Mon film de l’année: L’autre côté de l’espoir, conte idéaliste et bienveillant

Posté par vincy, le 29 décembre 2017

Ours d'argent de la mise en scène à Berlin, L'autre côté de l'espoir est peut-être le dernier film d'Aki Kaurismäki. Si ce film surclasse les autres en fin d'année, et n'a pas déçu mes attentes, c'est aussi parce qu'il résonne avec l'actualité. Son intensité, derrière son apparente simplicité, provient de deux destins qui s'entrechoquent: l'homo occidentalus, âgé et sur le déclin, face un jeune réfugié syrien qui fuit la guerre.

Alors que les pays occidentaux se débattent dans leurs positions autour de l'immigration provenant d'Afrique et du Proche et Moyen orient, le cinéaste finlandais imagine une fable où le "vivre ensemble" ne serait pas un simple slogan creux. Le mot "bienveillance" a été utilisé abusivement ces derniers moins par les dirigeants, afin d'apaiser des tensions a priori irréconciliables, et en faisant appel à une charité comportementale. L'autre côté de l'espoir n'a pas besoin de sémantique, de dogme ou de prêche. Comme un joli blues, il livre ses propres incantations. Une chanson douce pour ne pas se résigner.

La coexistence sympathique entre les deux mondes, l'apprivoisement progressif qui enfouit la peur de l'autre, l'empathie naturelle qui se dégage pour les deux personnages peuvent paraître idéalistes. Pourtant, le réalisateur ne cache pas la violence de la société, la précarité de chacun, l'absurdité d'un monde sourd et aveugle. La mélancolie qui s'évapore de cette eau bouillonnante vient se confondre avec les rêves qui planent dans les airs. Cela donne un film tendre et toujours plein de surprises, avec des individus vivant à la marge attachants. La mondialisation est bien présente, la société est visiblement fragile et paumée, et il y a un nombre d'abrutis un peu trop important pour être complètement serein.

Mais avec Kaurismäki, nous sommes dans un conte de faits, terriblement actuels, où la face obscure s'éclipse à la lumière de ces êtres profondément bons, mais faillibles, qui savent que l'avenir n'est pas déterminé par une frontière, une couleur de peau, un Dieu différent. On a beaucoup parlé du "monde ancien" ces derniers temps. Le réalisateur a eu le talent de montrer que le "monde nouveau" n'est rien d'autre que celui que nous espérons et que les dominants détruisent. Ce qui en fait assurément le film le plus insoumis de tous cette année.

Les autres films marquants de l'année

Le genre parfait: Le film "LGBT" a connu son sacre cette année. Nos cœurs ont palpité pour des "romances" bouleversantes, dramatiques, charnelles, sensuelles et tragiques. De non dits en silences, de secrets inavoués en déclarations d'amour chuchotées, les films 120 battements par minute, Moonlight, Hearthstone, Seule la terre, Diane a les épaules, Une femme fantastique et dans une certaine mesure Battle of the Sexes nous ont emportés. Et attendez de voir Call me by your name, quintessence du genre qui nous liquéfie...

Le réalisme onirique: L'année fut riche pour les films du réel aka les documentaires. Paradoxalement, c'est peut-être le plus romanesque d'entre eux qui m'a touché le plus: Carré 35 d'Eric Caravaca, entre enquête intime et reflet d'une vie, celle du cinéaste et de ses proches. De la même manière, par leur formalisme et leur poésie, les "fictions" Lettres de la guerre et Barbara, qui mélangent archives et reconstitution, images retravaillées et sentiments bruts, mots d'hier et maux atemporels m'ont séduit.

Le polar new yorkais: A Cannes deux films ont marqué les esprits: stylisés, brutaux, humanistes sous leurs apparences égoïstes, A Beautiful Day de Lynne Ramsey était palmable et Good Time des frères Safdie méritait le prix de la mise en scène. New York en arrière plan, le thriller en genre assumé. Dans la veine de certains Scorsese, ces deux films ont été un régal d'un point de vue cinéphile. Preuve que la poisse peut-être gagnante.

Le blockbuster: La Planète des singes: Suprématie clôt une trilogie certes inégale mais pour une fois cohérente. La Fox a eu raison de faire de cette énième version du sujet imaginé par Pierre Boule il y a 55 ans une allégorie sur la nature animale de l'homme et au final un affrontement de civilisation qui fait écho à ces politiques rejetant l'autre sous prétexte qu'il est différent.

