Pierre Etaix récupère (enfin) cinq de ses films

Posté par vincy, le 30 juin 2009

etaix1.jpgPremière victoire après de nombreuses défaites Le cinéaste Pierre Etaix est devenu ces derniers mois un symbole de la défense du droit d'auteur. Etaix a remporté un Oscar en 1963 avec son court métrage Heureux anniversaire co-signé avec Jean-Claude Carrière et a réalisé cinq longs métrages. Homme de cirque et dessinateur, amateur de burlesque à l'instar de son ami Jerry Lewis, il fut aussi l'assistant-réalisateur de Jacques Tati sur Mon oncle

Vendredi 26 juin , le Tribunal de Grande instance de Paris l'a autorisé à recouvrer les droits sur cinq de ses films que lui contestaient depuis 2007 la société Gavroche Productions, qui n'a jamais exploité ses longs-métrages. La décision du tribunal étant exécutoire, les négatifs sont déjà partis aux Archives françaises du film (AFF) pour des vérifications techniques, notamment les éléments sonores.

Flash-back en 2004. Pierre Etaix et le scénariste Jean-Claude Carrière entrent en négociation avec la société Gavroche Productions, en vue de restaurer et d'exploiter quatre films qu'ils avaient co-écrits : Le Soupirant, Yoyo, Tant qu'on a la santé et Le grand amour, en plus d'un autre écrit par Pierre Etaix seul, Le pays de Cocagne. Ils signent un contrat de cession de droits d'auteur, donnant ainsi l'intégralité des droits sur les cinq oeuvres réalisées entre 1963 et 1970. Ce contrat, proposé par l'ancienne avocate du réalisateur, Me Francine Wagner-Edelman, cédait à la société Gavroche Productions, gérée par le producteur Alain Wagner, frère de l'avocate, les droits exclusifs de restauration, de représentation et d'exploitation des cinq longs métrages pour le monde entier. Mais la société de production ne leur avait adressé en retour aucun document d'acceptation. Deux ans et demi plus tard, les auteurs avaient donc fini par considérer que, faute d'engagement ferme de la part du producteur, le contrat était caduc.

etaix21.jpgUn contrat annulé et 10 000 euros de dommages 

Cependant Gavroche Productions s'est dépêché de contester cette interprétation, et, dès janvier 2007,  elle fait publier le contrat au Registre public de la cinématographie et de l'audiovisuel (RPCA). En réplique messieurs Etaix et Carrière engagent une action en justice en décembre 2007, soutenus par la SACD. Le TGI vient de leur donner raison, "en l'absence de consentements valablement échangés" et a prononcé la "nullité du contrat de cession de droits d'auteur publié au RPCA".

Le tribunal a aussi débouté la société de productions des poursuites de contrefaçon qu'il avait engagées contre la Fondation Groupama GAN pour le cinéma à qui elle reprochait d'avoir fait restaurer les négatifs de Yoyo et présenté le film lors de projections publiques en 2007 (Festival de Cannes, du Festival du cinéma de Paris). Gavroche productions devra d'ailleurs verser 10 000 euros de dommages et intérêts à la Fondation pour procédure abusive.

Pourtant ce même TGI de Paris avait créé la polémique. Le 28 novembre dernier, il avait rejeté vendredi la demande formée par Pierre Etaix et Jean-Claude Carrière, de "restaurer et d'exploiter non commercialement" ceux-ci. Tout en reconnaissant "l'importance pour le patrimoine cinématographique français des oeuvres en cause", le Tribunal avait estimé qu'un tel argument est "sans portée" sur le contentieux qui oppose les demandeurs à la société Gavroche Productions. En revoyant l'affaire, afin que le dossier soit jugé sur le fonds, il a laissé les milieux culturels s'emparer rapidement du sujet, devenu depuis une affaire politique. "Je me battrai jusqu'à la mort pour qu'aucun autre auteur ne subisse ce que je vis", avait alors affirmé Pierre Etaix, dont le ton inhabituellement tragique contraste avec les oeuvres burlesques.

etaix3.jpg 56 000 signatures pour la pétition 

Car depuis, aucun de  ces cinq films puissent ne peut-être exploité ou restauré. La ministre de la Culture et de la Communication de l'époque, Christine Albanel, a souhaité une "issue rapide" du conflit juridique qui empêche la nouvelle sortie en salles des films de Pierre Etaix et a réaffirmé son "soutien moral" au cinéaste. Elle avait reçu une délégation, conduite par le comédien Jacques Weber et composée de Tom Novembre, Christophe Malavoy, Cabu et Jean-Paul Rappeneau qui lui avait remis une pétition de 56 000 signatures appelant à favoriser la diffusion des films de Pierre Etaix.

