Annecy 2020 – le film du jour : Physique de la tristesse de Theodore Ushev

Posté par MpM, le 15 juin 2020

Puisque cette année, Annecy se déroule en ligne, Ecran Noir se fait votre guide parmi les différentes sections et vous aide à savoir ce qu'il ne faut surtout pas rater ! Pour les plus pressés, nous mettons en lumière chaque jour un film qui nous semble indispensable. Pour les autres, nous ajoutons quelques conseils supplémentaires à grapiller dans le même programme. Et enfin, pour les plus gourmands, on va plus loin avec des idées de films, hors festival, à regarder en ligne pour prolonger le plaisir...

En ce premier jour, une évidence, un film dont on vous disait déjà tout le bien que l'on pensait en novembre dernier : Physique de la tristesse de Theodore Ushev, disponible dans la compétition de courts métrages dite "L'officielle" n°4.

Il s'agit incontestablement de l'un des courts métrages incontournables de l'année passée, dont la carrière a brillamment commencé à Toronto (prix du meilleur court métrage). Un film-somme intime et introspectif, qui frôle les 30 minutes de plaisir cinématographique pur.

Adapté du roman Physique de la mélancolie de l'écrivain bulgare Gueorgui Gospodinov, il s'agit d'un récit à la première personne qui fait écho avec acuité à la propre vie du réalisateur, et plus généralement de quiconque a connu l'exil, le désenchantement et la nostalgie de l'enfance. "J’avais l’impression d’y trouver, non seulement ma propre vie, mais celle de toute une génération également", explique Theodore Ushev, qui a lui-même quitté la Bulgarie pour le Québec à la fin des années 90.

Il est réalisé dans une technique d'animation unique que le cinéaste est le premier à mettre au point, celle de la peinture à l'encaustique. Jouant sur la perpétuelle métamorphose de l'image et sur la dualité lumière-obscurité, ce récit poignant nous entraîne dans les souvenirs d'un narrateur qui se remémore son enfance et sa jeunesse, tout en évoquant le déracinement et la mélancolie prégnante de ceux qui ne se sentent chez eux nulle part.

A voir dans le même programme, et c'est là aussi un incontournable, 10 000 ugly Inkblots, le nouveau film du réalisateur russe Dmitry Geller (primé à Annecy en 2001 avec Hello from Kislovodsk) : qui raconte les retrouvailles entre deux artistes ne s'étant pas vus depuis longtemps. Le titre fait référence à un tableau du peintre chinois paysagiste du XVIIe siècle, Shitao, réalisé à l'encre de Chine et au lavis, qui représente un paysage dans une forme presque abstraite, annonçant plusieurs siècles à l'avance le pointillisme comme le travail de Pollock.

Le récit s'attache principalement au trajet des deux hommes, et à leur attente à un passage à niveau, racontés par un mélange de plans relativement traditionnels sur les deux personnages et sur ce qui les entoure, et de passages beaucoup plus graphiques qui jouent sur l'esquisse des lignes et des fameuses tâches d'encre du titre. On est comme happé par ce travail de recherche sur le trait, la texture et les nuances de noir de ces éléments basiques qui reviennent aux origines du dessin, et se succèdent au rythme entêtant d'une musique jazzy presque stridente.

Autre film très attendu, Homeless home d'Alberto Vazquez signe le retour du réalisateur culte de Decorado et Psiconautas. Il nous entraîne dans un univers d'heroic fantasy parodique et désespéré, dans lequel nos propres maux (reproduction sociale, quête de soi-même, violence endémique) apparaissent comme dans un miroir grossissant. Comme toujours avec le cinéaste espagnol, le résultat est à la fois d'une noirceur extrême et d'une drôlerie grinçante et irrésistible.

Enfin, on vous conseille également Rivages, premier court produit de Sophie Racine, film sensoriel et immersif qui prend le temps d'observer la nature en action : des oiseaux dans le ciel, des herbes agitées par le vent, la mer qui se précipite sur des rochers... Le trait est extrêmement délicat, précis et sensible, et propose une oeuvre à la fois graphique et contemplative qui prend le contrepied d'un cinéma parfois excessivement narratif.

Et pour prolonger la (re)découverte de ces films et de leurs auteurs, nous vous encourageons à revoir Decorado et Sangre de Unicorno d'Alberto Vazquez et à vous pencher sur la travail de Theodore Ushev proposé sur le site de l'ONF ainsi que sur celui de Dmitry Geller, disponible sur sa page Vimeo. Nous vous invitons également à aller sur la page de Sophie Racine, où l'on trouve notamment son très beau premier court métrage, réalisé lors de ses études à la Cambre : L'échappée, à voir ci-dessous.

[We miss Cannes] Côté Courts #4 : Le sens de la vie

Posté par MpM, le 24 mai 2020

On achève ce petit tour d'horizon des courts métrages passés par la Croisette avec une thématique existentielle et introspective. Si le cinéma s'intéresse toujours plus ou moins au monde, à l'existence et au reste, certains films sont plus précisément des interrogations concrètes et métaphysiques sur le sens de la vie.

