RIHL 2010: les jeunes réalisateurs dérèglent le réel

Posté par Benjamin, le 11 décembre 2010

Il y a cette année aux 33e Rencontres Internationales Henri Langlois à Poitiers une véritable maturité qui émerge des films de ces jeunes réalisateurs tout juste sortis de leur classe. La compétition est réellement pleine de promesses, la promesse de voir dans les années à venir des courts ou longs métrages réalisés par des gens qui tiennent un sujet, une idée et possèdent un univers, un style qui leur est propre. Ils sont loin certes d’atteindre la perfection mais ils dépassent de loin l’appellation « films d’école ».

Et bien entendu, ces réalisateurs en devenir font la démonstration de l’envie qui les ronge de s’emparer de leur époque, de la dépeindre avec franchise, d’analyser tantôt certains phénomènes de société ou tout simplement de traduire l’atmosphère actuelle.

Mais il y a un thème qui émerge dans un certain nombre de courts métrages, c’est le dérèglement du réel. Le monde réel qui voit son rythme perturbé, changé. Un monde qui déraille parce qu’il est allé trop loin dans l’absurde et dans l’avilissement de l’être humain. Ces cinéastes décrivent un monde qui oppresse, qui étouffe, qui se resserre lentement sur l’individu pour ne lui laisser plus aucune marge de manœuvre. La moindre erreur, et c’est la mort !

Trois films sont à citer : Conflit du français Pierre Teulières, Stanley Pickle de l’anglaise Vicky Mather et Le dernier jour d’Ivan Bulkin du russe Alexey.

Conflit est marqué par l’influence de Michel Gondry et par un esprit quelque peu lynchien. Le film  est une boucle temporelle qui se referme sur elle-même, nous montrant la vie programmée d’un homme : métro, boulot, dodo. Les habitudes ne changent pas. Un travail à l’usine, un appartement de célibataire et un meurtre horrible dont on parle sans cesse au journal télévisé. Bernard regarde en fait son propre acte de folie à la télé, il contemple son propre dérèglement. Le jeune cinéaste réalise son film sous la forme d’un plan séquence. Il créé une continuité entre les différents espaces que le personnage parcourt (métro, usine, bar, lit, etc). Et tous ces lieux finissent par se confondre, par s’envahir les uns les autres pour finir par créer une perte totale des repères. La société a transformé Bernard en esclave.

Chez Stanley Pickle, les choses sont toutes autres. Pour ne pas grandir, pour ne pas avoir à affronter la mort (de ses parents), ils mécanisent son quotidien. Ainsi, ses parents (morts) sont aujourd’hui transformés en automate et Stanley tourne leur petite clef située dans leur dos pour les « relancer ». Mais ce monde si parfait, si enfantin se rouille.  Il doit quitter son cocon et vivre de façon libre et épanouie tout en acceptant que la mort nous prend tous un jour ou l’autre. Drôle et beaucoup moins désespérant que Conflit, Stanley Pickle est un film sur l’évolution de chacun. Mais il ne faut pas oublier de signaler que ce film réalisé en prises de vues réelles a été tourné en stop motion en trois semaines. Et lorsque l’on observe sa fluidité et la richesse des décors, on ne peut qu’applaudir le travail de la jeune réalisatrice !

Enfin Le dernier jour d’Ivan Bulkin s’appuie sur une idée très amusante et pourtant banale. Une représentation de la mort vient chez Ivan Bulkin et lui annonce qu’aujourd’hui est son dernier jour. Dans ses mains, la mort tient le scénario de cette journée : quand il se tient la tête entre les mains, quelle réplique il sort à tel moment, etc. Une fois de plus, l’être humain est condamné, il n’a aucune échappatoire. Mais Ivan tachera d’être plus malin que la mort sur ce coup là… Il bouleverse le scénario et impose sa règle du jeu.

