Le Japon replonge dans ses cauchemars. La secte Aum Vérité suprême, créée en 1984, avait perpétré la pire attaque terroriste du pays en ciblant le métro de Tokyo. 6 200 personnes intoxiquées, 13 morts. Shizue Takahashi, la veuve de l'un d'entre eux, Kazumasa Takahashi, a réalisé un documentaire d'une heure sur le drame. Le film a été présenté lors d'un événemnet public à l'occasion du quinzième anniversaire de cette tragédie. Petite piqûre de rappel pour réveiller les mémoires.
Dans le film, l'ancien chef de la police au Japon, Takaji Kunimatsu, rappelle ses services avaient prévu de perquisitionner les locaux de la secte le 22 mars. L'attaque au gaz sarin aura lieu le 20 mars. Ils n'avaient pas tenu compte d'informations comme quoi Aum allait peut-être tenter quelque chose avant cette date...
Le documentaire revient aussi sur la radinerie du gouvernement, qui ne voulait pas indemniser les victimes. Jusqu'à l'attentat, "les victimes de crimes étaient considérées comme des êtres d'un autre monde" au Japon, souligne l'ancien procureur général du pays, Keiichi Tadaki, dans le documentaire. "Ceci a montré aux gens que tout le monde pouvait devenir une victime".
Malgré leur condamnation à mort, treize dirigeants de la secte n'ont toujours pas été exécutés. Trois dirigeants sont toujours recherchés. En 1999, la secte a été rebaptisée (Aleph) mais n'est pas interdite a nom de la liberté de religion. La figure de Shoko Asahara reste néanmoins révérée parmi les disciples, quelque 1 500 personnes au Japon et 200 en Russie.
Le cinéma japonais a pour l'instant été assez pudique avec le sujet. On se souviendra du sensible film de Hirokasu Kore-Eda, Distance, en compétition à Cannes en 2001. Il avait renommé la secte L'arche de vérité mais le lien ne faisait aucun doute.
Mais la polémique est ailleurs. Nippon Television Network a reconnu ce mois-ci qu'elle avait diffusé un épisode du dessin animé City Hunter 3, contenant un message subliminal du gourou de la secte. Le onzième épisode, qui est passé sur le petit écran fin 1989, montre Asahara, le dirigeant et créateur de la secte, en orange sur fond jaune-orange.Malgré les excuses de la chaîne, le scandale continue de choquer. La date de diffusion coïncide avec l'annonce de la candidature de Shoko Asahara aux législatives de 1990.
La propagande n'a pas de limite. Et Shizue Takahashi a bien raison d'avoir voulu collecter témoignages, entretiens et archives pour transmettre aux jeunes générations l'effroi qu'a suscité cet acte horrifique à cause de croyances apocalyptiques.