Et si on binge-watchait… Unorthodox sur Netflix

Posté par vincy, le 16 avril 2020

En attendant le 11 mai, Ecran Noir vous propose de (re)découvrir certaines séries passées ou encore sur vos écrans. Et parce que cette période de confinement, on a le sentiment d’être enfermés et la volonté de profiter de sa liberté, on vous recommande vivement la mini-série (4 épisodes et un making-of) Unorthodox.

Un portrait de femme passionnant et une actrice épatante. Adapté de l’autobiographie de Deborah Feldman, Unorthodox : The Scandalous Rejection of My Hasidic Roots, l’histoire prend quelques libertés avec la vie de cette jeune femme prisonnière de sa communauté à Williamsburg (Brooklyn, New York). Dans la réalité, Deborah enfreint les règles strictes des Juifs orthodoxes en fréquentant la bibliothèque et en étudiant la littérature, avec l’accord de son mari. Elle devient écrivain par la suite, à Berlin. Dans la fiction réalisée par l’actrice et cinéaste allemande Maria Schrader, Deborah devient Esther, surnommée Esty, et apprend clandestinement la musique. Elle s’enfuit aussi à Berlin et, par un concours de circonstance, va tenter un concours d’entrée dans une école prestigieuse de la capitale.

Entre son passé étouffant à New York et un présent rempli de découvertes à Berlin, on suit l’évolution de Esther, de son enfance à son émancipation, en passant par un mariage arrangé avec Yanky, sa relation fusionnelle avec sa grand-mère rescapée des camps, son apprentissage du corps et de la sexualité, son évasion clandestine, ses rencontres et la traque de son mari et d’un cousin.  L’actrice Shira Haas est en soi un motif incontournable pour voir cette série. La comédienne israélienne, âgée de 24 ans, est bouleversante, toujours juste, capable de basculer du yiddish à l’allemand et l’anglais, de chanter mezzo soprano ou de pleurer à chaudes larmes sur commande. Avec un personnage oscillant entre émotions intériorisées et frustrations douloureuses, désir de vivre librement et conscience de ses différences, à la fois fragile et déterminée, elle déploie soutes les palettes d’un jeu riche en variations en moins de 4 heures.

Révélée par la série israélienne Shtisel, on l’avait aperçue dans Foxtrot de Samuel Moaz, Grand prix du jury à Venise, La femme du gardien de Zoo de Niki Caro, Marie-Madeleine de Garth Davis. Elle a remporté un « Oscar » israélien pour son second-rôle dans Noble Savage de Marco Carmel. On pourra la voir dans Esau de Pavel Lounguine, avec Harvey Keitel, et Asia de de Ruthy Pribar, qui était prévu à Tribeca avant que le festival ne soit annulé.

Une série qui peut déranger au-delà de l’enjeu dramatique. Netflix continue sa globalisation : une série allemande, parlée la moitié du temps en yiddish (une première pour la plateforme). Outre la communauté hassidique, les personnages secondaires remplissent toutes les cases du cahier de charge de Netflix : une mère lesbienne, un couple mixte homosexuel, dont un réfugié, une amie yéménite, une israélienne athée…

Car l’histoire que raconte Unorthodox est bien celle d’une jeune femme pieuse qui se sent de moins en moins bien au sein de son cocon communautaire. La force de la série n’est pas seulement de nous montrer sa réaction au monde réel extérieur (persuadée que le jambon allait la rendre malade, elle se précipite pour aller vomir, en vain). Non, le récit est aussi un tableau ethnologique sur ce mouvement religieux extrême. Refusant de se mélanger au reste de la population, obéissant aveuglément au Tamuld, critiquant le sionisme, se complaisant dans la souffrance du peuple élu, distinguant les deux sexes, rejetant tout dévoiement au monde moderne, se méfiant des technologies comme des idéologies, on regarde, stupéfaits, certains rites d’un autre temps perdurer, des costumes aux cérémonies. Ainsi, on reste évidemment choquer de la manière dont les mariages s’arrangent, dont on prépare la mariée à vivre une vie sexuelle allongée sur le dos, habillée, sans aucun baiser ni caresse, dont on contraint les femmes à se soumettre à la loi des Hommes. Jusqu’à enlever leur enfant si elles quittent la communauté.

