[20 ans de festival] Cannes 2016 : 2010 – Année mineure et féérie thaïlandaise

Posté par MpM, le 19 mai 2016

Dans une édition mineure où même les plus grands déçoivent (Ken Loach, Bertrand Tavernier, Nikita Mikhalkov, Abbas Kiarostami, Takeshi Kitano…), le grand bonheur cinématographique est venu du côté d’un film OVNI, envoûtant et mystérieux, fantastique et poétique, romantique et mystique, mêlant fantômes, vies antérieures et singes aux yeux rouges errant dans la nuit pleine de promesses. C‘est le coup de cœur d’Ecran Noir et, une fois n’est pas coutume, du grand jury présidé par Tim Burton.

Oncle Bonme d’Apichatpong Weerasethakul, puisque c’est bien de lui qu’il s’agit, offre ainsi la première Palme à la Thaïlande et plonge les spectateurs peu familiers avec l’univers du cinéaste-conteur dans des abîmes de perplexité, mais aussi de félicité et de rêverie. Cela faisait longtemps, peut-être depuis Pulp Fiction, qu’une Palme d’or n’avait eu autant d’audace et d’élégance mêlées.

On en oublierait presque les autres beaux films découverts en parallèle, à commencer par l’humaniste Des hommes et des Dieux de Xavier Beauvois, hymne à la tolérance et à la fraternité qui part d’un fait divers bien connu pour lancer une captivante réflexion sur la résistance à l’oppression et l’amitié entre les peuples. Dans un autre style, on est séduit par la mise en scène précise et pleine d’aisance de Mon bonheur de Sergei Loznitsa et emporté par la bonne humeur communicative des danseuses de Tournée de Mathieu Amalric. Sans oublier les surprises les plus durables, venues comme c’est de plus en plus souvent le cas de la section Un certain regard : Les amours imaginaires de Xavier Dolan qui fait exploser le talent multiple du cinéaste, Ha ha ha, bon cru du facétieux Hong Sang-soo, ou encore Simon Werner a disparu qui révèle Fabrice Gobert.

Pourtant, c’est comme si seul le conte spirituel d’Apichatpong Weerasethakul avait su réellement imprimer nos rétines cette année-là, et, au fond, c’est son souvenir qui recouvre tout le reste.

Cannes 2011 – le chiffre du jour : 130 000 spectateurs

Posté par vincy, le 21 mai 2011

130 000 entrées pour la Palme d'or de 2010, Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures. Un seul film a fait pire, Les meilleures intentions, en 1992, avec un peu plus de 90 000 spectateurs. Oncle Boonmee s'approche donc davantage du Goût de la cerise, avec ses 160 000 curieux en 1997.

Mais osons le dire : sans la Palme d'or, le film de Apitchapong Weerasethakul n'aurait sans doute pas briller ainsi. C'est un record pour ce cinéaste si confidentiel aux oeuvres souvent hermétiques. Sans doute son film le plus accessible, Oncle Boonmee a réussit un exploit en plein automne. Et ce film a déjà rapporté dans le monde plus de 1 million de $ de recettes. Aux Etats-Unis, avec 155 000 $ de recettes (il est toujours à l'affiche), il fait même mieux que L'Eternité et un jour, Sous le soleil de Satan et Papa est en voyage d'affaires. Il pourrait même battre Underground au final.

Si c'est en France qu'il a connu la plus grosse audience, il aussi touché les italiens, les espagnols et les britanniques. Dans son propre pays, où il était interdit aux moins de 15 ans, Oncle Boonmee a récolté 32 000 $, le classant au 164e rang de l'année. Mais reconnaissons qu'il est rare de voir un film thaïlandais cartonner en Occident, hormis Ong Bak. Et les films d'auteurs asiatiques font rarement de tels scores.

La prochaine Palme aura pour défi de remplir un peu les salles. Cela fait 7 ans qu'une Palme d'or n'a pas été un succès au box office américain (Fahrenheit 9/11). En France, Entre les murs en 2008 est le seul millionnaire depuis 2005.