Il y a dans ces films des atmosphères très marquées, des effets de style très personnels malgré leur thématique commune. Dans cette vie trop compartimentée, qui « explose », il s'agit de rendre (ou non) à l’homme toute sa liberté.

Il y a comme un vent de révolution, un vent de créativité qui soufflait sur la ville poitevine. C'était presque libérateur.

RIHL 2010 : Nicolas Saada invite Hitchcock à Poitiers

Posté par vincy, le 7 décembre 2010

Pour les 33ème Rencontres Internationales Henri Langlois, le festival de Poitiers a convié Nicolas Saada (Espions(s)) pour la Leçon de cinéma. Le réalisateur et critique a décidé de surprendre et d’offrir au public poitevin un vrai spectacle puisqu’il va reproduire sur la scène du TAP une séquence d’un film d’Hitchcock de sa période anglaise. Nicolas Saada va s’entourer d’une petite équipe de tournage, d’acteurs professionnels mais également de figurants amateurs. Le film sera tourné en noir et blanc et Nicolas Saada espère bien en avoir terminé le montage début 2011 pour ensuite le montrer au public.

32 plans sont au programme de cet exercice d’équilibriste qui durera trois heures. Trois heures d’immersion dans de véritables conditions de tournage !

L’origine du projet.

La leçon de cinéma a pour thème cette année la direction d’acteur. Nicolas Saada s’explique alors sur ce choix qui lui était imposé : « J’allais pas faire une séance de casting sur scène, c’est pas très sympa pour les acteurs qui se retrouvent tout nu devant un public à ne pas forcément être à la hauteur de quelque chose qu’on leur demande. Faire des répétitions d’une scène du film ? Est-ce que ça sortait pas d’un cadre de cinéma pour rejoindre le cadre d’une répétition théâtrale ? Je me disais que c’était important de faire quelque chose où la salle pouvait être impliquée et puisse partager l’expérience. »

Le choix du film : Les 39 marches d’Hitchcock.

« Prendre un film d’Hitchcock qui est ultra connu, qui a fait même l’objet de pièces de théâtre et de comédies musicales, qui sont Les 39 marches. Et de partir d’une scène des 39 marches, y en a trois dans le film très importantes qui sont des scènes collectives où il y a une interaction entre des gens et un public. Et j’ai pris une de ces trois scènes, qui paraissait à la fois la plus universelle, la plus adaptée à l’exercice et en même temps la plus excitante et drôle, et amusante pour le public. Et je me suis dit, voilà le public va être partie prenante de ce qu’on va faire, il va être la quatrième côté de la scène, il va être acteur au même titre que ceux qui seront impliqués dans cette scène. »

Grégoire Leprince-Ringuet.

Grégoire Leprince-Ringuet a été contacté par Nicolas Saada pour reprendre le rôle de Robert Donat pour cette leçon de cinéma. Le jeune acteur est une des valeurs sûres du cinéma français actuel, un acteur protéiforme, et il est certain que sa performance sera des plus appréciables.  « J’ai contacté un comédien que j’aime beaucoup avec qui je n’ai jamais travaillé qui s’appelle Grégoire Leprince-Ringuet, qui a, je pense, l’innocence du personnage et même je dirais le physique du rôle, qui est un rôle de personnage hitchcockien un peu perdu. Il est plus jeune que Robert Donat qui joue dans le film d’Hitchcock mais il a ce côté un peu années 30. »

La leçon de cinéma de Nicolas Saada sera singulière à n'en pas douter : apprendre en recréant l’atmosphère d’un tournage le temps d’une soirée et pourquoi pas, se prendre pour Hitchcock !

RIHL 2010 : Mimi Le Meaux et Kitten on the Keys, artistes à part et femmes entières

Posté par Benjamin, le 6 décembre 2010

Les 33ème Rencontres Henri Langlois de Poitiers ont débuté vendredi avec quelques flocons de neige et des températures franchement basses. Il fallait alors des femmes dans toute leur splendeur, des artistes accomplies et extraverties, pour donner au festival toute la chaleur qui lui est dû.