C'est le cas de l'insolent et cynique Decorado d'Alberto Vazquez (Quinzaine des Réalisateurs 2016), qui dévoile un univers peuplé de créatures animales tout en rondeur, en apparence mignonnes et inoffensives, mais en réalité dépressives et névrosées, aux prises avec une existence malsaine et dysfonctionnelle. Le personnage principal, dès le départ, dévoile sa plus grande crainte : et si son monde n'était qu'un décor ? Les scènes sombres, décalées et non dénuées d'absurdité se succèdent ensuite à un rythme lancinant et malaisant. Le spectateur hésite entre un rire cathartique et l'angoisse de ne que trop se reconnaitre dans ce portrait au vitriol d'une société d'artifices et de faux semblants.

Sur une note plus positive, Garri Bardine propose dans Listening to Beethoven (Quinzaine des Réalisateurs 2016 également) une parabole sur la nécessité d'être libre pour se sentir vivant. Dans une société dystopique et déshumanisée, des robots coupent et détruisent sans relâche toute manifestation d'une vie sauvage : le moindre brin d'herbe, la plus petite pousse, le plus timide bourgeon sont ainsi condamnés à une mort immédiate. Malgré tout, la nature ne cesse de lutter pour ses droits, et finit par triompher de la plus belle des manières.

Dans Limbo de Konstantina Kotzamani, une bande d'enfants est confrontée à la fois à une baleine échouée et à un jeune garçon albinos. Dans les deux cas, ils s'interrogent afin de savoir si ces deux êtres sont vivants ou morts. Et le film de nous emporter dans un récit sensoriel et hypnotique, à la beauté sidérante, qui flirte avec les grandes peurs millénaires et les interrogations qui taraudent l'être humain depuis la nuit des temps.

Enfin, petit bonus de ce dernier programme en hommage à Cannes, et en attendant de vous parler des courts métrages qui auraient dû faire leur première sur la croisette cette année, impossible de ne pas penser à Min Borda (The Burden) de Niki Lindroth von Bahr (Quinzaine des Réalisateurs 2017), comédie musicale animalière en stop motion dans laquelle des poissons solitaires, des singes travaillant dans un centre d'appel et des souris employées de fast-food chantent leur mal de vivre. Entre dérision hilarante et constat terrifiant, il nous renvoie le terrible miroir d'une société où plus rien ne tourne rond. Disponible uniquement en VoD, mais on vous promet que l'expérience vaut le détour !

Pour découvrir notre mini-programme en ligne :

Decorado d'Alberto Vasquez 2016 QR
Listening to Beethoven de Garri Bardine
Limbo de Konstantina Kotzamani
Min Borda de Niki Lindroth von Bahr

Et pour retrouver nos trois premiers programmes, c'est par ici, par là et encore par là !

Annecy 2020 se réinvente en ligne

Posté par redaction, le 16 avril 2020

Ca devait être l'année du soixantième anniversaire, une édition exceptionnelle avec l'animation africaine en invitée d'honneur, et tous les acteurs du secteur réunis pour réaffirmer l'importance de l'animation sous toutes ses formes à travers le monde. Hélas, comme tant d'autres, Annecy avait dû se résoudre à annuler son festival 2020 le 7 avril dernier, pour le remplacer par une version numérique.

Si ce grand rendez-vous annuel manquera à chacun, professionnels comme grand public, on ne peut que se réjouir de penser que le cinéma d'animation, ses acteurs et ses amateurs n'en feront pas les frais. Du 15 au 30 juin prochain (soit une durée doublée par rapport aux dates initiales), Annecy se réinventera donc en ligne, et proposera sur une plate-forme dédiée la majorité de sa sélection ainsi que des contenus exclusifs. Le 60e anniversaire et l'hommage à l’animation du continent africain seront en revanche reportés à 2021.

Si l'on attend de connaître les modalités et détails de ce festival 2020 dématérialisé, et notamment tout ce qui concerne le Marché, la sélection de courts métrages a elle d'ores et déjà été annoncée. Elle se compose donc de 37 films en compétition officielle, 12 en Off-Limits, 20 en Perspectives, 10 dans la section Jeune public, 44 dans la compétition films de fin d’études, 21 films de TV et 35 films de commande.

Une offre foisonnante, dans laquelle on peut trouver à la fois des films déjà acclamés, comme Physique de la tristesse de Theodore Ushev, Genius Loci d'Adrien Mérigeau, How to disappear de Robin Klengel, Leonhard Müllner, Michael Stumpf, Aletsch Negative de Laurence Bonvin et des oeuvres attendues telles que Homeless Home d'Alberto Vasquez, Kosmonaut de Kaspar Jancis et Altötting d'Andreas Hykade. A noter dans la compétition étudiante la présence du très singulier Ce n'était pas la bonne montagne, Mohammad de Mili Pecherer (réalisé au Fresnoy et passé par Berlin) ainsi que de 1000 rêves : Zenti l'invincible, le nouveau film de Jonathan Phanhsay-Chamson dont on avait vu en 2019 le très puissant Big Boy et l'année précédente le déjà très réussi Les enfants du béton.

