d’une nouvelle devenant par la suite un court métrage permettait alors de générer de la création.

De plus, Mirabelle Fréville trouve que dans un court métrage, qui est bien souvent un premier film, on retrouve régulièrement les mêmes thèmes (enfance, famille etc.). Cette idée d’une adaptation d’une nouvelle permet alors de changer ce sujet. De plus l’adaptation est un exercice très riche et cela permet également de donner un nouveau souflle au festival, car pour vivre 21 ans et plus, il faut savoir se renouveller.

Pourquoi une nouvelle d’Asli Erdogan??

Cette année, Mirabelle Fréville a choisi une nouvelle d’Asli Erdogan pour le concours de scénario. Le Captif, édité dans le recueil Les oiseaux de bois chez Actes Sud et paru en novembre 2009 revient sur une femme enceinte que l’on regarde comme un être très bizarre. Ce qui plaisait à Mirabelle Fréville c’est le côté intemporel et universel de cette nouvelle. Elle cherchait particulièrement une nouvelle d’un auteur turc mais qui ne soit pas fondamentalement ancrée en Turquie et puisse être donc transposée dans n’importe quel lieu. De plus, en lisant les romans et nouvelles d’Asli Erdogan, c’est tout un univers très visuel qu’elle a découvert.

Les festival 2010 a clos ses portes hier soir, après un concert de Selim Sesler à l’Ubu mais Travelling nous donne d’ores et déjà rendez-vous l’année prochaine à Rennes pour une nouvelle édition sous le regard de Mexico...

Pièces détachées : attachante chronique adolescente

Posté par MpM, le 15 novembre 2008

blog_piecesdetachees.jpg "Soit on se bouge, soit on part jamais."

L'histoire : Ivan a 14 ans. Lui et son oncle Jaime économisent pour immigrer clandestinement aux Etats-Unis. En plus de son boulot dans un garage, l’adolescent commet des larcins qui permettent d’augmenter leurs revenus. Mais le passeur augmente ses tarifs et presse Ivan et Jaime de réunir la somme au plus vite, sous peine de ne plus avoir de place dans le dernier convoi.

Ce qu'on en pense : Pour son premier film, Aarón Fernández (voir notre interview) a voulu aborder plusieurs thèmes essentiels dans la société mexicaine actuelle comme la paupérisation galopante, le mirage du rêve américain et les réseaux de trafic de pièces détachées automobiles. Mais pour éviter un récit lourd et indigeste, il a choisi d’évoquer ces questions dans une chronique adolescente où la réalité sociale servirait seulement de toile de fond. Au centre de l’intrigue, on a donc Ivan et son copain Efraín qui ont les préoccupations habituelles des jeunes de leur âge : manger des tacos, conduire une bécane voyante et draguer des filles peu farouches. Cela apporte au film une dimension humaine chaleureuse et légère dans laquelle pourtant, dès le départ, se trouve le germe de la tragédie. Car cette insouciance faconde est peu à peu asphyxiée par l’irrésistible enchaînement d’événements qui oblige Ivan à prendre de plus en plus de risques. Cette surenchère dans l’illégalité (il vole d’abord un portable, puis des jantes, puis carrément une voiture complète) est comme l’implacable mécanisme du destin des pièces antiques : une fois enclenchée, elle ne s’arrête plus, ou alors brutalement. Et le fait est qu’Ivan, grisé par ses premiers succès, se prend pour le nouveau Scarface et croit avoir le monde entre ses mains. Jusqu’à ce que l’ultime trahison annonce sa chute imminente.

Mais point de moralisme, ni d’ailleurs de pathos, dans ce film construit subtilement sur le principe d’une alternance de scènes fortes et de larges ellipses couvrant les moments les plus dramatiques. L’émotion et la tension naissent tour à tour de ces contrastes et de ces pointillés que le spectateur doit compléter lui-même, sans interférer avec le message essentiel du film. Celui-ci, à l’image de l’histoire elle-même, est en demi-teinte, à la fois pessimiste (plongée dans l’inconnu et extrême solitude) et teinté d’optimisme (promesse de changement et réalisation d’un rêve). Quoi qu’il en soit, au-delà des thématiques et des enjeux qu’il véhicule, le film nous touche par son extrême simplicité, sa pudeur, et, plus encore, son immense sincérité.