[J'accuse] Polanski sur la sellette, des séances annulées et des élus qui veulent censurer

Posté par vincy, le 19 novembre 2019

Après son exclusion des Oscars, Roman Polanski pourrait être évincé des organisations professionnelles françaises. Depuis les révélations de Valentine Monnier, qui accuse le cinéaste de l'avoir violée dans les années 1970 alors qu'elle avait 18 ans, le malaise se répand dans toute la profession. Cela n'empêche pas son dernier film, J'accuse de prendre la première place du box office cette semaine avec 376000 spectateurs en 5 jours, soit son meilleur démarrage en plus de 30 ans. Le film fait déjà quatre fois mieux que le résultat final de sa précédente réalisation, D'après une histoire vraie, et a également dépassé le box office total de La Vénus à la fourrure, sorti en 2013.

Reste que la polémique enfle. la Société civile des auteurs, réalisateurs et producteurs (ARP) a décidé d'instituer de nouvelles règles : tous membres condamnés ou poursuivis pour des infractions sexuelles conduiront à la suspension du réalisateur. "Quarante ans se sont passés entre la première affaire qui concerne Roman Polanski et aujourd’hui. Je pense que le monde a beaucoup changé en quarante ans. Les crimes sont les mêmes, mais la façon dont ils sont perçus a énormément changé" a déclaré le président de l'ARP, Pierre Jolivet. Clairement, il a précisé que Roman Polanski serait concerné par une suspension.

Le changement de statut sera proposé au vote lors de la prochaine assemblée générale; dont la date n'a pas encore été fixée.

Depuis la prise de parole d'Adèle Haenel, concernant le réalisateur Christophe Ruggia, qui devrait être prochainement exclu de la SRF, le milieu du cinéma tente de réagir pour lutter contre le harcèlement sexuel. Le nom de Polanski est autrement plus symbolique, de par sa notoriété et la multiplicité des affaires qui le visent. La SRF, justement, a, par la voix de Rebecca Zlotowski, membre du Conseil d'administration et co-créatrice du Collectif 5050, "aussi appelé, aux côtés d’autres organisations d’auteurs et du Collectif 5050, à des États généraux sur les questions des abus sexuels et des harcèlements dans notre industrie, dans le but d’aboutir à une charte, un code de conduite commun, et des mesures spécifiques." L'Académie des César refuse toujours de s'exprimer sur ce cas.

Cependant, pour l'instant, ce sont les exploitants qui sont en première ligne sur le front. L'avant-première de J'accuse au mythique Champo, un des rares cinémas dirigé par une femme, Christiane Renavand, a ainsi été annulée par une manifestation de féministes. D'autres militantes féministes ont fait interrompre puis annuler des séances à Rennes et à Saint-Nazaire ce week-end.

Censure politique en Seine-Saint-Denis

Et ce n'est pas fini puisque cet après-midi, nous avons appris que les élus d'Est Ensemble, intercommunalité qui regroupe 9 villes, ont ordonné, contre l'avis des cinémas, la déprogrammation de J'accuse dans les six sites qu'elle gère à Pantin (le Ciné 104), Bagnolet (le Cin'Hoche), Bondy (le Ciné Malraux), Bobigny (l'Ecran Nomade), Romainville-Noisy le Sec (le Trianon) et Montreuil (le Méliès). Cette décision fait suite à la réclamation de la maire socialiste de Bondy, Sylvine Thomassin, et a été soutenue par l'ensemble des groupes politiques: "On est effarées que l'administration des salles se permette une telle diffusion, sans demander ce que les politiques en pensent" a-t-elle expliqué. On est effaré que des élus se croient encore autorisé à interdire un film. Il s'agit d'un cas inédit de censure "officielle".

[Censure. Nom féminin, du latin censura. Examen préalable fait par l'autorité compétente sur les publications, émissions et spectacles destinés au public et qui aboutit à autoriser ou interdire leur diffusion totale ou partielle. (En France, les films doivent comporter un visa de censure, le visa d'exploitation, délivré par le ministre de la Culture après avis d'une commission.]