La sélection longs métrages ainsi que les films en réalité virtuelle seront quant à eux annoncés mi-mai, ainsi que les autres contenus proposés par le Festival. Si l'on est à peu près sûr que les festivaliers numériques devront cette année se passer de fondue et autre croziflette, à moins de les préparer eux-mêmes, on espère en revanche que cette version dématérialisée d'Annecy offrira malgré tout un espace de rencontres, échanges et partages ouvert à tous, professionnels comme spectateurs.

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Pour en savoir plus sur la sélection officielle

Cartoon Movie 2018 : retour sur nos projets préférés

Posté par MpM, le 26 mars 2018

Les 8 et 9 mars dernier se tenait la 20e édition du Cartoon Movie, grand rendez-vous européen des professionnels du film d'animation.  Sur la grosse cinquantaine de projets en cours (sous forme de concept, en développement ou en production) présentés à cette occasion, nous en avons retenus douze dont nous espérons qu'ils atteindront un jour nos grands écrans.

Petit tour d'horizon des longs métrages d'après-demain.

* Allah n'est pas obligé de Zaven Najjar (Special Touch Studio, Paul Thiltges Distributions)


Pour son premier long métrage, le réalisateur, animateur et illustrateur Zaven Najjar adapte Allah n'est pas obligé d'Ahmadou Kourouma, prix Renaudot et Goncourt des Lycéens 2000. Dans un ton très libre, un enfant-soldat du Libéria de la fin des années 90 raconte son quotidien au cœur de la guerre civile. Pensé comme un road movie tragi-comique, le film mettra en scène le garçon et son ami, "féticheur en chef", deux pieds-nickelés pris dans les aléas de l'Histoire.

Le réalisateur a conservé le ton très spécifique du roman, à la fois drôle, émouvant et corrosif, qui permet de filtrer la dureté du contexte, au même titre que le travail réalisé sur l'animation, assez épurée, et constituée notamment de grands aplats de couleurs pastels avec des touches de couleurs vives.

Pourquoi on attend le film
On est assez curieux de découvrir comment le film relèvera le défi de transcrire à l’écran le ton si particulier du roman d'Ahmadou Kourouma, tout en lui apportant une forme de réalité forcément plus frontale du fait de la représentation concrète du contexte de guerre. Avec, à la clef, l'idée d'utiliser l'animation (encore trop souvent considérée comme une forme d'expression à destination du jeune public) pour aborder des événements tragiques et universels.

* Bunuel dans le labyrinthe des tortues de Salvador Simo (The glow animation studio, Submarine)


Le film de Salvador Simo est déjà très avancé, et on a pu en découvrir une dizaine de minutes à Bordeaux. Adapté du livre éponyme de Fermin Solis, il raconte un épisode particulier de la vie du cinéaste Luis Bunuel, le tournage du film Terre sans pain financé avec l’argent gagné à la loterie par son ami Ramon Acin.

Dans une forme assez classique, Bunuel dans le labyrinthe des tortues se concentre sur l’amitié indéfectible entre les deux hommes, et mêle la reconstitution du tournage aux véritables images tournées à l’époque par Bunuel. Ces archives offrent un contre champ frappant au récit et viennent en support à la démonstration de la prise de position de Bunuel contre la société. L’un des défis esthétiques du film est de reconstituer au plus près les lieux de l’époque, et d’incarner les rêves fantastiques de Bunuel dans des séquences que ne renierait pas le surréalisme.

Pourquoi on attend le film
C’est un aspect méconnu de l’œuvre éclectique de Bunuel qu’explore le film. Ce faisant, il revisite sa confrontation avec les réalités sociales les plus cruelles de son pays, et révèle un tournant capital dans l’œuvre du cinéaste.

* La Fameuse invasion des ours en Sicile de Lorenzo Mattotti (Prima Linea Productions)


Cette adaptation par l'illustrateur et auteur de BD Lorenzo Mattotti du seul roman jeunesse de Dino Buzatti est elle aussi à un stade assez avancé, et on a pu voir à Bordeaux de nombreuses images alléchantes du film qui s'annonce assez spectaculaire, avec pas loin de mille décors différents. Le rendu est assez lissé, avec des personnages relativement minimalistes, mais des paysages grandioses conçus dans de grands aplats de couleurs. Le réalisateur s'est inspiré des illustrations de Buzatti lui-même, et a ajouté au récit deux personnages féminins (les femmes étaient absentes du roman original).

C'est Thomas Bidegain et Jean-Luc Fromental qui se sont chargés de l'adaptation. Le film raconte comment, suite à l'enlèvement de son fils Tonio par des chasseurs, le roi des Ours décide d'envahir la Sicile. Mais Humains et Ours ne sont pas fait pour cohabiter.