Avec leur corps, leur mise en scène et leur musique, elles ont donné le top départ des festivités. Mimi Le Meaux, Kitten on the Keys et Julie Atlas Muz ont enflammé la scène du TAP après avoir chauffé les salles avec le film de Mathieu Amalric, Tournée. Retour sur ces artistes à part entière qui nous ont livré les détails de leur création et la difficulté de faire du « New Burlesque » au XXIème siècle.

Une sensibilité pour une musique et une époque.

Le New Burlesque est une façon pour ces artistes de s’exprimer avec leur corps mais également de créer un univers qui leur est propre. Elles mettent en avant une autre féminité, un corps plus rond, plus exhibé, des décors, une musique et des costumes bien particuliers. Mimi Le Meaux et Kitten on the Keys nous ont parlé de leurs influences musicales notamment mais également cinématographiques. Kitten explique alors ses influences et inspirations : « Mon nom de scène : Kitten on the keys, vient d’une chanson des années 20. J’ai toujours été très influencée par la musique des années 20 et 30, pendant la Dépression où les chansons étaient écrites pour redonner le moral à la nation ». Elle cite par ailleurs avec humour Shirley Temple qui « a presque sauvé le pays » selon elle. Les années 20 sont très importantes pour elle car c’est le moment où « les femmes se sont débarrassées de leur corset, ont coupé leurs longs cheveux et ont exprimé cet espèce d’appétit sexuel. »

Pour le cinéma, l’une de leurs références reste Mae West, et beaucoup d’actrices des années 50 tels que Jayne Mansfield ou encore Marlène Dietrich. Des femmes qui savaient exprimer leur liberté sexuelle. Mais Kitten revient sur d’autres influences d’ordre « scénique » comme Busby Berkeley, grand chorégraphe et metteur en scène de comédies musicales dans les années 30 et 40, dont la mise en scène l’a beaucoup inspirée.

Un spectacle osé.

Elles évoquent aussi les difficultés parfois de monter leurs spectacles. Elles arrivent de Hong-Kong où elles ont terminé une tournée entre la mégalopole, Taïwan et Macao.  Mais elles insistent bien qu’il leur était impossible de jouer leur spectacle en Chine, beaucoup trop libéré pour ce pays encore si fermé (une journaliste chinoise leur a d’ailleurs demandé si elles n’avaient pas « honte » de faire ce genre de show). Même dans certaines villes des États-Unis, à Los Angeles par exemple où la loi a changé, elles se doivent de cacher plus qu’elles ne le voudraient les parties intimes de leur corps. La police est plusieurs fois intervenue, à San Diego par exemple, pour arrêter leur spectacle qui était jugé trop choquant. Elles sont habituées à ce genre de restriction, mais cela prouve bien qu’il leur est difficile de s’exprimer pleinement sur scène et de monter le show qu’elles désirent.

Tournée

Bien sur, l’aventure Tournée a été évoquée. Et elles ne réalisent toujours pas être allées au festival de Cannes, avoir monté les marches et s’être retrouvées sur scène pour la remise des prix. Tournée n’a pas changé leur vie, ne les a pas rendu plus célèbres. Mais il a contribué, en partie, à rendre hommage au New Burlesque qui se conçoit comme un pied de nez au modèle féminin stéréotypé que l’on nous impose chaque jour.

Les 33ème Rencontres Henri Langlois approchent à grands pas.

Posté par Benjamin, le 2 novembre 2010

rencontres henri langlois 20101 302 films sont venus jusqu'à eux. 47 au final ont été sélectionnés pour ces 33èmes Rencontres Henri Langlois. 47 films (28 fictions, 12 films d'animation et 7 documentaires) venus de 22 pays et issus de 33 écoles différentes seront présentés au public du 3 au 12 décembre prochain à Poitiers.

