Le Jour le plus court, une fête du court métrage participative

Posté par vincy, le 3 octobre 2011

Ce lundi au CNC (Centre national du cinéma et de l'image animée), Eric Garandeau présentait Le jour le plus court (voir aussi notre entrevue avec lui), aux côtés de deux des parrains de la manifestation, Jacques Perrin et Michel Gondry (les marraines Jeanne Moreau et Mélanie Laurent n'étaient pas là). Café, viennoiseries, pour doper les journalistes courageux et rarement matinaux. L'été joue les prolongations en plein automne : et voilà qu'on nous parle déjà du solstice d'hiver, le 21 décembre, la nuit la plus longue.

Après avoir vu La Lettre, court métrage en noir et blanc de Michel Gondry, un extrait des Césars 1977 nous remémore le discours de Jacques Tati (Césarisé d'honneur cette année-là), s'inquiétant déjà de la disparition du format au profit de la vente d'esquimaux. "Défendez le court-métrage ! (...) Sans court métrage, vous n'auriez eu ni Chaplin, ni Keaton, ni Fellini, ni René Clément..."

Pour valoriser le court métrage - 675 films de moins d'une heure produits en 2010 - le CNC veut imposer un rendez-vous équivalent à la Fête de la musique (durant le jour le plus long), Le jour le plus court. Isabelle Massot, directrice artistique de la manifestation et par ailleurs responsable du Festival des scénaristes, explique que cet événement "remplit une attente, il y avait quelque chose qui manquait".

Le court métrage, malgré ses presque 20 millions d'euros d'aides par an, est en effet le parent pauvre des contenus que ce soit dans les salles de cinéma ou sur les écrans de télévision. "Révélation de jeunes talents", "moyen de communication" selon Jacques Perrin, "mode d'apprentissage" pour Michel Gondry, le court métrage est essentiel à l'avenir du cinéma. Cependant, même dans les festivals, où il est très bien représenté, il est parfois dévalorisé par une programmation frontale avec des longs métrages.

Un événement participatif en chantier

L'idéal serait d'imposer des fenêtres de diffusion. Jacques Perrin l'explique très bien : "Ce n'est pas sans regret que je me souviens il y a trente, quarante ans du programme complet avec les actualités, un dessin animé..." Pourquoi pas un court avant chaque long? Et sinon "pourquoi il n'y a pas de séances à 10h30 le matin, consacrées aux courts métrages alors que des salles programment à cette heure là quelques gros films?"

Le jour le plus court va sans doute devoir prouver qu'il y a un désir de court. "Plus c'est court, plus c'est bon" devrait être le slogan de la bande annonce à venir, réalisée par Stéphane Foenkinos et Alexandre Athané. Un Festival multi-écrans - cinéma, télévision, web, sur les murs, dans le métro, les musées, les médiathèques... - faisant appel aussi bien aux professionnels qu'à chaque volonté individuelle. En attendant l'ouverture du site le 10 octobre prochain, on sait que n'importe qui pour faire sa propre programmation, figurer dans le programme national, accéder au catalogue de film de l'Agence du court métrage, ... Le mode d'emploi, avec l'aide de l'AFCAE, va être bientôt mis à disposition. Un festival 2.0 (avec applications mobiles et géo-localisées, outils de communication contributifs...). Bref Le jour le plus court sera un événement participatif auquel Ecran Noir se joindra bien évidemment.

Et si la SRF se trompait complètement?

On sent l'envie, et on comprend que tout cela s'est fait très rapidement. Certes, cela donne l'impression d'une manifestation en chantier au moment de l'annonce. Jeudi dernier, la SRF (Société des réalisateurs de films) s'est retirée du comité de pilotage. Officiellement la SRF n'a pas supporté de voir son idée de Fête du court métrage (sur laquelle elle travaillait depuis un an) concurrencée. De plus elle critique la date, choisie unilatéralement et symboliquement, et selon elle "contre l'avis de l'ensemble des acteurs de terrain du court métrage", rendant "improbable la participation des acteurs associatifs, culturels et éducatifs". Le 21 décembre, enfin, serait une très mauvaise date car les écrans sont surchargés.

Justement : n'est-ce pas une bonne idée de profiter de l'une des saisons les plus fréquentées de l'année pour les salles de cinéma? Des acteurs comme Arte, Canal +, France Télévisions, Orange, MTV, MK2, Gaumont Pathé, la Cinémathèque Française, l'Institut Lumière, Dailymotion, l'AFCAE, la SACD, la SNCF, Nisi Masa, Collectif Prod, et des collectivités locales ont annoncé leur mobilisation. La Fédération nationale des cinémas français, le Festival réputé de Clermont Ferrand, Les Lutins du Court Métrage, le Syndicat des Producteurs Indépendants, l'ARP font partie du comité de pilotage.

On comprend donc mal l'explication de la SRF qui évoque "un projet qui tourne court?". Certes, le CNC a choisi un autre mode de gouvernance pour réaliser cette manifestation dans des délais aussi courts. Mais en misant sur un projet collaboratif et ouvert à tous, en la "désinstitutionnalisant", le CNC fait le pari d'un Jour qui s'installe dans la durée avec peu de moyens.

C'est assez salutaire de voir en France un événement officiel faisant confiance aux créateurs, aux amateurs et aux initiatives individuelles.

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site internet du Jour le plus court

Cinespana 2011 : la part belle au documentaire

Posté par MpM, le 3 octobre 2011

mémoireLa 16e édition du festival Cinespana, qui s'est ouvert vendredi 1er octobre, consacre une partie importante de sa  programmation au style documentaire. Celui-ci possède sa propre compétition, mais est également présent dans la sélection court métrage ainsi que dans la section spéciale "Mémoire", consacrée à la période douloureuse de la guerre civile et du Franquisme. Tout un pan du cinéma espagnol se penche en effet année après année sur la plaie béante de la dictature et de la transition qui, avec sa loi d'amnistie, a laissé un goût d'inachevé et d'injustice à une partie de la population espagnole.

Les ombres de la mémoire de Dominique Gauthier et Jean Ortiz s'attaque ainsi à ce que ses auteurs appellent "l'amnésie organisée" en revenant sur plusieurs traumatismes du passé comme l'esclavage des prisonniers politiques, les milliers de morts jetés dans des fosses communes, les enfants arrachés à leur famille et les opposants arbitrairement emprisonnés parfois pendant plus de vingt ans.

Mêlant témoignages et images d'archives, le film fait à la fois acte de pédagogie et de dénonciation, tout en rappelant l'immense solidarité qui a permis aux prisonniers politiques d'organiser la résistance au fascisme depuis leur lieux de captivité. Son format résolument pensé pour la télévision l'oblige à aller droit au but sans se perdre dans des circonvolutions mélodramatiques ou grandiloquentes. On est parfois ému au détour d'un témoignage (notamment celui du poète Marcos Ana, emprisonné pendant plus de 20 ans), mais on est surtout révolté par le fait que tant d'injustices et d'exactions n'aient au final jamais été officiellement punies.

"Le travail de mémoire est difficile en Espagne, confirme Jean Ortiz, l'un des deux réalisateurs. Il y a un consensus général autour de la transition et la loi d'amnistie verrouille tout." Le cinéma, heureusement, est là pour inlassablement ouvrir ces portes que tout le monde préférerait voir fermées à jamais.