Mon film de l’année: L’autre côté de l’espoir, conte idéaliste et bienveillant

Posté par vincy, le 29 décembre 2017

Ours d'argent de la mise en scène à Berlin, L'autre côté de l'espoir est peut-être le dernier film d'Aki Kaurismäki. Si ce film surclasse les autres en fin d'année, et n'a pas déçu mes attentes, c'est aussi parce qu'il résonne avec l'actualité. Son intensité, derrière son apparente simplicité, provient de deux destins qui s'entrechoquent: l'homo occidentalus, âgé et sur le déclin, face un jeune réfugié syrien qui fuit la guerre.

Alors que les pays occidentaux se débattent dans leurs positions autour de l'immigration provenant d'Afrique et du Proche et Moyen orient, le cinéaste finlandais imagine une fable où le "vivre ensemble" ne serait pas un simple slogan creux. Le mot "bienveillance" a été utilisé abusivement ces derniers moins par les dirigeants, afin d'apaiser des tensions a priori irréconciliables, et en faisant appel à une charité comportementale. L'autre côté de l'espoir n'a pas besoin de sémantique, de dogme ou de prêche. Comme un joli blues, il livre ses propres incantations. Une chanson douce pour ne pas se résigner.

La coexistence sympathique entre les deux mondes, l'apprivoisement progressif qui enfouit la peur de l'autre, l'empathie naturelle qui se dégage pour les deux personnages peuvent paraître idéalistes. Pourtant, le réalisateur ne cache pas la violence de la société, la précarité de chacun, l'absurdité d'un monde sourd et aveugle. La mélancolie qui s'évapore de cette eau bouillonnante vient se confondre avec les rêves qui planent dans les airs. Cela donne un film tendre et toujours plein de surprises, avec des individus vivant à la marge attachants. La mondialisation est bien présente, la société est visiblement fragile et paumée, et il y a un nombre d'abrutis un peu trop important pour être complètement serein.

Mais avec Kaurismäki, nous sommes dans un conte de faits, terriblement actuels, où la face obscure s'éclipse à la lumière de ces êtres profondément bons, mais faillibles, qui savent que l'avenir n'est pas déterminé par une frontière, une couleur de peau, un Dieu différent. On a beaucoup parlé du "monde ancien" ces derniers temps. Le réalisateur a eu le talent de montrer que le "monde nouveau" n'est rien d'autre que celui que nous espérons et que les dominants détruisent. Ce qui en fait assurément le film le plus insoumis de tous cette année.

Les autres films marquants de l'année

Le genre parfait: Le film "LGBT" a connu son sacre cette année. Nos cœurs ont palpité pour des "romances" bouleversantes, dramatiques, charnelles, sensuelles et tragiques. De non dits en silences, de secrets inavoués en déclarations d'amour chuchotées, les films 120 battements par minute, Moonlight, Hearthstone, Seule la terre, Diane a les épaules, Une femme fantastique et dans une certaine mesure Battle of the Sexes nous ont emportés. Et attendez de voir Call me by your name, quintessence du genre qui nous liquéfie...

Le réalisme onirique: L'année fut riche pour les films du réel aka les documentaires. Paradoxalement, c'est peut-être le plus romanesque d'entre eux qui m'a touché le plus: Carré 35 d'Eric Caravaca, entre enquête intime et reflet d'une vie, celle du cinéaste et de ses proches. De la même manière, par leur formalisme et leur poésie, les "fictions" Lettres de la guerre et Barbara, qui mélangent archives et reconstitution, images retravaillées et sentiments bruts, mots d'hier et maux atemporels m'ont séduit.

Le polar new yorkais: A Cannes deux films ont marqué les esprits: stylisés, brutaux, humanistes sous leurs apparences égoïstes, A Beautiful Day de Lynne Ramsey était palmable et Good Time des frères Safdie méritait le prix de la mise en scène. New York en arrière plan, le thriller en genre assumé. Dans la veine de certains Scorsese, ces deux films ont été un régal d'un point de vue cinéphile. Preuve que la poisse peut-être gagnante.

Le blockbuster: La Planète des singes: Suprématie clôt une trilogie certes inégale mais pour une fois cohérente. La Fox a eu raison de faire de cette énième version du sujet imaginé par Pierre Boule il y a 55 ans une allégorie sur la nature animale de l'homme et au final un affrontement de civilisation qui fait écho à ces politiques rejetant l'autre sous prétexte qu'il est différent.

Le film surfait: Je ne vais pas dire The Square même si je le pense comme MpM. Aussi, je choisirai un film que je vois apparaître dans plusieurs palmarès: Certaines femmes de Kelly Reichardt. On peut apprécier la direction d'actrices, la mise en scène soignée, mais ce film sombre et triste est aussi ennuyeux que froid.