Les Rencontres Henri Langlois ne comptent plus les années et pourtant le festival a su rester jeune et dynamique. Une manifestation qui, chaque année, prend les devants en dévoilant ceux qui seront peut-être les talents de demain. Si les films d'école peuvent faire fuir le grand public, ils sont pourtant un excellent moyen de se rendre compte de l'évolution du cinéma actuel ; on peut-être surpris par l'inventivité de cinéastes qui font leurs premières armes. Le festival de Poitiers porte bien son nom, ce sont de véritables rencontres avec des artistes en croissance.

Et cette année, les Rencontres Henri Langlois ont décidé de faire plaisir au public avec une soirée d'ouverture qui s'annonce exceptionnelle. Il était venu en 2007 pour une leçon de cinéma (voir l'entretien avec Ecran Noir), il a reçu au dernier festival de Cannes le prix de la mise en scène, Mathieu Amalric, acteur et réalisateur français hors norme ouvrira les festivités avec son film Tournée accompagné de ses actrices principales. Les girls feront un show de New Burlesque pour notre plus grand plaisir !

Une ouverture qui promet un beau spectacle  !

Dernière information, après avoir invité l'an dernier des écoles d'Asie du sud-est, c'est au tour de l'Europe de l'est d'être à l'honneur avec quatre pays: la Pologne, Slovaquie, Hongrie et République Tchèque. Poitiers continue son tour d'horizon du cinéma mondial de demain.

site internet du festival

Rencontres Henri Langlois : c’est le moment de tenter votre chance

Posté par MpM, le 13 juin 2010

Envie de marcher dans les pas de Pascale Ferran, Noémie Lvovsky, Arnaud Desplechin ou encore Claire Burger et Marie Amachoukeli, lauréates du César du meilleur court métrage en février 2010 ? Alors il est temps de présenter votre film aux Rencontres Henri Langlois qui ont lieu à Poitiers tous les ans au mois de décembre !

Pour l’édition 2010 (déjà la 33e !),  les étudiants en école de cinéma (ou leurs enseignants) peuvent inscrire et envoyer leur film à l’équipe des Rencontres jusqu’au 31 juillet prochain. Les œuvres doivent avoir été réalisées dans une école de cinéma et/ou d’audiovisuel après le 1er janvier 2009 et pouvoir être diffusées en 35 mm ou Béta SP Pal. En revanche, il n’existe aucune contrainte de genre (fiction, documentaire, animation…) ni de durée.

Être sélectionné à Poitiers, c’est l’occasion de montrer son court métrage à un vrai public amateur et professionnel mais également de participer à une compétition internationale dotée de cinq prix. Sans oublier les rencontres-débats à l’issue des projections, les conversations animées avec les étudiants d’autres écoles et les nombreuses activités offertes par le festival : leçon de cinéma consacrée à la direction d’acteurs, focus sur le cinéma d’Europe centrale, ateliers sur l’animation, sélections de documentaires venus d’Europe, etc.

Autant dire que le mot d’ordre de la manifestation, "faire la fête au jeune cinéma", devrait être largement respecté !

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Rencontres internationales Henri Langlois
Du 3 au 12 décembre 2010
Informations et formulaire d’inscription

Il souffle à Poitiers un humour glacial venu du Nord

Posté par Benjamin, le 14 décembre 2009

Dans les 40 films de la compétition, il y a évidemment des films qui retiennent l'attention, qui restent en tête et desquels on veut parler. Et bien, force est de constater que ces 32ème Rencontres Henri Langlois sont considérablement marqués par les films issus du nord et du nord-ouest de l'Europe. Beaucoup de films allemands très remarquables par exemple comme Für Miriam ou le documentaire L'importance des petites choses. Mais ce que l'on retient également, c'est que peu ont osé s'aventurer sur le terrain du comique, de l'humour noir et grinçant. Oeuvres très sérieuses, à la réflexion profonde, certains en oublie que la légèreté fait parfois du bien. Chose que semble avoir parfaitement compris deux films: l'un vient de Suède et a pour titre Elkland, l'autre, finlandais, se nomme The Electrician.