C’est psychologiquement fascinant et dramatiquement plus brutal que ça n’en a l’air. La place de la femme interroge (il faut voir Esty découvrir qu’elle a un vagin ou souffrir lors d’une pénétration), tout comme la manière dont elle est poursuivie sur ordre du rabbin new yorkais. L’absence d’amour, d’affection, la tyrannie des mensonges et des hypocrisies sont peu flatteuses pour cette communauté, qui, malgré tout aime célébrer, danser, être solidaire. On comprend l’aspiration d’Esther à fuir ce monde en cage où on  est jugé au nombre d’enfants procréés et où on tond les femmes dès le mariage pour leur enlever toute identité et toute force. Son exil et sa rupture sont alors aussi violents pour elle que compréhensibles pour nous.

Une construction qui passe de l'étonnement à l’émotion. Avec une parfaite maîtrise de l’espace et du temps, des flash-backs à différentes périodes et du présent en cours, le scénario nous happe rapidement dans cette histoire a priori banale. On a parlé de la saisissante interprétation de l’actrice principale, du sujet coup-de-poing, mais le grand mérite de cette courte série est d’avoir condenser en quelques heures l’histoire d’une vie. Bien sûr, la traque par le cousin et le mari offre un vecteur aventureux et incertain à ce drame.

Evidemment, quelques plans sur-signifient leur symbolique (le rouge à lèvre de marque Epiphany, la mort d’un personnage au moment de la renaissance d’un autre, le deuxième baptême dans un lac). Mais on est tout autant hypnotisés par la longue séquence du mariage, quasi documentaire et par ce dénouement presque irréaliste tout en chant, en bienveillance et en sourire. Car si Unorthodox est une histoire de divorce (avec le mari et avec la communauté), c’est finalement la réconciliation (avec la mère, avec la vie) et la force de la rencontre (les musiciens) qui prennent le dessus, rendant l’œuvre lumineuse et positive.

Tout est fait pour nous faire aimer Esther, mais aussi tous les autres : du sale cousin qui cherche une rédemption malgré ses addictions, à la tante qui essaie de sauver la destinée malheureuse de sa nièce, de la mère qui dévoile la cruelle vérité sur son abandon indigne dans le dernier épisode au jeune mari, qui fait tout pour retrouver sa femme, jusqu’à enfreindre quelques règles ancestrales, prêt à accepter la différence de son épouse. Cette séquence de séparation résume parfaitement l’intention du film : pas de dispute trop dramatique, juste un fossé entre deux mondes impossible à combler. Même avec leur premier baiser, après un an de mariage.

C’est là que tout nous emporte : dans cette voix venue du fin fond des âges qui se lamente du passé tragique de sa communauté et dans ce sourire esquissé qui embrasse un nouvel avenir plein de promesses. C’est l’histoire d’une esclave qui s’affranchit, se libère de ses chaînes et s’ouvre au monde tel qu’il est.

Unorthodox disponible sur Netflix ici.

Annecy 2020 se réinvente en ligne

Posté par redaction, le 16 avril 2020

Ca devait être l'année du soixantième anniversaire, une édition exceptionnelle avec l'animation africaine en invitée d'honneur, et tous les acteurs du secteur réunis pour réaffirmer l'importance de l'animation sous toutes ses formes à travers le monde. Hélas, comme tant d'autres, Annecy avait dû se résoudre à annuler son festival 2020 le 7 avril dernier, pour le remplacer par une version numérique.

Si ce grand rendez-vous annuel manquera à chacun, professionnels comme grand public, on ne peut que se réjouir de penser que le cinéma d'animation, ses acteurs et ses amateurs n'en feront pas les frais. Du 15 au 30 juin prochain (soit une durée doublée par rapport aux dates initiales), Annecy se réinventera donc en ligne, et proposera sur une plate-forme dédiée la majorité de sa sélection ainsi que des contenus exclusifs. Le 60e anniversaire et l'hommage à l’animation du continent africain seront en revanche reportés à 2021.

Si l'on attend de connaître les modalités et détails de ce festival 2020 dématérialisé, et notamment tout ce qui concerne le Marché, la sélection de courts métrages a elle d'ores et déjà été annoncée. Elle se compose donc de 37 films en compétition officielle, 12 en Off-Limits, 20 en Perspectives, 10 dans la section Jeune public, 44 dans la compétition films de fin d’études, 21 films de TV et 35 films de commande.