Pourquoi on attend le film
En plus d'être une grande fresque pleine de couleurs et de rebondissements, La fameuse invasion des ours en Sicile parle de choses dures et réelles (la guerre, l'intolérance, le vivre ensemble) par le biais du merveilleux, et fait ainsi écho à sa manière à la situation mondiale.

* Le Noël des animaux d'Olesya Shchukina, Camille Alméras, Caroline Attia, Ceylan Beyoglu et Haruna Kishi (Les Valseurs)


Il s’agit d’un programme de cinq courts métrages conçus avec une identité visuelle commune, dans des techniques d’animation artisanales (2D, papiers découpés) et un rendu un peu rétro. Les films auront en commun les thématiques de Noël, des animaux et de l’hiver, dans une tonalité tendre et gaie.

La société Les Valseurs qui est à l’initiative du projet a fait appel à 5 réalisatrices ayant une expérience sur ce genre de techniques et d’univers : Olesya Shchukina, Camille Alméras, Caroline Attia, Ceylan Beyoglu et Haruna Kishi. Le programme est prévu pour Noël 2019.

Pourquoi on attend le film
C’est une jolie proposition de cinéma simple et tendre, mais pas mièvre, à destination des plus petits.

* Raven girl and the mother of the sea de Konrad Nuka Godtfresden (Angel Films)


Au stade du concept seulement, Raven girl and the mother of the sea mêle la mythologie du Groenland à la question fondamentale du changement climatique. L’héroïne est une petite fille qui a le pouvoir de se transformer en animal, et dont la mission est de sauver son village. Celui-ci est en effet menacé par la « mère de l’océan », exaspérée par la surpêche dans ses eaux. Le récit initiatique est ainsi très ancré dans une réalité contemporaine, où les enjeux environnementaux n'épargnent personne.

Pourquoi on attend le film
L’héroïne prise entre le monde moderne et celui des mythes ancestraux est a priori un personnage fort, susceptible d’initier intelligemment le spectateur au monde magique des anciennes légendes.

* The sea Wolf d'Emmanuel Gorinstein (Elda productions, Je suis bien content, Melusine Productions)


Autre adaptation ambitieuse, The sea Wolf s’attaque à un roman moins connu de Jack London (Le loup des mers) qui raconte comment un jeune journaliste enrôlé de force sur un bateau se retrouve en lutte avec son capitaine. À travers leur antagonisme, ce sont deux visions du monde qui s’opposent : d’un côté le respect de la justice et la protection des faibles, de l’autre la tyrannie et la loi du plus fort.

Le long métrage s’annonce comme un récit d’aventures mâtiné de quête initiatique, qui recherche la profondeur et la réflexion en plus du divertissement. Les quelques images présentées trahissent des choix esthétiques forts, entre modélisation 3D minutieuse du bateau et importance donnée aux visages des protagonistes, cadrés de près, comme pour souligner le duel qui s’annonce.

Pourquoi on attend le film
L’univers ultra romanesque de Jack London et le style graphique proposé forment un cocktail intrigant et prometteur.

* Slocum de Jean-François Laguionie (JPL Films)


Ce nouveau projet de Jean-François Laguionie (en parallèle de la suite au Château des singes, Le voyage du prince) s’annonce comme un film intimiste dans lequel les souvenirs de jeunesse du réalisateur serviront de cadre à la dramaturgie. Sur les bords de Marne, après guerre, un homme décide de construire un bateau dans son jardin. Son fils, avec lequel il a une relation complexe, pleine de pudeur et de non-dits, l’accompagne avec enthousiasme dans le projet, tout en découvrant le journal intime de Slocum (premier navigateur à avoir réalisé un tour du monde en solitaire sur un voilier).

Le scénario et l’animatique (maquette visuelle qui synchronise les images du story-board avec la bande-dialogues) se sont construits en même temps que la musique, et l’on a déjà pu découvrir de nombreuses belles images du projet conçu en gouache sur papier, de manière à laisser voir le grain. Jean-François Laguionie lui-même a avoué être de plus en plus attiré par « une image vraie », précisant :« C’est une question d’état d’esprit plus que de technique ».

Pourquoi on attend le film
L’histoire, ténue et intimiste comme c’était déjà le cas dans Louise en hiver, avec lequel Slocum formera d’ailleurs une sorte de diptyque, semble à priori d’une extrême sensibilité, portée par les magnifiques images-tableaux de Laguionie. La poésie sera indubitablement au rendez-vous.

* Unicorn Wars d'Alberto Vazquez (Autour de minuit, Uniko, Schmuby Productions, Abano Productions)


Attention, projet incontournable dans le monde de l’animation pour adultes et jeunes adultes ! Alberto Vazquez, le réalisateur multi-primé de Psiconautas et de Decorado, adapte son court métrage Sangre de Unicorno en un film de 85 minutes réalisé en animation traditionnelle.

Au cœur de la forêt magique, les gentils nounours et les jolies licornes s’entretuent dans une guerre terrible. Deux frères ennemis (des ours), se perdent après avoir échappé à l’embuscade qui a décimé toute leur patrouille. Commence pour eux un voyage réel et intérieur qui va mettre au jour leurs plus lourds secrets.