Deux films qui ne sont pas à proprement parler des coups de coeur mais qui, tout en s'inscrivant dans une certaine tendance du festival, sortent du lot par l'introduction de l'humoir noir. En effet, bien que diamétralement opposés, ces deux films mettent en scène des personnages en marge de la société, que ce soit par leur métier ou par leur lieu d'habitat (paumé dans les forêts finlandaises). Des personnages qui ont donc appris à vivre d'une autre façon que la grande majorité des gens et qui donc n'ont pas les mêmes relations que les autres par rapport à la mort par exemple (un thème que tout deux abordent avec humour).

The Electrician est audacieux, court et coup de poing. Le personnage principal, Marvin, est totalement perdu suite à l'abolition de la peine de mort car il avait pour rôle d'exécuter les condamnés sur la chaise électrique. La page se tourne mais lui ne suit pas. Miina Alajärvi, le réalisateur, s'amuse alors du morbide contraste sociétaire qu'entraîne le licenciement de cet homme plus habitué à "tuer" les gens qu'à entretenir avec eux des relations amicales. Un contraste teinté noir mais étrangement d'actualité.

Elkland, lui, est un film plus développé, plus travaillé sur le plan émotionnel. Un film qui prend le temps de poser et de développer ses protagonistes. Et, Per Hanefjord, le réalisateur, même s'il dit ne pas l'avoir "souhaité volontairement" inclut dans cette poignante tragédie des touches d'humour noir particulièrement savoureuses et très appréciées par le public. L'enterrement du père se transforme alors en bouffonerie macabre malgré le chemin dramatique que prend l'histoire.

Deux films qui ont le courage, par le biais de l'humour, de bousculer un peu le sérieux de cette compétition et d'apporter un petit vent frais au festival.

Rithy Panh préfère rencontrer les gens que filmer la Terre d’un hélicoptère

Posté par Benjamin, le 12 décembre 2009

 Il est en quelque sorte l'invité d'honneur de ces 32ème Rencontres Henri Langlois qui cette année présente un focus sur l'Asie du sud-est. Rithy Panh (réalisateur dernièrement d'Un barrage contre le Pacifique, adaptation du roman de Marguerite Duras avec Isabelle Huppert) est donc présent pour parler de nombreuses choses, de son cinéma tout d'abord, de son centre Bophana qui forme des cambodgiens aux techniques du cinéma, mais surtout il parle de sa mission de cinéaste, il parle du monde et de ses engagements.

"Rétablir la mémoire".

Rithy Panh est venu rencontrer le public poitevin après la projection d'un de ses films, Les gens de la rizière (1994) mercredi 9 décembre. Le lendemain matin, c'est autour d'une assemblée de lycéens et d'étudiants qu'il s'est exprimé sur son cinéma et ses motivations.

Dans presque tous ses films (qu'ils soient documentaires ou de fictions), Rithy Panh accorde une grande importance au savoir, aux traditions ainsi qu'à l'Histoire de son pays, le Cambodge. Pays qui a vécu le dramatique épisode des Khmers rouges. Un régime totalitaire qui non seulement a détruit l'industrie cinématographique mais qui a conduit à la mort des dizaines de milliers de cambodgiens et déchiré tout un peuple. Depuis, Rithy Panh met tout en oeuvre pour instruire les siens par le cinéma et pour sauvegarder l'Histoire de son pays que beaucoup ignorent. Car dit-il en parlant des cambodgiens: "s'ils n'ont pas de culture, qu'est-ce qu'ils vont vendre ? Leurs corps ? [...] Vous allez vendre votre force, votre corps et votre sang si vous n'avez pas de culture." Et les enfants qui n'auront pas eu accès à l'éducation finiront, selon lui, à l'usine à faire des nike pour les garçons et au bordel pour touristes pour les filles.