Une offre foisonnante, dans laquelle on peut trouver à la fois des films déjà acclamés, comme Physique de la tristesse de Theodore Ushev, Genius Loci d'Adrien Mérigeau, How to disappear de Robin Klengel, Leonhard Müllner, Michael Stumpf, Aletsch Negative de Laurence Bonvin et des oeuvres attendues telles que Homeless Home d'Alberto Vasquez, Kosmonaut de Kaspar Jancis et Altötting d'Andreas Hykade. A noter dans la compétition étudiante la présence du très singulier Ce n'était pas la bonne montagne, Mohammad de Mili Pecherer (réalisé au Fresnoy et passé par Berlin) ainsi que de 1000 rêves : Zenti l'invincible, le nouveau film de Jonathan Phanhsay-Chamson dont on avait vu en 2019 le très puissant Big Boy et l'année précédente le déjà très réussi Les enfants du béton.

La sélection longs métrages ainsi que les films en réalité virtuelle seront quant à eux annoncés mi-mai, ainsi que les autres contenus proposés par le Festival. Si l'on est à peu près sûr que les festivaliers numériques devront cette année se passer de fondue et autre croziflette, à moins de les préparer eux-mêmes, on espère en revanche que cette version dématérialisée d'Annecy offrira malgré tout un espace de rencontres, échanges et partages ouvert à tous, professionnels comme spectateurs.

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Pour en savoir plus sur la sélection officielle

Et si on regardait… les courts de Manifest

Posté par kristofy, le 15 avril 2020

Manifest est née de la volonté de trois sociétés de production (Les Fées Productions, Offshore, Filmo), rejoint plus tard par 5A7 Films, Plus de Prod & Méroé Films, de mutualiser leurs compétences afin de valoriser la diffusion en festivals et l’exploitation en France et à l’international de leurs films de courts métrages.

Plus d'une trentaine de courts métrages sont à découvrir gratuitement en ligne.

Voici un programme spécial quarantaine pour les jours à venir (il en reste beaucoup). Pour une durée limitée, le meilleur de leur catalogue est à visionner en ligne gratuitement, sur leur chaîne Vimeo.

Des court-métrages réalisés par nos talentueux réalisateurs tels que Arthur Cahn, Sylvain Robineau, Stéphane Ly-Cuong, Maud Garnier, Axel Courtière, Terence Nance, Sarah Arnold, Manon Coubia, Fabien Ara, Valérie Leroy ou Thomas Petit…

En voici trois à découvrir.

Il était une fois mon prince viendra de Lola Naymark
avec Nina Meurisse, Bastien Bouillon, Jacques Boudet
Luna, 27 ans, rêve du prince charmant et de la vie de château depuis l’arrière boutique de la boulangerie où elle travaille. Dans la même journée, son chemin va croiser une poubelle plein de billets et un jeune homme qui bégaie. Que faire de nos rêves d’enfants quand on a bientôt trente ans ?

Laissez-moi danser de Valérie Leroy
Nomination au César du meilleur court métrage
Mylène, 45 ans, est femme de ménage sur un ferry. Ce soir ses collègues lui ont organisée une fête surprise pour son anniversaire. Mais sur l’enveloppe qu’on lui tend, il y a l’ancien prénom de Mylène, son prénom d’homme, son ancienne vie. Qui peut vouloir trahir sa transidentité? Dans la clameur de la fête où commence à gronder les revendications sociales de ces femmes exploitées, Mylène va devoir enquêter

Solo Rex de François Bierry
Festival International du Film d’Amour de Mons - Prix du Meilleur Court Métrage International
avec Wim Willaert, Lucas Moreau, Garance Marillier
Érik est un bûcheron solitaire. Kevin est un jeune conducteur de la fanfare cycliste du village. Érik ne sort jamais sans sa vieille jument. Kevin a le béguin pour la clarinettiste. Ils devront apprendre à deux.

Annulation de la Quinzaine des Réalisateurs, de la Semaine de la Critique et de l’ACID

Posté par vincy, le 15 avril 2020

"À la suite de l'annonce du Président de la République du lundi 13 avril 2020 interdisant tout festival jusqu'à mi-juillet, les sections parallèles du Festival de Cannes prennent acte que le report envisagé fin juin début juillet n’est plus possible. Par conséquent, la Quinzaine des Réalisateurs, la Semaine de la Critique et l'ACID ont le regret d’annoncer l’annulation de leurs éditions cannoises 2020" annoncent dans un communiqué commun les trois sélections parallèles du festival.