Pour nous donner une idée de l’ambiance de ce conte plutôt cauchemardesque qui mélange à la fois la religion, la nature et les relations hommes / femmes, Alberto Vazquez a précisé qu’il s’agirait en quelque sorte d’un mélange de Bambi, Apocalypse now et la Bible « trois de [ses] histoires de fiction préférées ».

Pourquoi on attend le film
Déjà parce que l’on a suffisamment aimé les précédents films d’Alberto Vazquez pour être prêt à le suivre sur n’importe quel projet. Mais surtout parce que cette guerre violente entre deux des créatures les plus mignonnes qu’on puisse imaginer est prometteuse en terme de dynamitage de codes, de satire au vitriol et de portrait désespéré de notre époque. Franchement, que demander de plus ?

* Les Voisins de mes voisins sont mes voisins d'Anne-Laure Daffis et Léo Marchand (Lardux Films)


Anne-Laure Daffis et Léo Marchand se lancent dans l’aventure du long métrage en « recyclant » certains de leurs anciens courts (La Saint festin, La vie sans truc...), réécrits et repensés pour s’intégrer dans un tout plus général. Comme dans un film choral traditionnel, quoi qu’à destination des enfants, les personnages (un ogre belge, un magicien qui a perdu les jambes de son assistante, un ingénieur en sudoku coincé dans l’ascenseur avec son chien qui parle...) se croisent et se répondent.

Les réalisateurs sont plus à la recherche de la cohérence que de la beauté, et citent notamment Le père Noël est une ordure en référence. Côté techniques, elles seront toutes mélangées, du collage à la prise de vue continue, en passant par la 3D ou l’animation traditionnelle.

Pourquoi on attend le film
Un long métrage qui devrait être joyeux et foutraque, si l’on en juge par l’existant !

* Le Voyage extraordinaire de Marona d'Anca Damian (Aparte Film, Sacrebleu Productions, Minds meet)


Autre film très attendu, le nouveau long métrage d’Anca Damian (Le voyage de M. Crulic, La montagne magique) s’annonce comme une fresque virtuose et intense portée par l’incroyable inventivité de sa réalisatrice. Le film est raconté à la première personne par son héroïne, une petite chienne qui a connu plusieurs foyers. Il mêlera différentes techniques (2D, 3D, cut-out) et proposera une identité visuelle propre à chacune des trois parties.

On a déjà pu voir quelques extraits du film (attendu pour janvier 2019) qui témoignent de la richesse des univers imaginés par Anca Damian dans une profusion d'inventions visuelles et de propositions formelles. L'une des séquences est notamment un hommage à 2001 Odyssée de l'espace, avec la petite chienne flottant au milieu de la profusion de crêpes fabriquées par son maître.

Pourquoi on attend le film
C'est une oeuvre ambitieuse qui met la barre très haut en terme d'expérimentation formelle, tout en s'adressant à un public familial élargi. Soit la définition de ce que devrait être l'animation jeune public.

* White plastic Sky de Tibor Banoczki et Sarolta Szabo (paprika Films, Salto Film, Artichoke)


Voilà un projet ambitieux et atypique que l’on rêve absolument de voir aboutir : un récit de science fiction sombre et follement romantique qui se déroule dans un univers post-apocalyptique magnifiquement transposé à l’écran dans des décors arides et désolés. En 2220, la terre est devenue infertile, les survivants vivent sous un gigantesque dôme de plastique, et les plantes doivent être cultivées dans des corps humains vivants.

Le couple de personnages principaux s’interroge sur le sens que la vie peut encore avoir dans ces conditions, et se lance dans un road movie en forme de course contre la montre pour sauver la jeune femme, à qui des plantes ont déjà été implantées. Un film qui se veut dans la lignée des grands récits de science fiction sombres et pessimistes sur l’avenir de l’Humanité. Le duo de réalisateurs cherche ainsi à s’inscrire dans la lignée de films tels que Les fils de l’homme pour le contexte, Valse avec Bashir pour l’esthétique (le film utilisera la rotoscopie) et On body and soul pour la formidable histoire d’amour qui unit les personnages principaux.

Pourquoi on attend le film
Les récits de science fiction qui n’hésitent pas à explorer les recoins les plus sombres de l’humanité sont si rares que l’on adhère sans hésiter à ce projet torturé et audacieux.

* Yuku et la fleur de l’Himalaya d'Arnaud Demuynck et Rémi Durin (La boîte,... Productions, Les films du Nord, Nadasdy Films)


Encore au stade du concept, ce projet musical destiné aux plus jeunes est porté par la même équipe artistique que celle qui avait réalisé Le parfum de la carotte. On y suit une famille de souris dont l’héroïne a des pouvoirs musicaux magiques. La partie musicale est déjà conçue, avec des chansons qui devraient faire un carton dans les cours de maternelle, comme le swing de l’écureuil amnésique ou le slam du lièvre bègue.