Le président d'Est Ensemble, le socialiste Gérard Cosme, a cependant communiqué qu'il "paraissait peu crédible et peu souhaitable que la programmation relève d'un comité d'élus ou même du président", choisissant ainsi "la liberté de programmation artistique" aux établissements. Un revirement radical, qui va à l'encontre du vote des élus qu'il préside donc. Sagement, il refuse donc de déprogrammer le film mais demande aux cinémas d'organiser "un débat en présence des associations et des élus qui le souhaitent et qui se sont exprimés en faveur de la déprogrammation". Or, les directeurs des cinémas n'ont pas attendus les élus pour débattre autour du film et du cinéaste.

Dans le cadre de la projection du film de Polanski, deux débats étaient prévus au Méliès: "Choisir de voir ou non le dernier Polanski ?", avec les associations féministes Nous Toutes et Collage Féminicide et "L'Affaire Dreyfus et l'antisémitisme d'hier et d'aujourd'hui" avec la Ligue des Droits de l'Homme. Adèle Haenel avait elle-même initié et milité pour des débats encadrant le film.

Avant l'annulation de la déprogrammation, le directeur artistique du Méliès, Stéphane Goudet s'était exprimé sur Facebook pour alerter ceux qui ne prennent pas la mesure d'une telle censure: "Nous demandons dès à présent à nos élus la liste des cinéastes dont nous n'aurons plus le droit de programmer les films et la définition de leurs critères. Un comité de vérification de la moralité des artistes programmés est-il prévu, puisque la liberté individuelle des spectateurs n'est pas suffisante ? L'interdiction doit-elle être étendue aux délits, et si oui lesquels ? Nous souhaitons également savoir quel sort sera réservé aux écrivains et peintres condamnés pour crimes dans les bibliothèques d'Est Ensemble. Selon toute vraisemblance, les livres de Céline et Althusser, les DVD de Max Linder, Brisseau, voire Woody Allen (plus besoin ici de décision de justice), les disques de Michael Jackson et les ouvrages sur Le Caravage et Gauguin devraient être retirés des rayonnages."

Lire aussi : Voir ou ne pas voir « J’accuse »

Parité, égalité, diversité : le cinéma s’engage derrière le collectif 5050

Posté par redaction, le 18 novembre 2019

En pleine affaires Haenel et Polanski, les Assises sur la parité, l'égalité et la diversité dans le cinéma et l'audiovisuel, organisées par le Collectif 50/50 en partenariat avec le CNC tombaient à pic jeudi dernier. Le ministre de la Culture, Franck Riester, a d'ailleurs fait le déplacement, tant le sujet est désormais au cœur du secteur. Rappelant qu'il serait toujours du côté des créateurs pour leur liberté de créer, le ministre a concédé qu'il fallait redistribuer les pouvoirs et renforcer les moyens. Mais surtout il a annoncé le conditionnement du versement de "toutes les aides du CNC" au "respect d’obligations précises en matière de prévention et de détection du harcèlement sexuel". De plus il a assuré la mise en place d’une cellule d’alerte à destination des victimes de violences sexuelles dans le secteur du spectacle vivant, de l’audiovisuel et du cinéma dès le 1er janvier 2020.

Car pour le ministre, toutes les affaires qui secouent actuellement le cinéma français sont avant tout les symptômes de la faillite d'un système. Deux ans après #MeToo, la société française semble enfin prendre la mesure des dérives de sa culture patriarcale. Certains se désoleront de cette moralisation voire du puritanisme ambiant, de cette américanisation des mœurs. Mais la France est encore loin des Etats-Unis concernant son rapport au sexe. On ne boycotte pas Gauguin. J'accuse de Roman Polanski a attiré 500000 spectateurs lors de sa première semaine. On peut encore montrer des fesses, un pénis ou des seins sans être interdits aux moins de 16 ans. Les rares appels au boycott sont suivis de peu d'effets, même si quelques ligues religieuses font modifier le classement des films où la sexualité est explicite.

