Cannes 2018: A Queer Eye
Une Palme d'or pour La vie d'Adèle, deux Grands prix du jury pour Juste la fin du monde et 120 battements par minute, un prix de la mise en scène Un certain regard pour L'inconnu du lac, sans oublier Carol, Les vies de Thérèse, Kaboom... le festival de Cannes depuis quelques années a suivi le mouvement sociétal et cinématographique (les Oscars ont récompensés Moonlight l'an dernier, Une femme fantastique et Call Me By Your Name cette année): l'homosexualité et plus globalement la culture Queer se sont invités dans les sélections comme dans les palmarès. Les cinéastes, hétéros ou LGBTQI, y trouvent des sujets forts pour des genres variés et des films engagés.
2018 ne fait pas exception. Le queer sera à la mode. Il sera même banalisé, ce qui ne peut que nous satisfaire. Il sera aussi "transgenre".
Yann Gonzalez nous plongera ainsi dans le milieu porno gay de la fin des années 1970 avec Un couteau dans le cœur (compétition), tandis que Christophe Honoré nous conviera à une romance dramatique gay (et homoparental) du début des années 1990 avec Plaire, Aimer et courir vite (aussi en compétition). Les amours (de jeunesse) tourneront aussi dans L'amour debout de Michaël Dacheux (Acid). A bas les étiquettes!
Côté beaux mecs (et tendance marginal) on sera séduit par les plastiques Felix Maritaud et Eric Bernard dans Sauvage de Camille Vidal-Naquet (Semaine de la critique). Dans un registre plus homoérotique qu'homosexuel, Diamantino de Gabriel Abrantes & Daniel Schmidt se concentrera sur le culte du corps masculin d'un sportif (en l'occurrence celui de Carloto Cotta). Le sport et le corps sont aussi à l'honneur du documentaire de Marie Losier, Cassandro, The Exotico (Acid). Ici on plonge dans l'univers des catcheurs gays.
Mais peut-être que l'histoire qui nous touchera le plus est celle des deux frères, dont l'un est homosexuel, dans Euphoria de Valeria Golino (Un certain regard), avec Riccardo Scamarcio et Valerio Mastandrea...
C'est d'ailleurs toujours à Un certain regard que l'un des films les plus attendus sera projeté: Rafiki de Wanuri Kahiu. Parce que c'est le premier film kényan en sélection officielle. Parce qu'il a été censuré dans son pays après l'annonce de sa sélection. Parce que c'est une histoire d'amour entre deux femmes qui ne peuvent pas étaler leurs sentiments en plein jour. Et dans la même sélection, avec Girl de Lukas Dhont, on évoquera le genre grâce à une adolescente qui veut devenir danseuse étoile, mais qui est née dans le corps d'un garçon.
Les amours saphiques seront aussi projetés à la Quinzaine des réalisateurs avec Carmen y Lola d’Arantxa Echevarria, une histoire d'amour entre deux jeunes gitanes dans un milieu où là aussi l'homosexualité est un tabou. Et qu'attendre de Climax de Gaspar Noé, qui met le plaisir au centre de tout, cet hédonisme revendiqué et sans limites?
On le voit: le genre, la sexualité, l'homophobie, l'homoparentalité, la pornographie, et bien entendu l'amour sont présents dans des films venus de partout et formellement différents. Et on peut aller plus loin avec le frontal A genoux les gars (Antoine Desrosières, Un certain regard) qui s'affirme le film le plus féministe de la saison, L'ange (Luis Ortega, Un certain regard), dont le personnage de tueur est pour le moins ambivalent ou encore Manto (Nandita Das, Un certain regard), biopic sur un écrivain célèbre accusé plusieurs fois de pornographie...
Mais assurément le film le plus queer du 71e festival de Cannes (en séance spéciale) est un documentaire de Kevin Macdonald (Le Dernier Roi d'Écosse), qui six ans après Marley (sur Bob Marley), s'intéresse à Whitney (sur la diva Whitney Houston). Rien de gai mais cette icône gay (et pop) devrait être l'une des vedettes des dancefloors cannois. Une Queen pour célébrer la culture queer, pour aimer, sans préjugés.
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