Pourquoi on attend le film
Avec le très beau duo Arnaud Demuynck (Le vent dans les roseaux, Sous un coin de ciel bleu) / Rémi Durin (De si près, La Licorne...)  à sa tête, le film bénéficie d’emblée d’une longue expérience dans une forme de cinéma jeune public intelligent et audacieux. On est forcément curieux de voir comment leur univers peut s’épanouir sur un format long.

Le Cartoon Movie de Bordeaux met le long métrage d’animation à l’honneur

Posté par MpM, le 8 mars 2018

Cartoon Movie, le rendez-vous européen des professionnels du film d'animation créé en 1999 avec le soutien de Creative Europe - MEDIA, est de retour à Bordeaux pour sa 20e édition. Entre le jeudi 8 et le vendredi 9 mars, ce sont 60 projets en provenance de 22 pays, dont 20 films produits ou coproduits par la France, qui seront présentés devant environ 900 professionnels de l'animation : producteurs, investisseurs, distributeurs, agents de vente, sociétés de jeux vidéos ou encore new media players dans le but d'établir coopérations et coproductions.

Les comédies familiales et films d'aventures pour enfants ont toujours la cote, puisqu'ils représentent 46 des 60 films présents, ce qui laisse malgré tout presque un quart des projets destinés à un public adulte ou adolescent. Vingt et un films sont encore à l’état de concept, six sont en cours de production, 26 sont en cours de développement et sept sont terminés, parmi lesquels Croc-blanc d'Alexandre Espigares qui sortira en salles le 28 mars prochain. Tous cherchent à accélérer le montage financier du projet, nouer des coproductions et coopérations transfrontalières ou simplement intéresser des distributeurs européens et internationaux.

Sont notamment attendus les nouveaux projets d'Alberto Vazquez (Psiconautas, Decorado), Jean-François Laguionie (Louise en hiver, Le Tableau) et Anca Damian (La montagne magique, Crulic), mais aussi l'adaptation par Lorenzo Mattotti du roman jeunesse de Dino Buzzati La fameuse invasion de la Sicile par les Ours, celle d'Allah n'est pas obligé d'Ahmadou Kourouma par Zaven Najjar ou encore celle de Dans la forêt sombre et mystérieuse de Winshluss alias Vincent Paronnaud par l'auteur lui-même et son complice Alexis Ducord.

Sur le papier, on est impatient et curieux de découvrir les longs métrages d'animation qui nous feront rêver dans les années à venir. En pratique, certains ne verront peut-être jamais le jour, ou seront de retour au Cartoon Movie l'année prochaine dans l'attente de passer une nouvelle étape de production. De quoi nous rappeler que l'animation est parfois un travail de très longue haleine (l'un des films  en développement présenté cette année, Kara de Sinem Sakaoglu, avait déjà fait l'objet d'un pitch au Cartoon Movie de 2013, et Croc-Blanc d'Alexandre Espigares y avait vu le jour en... 2006) et surtout un parcours du combattant rendu plus ardu par la potentielle frilosité des décideurs et l'incertitude de l'accueil en salles.

Il faudrait, pour continuer demain à découvrir au cinéma des longs métrages d'animation singuliers et audacieux, commencer par aller voir ceux qui sortent aujourd'hui, et montrer l'adhésion d'une part non négligeable du public à des oeuvres non formatées, voire exigeantes, qui s'adressent à des spectateurs adultes, ou font assez confiance aux enfants pour leur proposer des projets intelligents et éclectiques. C'est un début, mais il a le mérite d'être à la portée de tous.

Cinespana 2017 invite à toutes les rencontres

Posté par MpM, le 27 septembre 2017

La 22e édition de Cinespana, qui commence ce vendredi 29 septembre, est placée sous le signe du renouveau. Après la baisse drastique des subventions accordées à la manifestation en 2016, l'équipe organisatrice a tout mis en oeuvre pour que le festival se maintienne au niveau qui est le sien depuis sa création, faisant notamment appel à des mécènes privés.

"Grâce à la collaboration d’importantes institutions culturelles toulousaines, mais aussi d’artistes, de professionnels, d’exploitants, de techniciens, d’enseignants et de bénévoles, Cinespaña peut proposer cette année une programmation qui déborde amplement les frontières du cinéma et invite à toutes les rencontres" soulignent ainsi Alba Paz Roig et Loïc Diaz-Ronda, les deux co-directeurs de la programmation qui succèdent à Patrick Bernabé, en préambule du dossier de presse.

Et que nous réserve concrètement cette nouvelle édition ? Sur la forme, rien n'a changé : quatre compétitions (longs métrages récents, documentaires, "nouveaux réalisateurs", courts métrages), un panorama d’œuvres inédites et distribuées, des avant-premières, des hommages... Seules deux nouvelles sections ont fait leur apparition, reprenant et clarifiant ce qui existait jusqu'alors : le Labo, qui réunit cinéma de genre, animation, détournements et expérimentations filmiques en tout genre, et Miradas, espace de réflexion sur les enjeux de la société espagnole contemporaine consacré au documentaire.