Le chef d'œuvre oublié: The Lost City of Z est sans aucun doute l'un des plus beaux films de ces dernières années et la preuve que James Gray est un grand cinéaste. David Lean, Stanley Kubrick et John Huston sont convoqués dans cette quête mystique et anthropologique. Un opéra verdoyant où l'homme se perd à courir après un mirage. Splendide.

Call Me By Your Name en tête des nominations aux Spirit Awards 2018

Posté par wyzman, le 21 novembre 2017

Alors que la course aux Oscars vient de débuter, il semblerait que le chef-d'oeuvre Call Me By Your Name parte avec une petite longueur d'avance. En effet, les nominations pour les Spirit Awards du 3 mars 2018 viennent d'être annoncées et le film de Luca Guadagnino est nommé à 6 reprises. Good Time et Get Out décrochent 5 nominations chacun tandis que Lady Bird et The Rider en décrochent 4 respectivement.

Pour rappel, les Spirit Awards ont lieu chaque année la veille des Oscars et sont un véritable indicateur des gagnants à venir. Les trois derniers films sacrés aux Spirit Awards (Moonlight, Spotlight, Birdman) sont repartis avec l'Oscar du meilleur film. Pour être nommé aux Spirit Awards, chaque film doit être produit aux Etats-Unis pour moins de 20 millions de dollars.

MEILLEUR FILM

Call Me by Your Name

The Florida Project

Get Out

Lady Bird

The Rider

MEILLEUR PREMIER FILM

Columbus

Ingrid Goes West

Menashe

Oh Lucy!

Patti Cake$

PRIX JOHN CASSAVETES – prix qui récompense le meilleur film produit pour moins de 500.00$

Dayveon

A Ghost Story

Life and nothing more

Most Beautiful Island

The Transfiguration

MEILLEUR REALISATEUR

Sean Baker pour The Florida Project

Jonas Carpignano pour A Ciambra

Luca Guadagnino pour Call Me by Your Name

Jordan Peele pour Get Out

Benny Safdie, Josh Safdie pour Good Time

Chloé Zhao pour The Rider

MEILLEUR SCENARIO

Greta Gerwig pour Lady Bird

Azazel Jacobs pour The Lovers

Martin McDonagh pour Three Billboards outside Ebbing, Missouri

Jordan Peele pour Get Out

Mike White pour Beatriz at Dinner

MEILLEUR PREMIER SCENARIO

Kris Avedisian, Kyle Espeleta, Jesse Wakeman pour Donald Cried

Emily V. Gordon, Kumail Nanjiani pour The Big Sick

Ingrid Jungermann pour Women Who Kill

Kogonada pour Columbus

David Branson Smith, Matt Spicer pour Ingrid Goes West

MEILLEURE PHOTOGRAPHIE

Thimios Bakatakis pour Mise à mort du cerf sacré

Elisha Christian pour Columbus

Hélène Louvart pour Beach Rats

Sayombhu Mukdeeprom pour Call Me by Your Name

Joshua James Richards pour The Rider

MEILLEUR MONTAGE

Ronald Bronstein, Benny Safdie pour Good Time

Walter Fasano pour Call Me by Your Name

Alex O’Flinn pour The Rider

Gregory Plotkin pour Get Out

Tatiana S. Riegel pour I, Tonya

MEILLEURE ACTRICE

Salma Hayek dans Beatriz at Dinner

Frances McDormand dans Three Billboards outside Ebbing, Missouri

Margot Robbie dans I, Tonya

Saoirse Ronan dans Lady Bird

Shinobu Terajima dans Oh Lucy!