Il était en revanche nécessaire et urgent que la profession se dote de règles et protège ceux et celles victimes de harcèlement ou de violences. Que le créateur soit libre, c'est ce qu'on peut espérer. Que le prédateur qui est potentiellement en lui, puisse agir en toute impunité, on peut légitimement ne pas l'excuser. Dominique Boutonnat, Président du CNC, soutient ainsi la création de sessions spécifiques de formation pour accompagner les professionnels afin de prévenir et agir face à des comportements inappropriés, sur les tournages comme lors de la promotion d'un film.

Lors de ces Assises, deux annonces ont été faites. Tout d'abord, la mise en place d'une Charte pour l'inclusion dans le Cinéma et l'audiovisuel pour adapter la loi française à l "inclusion rider" américain et l'appliquer dans les contrats français. Cette charte a été signée par neuf syndicats (producteurs, agents, cinéastes, scénaristes...). Cette charte est accompagnée d'une base de données de professionnels issus des minorités, la Bible 5050.

Ensuite, la mise en place d'une autre Charte pour la parité et la diversité dans les sociétés des distribution, d'édition et d'exploitation cinématographique. "La diversité c'est un constat, l'inclusion c'est un acte" a rappelé la réalisatrice Rebecca Zlotowski. Cette charte a été signée par 40 sociétés de distribution, d'exploitants et d'édition. La circuit CGR a signé la charte lors des Assises.

Le collectif 5050 propose par ailleurs la nomination systématique d'un référent sur les plateaux de tournages, l'inscription d'un rappel à la loi sur le harcèlement dans les contrats, l'implication des assureurs du secteur pour prendre en charge le dommage économique lié à un arrêt de tournage à cause d'un cas de harcèlement, l'inscription de la hotline 3939 "Violences Femmes Info" sur les feuilles de route par les sociétés de production.

Cela ne résoudra pas tous les problèmes (homophobie et racisme sont un peu mis à l'écart), mais en intégrant le concept de discrimination positive et en prenant acte des violences faites aux femmes, il semblerait que le cinéma français se réforme et assimile enfin l'émancipation des femmes.

4 Independent Spirit Awards pour The Artist

Posté par vincy, le 26 février 2012

The Artist fera-t-il le triplé Golden Globes-Independent Spirit Awards-Oscars? Un seul film a réalisé ce brelan d'as : Platoon en 1986.  Samedi soir, 24 heures après ces 6 Césars, The Artist a remporté 4 Independent Spirit Awards : meilleur film, meilleur réalisateur, meilleure photo et meilleur acteur pour Jean Dujardin. C'est la première fois qu'un film français obtient cette récompense, et la seconde fois seulement qu'un film en langue étrangère la reçoit, après Tigre et Dragon en 2000. Michel Hazanavicius est aussi le premier réalisateur français primé, et le seul, toujours avec Ang Lee (qui l'a obtenu deux fois), parmi les étrangers de la liste des meilleurs cinéastes. Hazanavicius a déclaré que ce prix était important parce qu'il "est remis par des gens dont la spécificité est de prendre des risques, de faire des films qui ne sont pas formatés. Recevoir un prix de la part de ces gens-là, ça veut dire que l'âme du film ne s'est pas complètement perdue dans la perception qu'en ont certaines personnes, avec la course aux Oscars, etc..."

Toujours pour mieux se distinguer, évoquons le prix pour Jean Dujardin, absent de la cérémonie. Premier français nommé dans cette catégorie du meilleur acteur, premier à récolter ce prix, il rejoint Javier Bardem dans la courte liste des comédiens non anglophones récompensés. Et si l'on fusionne avec la catégorie de la meilleure actrice, seule l'italienne Isabella Rossellini avait été primée et aucune française nommée en 27 ans.

Outre The Artist, les Spirit Awards ont honoré Michelle Williams pour son incarnation de Marilyn Monroe dans My Week with Marilyn. Sa quatrième nomination à ce prix (et cinquième si l'on prend en compte la catégorie du meilleur second rôle féminin) fut la bonne. Christopher Plummer continue sa razzia de prix du meilleur second rôle masculin pour son personnage dans Beginners de vieil homme sur le déclin de sa vie assumant enfin son homosexualité. C'était la deuxième fois que ce comédien de 83 ans était nommé dans cette catégorie.