Sur le fond, les festivaliers auront comme toujours des choix à faire entre les nombreux films présentés. Parmi les temps forts, on retrouve notamment : María (y los demás) de Nely Reguera et La Chana de Lucija Stojevic (tous les deux en ouverture) ; Abracadabra de Pablo Berger (en clôture et en avant-première avant sa sortie le 3 janvier prochain) ; Vivir y otras ficciones de Jo Sol (en compétition et en avant-première avant sa sortie le 6 décembre) ; le merveilleux Psiconautas de Pedro Rivero & Alberto Vázquez (en panorama) ; Incierta gloria de Agustí Villaronga (en première française) ; El bar de Álex de la Iglesia (en panorama, alors que le film n'est distribué que via Netflix) ; les courts métrages Decorado de Alberto Vázquez (pré-sélectionné aux césar), Morning Cowboy de Fernando Pomares (sélectionné à Berlin) et Contact de Alessandro Novelli (sélectionné à Annecy)...

Sans oublier la séance monographique consacrée à l'artiste Maria Canas ("la Vierge terroriste des archives") ; le cycle sur le cinéma quiqui (genre né à la fin des années 1970, avec pour personnage principal le jeune délinquant de banlieue et pour modèle les films américains de gangs, qui trahit un climat d'urgence sociale) ; l'hommage (en sa présence) à Álex Brendemühl et de nombreux autres ateliers, rencontres et séances jeune public. De quoi séduire comme chaque année les nombreux festivaliers et professionnels pour qui Cinespana est synonyme de carrefour incontournable de tous les cinémas espagnols.

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22e édition de Cinespana
Du 29 septembre au 8 octobre 2017 à Toulouse
Informations et horaires sur le site de la manifestation
Cinespana sur Ecran Noir depuis 2007

Première édition du Cartoon Movie de Bordeaux

Posté par MpM, le 5 mars 2017

Cartoon Movie, le rendez-vous européen des professionnels du film d'animation créé en 1999 avec le soutien de Creative Europe - MEDIA, s'installe pour la première fois à Bordeaux. Du 8 au 10 mars prochain, 55 projets en provenance de 19 pays, dont 17 films français, seront présentés devant plus de 800 producteurs de longs métrages d’animation, investisseurs, distributeurs, agents de vente, sociétés de jeux vidéos et new media players de 38 pays dans le but d'établir coopérations et coproductions.

Les comédies familiales et films d'aventures pour enfants ont toujours la cote, puisqu'ils représentent 35 des 55 projets, mais les longs métrages à destination d'un public plus adulte sont également bien présents, avec des thématiques tournant autour des abus sexuels, de la maladie d’Alzheimer ou encore du franquisme. Certains films sont encore à l’état de concept, d'autres en cours de production et la majorité en cours de développement. Tous cherchent à accélérer le montage financier du projet, nouer des coproductions et coopérations transfrontalières ou simplement intéresser des distributeurs européens et internationaux.

Sont notamment attendus Zombillenium, de l'auteur de bande dessinée Arthur de Pins, Buñuel in the Labyrinth of the Turtles de Salvador Simó qui retrace la vie de Luis Buñuel après la projection de L'âge d'or, Calamity, a childhood of Martha Jane Cannary, le nouveau projet de Rémi Chayé (Tout en haut du Monde) sur le personnage historique de Calamity Jane, Ooops! 2 de Toby Genkel et Sean McCormac, la suite de Ooops! Noah is gone ou encore Unicorn Wars d’Alberto Vazquez (Decorado, Psiconautas), Le Grand Méchant Renard et Autres Contes de Benjamin Renner et Patrick Imbert et Le voyage du Prince de Jean-François Laguionie (Louise en hiver).

Pour tous les participants, c'est un excellent début car Cartoon movie obtient depuis ses débuts des résultats impressionnants avec plus de 274 longs métrages présentés ayant trouvé leur financement, ce qui représente un budget de 1,9 milliard d’euros.

Mais cette première édition bordelaise du Cartoon Movie permettra également de connaître les lauréats des Cartoon Movie Tributes qui récompensent "une personnalité ou une société ayant eu une influence dynamique et positive sur l’industrie européenne du long métrage d’animation". Trois prix seront remis le 10 mars : meilleur producteur, meilleur distributeur et meilleur réalisateur européens de l'année.

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Cartoon Movie Bordeaux
Du 8 au 10 mars 2017
Site de la manifestation

Psiconautas d’Alberto Vazquez et Pedro Rivero secoue le festival Différent !

Posté par MpM, le 21 juin 2016

psiconautas

On aurait pu craindre qu'avec les années (c'est déjà la 9e édition), le festival Différent ! délaisse un peu sa quête de cet "autre cinéma espagnol" méconnu en France pour se tourner vers des films et des auteurs plus installés. Il n'en est pourtant rien, tant cette fenêtre ouverte sur la production ibérique continue année après année de proposer avant tout des œuvres fortes, qu'elles soient confidentielles ou plus incontournables dans le panorama cinématographique contemporain.

