Ce qu’il faut savoir sur « I am not Madame Bovary » de Feng Xiaogang

Posté par MpM, le 5 juillet 2017, dans Critiques, Films.

Flaubert en Chine

Le titre international est un peu abusif car dans le roman original de Liu Zhenyun (Je ne suis pas une garce, 2015), il est fait référence à Pan Jinlian qui est un personnage mythologique ayant conspiré avec son amant pour assassiner son mari. Son nom est désormais utilisé en Chine pour désigner une femme indigne, infidèle ou débauchée. L’utilisation du nom d’Emma Bovary est plutôt abusif, dans la mesure où l’héroïne de Flaubert tient plus de la femme fantasque empêtrée dans une vie monotone que de la dévergondée assoiffée de sang.

Fresque ironique

Le film se passe sur plus d'une dizaine d'années et met en scène l'héroïne Li Xuelian qui multiplie les procès pour recouvrer son honneur perdu. A l'origine de l'histoire, il y a un divorce blanc contracté par l'héroïne et son mari dans le but d'obtenir un deuxième logement. Mais l'homme volage en profite pour se remarier avec une autre. Bafouée et meurtrie, Li Xuelian se porte alors en justice pour faire reconnaître qu'il s'agissait d'un faux divorce. Son idée est de se remarier avec son ex-mari puis de divorcer à nouveau, cette fois-ci sans ambiguïté. Son combat est évidemment dérisoire, destiné à plonger le spectateur dans l'étonnant labyrinthe judiciaire chinois.

Satire sociale

Le film accompagne Li Xuelian dans des tribulations judiciaires qui oscillent entre l’absurdité et la farce. La jeune femme remonte en effet la hiérarchie locale (du juge au préfet) pour faire entendre ses doléances, et multiplie les procès et les recours. Ces rouages un peu grippés dévoilent le portrait d'une Chine en pleine mutation judiciaire dans laquelle les responsables sont terrorisés par une simple femme en quête de justice. Le film balance ainsi entre un registre volontairement comique (le harcèlement insidieux de l’héroïne envers les officiels devient une sorte de running gag, et son indéfectible ténacité en est presque comique) et une touche nettement plus sombre quand son acharnement la conduit en prison, et gâche toute son existence.

Cadre rond

En plus d’une esthétique très soignée qui évoque la peinture traditionnelle chinoise, Feng Xiaogang recourt à un cadre circulaire pendant presque la totalité du film. Ce procédé empêche évidemment tout gros plan sur les personnages, et donne le sentiment au spectateur d’être un voyeur observant chaque scène à travers un télescope. Comme l’héroïne, il n'a pas une bonne vision d’ensemble, puisque tout ce qui est hors du cercle lui échappe. C’est uniquement lorsqu’elle parvient à Pékin que son horizon s’élargit (momentanément), et avec lui le cadre.

Fan BingBing

C’est Fan BingBing, aperçue auparavant dans des superproductions chinoises comme Bodyguards and assassins ou Shaolin ainsi que dans l’univers des XMen (Days of future past) qui incarne avec justesse et vitalité le cette Antigone des temps modernes. Le drame qu’elle traverse, et dont on connaîtra seulement à la fin toutes les facettes, atteint physiquement le personnage qui n'est plus que l'ombre d'elle-même à la fin du film.

Récompenses

I am not Madame Bovary a reçu le prix de la critique internationale au Festival de Toronto et le Coquillage d'or du meilleur film ainsi que le coquillage d'argent de la meilleure actrice à San Sebastian. Il a également été distingué par trois Asian Awards dont meilleur film et meilleure actrice et par le Golden horse de la meilleure actrice.

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