Le film surfait: Je ne vais pas dire The Square même si je le pense comme MpM. Aussi, je choisirai un film que je vois apparaître dans plusieurs palmarès: Certaines femmes de Kelly Reichardt. On peut apprécier la direction d'actrices, la mise en scène soignée, mais ce film sombre et triste est aussi ennuyeux que froid.

Le chef d'œuvre oublié: The Lost City of Z est sans aucun doute l'un des plus beaux films de ces dernières années et la preuve que James Gray est un grand cinéaste. David Lean, Stanley Kubrick et John Huston sont convoqués dans cette quête mystique et anthropologique. Un opéra verdoyant où l'homme se perd à courir après un mirage. Splendide.

Les Critiques de Los Angeles plébiscitent Moonlight, Mademoiselle, Isabelle Huppert, Adam Driver et Your Name

Posté par vincy, le 4 décembre 2016

Isabelle Huppert continue sa razzia de prix aux Etats-Unis. Après les Gotham Awards et les critiques de New York, l'actrice française a séduit l'Association des critiques de Los Angeles pour ses rôles dans Elle et L'avenir.

Sacré meilleur film, Moonlight repart une fois de plus avec plusieurs prix dont réalisateur, second-rôle masculin et image. La La Land a seulement gagné le prix de la meilleure musique mais, frôlant la razzia en étant finaliste dans cinq catégories, dont meilleur film. Moonlight a remporté ce dimanche le prix du meilleur film étranger aux British Independent Film Awards, après avoir récolté plusieurs prix dans quelques festivals et le prix du meilleur film aux Gotham Awards.

Plus singulier que les confrères de New York, le palmarès de la LAFC a réservé quelques surprises: le prix du scénario à The Lobster (primé à Cannes en 2015) et le prix du meilleur film d'animation a récompensé le savoir-faire japonais avec Your name (et une place de finaliste pour le franco-néerlando-japonais La tortue rouge. Autre prix inattendu, celui d'Adam Driver en chauffeur de bus poète dans le film de Jim Jarmusch, Paterson, qui reçoit le prix du meilleur acteur. Le somptueux Mademoiselle créé aussi la surprise avec deux prix: meilleur film en langue étrangère et meilleurs décors. Au total, les films présentés à Cannes ont reçu 7 citations en incluant les finalistes.

Le palmarès complet:
- Meilleur film: Moonlight ; finaliste : La La Land
- Meilleur réalisateur: Barry Jenkins (Moonlight) ; finaliste: Damien Chazelle (La La Land)
- Meilleure actrice: Isabelle Huppert (Elle, L'avenir) ; finaliste: Rebecca Hall (Christine)
- Meilleur acteur: Adam Driver (Paterson) ; finaliste: Casey Affleck (Manchester by the Sea)

- Meilleur film en langue étrangère: Mademoiselle ; finaliste : Toni Erdmann
- Meilleur film d'animation: Your name ; finaliste: La tortue rouge
- Meilleur documentaire: I am not your negro : finaliste: O.J. made in America

- Meilleur second-rôle féminin: Lily Gladstone (Certain Women) ; finaliste : Michelle Williams (Manchester by the Sea)
- Meilleur second-rôle masculin: Mahershala Ali (Moonlight) ; finaliste: Issey Ogata (Silence)
- Prix de la nouvelle génération: Trey Edward Shults et Krisha Fairchild (Krisha°

- Meilleur scénario: Efthymis Filippou et Yorgos Lanthimos (The Lobster) ; finaliste : Kenneth Lonergan (Manchester by the Sea)
- Meilleur montage: Bret Granato, Maya Mumma, Ben Sozanski (O.J. made in America) ; finaliste : Tom Cross (La La Land)
- Meilleurs décors: Ryu Seong-hee (Mademoiselle) ; finaliste: David Wasco (La La land)
- Meilleure musique: Justin Hurwitz, Benj Pasek, Justin Paul (La La Land) ; finaliste : Mica Levi (Jackie)
- Meilleure photo: James Laxton (Moonlight) ; finaliste: Linus Sandgren (La La Land)

- Prix Douglas Edwards pour un film indépendant, expérimental ou vidéo: The Illinois Parables de Deborah Stratman
- Prix pour l'ensemble de sa carrière: Shirley MacLaine