Regina Williams dans Life and nothing more

MEILLEUR ACTEUR

Timothée Chalamet dans Call Me by Your Name

Harris Dickinson dans Beach Rats

James Franco dans The Disaster Artist

Daniel Kaluuya dans Get Out

Robert Pattinson dans Good Time

MEILLEUR ACTRICE DANS UN SECOND RÔLE

Holly Hunter dans The Big Sick

Allison Janney dans I, Tonya

Laurie Metcalf dans Lady Bird

Lois Smith dans Marjorie Prime

Taliah Lennice Webster dans Good Time

MEILLEUR ACTEUR DANS UN SECOND RÔLE

Nnamdi Asomugha dans Crown Heights

Armie Hammer dans Call Me by Your Name

Barry Keoghan dans Mise à mort du cerf sacré

Sam Rockwell dans Three Billboards outside Ebbing, Missouri

Benny Safdie dans Good Time

PRIX ROBERT ALTMAN

Mudbound

MEILLEUR DOCUMENTAIRE

The Departure de Lana Wilson

Visages, Villages de  Agnés Varda & JR

Last Men in Aleppo de Feras Fayyad

Motherland de Ramona S. Diaz

Quest de Jonathan Olshefski

MEILLEUR FILM ETRANGER

120 battements par minute (France) de Robin Campillo

Une femme fantastique (Chili) de Sebastián Lelio

I Am Not a Witch (Zambie) de Rungano Nyoni

Lady Macbeth (Royaume-Uni) de William Oldroyd

Faute d'amour (Russie) de Andrey Zvyagintsev

Le 70e Festival de Locarno dévoile une programmation très française

Posté par vincy, le 12 juillet 2017

Adrien Brody honoré par un Leopard Club Award. Mathieu Kassovitz (qui viendra pour le premier film de Samuel Jouy, Sparring) récompensé par un Excellence Award. A ces deux acteurs, s'ajoutent Michel Merkt (Prix du producteur indépendant), Jean-Marie Straub (Léopard d'or d'honneur) et Nastassja Kinski parmi les hommages rendus cette année. Le 70e Festival de Locarno a révélé ce mercredi 12 juillet le programme des festivités.

Lynch, Huppert, Ruiz...

En compétition on retrouve notamment pas mal de productions et coproductions françaises: 9 doigts de F.J. Ossang, As Boas Maneiras de Juliana Rojas et Marco Dutra, Charleston d'Andreï Cretulescu, Good Luck de Ben Russell, Madame Hyde de Serge Bozon, avec Isabelle Huppert et Romain Duris, Mrs. Fang de Bing Wang et Wajib de Annemarie Jacir. A côté de ces films, ont note la présence de Denis Côté (Ta peau si lisse), Xu Bing (Qing Ting Zhi Yan), John Carroll Lynch (Lucky, avec David Lynch), une œuvre posthume de Raul Ruiz (La telenovela Errante), Jim McKay (On the Seventh Day), Travis Wilkerson (Did You Wonder Who Fired Gun?), Aaron Katz (Gemini) ou encore Germano Maccioni (Les astéroïdes - Gli asteroidi, avec Pippo Delbono)

Paradis, Ardant, Argento...

Pour cette édition anniversaire, le cinéma français sera très présent avec Olivier Assayas et Sabine Azéma à la présidence de deux jurys, mais aussi Samuel Benchetrit, Vanessa Paradis et Vincent Macaigne (Chien), Fanny Ardant transgenre (Lola Pater), Noémie Lvovsky et Mathieu Amalric (Demain et tous les autres jours qui ouvrira la prestigieuse programmation de la Piazza Grande), Paul Hamy et Pascal Greggory (9 Doigts) et Jean-Pierre Léaud (36 fillette). Parmi les autres stars attendues Albert Serra, Francesca Comencini, Irrfan Khan et Golshifteh Farahani (The Song of the Scorpions), Vincent Pérez et le cultissime Dario Argento. Locarno a aussi obtenu la comédie indépendante The Big Sick, véritable phénomène à Sundance, et succès inattendu au box office américain cet été dans les circuits art et essai.

Côté diversité, Locarno présentera deux blockbusters Atomic Blonde avec Charlize Theron et le thriller SF de Netflix, What Happened to Monday? avec Noomie Rapace. De Cannes, seul Good Time des frères Safdie a été retenu pour la Piazza Grande.

D'hier à aujourd'hui

Dans la section Cinéastes du présent, on notera le sud coréen Kim Dae-hwan (The First Lap), le japonais Ryutaro Ninomiya (Sweating the Small Stuff), la française Narimane Mari (Le fort des fous) et l'américain Dustin Guy Defa (Person to Person).

Enfin, est-ce pour la francophilie affirmée de cette édition? Mais la Rétrospective 2017 sera consacrée à Jacques Tourneur, disparu il y a 40 ans: "un réalisateur qui n’est encore pas reconnu à la hauteur de son talent. Tourneur a souvent tourné des films classifiés comme « série B », des films qui nous semblent aujourd’hui plus incisifs, plus visionnaires et plus actuels que leurs aînés. Car le réalisateur a toujours su mêler dans son travail l’imaginaire puissant des récits de genre et une poésie visuelle unique, héritée sans doute de sa double identité, européenne et américaine."

Cannes 2017: que retenir de ce 70e festival?

