Et si on regardait… Spenser Confidential

Posté par vincy, le 11 avril 2020

Gros succès sur Netflix depuis sa mis en ligne le 6 mars, Spenser Confidential est la cinquième collaboration entre le réalisateur Peter Berg et la star Mark Walhlberg. Pas plus mauvais que leurs autres films diffusés en salles, ce thriller sur fond de corruption et de rédemption - sans atteindre le niveau de Traque à Boston, leur meilleur film - a un sacré goût vintage dans la forme.

La musique en est un bon indicateur. La bande originale du film mélange les époques mais, à l'écouter, on se croirait plonger dans les années 80, dans une histoire proche de celles du Flic de Beverly Hills, en plus noir et plus brutal, comme si Martin Riggs (le personnage de Mel Gibson dans L'Arme fatale) s'invitait dans cette enquête sur des ripoux.

Spenser Confindential est à l'origine une série TV des années 1980 justement, créée par Robert B. Parker, auteur des romans autour du détective. Il a imaginé le personnage en 1973 (en France, on retrouve ses enquêtes dans la "Série noire" de Gallimard). 40 bouquins plus tard, à sa mort en 2010, la série est reprise, avec l'accord des héritiers, par Ace Atkins, qui en produit par an, dont Wonderland en 2013, qui est la base du scénario de ce film.

Série télévisé, série romanesque: on le comprend dès l'épilogue, Spenser Confidential est amené à être une franchise. Une de ces séries B qui se consomment facilement un dimanche soir sur Netflix (ou n'importe quel jour et à n'importe quelle heure si on est confinés).

Car il ne faut pas s'attendre à autre chose qu'un honnête polar porté par un mâle alpha, qui sait cogner (mais il se sert du cognitif aussi). Dans ce monde très masculin, entre un ex taulard/ex flic, des flics pourris, des flics butés, et des agents du FBI qui attendent de cueillir les survivants, il faut toute la dérision d'Alan Arkin (Argo), la drôlerie folledingue d'Iliza Schlesinger (dont on peut voir les shows humoristiques sur Netflix) et la douceur décalée de Winston Duke (Black Panther) pour que le film ne verse pas dans une surdose de testostérone obsolète (ça allait bien sous Schwarzenegger, mais là il est confiné avec son arche de Noé).

Le bon (mais trop con?), la brute (héroïque) et les truands (tous hypocrites) offrent donc un film divertissant, prévisible sans aucun doute. Spenser n'est pas Jack Reacher. C'est un flic lambda aux valeurs chrétiennes solides. Le film est à son image: sans prétention. On regrette presque que l'aspect buddy movie (cher aux années 1980) ne soit pas plus exploité, d'autant que le personnage de Winston Duke est de loin le plus attachant et le plus singulier.

Si Peter Berg semble plus inspiré par la mise en place de son histoire, pour la dérouler ensuite de façon très classique, on lui reprochera surtout de ne pas ménager vraiment le suspens. Spenser Confidential souffre d'un scénario trop balisé, qui empêche le film de surprendre ou de se renouveler. Mais au moins, en s'évitant des scènes d'action gratuites et inutiles, en conservant un bon rythme, et en se délectant de ses quatre acteurs principaux, il utilise une bonne vieille recette de romans "pulp", de ces polars de gare, où on se fiche finalement de l'enjeu. Ce qui compte, finalement, c'est l'humanité surgissant des failles et des névroses de son quatuor savoureux.

Deauville : Andy Garcia et Steven Soderbergh jouent avec les mensonges

Posté par kristofy, le 13 septembre 2009

Andy GarciaAndy Garcia est acteur, producteur, réalisateur, musicien, père de famille... et d'autres choses encore. Que pourrait-on bien lui reprocher ? Peut-être de très mal imiter Marlon Brando... mais c’est pour nous faire rire dans son nouveau film, City Island. Alors voila, ce comédien aux multiples talents méritait bien un hommage du Festival américain de Deauville. Quand on lui demande de se souvenir de ses débuts, l'acteur se rappelle immédiatement qu’il a été d’abord un enfant émigré de Cuba vers la Floride. Cet exil l’a toujours marqué, et il a trouvé une consolation dans l’art, la musique et le cinéma. Il a eu l’aspiration de participer à ce monde merveilleux qui était une sorte d’échappatoire. C'est ainsi qu'il a commencé par jouer gratuitement au théâtre, et après pas mal de temps et d’embûches, à force d’entêtement et d’acharnement, il a fini par en faire son métier. Il était devenu acteur…