"La crise sanitaire à laquelle nous sommes confrontés ne nous permet pas de prévoir concrètement la suite des événements. Afin de soutenir l’ensemble du secteur cinématographique, très affecté par la situation présente, chaque section, en concertation avec le Festival de Cannes, étudie cependant la meilleure façon de continuer à accompagner les films soumis à leur édition 2020" ajoutent les trois organismes.

Pour le cinéma indépendant, cette annulation est un coup dur. Les producteurs devront attendre l'été et l'automne pour espérer se faire une place dans les festivals. A moins de garder le film au frais jusqu'à l'année prochaine...

« Le Festival de Cannes ne peut pas être organisé cette année sous sa forme initiale »

Posté par vincy, le 14 avril 2020

Le président de la République Emmanuel Macron l'a annoncé hier: les salles de cinémas resteront fermés au-delà du 11 mai et les festivals culturels (musique, théâtre, cinéma) ne pourront pas avoir lieu avant la mi-juillet: Avignon annulé, comme les Francopholies, le Champs-Elysées Film festival ou le festival de cinéma de La Rochelle. Le Festival de Cannes, qui avait opté pour un report entre le 23 juin et le 5 juillet, devait donc prendre acte de ce nouveau calendrier.

"Suite à la déclaration du Président de la République du lundi 13 avril, nous avons pris acte que le report envisagé à fin juin début juillet pour la 73e édition du Festival International du Film de Cannes n’est plus possible à cette date. Il apparaît désormais difficile de penser que le Festival de Cannes puisse être organisé cette année sous sa forme initiale" annonce le Festival dans un communiqué. Il ajoute: "Nous espérons être en mesure de communiquer rapidement sur les formes que pourrait prendre ce Cannes 2020."

Idéalement, si celui de Venise était décalé, Cannes pourrait reprendre sa place. Mais cela pourrait aussi prendre une toute autre forme à d'autres dates.

"Nous avons commencé hier soir de nombreuses consultations dans le milieu professionnel en France et à l’étranger. Elles s'accordent sur le fait que le Festival de Cannes, qui est un instrument essentiel de soutien à l’industrie cinématographique, doit continuer à étudier l’ensemble des éventualités permettant d’accompagner l’année cinéma en faisant exister les films de Cannes 2020 d’une manière ou d’une autre" précisent les organisateurs.

"Quand la crise sanitaire, dont la résolution reste la priorité de tous, sera passée, il faudra redire et démontrer l’importance et la place que le cinéma, ses œuvres, ses artistes, ses professionnels et ses salles et leurs publics occupent dans nos vies. C’est à cela que le Festival de Cannes, son Marché du film et les sections parallèles (Semaine de la Critique, Quinzaine des Réalisateurs, ACID) entendent contribuer. Nous nous y engageons et remercions tous ceux qui sont à nos côtés, les responsables publics (Mairie de Cannes, Ministère de la Culture, CNC), les professionnels ainsi que nos partenaires" affirme le Festival.

Et si on binge-watchait… Elite sur Netflix

Posté par wyzman, le 14 avril 2020

En attendant le 11 mai, Ecran Noir vous propose de (re)découvrir certaines séries passées ou encore sur vos écrans. Et parce que cette période de confinement s’accompagne pour beaucoup d’entre nous d’une hausse de la créativité au moment de faire des nudes, on ne peut que leur recommander de jeter un coup d’oeil à Elite.

C’est le mix réussi de Gossip Girl et How to Get Away with Murder. Avant même son lancement en octobre 2018, l’arrivée d’Elite sur le géant du streaming était accompagnée d’un léger parfum d’interdit. Créée par Dario Madrona et Carlos Montero, Elite met en scène la rentrée de trois étudiants de la classe populaire espagnols à Las Encinas, l’école la plus huppée du pays, après que leur lycée d'origine s’est effondré. S’ils tentent comme ils peuvent de s’intégrer, Samuel, Nadia et Christian ne cessent d’être méprisés par leurs camarades, tous issus de l’élite. Mais les choses deviennent passionnantes lorsque le corps de Marina, une élève de Las Encinas, est retrouvé sans vie. Cela ne vous rappelle rien ? Gossip Girl et How to Get Away with Murder bien sûr !

