Albi 2015 : les Oeillades sous le signe de l’émotion

Posté par cynthia, le 27 novembre 2015

Du 17 au 22 novembre dernier a eu lieu la 19e édition du film francophone d'Albi (les Oeillades). Encore sous le choc des attentats de Paris, cette semaine de cinéma made in France nous a secoués, et a pas mal humidifié nos rétines... Retour sur une semaine riche en émotions !

Tout commence par un discours... celui du représentant du Festival, Claude Martin, qui ouvre le bal de cette nouvelle édition avec les mots justes. Il confie tout d'abord qu'il s'agit de la première fois que le festival commence par un concert de musique de films, celui de l'orchestre de New Orleans Fiesta. Il ajoute que c'est aussi une soirée «particulière parce que cette soirée, cette manifestation dans son ensemble est ternie par les évènements que vous savez. Je ne vous cache pas que les conditions sont telles que ce festival est déjà amputé d’un grand nombre de participants et notamment scolaires (nous perdons là plus de 1200 scolaires qui étaient la fierté de notre festival).»

En effet, les scolaires n'ont pu assister ni aux projections, ni au festival en raison des mesures de sécurité prises par l'État. Claude Martin ajoute avec émotion que «n'ayant pas l’envie de faire un discours traditionnel d’ouverture, je me contenterai au nom des organisateurs de ce festival, de dédier notre Festival aux victimes des attentats de Paris du 13 novembre, mais aussi de Charlie Hebdo. Ironie de l’histoire, nous projetons jeudi 19, un documentaire intitulé l’humour à mort de Daniel et Emmanuel Leconte, dédié à toutes ces victimes.» Le documentaire des Leconte a d'ailleurs été présenté en avant-première (il est prévu en salles le 16 décembre) au festival d'Albi, sous bonne garde, puisque des vigiles inspectaient chaque spectateur à l'entrée.

«Le cinéma colle souvent à l’actualité, confie Claude Martin. Justement, au nom de toutes ces victimes qui aimaient la vie, nous avons pensé que notre devoir était de maintenir ce Festival, la vie culturelle dans notre ville, notre département, notre pays. Certes nous le ferons plus solennellement, sans faire la fête, mais nous le ferons. La démocratie est à ce prix. Nous sommes en guerre contre de grands malades qui agissent cachés… on se doit de rester debout et bien visibles. Le cinéma doit sans doute divertir, mais il doit aussi avertir. Un réalisateur doit plus aider les gens à se "tourner vers" qu'à se "détourner" comme le dit Cédric Klapisch. Il ne doit pas "endormir", mais donner à voir, informer, éveiller la curiosité. Nous continuerons à défendre ce cinéma qui ouvre les yeux des gens pour mieux lutter contre ceux qui veulent nous les faire fermer.» C'est d'ailleurs ainsi que s'est déroulée cette semaine de cinéma : bonne humeur (malgré tout), septième art, musique... le règne de la culture envers et contre tout (Dieu merci!).

Parce que le cinéma français n'a peur de rien...

Durant cette 19e édition, l'académie des Lumières composée de trois journalistes internationaux (Grazyna Arata pour la Pologne, Seamus McSwiney pour l'Irlande et Lisa Nesselson pour les USA) a décerné le Prix Lumière au film Peur de Rien de Danielle Arbid. Un hasard ? Peut-être pas... Non seulement il s'agit d'un film captivant mais il est aussi dans l'air du temps avec son héroïne libanaise et fraîchement débarquée à Paris dans les années 90, et qui va, tout en combattant les amalgames, découvrir la littérature, l'amour, la musique et le sexe à travers trois hommes de classes sociales différentes.

L'amour et le sexe étaient présents sous toutes les coutures cette semaine. Troublant dans le Marguerite et Julien de Valérie Donzelli (invitée d'honneur), injustement massacré au dernier Festival de Cannes, suggéré dans le doux Goût des merveilles de Éric Besnard, dérangeant et plat dans Et ta sœur de Marion Vernoux, se voulant sensuel dans La Fille du Patron d'Olivier Loustau et enfin dénonciateur d'une société où tout va trop vite dans Bang Gang de Eva Husson (véritable petit chef-d'œuvre).