Etaix, 80 ans, a très mal vécu cet épisode. Accablé, il spérait que ses oeuvres très estimées soient diffusées de nouveau au plus grand nombre de son vivant. La décision de novembre dernier était pour beaucoup incompréhensible. Le cinéaste avait en plus trouvé un partenaie, la Fondation Thomson, qui s'engageait à restaurer les quatre négatifs à ses frais, et ne demandait ue le droit de sauvegarder son oeuvre. Des distributeurs réputés pour leur travail pour les films de patrimoine, Wild Side et Carlotta, avaient fait des offres fermes pour exploiter ces films et Arte souhaitait les diffuser lors d'une rétrospective. Cette demande pouvait aussi se ressentirsur les marchés internationaux.

Aussi les amis du cinéastes ont-il décidé de jouer l'opinion conte le système. Mise en ligne sur le site internet d'Etaix, une pétition avait recueilli près de 19 000 signatures, dont celles de Woody Allen et David Lynch, en quelques jours, avant de tripler son nombre grâce aux réseaux sociaux et à Internet. Le monde du cinéma belge s'est mobilisé le 18 novembre 2008 lors d'une soirée de soutien organisée au théâtre de la Toison d'or à Bruxelles.

C'est donc la fin d'un imbroglio juridique. Même si Gravroche peut faire appel d'ici un mois, on peut espérer (re)voir les films de Pierre Etaix en version restaurée prochainement. "Ce n'est que justice ! J'espérais ce dénouement heureux, j'ai attendu bien longtemps", a déclaré de son côté à l'AFP Pierre Etaix, vendredi dans la soirée. "Mon souhait est avant tout que mes films ressortent en salles et pour cela qu'ils soient restaurés au plus vite" a-t-il dit, ajoutant : "ce cinéma-là franchit très bien les frontières, car il n'a pas besoin de sous-titres".

Piratage : propagande ou réelle peur?

Posté par vincy, le 7 août 2008

Ah ces médias officiels et officiellement libéraux (comprendre la presse quotidienne économique) : ils se sont régalés dès ce matin à brandir la menace du piratage. L'Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle a publié la première étude mesurant "précisément" les statistiques de piratage de films. Cette Alpa qui veut alpaguer les corsaires du clic est une vieille association de 23 ans, créée par le Ministère de la Culture et celui de la Justice, financée par les professionnels du cinéma  et présidée par le P-DG de Gaumont. Il y a plus neutre. Sise dans les très chics quartiers du VIIIe arrondissement de Paris, cette Alpa a un site internet qui ne contient que ses contacts et son logo. On fait mieux en guise de transparence.

Alors, certes, l’Alpa a déclenché le signal d’alarme, voudrait que le train s’arrête, parlant de « péril ». L’étude porte sur la période novembre 2007 / juin 2008. Les chiffres son évidemment balancés aux médias pour faire paniquer les professionnels et pointer du doigt les méchants internautes.

De façon grossière, on nous dit « autant de films piratés que d’entrées payées ». Pourtant si l’on sait calculer les chiffres reçus on note 14,1 millions de téléchargements en juin + 62 millions de téléchargements de janvier à mai, soit 76 millions d’actes de piratages. Contre près de 100 millions de vendus. Bien sûr, ça ne retire en rien l’effarante donnée de 450 000 téléchargements illicites par jour en France.

Mais il faut relativiser certaines données et s’inquiéter pour d’autres. Car finalement cela impacte davantage sur le marché du DVD, en chute libre, que sur les entrées, plutôt dynamiques malgré la crise économique. D’abord les films américains s’octroient une part de marché bien plus importante chez les pirates (66%) que chez les spectateurs. Les blockbusters sont made in USA, avec en tête des daubes comme Transformers et Next, mais aussi American gangster, Bee Movie et No country for Old men, tous au dessus de 2 millions de clics. C’est d’autant plus inquiétant que le film des Coen est très loin d’avoir obtenu ce nombre de spectateurs en salles. De même, la part de marché des films européens est de 12% chez les pirates, ce qui n’a rien à voir avec la moyenne de 4% annuelle dans les salles.