Rithy Panh a véritablement insisté sur l'état du monde actuel qu'il juge assez déplorable car la "diversité des regards disparaît" selon lui et les petites gens sont de plus en plus écrasés. Car pour lui (et cela se remarque très bien à travers ses films), le plus important est d'aller à la rencontre des gens et non de filmer la Terre d'un hélicoptère comme l'a fait dernièrement Yann Arthus-Bertrand et que Rithy Panh qualifie "d'écologie esthétisante". Pour lui, c'est distance mise avec l'homme ne peut toucher.

"La mémoire des gestes".

Dans Les gens de la rizière, mais dans d'autres de ses films, Rithy Panh se concentre sur les paysans, sur les plus démunis qui travaillent la terre de leur main et qui se battent à la fois contre les éléments et contre le gouvernement pour survivre. Des petites gens à qui il rend toute leur dignité en les accompagnant de sa caméra dans leur quotidien et en s'attardant beaucoup sur leurs gestes. Il veut "être avec les gens, être à la bonne distance où l'on peut les toucher" et donc rendre compte de leur vie avec le plus de respect possible et par deux fois il citera Gandhi: "la générosité, ce n'est pas de donner aux gens, c'est de ne prendre que ce dont on a besoin."

Un cinéaste très porté sur l'humanité et qui veut transmettre "la mémoire dans les gestes et dans le corps". Par exemple, pour une des séquences de S 21: la machine de mort Khmer rouge, l'un des anciens bourreau refait à l'identique les gestes qu'ils affectuaient lors de son activité. Dans une sorte de transe, il revit en quelque sorte, son ancien métier et expie ses fautes. Rithy Panh explique aux étudiants que cette séquence n'était originellement pas prévue mais que l'ex-gardien, ne parvenant pas à expliquer ses "actions", c'est la retranscription visuelle, bien plus frappante, qui fut choisie. Par les gestes, on sauvegarde une certaine époque, une manière de faire disparue que l'on peut alors transmettre aux générations nouvelles.

Rithy Panh défend donc l'Histoire (et critique au passage la réforme du gouvernement en la matière) car c'est de là que vient l'idendité d'un peuple. D'autant plus important pour un pays comme le Cambodge dont on parle peu. Le cinéaste asiatique se positionne donc fermement contre les tendances actuelles et continuera à éduquer les plus petits pour leur donner une chance d'exister de façon moins pénible.

Rencontre avec deux nouveaux talents : Claire Burger et Nassim Amaouche

Posté par Benjamin, le 10 décembre 2009

Arrivés le mardi 8 décembre, Claire Burger et Nassim Amaouche, membres du jury et jeunes cinéastes français, connaissent bien les Rencontres Henri Langlois pour y avoir participé et reçu des prix. Tout deux ont en effet été récompensés par le Prix spécial du jury (en 2004 pour Nassim et en 2008 pour Claire) et ils étaient également au dernier festival de Cannes à la Semaine de la Critique. Le court métrage de Claire précédait la projection du long de Nassim. Après une rencontre avec des lycéens et des étudiants en cinéma, ils ont bien voulu nous accorder un petit moment en totale décontraction et autour d'une tasse de café...

Regard sur les festivals.

Le ton est amical, les blagues circulent (surtout de la part de Nassim Amaouche) mais cela n'empêche pas le propos d'être sérieux. Et même s'ils sont encore de jeunes cinéastes, Claire et Nassim ont l'expérience des festivals et s'expriment sur ce type de manifestation. Sans parler des Rencontres Henri Langlois dans un premier temps, ils abordent leur présence dans de nombreux festivals. Tout deux insistent par exemple sur le fait que si un festival est un lieu d'échange, un réalisateur ne doit pas y passer sa vie: "notre métier c'est de faire du cinéma [...] On se perd à aller dans tous les festivals" confie Claire Burger. Non pas qu'ils n'apprécient pas d'y être conviés, bien au contraire, mais c'est parfois une tentation à éviter pour eux s'ils veulent garder leur concentration intacte.