Elite emprunte à la première l’ensemble de ses codes esthétiques : l’uniforme des élèves, la mise en scène de cliques propres aux années lycée, l’utilisation d’espaces luxueux pour donner vie aux personnages et enfin une bande-son des plus contemporaines ! Aya Nakamura, MHD, Rosalia, AaRON, Swedish House Mafia, The Kills, CHVRCHES, Charli XCX et Asaf Avidan sont autant d'artistes présents dessus. Au niveau du scénario, les rôles d’outsiders occupés par Dan et Jenny Humphrey dans l’Upper East Side reviennent à par Samuel, Nadia et Christian. Quant à How to Get Away with Murder, il est évident qu’elle a donné beaucoup d’idées aux créateurs. De l’arme du crime de la saison 1 à la solidarité de la saison 3 en passant par les flash-backs à outrance de la saison 2, Elite a tout d’un HTGAWM pour adolescents hispaniques au premier abord.

C’est une série à ne pas mettre devant les yeux de tout le monde. Depuis les lancements de House Of Cards et Orange Is the New Black en 2013, nous le savons : Netflix tend à représenter le plus de personnes possibles dans ses productions originales. Et comme l’adolescence va de pair avec la quête d’identité — notamment sexuelle —, vous ne serez pas surpris de trouver dans Elite des personnages hétérosexuels, homosexuels et bisexuels. Il se murmure même que les saisons 4 et 5 (si celles-ci sont produites et mettent en scène un nouveau casting) devraient accueillir un personnage transgenre.

Les scènes de sexe et d’euphorie collective sont devenues la marque de fabrique de la série. Mais ce serait oublier son intrigue principale : la mort d’une lycéenne. Et en nous présentant les relations de ces futurs adultes sans prendre de gant, Elite en dit long sur les rapports qu’entretiennent les ados d’aujourd’hui. Peut-être même plus que n’importe quel teen soap avant lui. Les notions de bien et de mal, de moralité et de sacrifice ainsi que celles d’honneur et de culpabilité sont explorées avec une minutie toute particulière et parfois éreintante. Car il se passe dans Elite ce qu’il se passe souvent dans le monde réel : la culpabilité ronge mais ne s’accompagne pas nécessairement d’un soulagement pour les familles de victimes. Sous ses airs de série pour ados un peu trop vernie, Elite se révèle bien plus complexe et humaine.

C’est un programme qui a une fin. On le sait, de nombreuses séries sont annulées sans que les scénaristes aient eu le temps de rédiger une véritable conclusion. De Hannibal à Devious Maids en passant par The Family ou encore Kyle XY, les exemples sont nombreux. Mais avec Elite, les choses sont différentes. Si Gossip Girl et Veronica Mars se sont royalement vautrées au moment où leurs personnages sont entrés à l’université, Elite se concentre activement sur les dernières années de lycée d’étudiants particulièrement créatifs et malins. C’est parce que celle-ci dispose d’une fin des plus satisfaisantes (voir l’épilogue de la saison 3 en ligne depuis le 13 mars) que l’on ne peut que vous la présenter pour ce qu’elle est : un programme sexy et savoureux. Et si le casting venait à vous manquer, n’oubliez pas que tous les acteurs et actrices du programme sont sur Instagram — l’occasion de poursuivre l’exploration du corps de certain.e.s !

Elite, l’intégrale disponible sur Netflix ici.

7 films pour survivre au confinement (partie 2)

Posté par wyzman, le 13 avril 2020

Pour ne pas sombrer dans l’ennui pendant ce confinement, la rédaction d’Ecran Noir vous propose toutes les semaines une sélection de 7 films disponibles en VOD. L’occasion de redécouvrir des pépites oubliées ou de prendre de belles claques !

Fenêtre sur cour d'Alfred Hitchcock (La Cinetek)

Vous vous plaignez d’être enfermés ? Ça pourrait être pire avec une jambe dans le plâtre. Mais bon vous n’avez peut-être pas Grace Kelly comme aide soignante. Profitez en pour faire marcher votre imagination en regardant à la fenêtre (ça fait du bien de rendre le soleil). Voyeur, ce n’est pas interdit. Et Hitchcock en fait d’ailleurs un brillant suspens.