Dénonciateur, c'est ce qu'a été également le documentaire L'humour à mort de Daniel et Patrice Leconte. Retraçant les attentats tragiques de Charlie Hebdo et de l'Hyper casher de Vincennes, et entrecoupé par des images d'archives, il nous plonge dans l'enfer du 7 janvier et redonne vie l'espace d'un film aux grands disparus du magazine. Les mouchoirs sont bien utiles pendant la séance.

Nous pouvons en dire autant avec Arrêtez-moi là de Gilles Bannier où Reda Kateb montre une nouvelle fois l'étendue de son talent à l'écran... pas étonnant que Hollywood ait posé un œil sur lui (Zero Dark Thirty, Lost River...). Présent pour le film, l'acteur n'a pourtant pas la grosse tête... bien au contraire. Reda Ketab est discret, gentil et rougit lorsqu'on le complimente sur son jeu d'acteur : «oh merci, c'est très gentil ça !».

Autres personnalités à avoir fait vibrer notre cœur, Valérie Donzelli (simple, drôle, cultivée et belle avec ça), Christa Theret (timide et douce) ou encore Grégoire Ludig (tordant et attentionné).

Véritable détecteur de talent et de stars du septième art, les Oeillades d'Albi c'est un peu le jumeau français de Deauville, la simplicité en plus.

Prix Louis-Delluc 2015: les films de Cannes en force, mais la Palme d’or est snobée

Posté par vincy, le 27 novembre 2015

L'image manquante de rithy panh

Le Festival de Cannes reste le réservoir principal des palmarès de fin d'année. Le Prix Louis-Delluc 2015 n'a pas fait exception, comme d'habitude. Sur les huit films en nomination, cinq ont été présentés sur la Croisette. La Loi du marché, en compétition, était reparti avec le prix d'interprétation masculine pour Vincent Lindon. Trois étaient à la Quinzaine des réalisateurs. Et L'image manquante avait reçu le Grand Prix Un certain regard en ... 2013! Car c'est la particularité de cette liste, deux films datent d'il y a plus d'un an. Outre L'image manquante, Le dos rouge avait été présenté au Centre Pompidou en 2014 dans le cadre du Festival d'Automne. Mais les deux films ne sont sortis que cette année. Résultat: il n'y a aucun favori pour succéder à Sils Maria d'Olivier Assayas.
Philippe Garrel et Arnaud Desplechin sont les seuls à l'avoir déjà obtenu.

Si le Louis-Delluc est considéré comme le Goncourt du cinéma, il n'a aucune valeur indicative pour les Césars. Le dernier à avoir réussi le doublé c'est Jacques Audiard avec Un prophète en 2009/2010. Et justement Audiard est le grand absent de cette liste puisque Dheepan, déjà recalé pour représenter la France aux Oscars, Palme d'or à Cannes, n'a pas été retenu.

Concernant la sélection du meilleur premier film, c'est presque un autre niveau. Pour succéder aux Combattants, le jury a choisi cinq très bons films, très divers. Mustang, qui était aussi à Cannes, fait là figure de grand favori, évidemment.

Le lauréat 2015 sera annoncé le 16 décembre.

Nominations
Comme un avion - Bruno Podalydès
Le Dos rouge – Antoine Barraud
Fatima – Philippe Faucon
L'Image manquante – Rithy Panh
La Loi du marché – Stéphane Brizé
Marguerite – Xavier Giannoli
L'Ombre des femmes – Philippe Garrel
Trois souvenirs de ma jeunesse – Arnaud Desplechin

Nominations pour le prix Louis-Delluc premier film
Bébé tigre – Cyprien Vial
Le Grand Jeu – Nicolas Pariser
Mustang – Deniz Gamze Erguven
Ni le ciel ni la terre – Clément Cogitore
Vincent n'a pas d'écailles – Thomas Salvador