Autant de clics pour Bienvenue chez les Ch'tis que pour Persépolis
Mais bizarrement les films français sen tirent bien. Seulement 19% de part de marché sur les ordinateurs contre 40% en moyenne sur les grands écrans. Le plus gros « hit » est évidemment Bienvenue chez les Ch’tis avec 682 000 téléchargements, soit 3,5 % des entrées du film ! De même les 206 000 clics de Disco ou 287 000 clics de La Môme sont très loin des 2,5 millions de clics pour le film oscarisé des Coen mais aussi de leurs scores au box office. A la rigueur le producteur de Survivre avec les loups a raison d’avoir la rage : 149 000 téléchargements pour 650 000 entrées… Pire, Persépolis accumule 675 000 curieux en ligne pour à peine deux fois plus de fidèles des salles obscures.

Mais attention, rien ne dit que ces pirates n’achètent pas le DVD ou ne vont pas aussi voir le film en salles. Il faudra surtout croiser les chiffres de la VOD avec la prochaine étude pour voir si la tendance est à la hausse ou à la baisse.
Enfin, plutôt que de se focaliser sur les Top 10 des œuvres les plus téléchargées, peut-on s’interroger sur les motifs des « pirates » et de se demander comment faire pour les attirer à voir un film brésilien ou japonais sur un ordinateur plutôt que d’aller le voir en salles ?

Martyrs, appel au rassemblement !

Posté par geoffroy, le 13 juin 2008

martyrs.jpgSuite à l'avis de la commission de classification recommandant d'interdire aux mineurs de moins de 18 ans le film Martyrs, de nombreuses voix se sont élevées pour dire avec force leur stupéfaction, leur colère et leur inquiétude. Ecran Noir est solidaire et soutient dans ce combat le réalisateur Pascal Laugier. Nous ne sommes que trop conscients des risques d'une telle interdiction pour la production à venir d'un cinéma de genre déjà peu prolifique dans notre pays. Il ne faudrait pas que cet avis, sans doute validé par la Ministre de la Culture Christine Albanel, fasse en quelque sorte jurisprudence et plombe ainsi les velléités de réalisateurs qui ne demandent qu'à exprimer leur talent. L'incompréhension est de mise au vu de l'incroyable succès des films horrifiques espagnols un peu partout dans le monde. A ce titre, nous soutenons la démarche du cinéaste Fernando De Azevedo et son appel au rassemblement ce vendredi à 14h30, place du Palais royal.

Ci-joint la lettre du réalisateur :

Cher Amis, techniciens, journalistes, réalisateurs, scénaristes, acteurs, producteurs, distributeurs... A tous ceux qui aiment le cinéma dans tous les genres !! Depuis le 30 mai, la commission de classification a interdit aux moins de 18 ans le film "Martyrs". C'est une honte, j'ai vu ce film, il n'y a aucune scène pornographique !! Martyrs est un film qui m'a bouleversé comme l'ont fait un certain nombre d'oeuvres, de "Massacre à la tronçonneuse" au récent "Ring". La violence que l'on voit dans ce film n'est jamais gratuite, elle sert un propos, elle nous questionne sur la vie, l'esprit, le corps après la mort. Pascal Laugier a su mettre en scène l'au-delà avec un sens visionnaire tout à fait bouleversant.
Si le ministère de la culture ne change pas d'avis, Martyrs deviendra le premier film français d'horreur interdit aux moins de 18 ans. Rappelons que le -18 ans, aujourd'hui encore, est une extension de la loi X et, dans le contexte de frilosité actuel des exploitants, il représente une marque infamante qui équivaut à la mort programmée du film !!!! C'est si vrai que, initialement prévue le 18 juin, la sortie du film a été purement et simplement annulée.
Interdire, c'est INTERDIRE POUR DEMAIN ! C'est pousser les producteurs et les distributeurs à ne plus développer de films de genre, c'est empêcher les scénaristes et réalisateurs de créer ce qu'ils désirent. En clair, c'est favoriser l'autocensure, c'est tenter d'éradiquer un genre cinématographique qui avait déjà du mal à avoir sa place sur les écrans Français. J'ai grandi avec ces films, ils m'ont dérangé, bouleversé et j'ai appris grâce à eux... Ce film doit EXISTER !!
Je veux que les artistes de ce pays restent encore libres de choisir. C'est par cette liberté que se créeront des oeuvres fortes, indépendantes, insoumises... Alors, que faire ? Que dire ? Rester chez soi ?
Aujourd'hui, si on ne voit pas, ça n'existe pas ! Il faut PHYSIQUEMENT faire quelque chose ! Je me lance !!!
Manifestons contre cette censure qui ne dit pas son nom, le Vendredi 13 juin (Belle date !), à 14H30, place du Palais Royal, face au ministère de la culture. Métro Palais Royal, Musée du Louvre.
Venez nombreux, pour demander au Ministre de la Culture de reconsidérer l'avis de la Commission, pour donner à "Martyrs" un visa assorti d'une interdiction aux moins de 16 ans, accompagné d'un avertissement sur la violence d'images jamais gratuites au service d'un propos dérangeant. Pour que ce film existe et soit distribué comme une oeuvre à part entière...
Paris, le 7 juin 2008
Fernando De Azevedo
Réalisateur