Le médecin de famille de Lucia Puenzo (Universciné)

Raoult ou pas Raoult, peu importe. Au moins lui tente de sauver des vies. Alors qu’ici Josef Mengele, médecin diabolique nazi réfugié en Argentine, s’adonne à des expériences thérapeutiques autrement plus effroyables. Il ne fait pas bon d’être malade et de le fréquenter. De quoi vous faire frissonner sur les manipulations génétiques.

L’impossible monsieur bébé de Howard Hawks (La Cinetek)

Qui dit confinement dit besoin de rire, et si ce n'est pas l'une des meilleures comédies au monde, on ne sait pas ce qu'il vous faut ! Cary Grant, Katherine Hepburn, un léopard : tous les ingrédients pour une succession de scènes virevoltantes et légères comme des bulles de champagne.

Pris au piège d'Alex de la Iglesia (Netflix)

Rentrer dans un bar pour s'y réfugier quand y'a des gens qui se font tirer dessus alors c'est un bon abri, il y a à boire et aussi d'autres gens pour comprendre ce qui se passe dehors. Rester confiné dans ce bar trop longtemps n'est pourtant peut-être pas une bonne stratégie, car il faut bien choisir avec qui sympathiser…

Solaris d'Andreï Tarkovski (La Cinetek)

Une station orbitale quasi déserte, un scientifique veuf et inconsolable, des apparitions d'êtres venus du passé... la science-fiction selon Tarkovski, qui adapte le formidable roman de Stanislas Lem, est dépouillée, contemplative et métaphysique. Ici, le confinement est aussi bien mental que physique, et nous ferait presque oublier notre propre condition.

The Revenant d’Alejandro Gonzalez Inarritu (Netflix)

Envie d’un grand western et d’un film avec Leonardo DiCaprio ? The Revenant est fait pour vous ! En 1823, le trappeur Hugh Glass est laissé pour mort par ses coéquipiers après avoir été attaqué par un ours. Plus coriace que prévu, il se lance à la recherche de l’homme qu’il a trahi. Un survival movie comme on en voit rarement porté par la grâce d’un acteur enfin oscarisé.

The Silence de John R. Leonetti (Netflix)

Les fans de Bird Box aimeront The Silence… Alors que d’horribles créatures envahissent la Terre pour chasser les hommes au bruit, une famille se réfugie dans un lieu isolé avant d’être confronté à un culte fasciné par les sens développés de leur fille sourde Ally. Consistant et flippant, The Silence peut compter sur son casting : Stanley Tucci du Diable s’habille en Prada et Kiernan Shipka et Miranda Otto des Nouvelles Aventures de Sabrina.

BONUS : Triangle de Christopher Smith (Prime Video)

Si vous êtes confiné entre amis sur un petit bateau secoué par une grosse tempête, la seule chose à espérer est d'être secouru par un gros navire : mais pas celui-ci. Le paquebot est gigantesque et pourtant bizarre il semble n'y avoir personne à bord, sauf peut-être quelqu'un qui vous ressemble beaucoup et qui cherche à vous tuer ! On peut perdre la tête à se retrouver isolé…

Et si on regardait… Sa dernière volonté

Posté par vincy, le 12 avril 2020

Adapté d’un roman américain, Sa dernière volonté (The Last Thing He Wanted), présenté à Sundance, est un mélange de film noir, de thriller politique et de film « complotiste ». On peut le voir sur Netflix depuis le 20 janvier.

Le film de Dee Rees (Empire, Mudbound) réunit Anne Hathaway, Ben Affleck, Rosie Perez, Edi Gathegi, Toby Jones, et Willem Dafoe. Ce méli-mélo de film noir, drame romantique et polar d'espionnage a de quoi attirer la curiosité d'un cinéphile.

Nous voici replongés dans les années 1980, sous le règne tout puissant de Reagan, en pleine campagne électorale pour sa réélection. Mais en coulisses, un scandale couve : les liens troubles entre Washington, la CIA, les trafiquants d’armes et de drogue et les rebelles anticommunistes en Amérique centrale. Auxquels se mêlent les services secrets français.