Posté par vincy, le 29 mai 2017

Retards à l'allumage
La mécanique précise du festival de Cannes a connu quelques enrayements durant les premiers jours: les mesures de sécurité, le calendrier trop serré des projections ou encore quelques incidents aléatoires ont conduit quelques projections à commencer très très très en retard. Une alerte à la bombe a contraint la projection presse du Redoutable à débuter avec plus de 3/4 d'heure de retard. Une sécurité dépassée par le nombre de journalistes a obligé le film Wonderstruck à démarrer à 8h45 au lieu de 8h30. Un incident de rideau a conduit la projection d'Okja à être recommencée après dix minutes de film. Et on passe sur les anecdotes autour de la sécurité: des bonbons confisqués car ils pourraient servir de projectiles (en revanche les bouteilles de moins de 50 ml étaient autorisées, tout comme les ordinateurs), des agents qui parfois surveillaient de fond en comble les sacs très profonds offerts par le festival, et parfois les survolaient du regard, ou encore ces files d'attente gigantesques et compactes en bas du Théâtre Debussy, vers 18-19h, qui empêchaient les voitures officielles et les passants de circuler... Bizarrement, c'est dans ces moments là qu'on se sentait le moins en sécurité.

La fête est finie
Si les journalistes sont toujours plus nombreux, Cannes ne grouillait pas de monde cette année. Il était possible d'avoir des tables dans les restaurants à des heures habituellement bondées. Hormis dans les lieux privés, comme Albane ou la Villa Schweppes, la fréquentation sur la Croisette la nuit n'était pas aussi importante qu'il y a quelques années. Beaucoup préféraient les bars hypes (Mouton-Cadet Wine Bar, Grand Hôtel, Fouquet's, Petit Carlton) ou les terrasses comme celles du Silencio. Les soirées sur les plages, qui se ressemblent toutes, ont lassé. Mêmes musiques, mêmes alcools, mêmes gens. L'entre-soi a eu ses limites. La bonne idée, c'était de créer une terrasse pour les journalistes au sommet du Palais. Et la Welcome Party plage du Majestic restait le moment le plus convivial de la quinzaine.
Autre fait marquant: la flambée des locations. Il y a encore quelques années, on pouvait investir 500 à 700 euros par personne pour un appartement de 5/6 couchages dans le centre de la ville. Désormais, il faut aligner environ 1000€. A cela s'ajoute le remplacement de certains restaurants accessibles et agréables par des endroits plus chics et beaucoup plus chers. Cette inflation des coûts est de mauvais augure pour le Festival quand on sait les contraintes budgétaires que subissent tous les professionnels.

De la soupe et faire pipi
Oui, écrit comme cela, ça peut paraître étrange. Mais constatons que la soupe reste le plat principal le plus dégusté par les personnages dans les films de la compétition. A croire que les réalisateurs apprécient peu la cuisine. Ou le repas est raté (The Meyerowitz stories), ou l'alimentation est malsaine (Okja) voire empoisonnée (Les proies), ou le dîner n'a finalement pas lieu (The Square). Et sinon, mange ta soupe.
Ce qui conduit logiquement la vessie à vouloir se vider. On en entend des pipis, y compris chez Haneke, c'est dire. Bon, comme nous le verrons dans L'instant Q, Haneke semble très urophile. Concluons que l'uro est assez tendance.

Enfants torturés
L'enfance ne rime plus avec innocence. Ils fuguent en rejetant les adultes (Wonderstruck, Faute d'amour), ils empoisonnent (Les proies, Happy End), ils se rebellent (Okja), ils sont capables de vouloir la mort de leur frère ou sœur (Mise à mort d'un cerf sacré), ils menacent (The Square), ils égorgent au rasoir (You Were Never Really Here), et enfin ils s'émancipent précocement avec joint et sexe (Good time). Mais on peut aller largement plus loin. Les progénitures sont mal-aimées, même quand elles deviennent adultes (The Meyerowitz Stories). Bourreaux ou victimes: la frontière peut s'estomper au fil du récit. Ainsi les deux enfants de Farrell et Kidman dans le Lanthimos sont d'abord persécutés, puis manipulateurs avant de finir en victime d'un autre enfant, certes un peu plus âgé, mais complètement psychopathe. Idem dans le Lynne Ramsey, la gamine est d'abord une victime d'abus sexuel avant de devenir criminelle. Le must est du côté de John Cameron Mitchell (How To Talk To Girls at Parties), où les enfants sont dévorés par leurs parents afin que ceux-ci puissent survivre. Il y a aussi un nombre impressionnant d'orphelins (Wonderstruck, Okja, Good Time, La lune de Jupiter), souvent recueillis par un grand parent, une belle famille ou un oncle-tante etc.