On l'a particulièrement remarqué dans Huit millions de façons de mourir de Hal Ashby, Les incorruptibles de Brian De Palma, Black Rain de Ridley Scott, Le Parrain 3 de Francis Ford Coppola, Héros malgré lui de Stephen Frears, Dernières heures à Denver de Gary Felder, L’enjeu de Barbet Schroeder, Modigliani de Mick Davis… Dans ce dernier film, il partageait d'ailleurs l’écran avec Elsa Zylberstein, et c’est la comédienne qui était sur scène avec Jean-Loup Dabadie (membre du jury) pour lui rendre cet hommage. Inès Sastre était également présente, elle qui a joué dans Adieu Cuba, la grande œuvre d'Andy Garcia puisque qu’il en est le producteur, le co-scénariste, le réalisateur, le compositeur de la bande-originale, et bien entendu aussi l’acteur.

On a découvert un nouveau visage du comédien lors de la première de City Island : il veut nous faire rire de la même manière que le personnage principal d’une pièce de boulevard. Dans ce film, toute la famille fait des mensonges et des cachotteries : le fils est attiré par les femmes obèses sur internet, la fille qui a une bourse pour ses études fait du strip-tease dans un club, le père dit qu’il va jouer au poker pour ne pas avouer qu’il suit des cours de théâtre, la mère est en manque d’étreintes fougueuses et s'intéresse à l’ex-prisonnier ramené à la maison par son mari pour une obscure raison… Cet étranger va attiser les soupçons et les dérapages en tout genre, et ça va être difficile pour toute la famille, chacun ayant honte d’assumer ce qu'il a été. Au générique de cette comédie, on retrouve Julianna Marguiles, Emily Mortimer, Alan Arkin, et une jolie actrice présente à Deauville qui est Dominik Garcia-Lorido (la fille aînée de Andy Garcia !).

"Il s’agit surtout de résoudre le problème de la forme à choisir pour raconter telle histoire"

Andy Garcia a aussi joué dans les Ocean’s 11, 12 et 13 de Steven Soderbergh. Celui-ci était déjà venu à plusieurs reprises à Deauville, et il y est revenu une nouvelle fois pour Steven Soderberghnous présenter The Informant, avec en vedette un Matt Damon méconnaissable qui a pris quinze kilos de plus. Il s’agit d’un cadre d’une multinationale de l’agroalimentaire qui après un possible sabotage va livrer aux FBI les pratiques illégales de son entreprise. Il se prend pour un espion à enregistrer des réunions pour donner des preuves aux autorités d’une entente sur les prix entre concurrents qui fausse le marché. Mais à toujours raconter une nouvelle chose à une nouvelle personne, on va se poser bien des questions sur cet informateur. La plus grande réussite du film est de nous montrer cette histoire actuelle avec un look vintage seventies du plus bel effet. Ce personnage de menteur qui dit des vérités avait en fait déjà été proposé à Matt Damon dès 2001, il est inspiré d’une histoire vraie ou presque. Steven Soderbergh s’est confié en donnant sa version des faits, vraie avec quelques mensonges ?

"Je ne raisonne pas vraiment en terme de film sérieux ou de comédies, de l’extérieur vous pouvez avoir l’avis que vous voulez, mais en fait pour moi il s’agit surtout de résoudre le problème de la forme à choisir pour raconter telle histoire. Le livre et le scénario me suffisaient, je n’ai pas rencontré la personne qui a vécu ces évènements, il ne fallait que les faits, je voulais être précis mais pas réel. Je vais vous avouer une lubie : j’adore la décennie 1966-1976, ce qui explique l’époque où j’ai placé le film. On a transformé de manière radicale Matt Damon avec 15 kilos en plus et une modification du visage, il est devenu monsieur tout le monde. On ne le reconnaît pas, donc de manière homogène il y a dans ce film que des acteurs peu ou pas connus, pour pas que le spectateur soit distrait en reconnaissant une personnalité."
Steven Soderbergh filme un homme qui se perd dans ses vérités au milieu de menteurs tandis qu'Andy Garcia interprète un homme qui se perd dans ses mensonges parmi les membres de sa familles qui cachent leurs secrets : City Island et The Informant, deux films très différents qui montrent bien que le cinéma est l'art de l'illusion.