Bilan 2010 – les 15 films les plus consultés sur EcranNoir.fr

Posté par vincy, le 2 janvier 2011

1. Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures
2. Les petits mouchoirs
3. Inception
4. Des Hommes et des Dieux
5. Arthur et la vengeance de Malthazard
6. Expendables, Unité Spéciale
7. Kaboom
8. The Social Network
9. The Killer inside me
10. Toy Story 3
11. Dans ses yeux
12. Le bruit des glaçons
13. Alice au pays des Merveilles
14. Potiche
15. Biutiful

2010 – Films : un grand écart pour que vive le 7e art

Posté par vincy, le 2 janvier 2011

2010 fut assurément une année en demi-teinte. La mirobolante 3D a certes gonflé les recettes et attiré le grand public vers des productions plus industrielles que cinématographiquement intéressantes. La fréquentation n'a pas fléchi (hormis aux Etats-Unis), que ce soit en France ou en Chine. Mais on note que les spectateurs se concentrent de plus en plus sur quelques films, le succès entraînant le succès.
L'année qui vient de passer a réservé quelques jolies surprises, comme tous les ans. Pas forcément des coups de coeur, rarement des oeuvres qui bluffent, mais le plaisir et la qualité étaient au rendez-vous. Souvent, la fraîcheur des uns nous a davantage emballés que la maîtrise des autres, l'imperfection de certains nous a davantage conquis que le savoir-faire de talents en mal de renouvellement.
On peut s'inquiéter du formatage, qui touche l'ensemble des cinémas à des degrés divers. Mais, si nous étions pessimistes, 2010 aura surtout montré que la curiosité a ses limites. Combien de "petits" films n'ont pas trouvé un public à la hauteur des espérances placées en eux? Distributeurs et exploitants vont devoir faire leur révolution, d'autant plus vite que la numérisation des salles s'accélèrent. Chaque blockbuster peut squatter (contractuellement) deux écrans d'un multiplexe, ne laissant que des miettes aux autres. On s'acharne encore à faire un marketing "à l'ancienne" quand les nouvelles technologies permettraient des campagnes et des buzz plus innovants. Et que dire de ces mercredis où 15 à 20 nouveautés sont envoyées au casse-pipe avant même d'exister dans le désir des cinéphiles. La saturation entraîne des distorsions de concurrence sur laquelle il va falloir sérieusement se pencher, avant de s'épancher sur le triste sort des films art-et-essai, indépendants, venus d'ailleurs, et tous, ainsi, marginalisés.
Cependant, soyons optimistes. D'Hollywood à la Thaïlande en passant par le reste du monde, le cinéma est en bonne santé. Financièrement, certes, il est de plus en plus coûteux (ou au contraire se produit avec des moyens dérisoires). Mais, malgré le piratage, le téléchargement légal à domicile, l'invasion des chaînes de télévision, la sollicitation d'autres loisirs (les jeux vidéos en premier lieu), il est vaillant, vigoureux, varié.
Cette diversité, si vitale, se retrouve dans deux des films les plus marquants de l'année.
Toy Story 3. Soit un énorme groupe (Walt Disney), une équipe riche en dollars (Pixar), une suite (de plus). Et pourtant, le divertissement de l'année le plus aboutit. Du scénario bien écrit à la réalisation toujours juste, des émotions qu'il procure à cette volonté de nous séduire, qu'on soit européens, américains ou asiatiques, il est le symbole le plus joyeux, et l'un des plus poétiques, de ce cinéma de masse. La preuve qu'il est possible de réussir, encore en 2010, un film où l'humour et l'aventure se conjuguent dans toutes les cultures.
À l'opposé, Oncle Boonmee qui se souvient de ses vies antérieures. Oeuvre "ovni" et insolite d'un artiste intègre et cohérent, qui a su, cette foic-ci, élever son cinéma vers une proposition plus réceptive, plus généreuse. Cela ne ressemble en rien à un autre film d'un autre auteur. Oncle Boonmee, mélange de cinéma contemplatif, mystique, spirituel, et d'expérience visuelle, sensorielle et onirique, restera sans doute une création marginale pour beaucoup. Mais Tim Burton, en lui décernant la Palme d'or, ne s'y est pas trompé. Là où le cinéaste d'Alice au pays des merveilles déçoit avec des films de moins en moins inspirés, a compris que son homologue thaïlandais, Apitchapong Weerasethakul, savait filmer l'invisible et le merveilleux.

Le 7e art, plus que jamais, a besoin de films fédérateurs, où la profondeur, voire la subversion ou l'inventivité, sont indispensables pour qu'il reste cet art des masses. Il serait périlleux que seuls les grands opéras pyrotechniques attirent les foules, comme il serait suicidaire que le cinéma soit réduit à des films élitistes, qui l'enferment dans un ghettos de "happy few". Ces films dits d'auteur ont juste besoin de place pour exister, et pas seulement dans des Festivals, qui deviennent, année après année, des circuits de distribution et des aides à la production parallèles. On peut s'éclater devant des jouets en 3D comme on peut être émus avec une histoire de fantômes au milieu de la jungle siamoise.
Plus que jamais, la critique a son importance pour inciter le spectateur à oser franchir le seuil d'une salle où sera diffusé un film qui le déroutera ou le marquera. Plus que jamais, les sélections dans les grands festivals doivent continuer à mettre à égalité des cinéastes méconnus et des réalisateurs reconnus. Plus que jamais, il faut produire et aider de nouveaux talents à émerger, en faisant confiance à leur imagination et en ne leur imposant pas des schémas pré-établis. Plus que jamais il va falloir tout réinventer pour que le spectateur puisse redevenir curieux, désireux d'autres formes de cinéma, plutôt que de le voir se précipiter sur des divertissements assez vite oubliés.