Le couple branlant
Logiquement, tout cela amène des histoires où la famille est décomposée, recomposée voire construite in extenso. Même quand il n'y a pas ou plus d'enfants, les couples sont en voie de destruction (La lune de Jupiter, Faute d'amour, Le redoutable, Rodin, Le jour d'après, Une femme douce...). Mention spéciale à celui de 120 battements par minute, où la mort de l'un des protagonistes nous déchire le cœur.
D'ailleurs, on ne compte plus le nombre de veuves ou de femmes séparées. De tous les films en compétition, peu tendent vers une histoire d'amour qui finit bien: Vers la lumière, Happy End qui finit sur un mariage certes un peu gâché, et L'amant double après de multiples péripéties névrotiques.

Délires inaboutis
Nombreux sont les films de la compétition qui ont subit une greffe de genre. On prend un récit classique et on lui adjoint du mystique, du fantastique, du thriller, ou même de l'onirique. Des effets spéciaux plus ou moins réussis détournent le drame vers un no man's land géographique. Christ volant dans La lune de Jupiter, baise routinière qui se dédouble en plan à quatre dans L'amant double, cochons aux OGM qui ont un comportement humain, parqués dans des camps qui rappellent la Shoah, dans Okja, rêve-cauchemar interminable et caricatural dans Une femme douce, etc... Reste la plus belle idée narrative de la compétition, le flash-back retissant les liens entre les deux époques de Wonderstuck, en diorama. Un joli délire, justifié et accompli.

L'art omniprésent
Les artistes et les musées, les cinéastes et les écrivains, les chanteurs et les photographes: autant d'artistes ou de lieux artistiques qui ont inspiré les cinéastes cette année. Pour ne prendre que la sélection officielle, on a eu des sculpteurs (The Square, Rodin et The Meyerowitz Stories), des réalisateurs (Le Redoutable, Les Fantômes d’Ismaël et La Caméra de Claire), un éditeur (Le jour d'après), des écrivains (D'après une histoire vraie, L'atelier), une chanteuse (Barbara), des photographes (Vers la lumière, They), un artiste de cabaret (Nos années folles)... et n'oublions pas le directeur de musée contemporain de The Square, le musée d'histoire naturelle de Wonderstruck ou encore le Palais de Tokyo dans L'amant double. A de rares exceptions près, ces portraits sont assez stéréotypés: l'artiste déprime, est en proie à ses passions ou en panne d'inspiration.

La logique de groupe
Unis nous sommes plus forts? De nombreux films critiquent l'individualisme, à commencer par la Palme d'or The Square. Et finalement ceux qui combattent ensemble paraissent en effet les seuls à pouvoir résister à une société tyrannique ou/et déshumanisante. A vouloir se battre seuls, les "héros" d'Une femme douce, de Mise à mort du cerf sacré et de L'amant double perdent d'avance leur bataille. Tous les comportement égoïstes sont sanctionnés par les cinéastes (la liste est longue, du Redoutable à Faute d'amour). Ceux qui s'en sortent sont ceux qui acceptent l'aide des autres, le sacrifice pour l'autre ou la révolte collective: Okja, 120 battements par minute, You Were Never Really Here, Wonderstruck, In the Fade, La lune de Jupiter, Les proies...

L'Histoire et la Politique
Engagé le Festival de Cannes? Disons que les cinéastes n'ont pas hésité à prendre l'actualité comme toile de fonds. Les réfugiés, dans La lune de Jupiter, et de manière figurative dans Happy End. Le terrorisme dans In the Fade. Le scandale de l'industrie alimentaire dans Okja. Mai 68 dans Le redoutable. L'impuissance et la corruption des pouvoirs publics dans Faute d'amour et Une femme douce, deux films russes, et dans La lune de Jupiter. La vacuité de la justice individuelle (In the Fade, The Square). La pandémie du SIDA qui laissait indifférentes les institutions dans 120 BPM.

Des héros schizos
Finalement les dilemmes restent le mobile dramaturgique le plus commun à tous ces films, qu'ils mènent au meurtre ou à une forme de rédemption. Pratiquement tous les personnages sont dans la culpabilité ou la contradiction. Ils se dédoublent même, à la fois bons et mauvais, innocents et bourreaux, victimes et responsables. Ils se scindent en deux, entre leur vie d'avant et celle à laquelle ils aspirent. Jamais vraiment sincères, jamais vraiment méchants pour certains. Ils en bavent: prêts à tout pour sauver leur confort alors que la situation leur dicte qu'ils vont devoir affronter des choix. Le personnage cannois type cette année était un bourgeois, de la classe moyenne, piégé par la réalité, prisonnier d'une société injuste ou/et violente. Il y perd son âme, son job, l'un des siens, voire sa propre vie. Pas étonnant finalement que, dans ce contexte très sombre, on ait préféré des films, où, malgré le prix chèrement payé, l'espoir était au rendez-vous vers la fin.