The Descendants repart avec deux prix : meilleur second rôle féminin pour la jeune Shailene Woodley et meilleur scénario pour le rare Alexander Payne. C'est la troisième fois que Payne reçoit ce prix, un record dans l'histoire des Spirit Awards.

Les autres films indépendants se sont partagés les autres prix : Margin Call (premier film et prix Robert Altman), 50/50 (premier scénario), Pariah (prix John Cassavetes pour un film à très petit budget), The Interrupters (documentaire), Without (espoir pour Mark Jackson), Take Shelter (producteurs), Where Soldiers Come From (prix Plus vrai que la fiction).

Enfin, Une séparation continue son parcours sans faute avec le prix du meilleur film étranger.

The Artist en tête des nominations des Independent Spirit Awards

Posté par vincy, le 29 novembre 2011

Deux films cannois dominent les nominations des Independant Spirit Awards, les Oscars du cinéma indépendant (tous films ayantun budget de moins de 20 millions de $ est éligible).

The Artist, le film français de Michel Hazanavicius, prix d'interprétation masculine sur la Croisette, et Take Shelter, multi-primé depuis sa sélection à la Semaine de la Critique, ont été cités cinq fois chacun. Jean Dujardin entre dans la cour des grands en étant nommé dans la catégorie meilleur acteur. Hazanavicius cumule deux nominations : réalisateur et scénario.

Un autre film sélectionné à Cannes, Drive, se fait remarqué parmi les favoris, Beginners, Martha Marcy May Marlene et The Descendants. Ils ont tous reçus quatre nominations.

La 27e édition dévoilera ses gagnants le 25 février 2012.

Voici les nominations par film.

The Artist : film, réalisateur, scénario, acteur (Jean Dujardin), image

Take Shelter : film, réalisateur, acteur (Michael Shannon), second rôle féminin (Jessica Chalstain), producteur de demain

Drive : film, réalisateur, acteur (Ryan Gosling), second rôle masculin (Albert Brooks)

Beginners : film, réalisateur, scénario, second rôle masculin (Christopher Plummer)

The Descendants : film, réalisateur, scénario, second rôle féminin (Shailene Woodley)

Martha Marcy May Marlene : premier film, actrice (Elizabeth Olsen), second rôle masculin (John Hawkes), producteur de demain

50/50 : film, premier scénario, second rôle féminin (Anjelica Huston)

Margin Call : premier film, premier scénario, prix Robert Altman (réalisateur, directeur de casting et tous les rôles principaux et secondaires)

Pariah : actrice (Adepero Oduye), prix John Cassavetes

Cedar Rapids : premier scénario, second rôle masculin (John C. Reilly)

Footnote : scénario

Win Win : scénario

A Better Life : acteur (Demian Bichir)

Rampart : acteur (Woody Harrelson)

My Week With Marilyn : actrice (Michelle Williams)

Think of me : actrice (Lauren Ambrose)

Natural Selection : actrice (Rachael Harris)

Minuit à Paris : second rôle masculin (Corey Stoll)

Albert Nobbs : second rôle féminin (Janet McTeer)

Gun Hill Road : second rôle féminin (Harmony Santana)

Another Earth : premier film, premier scénario

The Dynamiter : prix John Cassavetes, image

Bellflower : prix John Cassavetes, image

In the Family : premier film

Natural Selection : premier film

Terri : premier scénario

Circumstance : prix John Cassavetes

Hello Lonesome : prix John Cassavetes

The Off Hours : image

An African Election : documentaire

Bill Cunningham New York : documentaire

The Interrupters : documentaire

The Redemption of General Butt Naked : documentaire

We Were Here : documentaire

Une séparation : film étranger

Melancholia : film étranger

Shame : film étranger

Le gamin au vélo : film étranger

Tyrannosaur : film étranger

Silver Tongues : cinéaste de demain (Simon Arthur)

Without : cinéaste de demain (Mark Johnon)

Mamitas : cinéaste de demain (Nicholas Ozeki)

Mosquita y Mari : producteur de demain

Where Soldiers come from : documentariste de demain

Hell and Back Again : documentariste de demain

Bombay Beach : documentariste de demain