Cependant, Nassim Amaouche déclare avoir "besoin des festivals" car "quand on fait des courts métranges, [c'est] le seul endroit où on peut les montrer" et que "gagner un prix, ça fait de l'argent". Il est vrai que pour des jeunes cinéastes qui débutent, les festivals sont l'occasion de pouvoir partager et discuter de leur oeuvre, notamment avec des professionnels et donc d'avoir l'opportunité de faire des rencontres qui peuvent leur être bénéfique pour l'avenir. Toutefois, le réalisateur d'Adieu Gary tient à rappeler (c'est son côté "engagé" qui s'exprime) que les festivals de courts métrages souffrent ces derniers temps. Des festivals "militant qui croient à l'éducation par l'image" mis à mal par le gourvenement (il cite celui de Clermont-Ferrand qui a eu des déboires avec le ministre Brice Hortefeux): "on a fait passer des équipes qui organisaient [des] festivals plus ou moins ambitieux pour des exploitants de bénévols. On est dans une période de résistance en terme de culture".

En acceptant d'être jurés pour les Rencontres Henri Langlois, Claire et Nassim ont exprimé leur envie "d'aider" ces petits festivals et ce  cinéma discret. De rendre, quelque part, ce que ces derniers leur avaient offert.

Les Rencontres Henri Langlois.

Les deux réalisateurs nous font part de leur joie, de leur plaisir d'être à Poitiers. Pour des raisons personnelles (Nassim Amaouche y a par exemple rencontré sa femme) mais aussi pour des raisons plus professionnelles, parce que Poitiers est un festival plus ouvert au public que d'autres, plus axé sur l'échange et le partage. Un festival véritablement vivant qui apporte "des rencontres qui encouragent" déclare Claire Burger, et qui "contrairement à d'autres festivals, nous propose de rencontrer des scolaires, d'aller montrer les films en prison, de rencontrer différents types de publics".

Il est vrai que le festival de Poitiers met 'accent sur cette participation des plus jeunes qu'ils soient collégiens, lycéens, étudiants voire maternelles (puisqu'un programme, Piou-piou, a été mis en place spécialement pour eux). Des jeunes à qui il est permis d'aller vers un autre cinéma (d'auteur, asiatique) et de rencontrer des cinéastes (tels que Rithy Panh) qui leur offrent de véritables leçons de cinéma. C'est sans doute ce savant mélange entre professionnalisme et amateurisme qui les charme tant.

Il ne leur reste plus désormais qu'à juger (une mission qu'ils prennent à la fois avec sérieux et détachement) les 40 films en compétition pour rendre leur palmarès samedi à 18h30. Un palmarès qu'ils disent déjà subjectif et très modeste...

A Poitiers, les femmes souffrent jusqu’au sang.

Posté par Benjamin, le 8 décembre 2009

 A Poitiers, le festival est définitivement lancé. Le jury, composé entre autre de Nassim Amaouche (réalisateur d'Adieu Gary, Grand Prix de la Semaine de la Critique au dernier festival de Cannes) et de Claire Burger (primée l'an dernier aux Rencontres Henri Langlois pour Forbach) est arrivé le mardi 8 décembre, venant remplir davantage les salles du TAP de Poitiers.