Et pour finir, l'instant Q
2017 ne fut pas très érotique. 120 BPM nous a offert une jolie masturbation à l'hôpital et une nuit torride entre deux garçons.  Dans Rodin, on cache ce plan à trois qu'on ne saurait voir (on nous ferme la porte au nez). On peut compter sur Ozon: les deux acteurs ne se ménagent pas, exhibant leurs corps, baisant dans tous les sens, et jusqu'à ce plan introductif et serré sur le vagin de l'héroïne. Pas de quoi bander pour autant, surtout lorsque le cinéaste en vient à filmer un fantasme de viol, brutalement sexiste et misogyne. Le viol ou l'abus sexuel est assez fréquent d'ailleurs cette année même en arrière plan (The Square, Une femme douce, You Were Never Really here, The Meyerowitz Stories). Dans Happy End, le sexe est par messagerie interposée sur Facebook: la description de plans culs (et trash, et on en revient au pipi). Dans Mise à mort du cerf sacré, le jeu sexuel du couple se résume à la femme simulant un corps sous anesthésie générale dont profite son mari. Le corps de Kidman vaut le coup d'œil. Dans The Square, il y a un peu de sexe. Un sexe du côté de la performance, avec un coït unilatéral semble-t-il. Le moment le plus drôle est sans doute après: quand les deux partenaires tirent sur la capote pour savoir lequel des deux va la jeter. Dans Faute d'amour, l'épouse découvre l'orgasme avec son amant. Cannes 70 c'était un peu comme dans Les proies, très prude (malgré le sujet, une seule scène érotisante où Kidman nettoie le corps de Farrell). C'est à l'image du Redoutable, où Hazanavicius se moque de la nudité au cinéma. Louis Garrel et Stacy Martin sont dans le plus simple appareil. Mais côté baise, c'est un peu tiède. Mais tout cela a manqué de chair et de sueur....

Cannes 2017 : Cannes Soundtrack Award attribué à Oneohtrix Point Never pour Good time des frères Safdie

Posté par MpM, le 29 mai 2017

C'est le musicien Oneohtrix Point Never (Daniel Lopatin) qui a reçu le prix de la meilleure musique originale pour un film en compétition lors du 70e Festival de Cannes. Le compositeur expérimental et créateur du label Software Recording Co. a composé une musique électronique planante et frénétique qui habite le film des frères Safdie, Good time, jusqu'à tout envahir.

Elle apporte ainsi au récit une ampleur esthétique et une force dramatique qu'il ne serait pas capable d'atteindre sans elle. Une osmose rare au cinéma entre des choix très précis de mise en scène, une certaine brutalité de narration, et la force presque hypnotique de la partition, qui accompagnent un loser magnifique lancé dans une course contre la montre pour sortir son frère de prison.

Quant à la chanson du générique final, The Pure And The Damned, elle est coécrite avec Iggy Pop. Excusez du peu.

Une fois encore, le prix Cannes soundtrack vise donc plutôt juste et récompense l'une des BO les plus fortes de cette 70e édition, qui ne manquait d'ailleurs pas de belles propositions. Rien que dans le trio de tête, aux côtés de Oneohtrix Point Never, citons notamment Jonny Greenwood et son travail remarquable sur You were never really here de Lynne Ramsay, où la musique est en osmose permanente avec le récit et les émotions qu'il suscite, ainsi que la proposition délicate et minimaliste d’Evgeny Galperin sur Faute d'amour d’Andreï Zviaguintsev, qui apporte sa propre mélancolie romantique au récit.

Créé en 2010, Cannes Soundtrack est le principal événement qui s'intéresse à la musique de film pendant le Festival de Cannes. Les années précédentes,  il avait récompensé Cliff Martinez pour The Neon demon (2016), Lim Giong pour The Assassin de Hou Hsiao-Hsien (2015), Howard Shore pour Maps to the Stars de David Cronenberg (2014) ou encore Jozef Van Wissem pour Only lovers left Alive de Jim Jarmush (2013). On a connu pire compagnie.

Cannes 2017: Notre palmarès idéal (et notre palmarès cauchemardesque)

Posté par vincy, le 28 mai 2017

Ce ne sont pas des pronostics, mais nos palmarès persos, nos palmarès idéaux.