Cinq idées pour demain
Face à l'invasion de marques (Disney, Harry Potter, Twilight), il faut résister.
- Changer les règles en contraignant une limitation du nombre de copies par film, en obligeant une certaine durée d'exploitation pour les plus fragiles.
- Faciliter les émergences de nouveaux talents mais surtout mieux les accompagner, de l'écriture à la production, afin de ne pas laisser le cinéma d'auteur se caricaturer, de ne pas abandonner leur oeuvre à l'état d'ébauche acceptable.
- Il faut investir dans la pédagogie, avec une éducation audiovisuelle dès les petites classes. Proposer la connaissance des "classiques" du 7e art comme on impose ceux en littérature. Cela passe aussi par le renouvellement de générations chez les journalistes de "référence", par la transmission du savoir entre critiques issus de la vague des années 60-70 et les plus jeunes. Parler de Godard c'est bien, c'est utile, mais Godard, on peut s'en désoler, n'est plus représentatif de la création actuelle.
- Aider les médias de cinéphilie plutôt que de dépendre d'émissions TV promotionnelles (et assez vides d'intérêt).
- Proposer des avantages ou des tarifs réduits pour ceux qui acceptent d'aller voir des films "difficiles", ne bénéficiant pas de 70 cinémas pour les diffuser. Après tout, on fait bien payer plus cher pour des films en 3D et on dépense quelques millions d'euros pour des mesures antipiratage sans effets (et toujours mal justifiées)!

Le cinéma ne doit pas devenir un amour imaginaire où la nostalgie d'un glorieux passé nous amène à devenir amer. Il doit demeurer cette création dynamique, en perpétuelle évolution, à condition qu'on lui donne une chance. Sinon, en effet, il deviendra abstrait, comme l'art contemporain qui se voit éclipser par les arts populaires, ou désolant, comme peut l'être la littérature dans les rayons des supermarchés et des librairies de gare. Sans prise de risques, par les producteurs comme par les exploitants, il n'y aura point de salut. Le cinéma deviendra alors une industrie, comme la télévision, et oubliera sa vocation artistique.

Défendre tous les cinémas ce n'est pas seulement une devise, c'est une exclamation pour protéger la diversité créative. C'est une manière de prouver que l'on existe grâce à nos différences. Il y a des pays, comme l'Iran ou la Chine où cette menace conduit des cinéastes en prison. Il y en a d'autres, en Occident, où le système, par perversité ou protectionnisme, tend à évincer les plus vulnérables.

Loin des éclats d'antan où le cinéma était au coeur d'une affirmation idéologique, politique, d'une revendication artistique et esthétique, on peut finir entre nous, autour d'un verre, à débattre indéfiniment de l'influence de Kubrick sur Michael Mann ou de l'importance psychanalytique dans les rôles de Deneuve. Cela sert à quoi si nous sommes en petit comité, de plus en plus réduit, sur Twitter ou entre blogueurs, si nous assistons à la fin de notre monde en celluloïd sans rien faire. Faire le constat ne suffit pas. Cela fait 15 ans, que le 7e art glisse lentement vers une exclusion de ce qui n'est pas "rentable", "chiffré", "buzzé". Il n'y a pas moins de cinéphiles. Et les outils sont là pour les rassembler. Hélas, il y a moins de prosélytisme et trop de propagande. On est ainsi passer de Michel Polac à Michel Denisot. De Jacques Chancel à Laurent Ruquier. On attend plus qu'un gros "kaboom" où cinéphiles kamikazes que nous sommes, nous nous précipiterons pour traverser l'autre côté de l'écran.

Mais comme nous sommes des rêveurs, nous croyons qu'il y a l'éternité derrière. Il y a juste 2011, qu'on espère pleine de vitalité et riche en plaisirs, remplie de promesses réjouissantes et d'étonnements mirifiques. De ceux qui nous font passer deux heures dans le noir, happer par cet écran magique, ce miroir qui nous révèle notre inconscient ou tout simplement, le monde dans lequel nous vivons. Une caverne "platonique" où tous les fantasmes sont possibles. Même les plus fous.