Crédits photo : Christophe Maulavé

Les Oscars, pour la gloire…

Posté par vincy, le 23 février 2009

hugh jackmanLe noir était la couleur du soir des Oscars. Même Angelina Jolie la jouait sobre. La cérémonie, qui flirtait souvent avec Broadway, n'aura pas été si courte que ça. Mais le style y était, les innovations n'étaient pas inintéressantes, et Jackman a fait un bon job.

Côté remettants, reconnaissons que ça avait de la classe, hormis cette incongruité d'avoir donné à Reese Witherspoon l'honneur de présenter l'Oscar du meilleur réalisateur. Steven Spielberg pour le meilleur film, des jeunes mecs sexys comme James Franco, Robert Pattinson et Zac Efron, des jeunes filles sexy comme Jessica Biel et Natalie Portman, des stars issues de la télé (Sarah Jessica Parker, Jennifer Aniston, Tina Fey)... Et quelle bonne idée ces quintets pour présenter les catégories d'interprétation, garantissant ainsi le glamour.

Pour le second rôle masculin, Kevin Kline, Christopher Walken, Cuba Gooding Jr, Alan Arkin et Joel Grey donnaient le to. Cinq ex-gagnants de la catégorie, toutes générations confondues. Pour le second rôle féminin, Whoopi Goldberg, Goldie Hawn, Anjelica Huston, Eva Marie-Saint  et Tilda Swinton se partageaient la scène. Sophia Loren, Shirley MacLaine, Marion Cotillard, Nicole Kidman et Halle Berry formaient l'actrice parfaite. Michael Douglas, Adrien Brody, Robert de Niro, Anthony Hopkins et Ben "Gandhi" Kingsley composaient le meilleur acteur.

kate winslet sophia loren marion cotillardAnna Hathaway incarne Nixon 

Côté vocal, point de Peter Gabriel.

Mais Queen Latifah rendit hommage aux morts, Anne Hathaway participa à la séquence d'ouverture de Jackman, et celui-ci, avec Beyoncé Knowles, Zac Efron, Vanessa Hudgens, Amanda Seyfried et Dominic Cooper dansèrent et chantèrent sur un medley de comédies musicales créé par Baz Luhrmann. 

A. R. Rahman, John Legend et Mahalaxmi Iyer interprétèrent le médley des trois chansons en lice pour cet Oscar.

ben stiller natalie portmanCôté répliques et remerciements, les Oscars furent ni pire ni meilleurs que d'habitude. Hugh Jackman fut étincelant, dès les premiers instants, avec grâce, dérision, sens du spectacle, en chant comme en danse.

Il n'a pas hésité à vanner ses collègues comme Meryl Streep et ses 15 nominations ("c'est difficile de ne pas penser qu'elle prend des stéroïdes") ou Mickey Rourke ("nous avons 7 minutes de retard sur le programme, mais si tu gagnes, nous allons passer à vingt minutes"). 

En revanche, il n'avait rien de prévu pour "Brangelina". "Je n'ai aucune plaisanterie à leur sujet, je dois juste, contractuellement, mentionner cinq fois leur nom durant la soirée."

penelope cruzFinalement ce fut le père de Heath Ledger qui reçu l'Oscar posthume (voir actualité du 25 janvier). Penelope Cruz ne s'est pas évanouie, mais elle en a caressé l'idée.

Simon Baufoy a confié que pour lui il y a des endroits où on ne s'imagine pas aller : "la Lune, le Pôle sud, le podium de Miss Univers et la scène des Oscars".

On conclura avec le deuxième Oscar de Sean Penn pour sa personnification magistrale de l'activiste Harvey Milk. Un club très fermé de 37 acteurs et actrices. Lui aussi vêtu de noir, sage et posé, il a commencé par un provocateur "Merci, bande d'amateurs de tapettes pro-communistes, je ne m'attendais pas à ça".
sean pennDans une Californie encore blessée d'avoir rejeté par référendum le mariage gay, il a joué les porte-flambeaux et donné la tonalité politique de la soirée : "Je pense que c'est le moment pour ceux qui ont voté pour l'interdiction du mariage homosexuel  de s'asseoir et de réfléchir à leur grande honte et à la honte dans les yeux de leurs petits enfants s'ils continuent à se comporter ainsi. Nous devons avoir des droits égaux pour tous." Il a enfin cité Obama et Rourke. "Je suis très, très fier de vivre dans un pays qui élit un homme élégant comme président et un pays qui crée des artistes courageux." Il se tourne alors vers l'interprète de The Wrestler :  "Des artistes courageux qui, en dépit d'une grande sensibilité ont surmonté d'énormes défis, se relève et qui est mon frère."

hugh jackman anne hathaway