A travers une journaliste – Anne Hathaway, qui sauve toutes les faiblesses du scénario et brille dans ce rôle de journaliste flirtant avec le danger, égarée et manipulée – on va ainsi découvrir les rouages d’une odieuse politique impérialiste, cupide, opaque et immorale.

Car c’est bien son personnage qui nous happe malgré la complexité des imbroglios et liaisons dangereuses. Parfois le récit est confus, on s’y perd, un peu comme l’héroïne, entre tous ceux qui tirent les ficelles, jouent double jeu, mentent ou menacent. Cela affaiblit assurément cette histoire pourtant très romanesque. A vouloir ménager le suspens, les scénaristes ont oublié d’être pédagogue et d’instruire clairement les affaires. On ne sait plus qui fait quoi, les enjeux de chacun, au fil des péripéties.

Pourtant on capte bien le tourbillon (de boue et de sang) dans laquelle est entraînée la journaliste. On voit bien qu’elle se perd dans ce labyrinthe de jungles et de lieux faussement paradisiaques. Elle perd le contrôle de sa destinée dès lors qu’elle devient la marionnette de chacun, ne sachant plus à qui se fier, se faisant bernée. Sa dernière volonté est un portrait de femme – revenue d’un cancer et mutilée de son sein gauche, loin de sa fille, divorcée, en deuil de ses parents – à la fois combattive et résistante, passionnée et résignée, égoïste et dévouée.

Une femme qui finalement est victime de ce pouvoir patriarcal et de ces jeux entre mâles. Non pas parce qu’elle est faible, mais bien parce qu’elle les dérange en étant plus persévérante et clairvoyante. C’est à travers ses yeux qu’on voit le monde horrible, pour ne pas dire l’enfer, qui l’entoure. Que les diables soient en costume cravate ou en treillis. De toute façon, ils ont peu de considération pour ceux qui parasitent leurs ambitions et sont prêts à toutes les trahisons, même les plus fatales.

Et si on regardait… Spenser Confidential

Posté par vincy, le 11 avril 2020

Gros succès sur Netflix depuis sa mis en ligne le 6 mars, Spenser Confidential est la cinquième collaboration entre le réalisateur Peter Berg et la star Mark Walhlberg. Pas plus mauvais que leurs autres films diffusés en salles, ce thriller sur fond de corruption et de rédemption - sans atteindre le niveau de Traque à Boston, leur meilleur film - a un sacré goût vintage dans la forme.

La musique en est un bon indicateur. La bande originale du film mélange les époques mais, à l'écouter, on se croirait plonger dans les années 80, dans une histoire proche de celles du Flic de Beverly Hills, en plus noir et plus brutal, comme si Martin Riggs (le personnage de Mel Gibson dans L'Arme fatale) s'invitait dans cette enquête sur des ripoux.

Spenser Confindential est à l'origine une série TV des années 1980 justement, créée par Robert B. Parker, auteur des romans autour du détective. Il a imaginé le personnage en 1973 (en France, on retrouve ses enquêtes dans la "Série noire" de Gallimard). 40 bouquins plus tard, à sa mort en 2010, la série est reprise, avec l'accord des héritiers, par Ace Atkins, qui en produit par an, dont Wonderland en 2013, qui est la base du scénario de ce film.

Série télévisé, série romanesque: on le comprend dès l'épilogue, Spenser Confidential est amené à être une franchise. Une de ces séries B qui se consomment facilement un dimanche soir sur Netflix (ou n'importe quel jour et à n'importe quelle heure si on est confinés).

Car il ne faut pas s'attendre à autre chose qu'un honnête polar porté par un mâle alpha, qui sait cogner (mais il se sert du cognitif aussi). Dans ce monde très masculin, entre un ex taulard/ex flic, des flics pourris, des flics butés, et des agents du FBI qui attendent de cueillir les survivants, il faut toute la dérision d'Alan Arkin (Argo), la drôlerie folledingue d'Iliza Schlesinger (dont on peut voir les shows humoristiques sur Netflix) et la douceur décalée de Winston Duke (Black Panther) pour que le film ne verse pas dans une surdose de testostérone obsolète (ça allait bien sous Schwarzenegger, mais là il est confiné avec son arche de Noé).