C'est pourquoi le festival 2016 ne pouvait faire l'impasse sur Psiconautas d'Alberto Vazquez et Pedro Rivero, long métrage d'animation envoûtant et puissant qui a fait sa première française au Festival d'Annecy la semaine passée, et avait auparavant conquis San Sebastian (Prix Greenpeace) et Stuttgart (Grand prix). Version plus longue et complexe du court métrage Birdboy (Goya du meilleur court métrage en 2012 et présélectionné pour les Oscar), lui-même adapté d'une bande-dessinée d'Alberto Vazquez, il met en scène les destins croisés de plusieurs enfants vivant sur une île isolée ravagée par un terrible désastre écologique.

Graphisme riche et virtuose

Adoptant un ton résolument sombre, voire tragique, Psiconautas dépeint une société coercitive et artificielle où les seuls échappatoires sont la drogue, la mort ou la folie. Les personnages adolescents tentent de s'abstraire de la réalité en poursuivant le rêve chimérique d'un départ sans retour pour un ailleurs sublimé. Mais l'île, personnage à part entière de l'intrigue, ne semble pas décidée à laisser partir qui que ce soit.

Le graphisme, riche et virtuose, combine différentes techniques en fonction de la tonalité des scènes. Les flash-backs adoptent ainsi des couleurs pastels et douces tandis que les passages les plus dramatiques s'accompagnent d'un trait plus dur et d'un camaïeu de gris et de noirs. Quelques explosions de couleurs, tantôt violentes et criardes, tantôt chaudes et naturelles, permettent par ailleurs d'exprimer les différentes émotions traversées par les personnages tandis que chaque lieu (la décharge publique, la forêt, le sanctuaire verdoyant...) a une identité visuelle très marquée.

Malgré les thématiques abordées (la destruction de la nature, le gaspillage matériel, l'absence d'entraide et de compassion...), Psiconautas n'a pourtant rien du film plombant ou didactique. Ce n'est certes pas un conte de fées avec happy end intégré, mais il s'attache à laisser planer une certaine forme d'espoir, et surtout à prendre systématiquement le spectateur à contre pied avec un humour (noir) ravageur.

Décor artificiel

Critique au vitriol d'une société qui a perdu le sens des réalités, le film présente par exemple une famille complètement dysfonctionnelle où le chien de la maison, considéré comme le fils prodige, est mieux traité que sa "sœur", et où les adultes aspirent seulement à mener une "vie normale" à grands renforts de "pilules du bonheur". Les forces de l'ordre s'acharnent quant à elles à détruire le peu de faune et de flore qui restent tandis que la religion semble n'être qu'une des multiples drogues mises à disposition des habitants. Finalement, les objets, dotés de parole et de conscience, semblent avoir plus d'âme (et de raison) que leurs possesseurs.

Le monde apparaît alors comme un décor insipide et artificiel derrière lequel se dissimulent les horreurs d'une réalité sans fard. Entre la béate ignorance des adultes qui ne semblent pas s'en apercevoir et la révolte impuissante des adolescents qui cherchent à s'en extraire, on ne sait pas trop ce qui est le plus terrible. Immanquablement, on pense au dernier court métrage en date d'Alberto Vazquez, Decorado, présenté à la Quinzaine des Réalisateurs lors du dernier festival de Cannes, et dans lequel le personnage principal s'aperçoit qu'il vit dans un monde de carton-pâte dont il ne parvient pas à s'échapper.

Génération perdue

Différent 9Difficile de ne pas voir également des échos entre le constat du film et les difficultés rencontrées par l'Espagne ces trente dernières années. "Nous parlons d'une certaine génération perdue et de la réalité sociale des années 80", reconnaît le co-réalisateur Pedro Rivero, qui a échangé avec le public à l'issue de la projection. "Il y a ensuite eu une prise de conscience, notamment dans le domaine de l'écologie, suite aux catastrophes qui se sont produites, par exemple en Galice [comme le naufrage du Prestige en 2002, dont le fioul avait atteint les côtes]."

Par rapport à la bande-dessinée, le duo de cinéastes a par ailleurs étoffé l'intrigue. "Dans la BD, Birdboy ne faisait que se droguer et se plaindre", explique Pedro Rivero. "L'adolescence était vraiment au cœur du récit. Nous avons essayé d'en faire quelque chose de plus vaste en amplifiant les péripéties, les trames secondaires, le cycle animiste de la vie..." La fin a même été remaniée pour offrir au spectateur un "petit quota d'espoir".

Même si cela ne suffit pas à faire de Psiconautas une comédie légère, il ne faudrait surtout pas prendre cela comme prétexte pour faire l'impasse sur cette magistrale démonstration de ce que peut être le cinéma d'animation, et surtout le cinéma tout court. De son propre aveu, Pedro Rivero "n'attend rien du public espagnol", peu enclin à s'enthousiasmer pour ce type de film. La surprise pourrait alors venir de France où il sortira à l'automne 2016, et où il doit absolument être accompagné, soutenu et surtout montré au plus grand nombre. Mais on en reparle très vite.