Un article du projet de loi d’urgence autorise le CNC à déroger aux règles de la chronologie des médias. Les salles de cinéma ont fermé le 13 mars, sacrifiant les films sortis le 11 mars (et même le 4 mars) mais aussi de nombreux films prévus le 18 mars qui étaient déjà en campagne de promotion.
Ce projet de loi d’urgence qui passera en commission mixte paritaire (Assemblée nationale et Sénat) demain, dimanche 22 mars permettra au gouvernement de prendre des mesures exceptionnelles par voie d’ordonnances dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de COVID-19, certaines touchant à des acquis sociaux et d'autres facilitant le financement d'un pays à l'arrêt.
Une chronologie inadaptée
Le président du CNC pourrait donc déroger à titre exceptionnel aux règles de chronologie des médias pour les films en exploitation en salles le 14 mars 2020 et uniquement pour ces films-là. Ce qui concerne finalement une soixantaine de films, qui pourraient être mis à disposition en vidéo à la demande. Ce que demandaient certains producteurs et distributeurs. Aux Etats-Unis, les studios ont déjà avancé les dates de sorties sur les plateformes, comme Birds of Prey, En avant, Invisible Man...
La Fédération nationale des cinémas français s'oppose à une telle mesure: "Le caractère d’urgence et indispensable à la vie de la Nation de cette mesure ne nous paraissant absolument pas avéré, outre notre opposition à priver sans aucune concertation les professionnels de la maîtrise d’un tel dispositif et à modifier le Code du Cinéma unilatéralement, Richard Patry a adressé une lettre de protestation au Ministre de la Culture" .
Une fédération dans le déni
Dans son communiqué du 20 mars, "La FNCF a eu l’assurance de Dominique Boutonnat, Président du CNC, confirmée par le communiqué du CNC de ce jour, qu’il s’attachera à prendre les éventuelles mesures dans ce cadre avec discernement et au cas par cas, sans jamais obérer l’avenir des salles de cinémas et à revenir à une application stricte des textes après cette crise. (...) La FNCF souhaite entamer dès maintenant des discussions constructives avec l’ensemble des organisations des distributeurs – éditeurs de films, et avec le CNC sous l’égide de Franck Riester, Ministre de Culture, pour envisager demain la réouverture des salles de cinéma pour le plus grand plaisir des spectateurs. Elle appelle ainsi les salles de cinéma à soutenir, lors de leur réouverture, les films qui étaient à l’affiche le 14 mars pour leur permettre de poursuivre leur carrière en salle avec succès."
Au cas par cas
C'est un peu utopique. Hormis quelques gros succès comme La bonne épouse ou De Gaulle, aucun film n'a de chance de ressortir dans de bonnes conditions dans un calendrier qui va être très chargé avec tous les reports de sortie. La bonne épouse ressortira en salles, évidemment. Radioactive et Vivarium sans doute aussi. Mais la visibilité des petits films ne sera pas assez grande pour amortir le coût d'une nouvelle exploitation alors que l'on craint déjà un énorme embouteillage de nouveautés dès mai-juin et encore plus à l'automne. Pourquoi priver Un fils, Une sirène à Paris, Femmes d'Argentine, pour ne citer que trois sorties du 11 mars, qui n'ont pas pu trouver leur public en moins de quatre jours, d'une nouvelle fenêtre dès maintenant, profitant de la notoriété acquise par la promotion récente en publicité ou dans les médias? Idem pour ceux sortis fin février et début mars, et qui ont déjà fait une grande partie de leurs entrées et qui ne gagneront rien à ressortir, à l'instar de Dark Waters ou Un divan à Tunis? Et finalement pourquoi empêcher producteurs et distributeurs de récupérer un peu de recettes rapidement en ces temps de crise financière... ?
Les sorties post-13 mars non concernées
Et puis il n'y a pas lieu de paniquer. On voit bien que l'objectif est de conserver la chronologie des médias, sauf à titre exceptionnel.
Le CNC a précisé que chaque demande serait menée en pleine concertation avec les représentants de la filière et notamment les organisations professionnelles des exploitants de salles de cinéma. "La fermeture des salles de cinéma est un moment critique pour toute la filière. Le public doit pouvoir accéder aux films, mais il nous faut également assurer les équilibres fondamentaux qui permettent de financer la création à moyen et long terme, ainsi que la reprise de l’activité au moment de la réouverture des salles" a déclaré Dominique Boutonnat, Président de l'organisme.
La disposition examinée par le Parlement ne concerne pas les films destinés aux salles mais qui n’étaient pas encore sortis au moment de la fermeture des cinémas (Petit Pays, Forte, Benni) et qui n'avaient pas encore annoncé leur report.
Des films directement en Vidéo à la demande?
Tous ces films prêts à sortir ne sont pas soumis à la chronologie des médias et les titulaires de droits sont libres de les exploiter sur tous supports dans le cadre de leur liberté contractuelle indique le CNC. Reste le cas épineux des films programmé qui ne sortiront finalement pas en salles, pour de multiples raisons. Le CNC est, en principe, tenu de réclamer, aux bénéficiaires d’aides accordées dans le cadre du soutien financier au cinéma, la restitution de ces sommes lorsque la première exploitation des films ne se fait pas en salles. Mais l'institution a lancé cette semaine, pour ces films non encore sortis en salles, une concertation qui associe toute la filière du cinéma et de l’audiovisuel, pour réfléchir aux modalités selon lesquelles certains d’entre eux pourraient, le cas échéant, être mis à la disposition du public directement sous forme de VOD ou de DVD / Blu-Ray, sans que les bénéficiaires des aides "cinéma", ainsi d’ailleurs que des autres financements réglementés, soient contraints pour autant de les restituer.
"Le public doit pouvoir accéder aux films, mais il nous faut également assurer les équilibres fondamentaux qui permettent de financer la création à moyen et long terme, ainsi que la reprise de l'activité au moment de la réouverture des salles", rappelle Dominique Boutonnat.
Le 18 mars, Franck Riester, ministre de la Culture, a soutenu un ensemble de mesures mis en place par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) comme la suspension du paiement de l’échéance de mars 2020 de la taxe sur les entrées en salles de spectacles cinématographiques (TSA) pour soutenir leur trésorerie, le versement de manière anticipée des soutiens aux salles art et essai et à la distribution et la garantie du paiement de ses aides. Le ministre a rappelé que "toutes les subventions attribuées par le CNC aux manifestations annulées pour des raisons sanitaires leur resteront acquises si elles ont déjà été versées, ou seront effectivement payées si elles ne l’ont pas encore été."