MpM

Palme d'Or : You were never really here
Grand Prix : 120 battements par minute
Prix du Jury : Okja
Prix de la Mise en scène : Good Time
Prix du Scénario : Le redoutable
Prix d'interprétation féminine : Diane Kruger dans In the fade
Prix d'interprétation masculine : Colin Farrell dans Mise à mort du cerf sacré
Prix spécial du 70ème Festival : Loveless (Faute d'amour)

Vincy

Palme d'Or : 120 battements par minute
Grand Prix : You were never really here
Prix du Jury : Okja
Prix de la Mise en scène ex-aequo : Good Time et Loveless (Faute d'amour)
Prix du Scénario : Le redoutable
Prix d'interprétation féminine : Nicole Kidman pour l'ensemble de ses films présentés à Cannes
Prix d'interprétation masculine : Colin Farrell dans Mise à mort du cerf sacré
Prix spécial du 70ème Festival : Le jour d'après

Kristofy

Palme d'Or : 120 battements par minute
Grand Prix : You were never really here
Prix du Jury : Loveless (Faute d'amour)
Prix de la Mise en scène : Le Redoutable
Prix du Scénario : Mise à mort du cerf sacré
Prix d'interprétation féminine : Diane Kruger dans In the fade
Prix d'interprétation masculine : collectif pour l'ensemble du casting, garçons et filles, de 120 battements par minute
Prix spécial du 70ème Festival : Okja

Le palmarès cauchemardesque

Palme de glaise (qui pourrait remporter chacun des prix qui suivent): Rodin
Grand prix caricatural: Une femme douce
Prix de la mise en scène obscène : L'amant double
Prix du scénario bavard, hystérique et égotique: The Meyerowitz stories
Prix de l'acteur principal mal post-synchronisé: Merab Ninidze avec la voix de Andras Balint dans La lune de Jupiter
Prix de l'actrice principale qui ne procure pas d'émotions avec un rôle bouleversant: Ayame Misaki dans Vers la lumière
Prix spécial du 70e Festival parce qu'on ne peut pas lui donner une troisième Palme avec ce film: Happy End
Prix du jury qui ne comprend pas qu'il est impossible d'adapter les merveilleux livres de Brian Selznick: Wonderstruck

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Daily Cannes: Robert, Eva, Emmanuelle et une robe pour Twin Peaks

Posté par cynthia, le 28 mai 2017

Et bien voilà, ça y est, il va falloir reprendre le métro, reprendre un rythme normale, ne plus s'habituer à l'alcool gratuit, retourner bosser dans un bureau sans stars, soleil, glace ou café Nespresso, le festival de Cannes se termine lentement mais sûrement en emportant notre quotient plaisir avec.

Le 26 mai, la star de la croisette c'était bel et bien ROBEEEEEERRRRRRRRRRT Pattinson.
Tout d'abord je tiens à présenter mes excuses à l'acteur britannique car, il est vrai que mon appréciation à son égard était égale à l'amour que peut avoir un coiffeur envers des poux.

Focus du jour: Robert Pattinson (prononcé sur la croisette «ROBEEEEEEERRRRRRRTTTTT OH OUIIIIIIiiiiiiiiiii!!»)

Pattinson, on s'en souvient comme du vampire un peu constipé (revoir ses expressions faciales) et brillant au soleil (il a confondu le gloss avec sa crème bronzante) de la saga Twilight. Depuis, l'acteur a tenté, tant bien que mal - tout comme sa partenaire et ex-girlfriend Kristen Stewart toujours présente à Cannes lorsqu'il y est... je dis ça, je dis rien - d'enlever cette horrible image d'acteur de bas étage et d'aimant à minettes qui lui collait à la peau. Quatre passage au festival de Cannes et le bébert a su faire oublier légèrement son rôle de vampire/ado, jusqu'à ce jour... tout le monde a oublié le vampire.

Sa prestation dans le film de Josh et Benny Safdie, Good Time a enflammé le festival (ex explosé nos tympans lors de son arrivée sur le tapis rouge).

Robert Pattinson incarne un braqueur en cavale dans les bas-fonds de New York et livre une performance remarquable, au point que certains le considèrent comme un candidat sérieux au prix d'interprétation masculine, aux côtés de Louis Garrel et Joaquin Phoenix. Sur Twitter, le comédien aussi a emballé le cœur des critiques et cinéphiles qui évoque déjà une présence dans la future course aux Oscars 2018.

Eva Green et Emmanuelle Seigner

Le lendemain, il n'était pas question de faire baisser la température avec nos héroïnes du jour: Emmanuelle Seigner et Eva Green. Venues présenter, en hors-compétition, le film de Roman Polanski et adapté d'un roman de Delphine Vigan, D'après une histoire vraie, ont rejoué l'une des scènes (pleine de tendresse) du film. Les deux actrices ont échangé un doux baiser sensuel pour le plus grand plaisir des photographes de la croisette (je crois qu'il y en a deux ou trois qui ont dû poser un congé). Ça ne sauvera pas l'accueil critique du film: froid comme un bloc de glace. On crie déjà au nanar (c'est jamais que le troisième film français de la sélection qui est en lice pour le titre). Une chose est certaine: le surjeu de Eva Green devrait faire le bonheur des gif-maniaques.