Le bon (mais trop con?), la brute (héroïque) et les truands (tous hypocrites) offrent donc un film divertissant, prévisible sans aucun doute. Spenser n'est pas Jack Reacher. C'est un flic lambda aux valeurs chrétiennes solides. Le film est à son image: sans prétention. On regrette presque que l'aspect buddy movie (cher aux années 1980) ne soit pas plus exploité, d'autant que le personnage de Winston Duke est de loin le plus attachant et le plus singulier.

Si Peter Berg semble plus inspiré par la mise en place de son histoire, pour la dérouler ensuite de façon très classique, on lui reprochera surtout de ne pas ménager vraiment le suspens. Spenser Confidential souffre d'un scénario trop balisé, qui empêche le film de surprendre ou de se renouveler. Mais au moins, en s'évitant des scènes d'action gratuites et inutiles, en conservant un bon rythme, et en se délectant de ses quatre acteurs principaux, il utilise une bonne vieille recette de romans "pulp", de ces polars de gare, où on se fiche finalement de l'enjeu. Ce qui compte, finalement, c'est l'humanité surgissant des failles et des névroses de son quatuor savoureux.

Et si on regardait… L’homme de Rio

Posté par vincy, le 10 avril 2020

Vendredi à 14h, France 2 diffuse l'inusable comédie d'aventure L'Homme de Rio. (Et sur La Cinetek pour ceux qui sont abonnés)

C'est sans doute le must du genre dans le cinéma français, qui a d'ailleurs les honneurs de Cannes Classics en 2013. Une semaine après Le Sauvage, dont la filiation est évidente. Ecrit par Philippe de Broca, Daniel Boulanger, Ariane Mnouchkine et Jean-Paul Rappeneau (rien que ça), le film réunit Jean-Paul Belmondo, qui vient de fêter ses 87 ans, et la regrettée (mais sublime éternellement) Françoise Dorléac. Le scénario, fortement influencé par les aventures de Tintin, a été nommé aux Oscars (c'est dire la qualité).

A ces deux stars, s'ajoute un générique salivant: Jean Servais, Simone Renant, Adolfo Celi, Roger Dumas, Daniel Ceccaldi, et le jeune Ubiracy De Oliveira alias sir Winston, le petit cireur de chaussures.

Aventure exotique jusque dans la forêt amazonienne, en passant par Rio et Brasilia (en construction), romantisme (à l'américaine: c'est la femme qui mène l'homme à la baguette), dérision. Le mix est réussi et a inspiré Lawrence Kasdan pour Les aventuriers de l’Arche perdue, Luc Besson, Hayao Miyazaki et Michel Hazanavicius, entre autres.

Il faut dire que c'est une leçon dans le genre: du rythme, du charme, des personnages secondaires mémorables, des répliques cultes, de l'action et ce qu'il faut de méchants, dragons à terrasser et statuettes à déterrer.

Outre le scénario exquis, les dialogues ciselés, un second degré délicat, c’est bien entendu le duo de charme Belmondo-Dorléac qui fait mouche. En amoureux transi, prêt à bondir sur des planches à des dizaines de mètres au dessus du sol (il réalise pour la première fois ses propres cascades) ou tout simplement à se soumettre à tous les caprices de sa dulcinée (y compris en choisissant une voiture rose avec des étoiles vertes), Bébel est à la fois héroïque et vulnérable, viril et sensible. Il symbolise de manière avant-gardiste l’homme moderne, ni macho, ni métrosexuel. Quant à sa partenaire, elle est au sommet de sa beauté, parvient à passer de la mélancolie à l’acuité, de ses rêvasseries délirantes à un rire presque espiègle. Elle incarne la féminité à la perfection, libre et malicieuse. Difficile de ne pas succomber à ce duo de stars.

De Broca nous emmène sans accros de vastes paysages à une grotte dans la jungle, comme on s'enfonce dans un entonnoir, un piège qui servira de tombeau (ça change des pyramides). Cette spirale vers la mort permettra à aussi à Orphée de sauver son Eurydice des enfers d'un homme jaloux, possessif, cupide et dominateur (coucou #metoo).

Ces 12 travaux d’Adrien, lancé par la princesse aux yeux mécaniques et au sourire irrésistible, sont une parenthèse enchantée jamais égalée, à l'exception des films de Rappeneau sans doute. Une sacrée aventure aussi burlesque qu'héroïque, qui file à vive allure. Une grande vadrouille par delà les océans qui a su traverser le temps.