 Et en ce mardi 8 décembre, les femmes ont souffert en compétition aux 32ème Rencontres Henri Langlois. Du sang a coulé, des cris ont été poussés mais la joie est arrivée au final. Tout est bien qui finit bien donc pour ces deux films : le premier est mexicain et a pour titre Roma, réalisé par Elisa Miller et le second, Janna & Liv, réalisé par Thérèse Ahlbeck est suédois. Deux films qui n'ont pas laissé le public poitevin indifférent (surtout Janna & Liv) et qui abordent, chacun à leur façon, la femme, mais la femme en tant qu'être délaissé, souffrant physiquement et moralement.

 Roma montre une jeune immigrée qui descend d'un train de marchandises et vient se cacher dans les locaux d'une entreprise. Sale, affamée, on la découvre dans son intimité: lorsqu'elle va aux toilettes ou qu'elle prend sa douche, nue bien évidemment. La caméra de la réalisatrice s'attarde sur sa culotte, rouge de sang et sur ses jambes qu'elle nettoie de ses problèmes menstruels. Là encore, il y a un rapport direct au corps de cette jeune femme qui, contrainte à l'exil, à la clandestinité, à l'abandon, ne peut vivre sa féminité décemment. Le sang de ses menstruations coule sur elle et elle doit attendre la main tendue d'un inconnu pour enfin se sentir mieux dans son corps. Après avoir récupérée se dignité de femme, elle peut alors reprendre sa route de vagabonde.

Dans Janna & Liv, c'est la maternité qui est traitée. Une maternité vécue par deux femmes, Janna et Liv, que tout oppose excepté leur grossesse bien avancée. L'une est craintive et ne veut accoucher sans la présence de son mari, l'autre vit chaque instant avec tonus et ne s'inquiète guère de l'arrivée de son bébé. L'une se laisse déborder par la situation, l'autre en contrôle chaque élément... mais en façade seulement. Car le film dévoile rapidement deux femmes seules, abandonnées par la présence masculine et qui doivent assumer sans aucune aide ce ventre rond. Et, encore une fois, cet abandon, ce délaissement, cette souffrance intérieure ressurgit de façon violente sur le physique: la difficulté de se mouvoir à cause de la grossesse mais surtout dans un premier temps, le sang (de nouveau !) qui s'écoule entre les jambes de Liv et qui la paralyse. S'en suit l'accouchement douloureux, très douloureux. Filmé de façon magistral, le spectateur accompagne dans cette épreuve ces femmes courageuses qui se battent littéralement pour mettre au monde deux petits êtres.

 Janna & Liv, tout en s'inscrivant dans ce thème de la solitude qui parcours le festival, fait du bien et retient notre attention.

Les inscriptions sont ouvertes pour le Festival de Poitiers

Posté par MpM, le 28 mai 2008

Même si cette fin de mois de mai a des faux airs de début de vacances, c’est au contraire le moment de mettre les bouchées doubles pour tous les étudiants en école de cinéma souhaitant participer à leur premier festival. Les Rencontres internationales Henri Langlois, qui se tiendront cette année du 5 au 13 décembre 2008 à Poitiers, viennent en effet de lancer un appel à candidatures pour leur 31e édition ! Sont invités à participer aux sélections tous les films réalisés depuis le 1er janvier 2007 par des étudiants en cinéma et/ou audiovisuel . Les réalisateurs ont jusqu’au 15 août pour envoyer leurs dossiers comprenant un formulaire d’inscription, une copie du film (dvd ou vhs), un synopsis et une liste de sous-titres (voir le site des Rencontres).

Les candidats retenus seront informés début octobre et auront la possibilité d'accompagner leur film à Poitiers lors de sa projection. Une chance unique de montrer son travail à un vrai public de professionnels et de cinéphiles, mais aussi de rencontrer d’autres cinéastes du monde entier. Et quand on sait que le Prix spécial du Jury 2007, Graffiti, du Géorgien Vano Burduli, également lauréat du Prix découverte de la Critique française, a ensuite été présenté dans le cadre de La Semaine Internationale de la Critique lors du Festival de Cannes 2008, on se dit que décidément, Poitiers est une très jolie manière de débuter une carrière !