Twitter, ce réseau drôle et captivant

Et parce que Cannes c'est aussi beaucoup sur les réseaux sociaux, voici deux tweets qui ont retenu notre attention, hommage non feint à ces festivaliers qui profitent de Cannes pour s'amuser et nous faire sourire... Vivement la session de l'année prochaine.

Cannes 2017 : Qui sont les frères Safdie ?

Posté par kristofy, le 25 mai 2017

Cette année dans la compétition officielle du côté des américains, il y a les nouveaux films de Todd Haynes, Sofia Coppola, Noah Baumbach, et celui des frères Safdie avec Robert Pattinson et Jennifer Jason Leigh dans une histoire de braquage. Qui sont ces cinéastes indépendants dont la carrière va prendre une nouvelle dimension ?

Les frères Joshua et Benny Safdie (ou Josh et Ben, c’est selon) sont quasiment nés à Cannes, plus précisément à La Quinzaine des Réalisateurs avec la sélection en 2008 de leurs premiers long-métrages The Pleasure of Being Robbed (réalisé par Josh Safdie) puis en 2009 de Lenny and the kids (réalisé par les deux frères et Prix John-Cassavetes aux Independent Spirit Awards), mais aussi avec le court-métrage The Acquaintances of a Lonely John (réalisé par Benny Safdie) en 2008.

Les deux frères - qui ont grandi à New-York - et quelques amis s’étaient déjà regroupés pour travailler ensemble sur plusieurs courts un peu dans l’esprit de la tendance du mumblecore (petit budget et grande énergie collective) en s'aidant de leur structure Red Bucket Films. Il en a découlé ces films qui ont trouvé un distributeur en salles et reçu de bonnes critiques. Ces deux longs et cinq courts ont d’ailleurs été regroupés dans un coffret de trois DVD (édité par Blaq Out) que l’on vous recommande.

Il faut attendre 2016 pour la sortie de leur 3ème long-métrage Mad love in New York (Heaven Knows What) inspiré de la vraie vie d’une jeune femme qu’ils avaient rencontré: une SDF en sevrage de drogue, devenue l’actrice de son rôle. Le film remporte le Grand prix au Festival de Tokyo et le prix des salles art et essai au Festival de Venise.

Ils varient les sujets, fidèle à leur envie de liberté totale, mais cherchent toujours un angle décalé à des récits a priori classique, avec des personnages marginaux ou singuliers, que ce soit un kleptomane, un lycéen joueur de basket ou un père mentalement psychologiquement malade.

Leur nouveau film Good Time ressemble à un grand écart : après s’être inspiré de leur famille (père, compagne…) et de faits réels, les frères Safdie se tournent vers de la pure fiction avec une histoire de braquage qui tourne mal. Toutefois, en toile de fond, on retrouve leur ville de New-York, dont ils ont une vision assez sombre (une partie du film est tourné dans une vraie prison). La présence de Robert Pattinson et Jennifer Jason Leigh donnent bien entendu une toute autre dimension au film, ce qui explique d’ailleurs leur promotion sur le tapis rouge de la compétition cannoise.

Pour autant les frères Josh et Benny Safdie ne sont pas pour autant ‘vendus’ à faire un film de commande d’un studio. Ils continuent d'écrire, réaliser et produire en famille. C’est bien entendu trop tôt pour spéculer, mais Good Time pourrait être l'une des surprises de ce 70e Festival.

Robert Pattinson en braqueur de banque chez les frères Safdie

Posté par vincy, le 11 juillet 2015

Robert Pattinson sera la tête d'affiche de Good Time, réalisé par Josh et Benny Safdie, selon les informations de The Hollywood Reporter. Ce film indépendant est un mix entre deux genres: le braquage de banque et le thriller de série B.

Pattinson sera un braqueur qui va tenter par tous les moyens d'échapper à un piège de plus en plus menaçant pour lui.

Outre des courts métrages souvent récompensés et des documentaires, les frères Safdie ont jusque là réalisé The Pleasure of Being Robbed, sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, Lenny and the Kids, Prix John Cassavetes aux Independent Spirit Awards et sélectionné aussi à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, et le récent Heaven Knows What, Grand prix et prix de la mise en scène à Tokyo ainsi qu'un prix des cinémas art et essai à Venise l'an dernier.

Pattinson est attendu dans Life d'Anton Corbijn, Queen of the Desert de Werner Herzog avec Nicole Kidman, The Childhood of a Leader de avec Bereneice Bejo et The Lost City of Z, avec Sienna Miller et Charlie Hunnam.