Premier box office des films de Cannes 2010

Posté par vincy, le 17 septembre 2010

tamara drewe

Oublions la qualité, concentrons nous sur les goûts du public. Alors que le déferlement de films cannois va arriver, une quinzaine de films, toutes sélections confondues, est déjà sortie dans les salles françaises. Le Beauvois s'avère être le plus populaire, dès sa première semaine, certain de surclasser ainsi Frears et Amalric, qui ont pourtant connu un bel été. Les autres films, sans subir des scores déshonorants, restent confidentiels. L'impact des prix est limité. Sauf pour Oncle Boonmee, Palme d'or, qui va permettre à son réalisateur de faire son plus gros succès en France. Et surtout il devrait éviter le bonnet d'âne des Palmes d'or détenu par Les meilleures intentions (à peine 100 000 entrées en 1992).

Tamara Drewe 571 000 entrées (hors compétition)

Tournée 500 000 entrées (prix de la mise en scène)

Des Hommes et des Dieux 470 000 entrées (grand prix du jury) - 1ere semaine

Copacabana 285 000 entrées (semaine de la critique)

L'arbre 280 000 entrées (hors compétition)

Copie conforme 250 000 entrées (prix d'interprétation féminine)

Poetry 112 000 entrées (prix du scénario)

Un poison violent 86 000 entrées (quinzaine des réalisateurs)

Oncle Boonmee 73 000 entrées (Palme d'or)

Cleveland contre Wall Street 58 000 entrées (quinzaine des réalisateurs)

Benda Bilili 42 000 entrées (quinzaine des réalisateurs) - 1ere semaine

Avant la palme, deux films d’Apichatpong Weerasethakul à (re)découvrir

Posté par MpM, le 27 mai 2010

En 2002, on découvrait le premier film d'un réalisateur thaïlandais atypique, le très étrange Blissfully yours récompensé par le Prix Un certain regard. Toute la Croisette s'entraînait alors à prononcer le nom du réalisateur (Apichatpong Weerasethakul) et ne parlait que de ses scènes ultra-sensuelles (dont une mémorable fellation) et de son générique arrivant au bout d'une heure.

En 2004, le cinéaste thaïlandais revenait par la grande porte (la compétition officielle) avec Tropical malady, tout aussi déconcertant, et qui sut capter l'attention du jury mené par Quentin Tarantino. Résultat : des fans de plus en plus nombreux et un prix du jury, mais une relative confidentialité auprès du grand public.

Aussi, maintenant que le cinéaste a obtenu la Palme d'or, il est temps de (re)découvrir ces deux premiers films, annonciateurs de l'oeuvre à venir. C'est pourquoi le Reflet Médicis diffusera Blissfully yours et Tropical malady à partir du 9 juin. De quoi patienter en attendant la sortie d'Oncle Boonmee le 1er septembre prochain.

Cannes 2010 : La Palme d’or, Oncle Boonmee, en salles le 1er septembre

Posté par vincy, le 25 mai 2010

oncle boonmeePalme d'or (méritée et incontestable) du 62e Festival de Cannes, Oncle Boonmee (qui se souvient de ses vies antérieures), sortira dans les cinémas français le 1er septembre.

Pyramide distribution a emporté la bataille des droits : le film n'avait pas de distributeurs avant sa projection cannoise.

Les précédents films d'Apichatpong Weerasethakul avaient été distribués par ID Distribution (Syndromes and a Century), Why Not productions (Blissfully Yours, prix Un certain regard en 2002) et Ad Vitam (Tropical Malady, prix du jury à Cannes en 2004).

Cannes 2010 : la scène hot du jour : zoophilie dans Oncle Boonmee

Posté par vincy, le 21 mai 2010

Apitchapong Weerasethakul a osé le filmer dans Oncle Boonmee, en compétition à Cannes. Une Princesse se regardant dans l'eau, telle Narcisse, y voit son beau visage de jeune fille. Elle regrette d'avoir vieilli. S'ensuit alors un dialogue surréaliste avec le maître de ces lieux (somptueux), un poisson-chat. Celui ci l'invite à venir se baigner dans la rivière, au pieds de magnifiques cascades. Lentement, elle se défait de ses bijous, de sa robe, ne gardant qu'un tissu léger pour flotter sur le dos. Elle écarte un peu les cuisses. Le poisson-chat s'y aventure et vient se glisser dans son intimité. La Princesse ne se débat pas, prend un réel plaisir et se laisse titiller le minou par cet animal entreprenant.