A l’ère de GTA IV

Posté par vincy, le 10 mai 2008

On le sait depuis plusieurs années, les jeux vidéos représentent la principale « menace » pour l’industrie du cinéma. La concurrence en matière de divertissement est d’autant plus rude que l’interactivité permet un défoulement personnel que n’offre pas le cinéma. Le lancement mondial et réussi  de Grand Theft Auto IV peut d’ailleurs faire réfléchir. Qu’un jeu s’offre des affiches dans toute la France c’est déjà ambitieux. Mais qu’une publicité télévisée envahisse les petits écrans, voilà qui va devoir nous faire repenser nos idéologies traditionnelles quant à la publicité des produits culturels comme le livre et les sorties de films en salles. Car il ne s’agit pas d’un simple jeu vidéo érigé en machine marketing.

Quand Nicole Kidman vante les vertus d’un jeu mnémotechnique de Nintendo, les ventes de DS explosent (70% de parts de  marché dans le monde). Et c’est le budget loisirs qui est ainsi amputé de 200 euros. 20 places de cinéma pour une durée de jeu bien plus  grande que 140 heures. Ne parlons pas de la Wii qui immerge le joueur dans le programme (sport, remise en forme, courses poursuites…) : il se vend désormais une console Wii sur deux sur la planète. Sony réplique en offrant une console capable de lire des films en format Blu-ray. Le film n’est alors qu’un bonus !
Quant aux jeux vidéos issus de films, inquiétons-nous aussi de l’ampleur prise, et disons-le de l’emprise, sur nos habitudes de consommation : 5 million de jeux Shrek, 27 millions pour les trois premiers Harry Potter. Dorénavant, le livre a deux produits dérivés incontournables, le film et le jeu. Le Monde de Narnia, le jeu, a ainsi coûté 30 millions de dollars en développement, l’équivalent d’un gros budget pour un film français.
Tandis que le DVD voit ses ventes s’écrouler, que les chaînes de télé constatent une baisse d’audience sur les tranches de cinéma en prime-time, le cinéma va devoir résister, en offrant des films véhiculant de l’émotion, en s’ouvrant à des narrations et des styles plus abstraits, ou en pariant sur la 3D en ce qui concerne les blockbusters.
Cependant on voit mal comment nos professions vont s’armer face à un public, notamment les moins de 18 ans qui ont grandit avec un joy-stick dans la main, en pleine mutation comportementale (Internet, téléphonie mobile…). Les professionnels du cinéma ont trop tendance à n’y voir qu’un produit dérivé là où il s’agit d’un concurrent audiovisuel comme les autres. D’autant qu’en n’étant pas vraiment reconnu comme un secteur culturel spécifique, le jeu vidéo se développe dans son coin, à Montreuil, Lyon ou Montréal. Dans son dernier bilan 2007 sur les chiffres clés de la culture, le Ministère oublie complètement de répertorier les ventes de jeux et de consoles. Révélateur, non ?