Call Me By Your Name et 120 battements par minute nommés aux GLAAD Media Awards 2018

Posté par wyzman, le 19 janvier 2018

Il y a quelques minutes seulement, l'Alliance gay et lesbienne contre la diffamation (GLAAD) a révélé les nommés de ses désormais très attendus GLAAD Media Awards. Chaque année, l'association remet en effet des prix à des œuvres et à des personnalités qui ont permis de faire changer la vision que la société a des personnalités queer. Cette année, sans surprise, les films Call Me By Your Name et 120 battements par minute ainsi que les séries This Is Us et Transparent figurent parmi les nommés. La remise de prix se fera comme d'habitude en 2 parties : le 12 avril à Los Angeles et le 5 mai à New York.

MEILLEUR FILM

Battle of the Sexes (Fox Searchlight)
Call Me by Your Name (Sony Pictures Classics)
Lady Bird (A24)
Professor Marston and the Wonder Women (Annapurna Pictures)
La forme de l'eau (The Shape of Water) (Fox Searchlight)

MEILLEUR FILM (SORTIE LIMITÉE)

BPM (120 battements par minute) (The Orchard)
Une femme fantastique (Sony Pictures Classics)
Seule la terre (God's Own Country) (Samuel Goldwyn Films/Orion Pictures)
Thelma (The Orchard)
The Wound (Kino Lorber)

MEILLEURE SERIE COMIQUE

The Bold Type (Freeform)
Brooklyn Nine-Nine (FOX)
Crazy Ex-Girlfriend (The CW)
Modern Family (ABC)
One Day at a Time (Netflix)
One Mississippi (Amazon)
Superstore (NBC)
Survivor’s Remorse (Starz)
Transparent (Amazon)
Will & Grace (NBC)

MEILLEURE SERIE DRAMATIQUE

Billions (Showtime)
Doubt (CBS)
The Handmaid’s Tale (Hulu)
Nashville (CMT)
Sense8 (Netflix)
Shadowhunters (Freeform)
Star (FOX)
Star Trek: Discovery (CBS All Access)
This Is Us (NBC)
Wynonna Earp (Syfy)

MEILLEUR EPISODE (de série sans personnage LGBTQ récurrent)
“Chapter,” Legion (FX)
“Grace,” Pure Genius (CBS)
“Lady Cha Cha,” Easy (Netflix)
“The Missionaries,” Room 104 (HBO)
“Thanksgiving,” Master of None (Netflix)

MEILLEUR TÉLÉFILM OU MINI-SÉRIE

American Horror Story: Cult (FX)
Feud: Bette and Joan (FX)
Godless (Netflix)
Queers (BBC America)
When We Rise (ABC)

MEILLEUR DOUMENTAIRE

Chavela (Music Box Films)
Gender Revolution: A Journey with Katie Couric (National Geographic)
Kiki (Sundance Selects)
“Real Boy,” Independent Lens (PBS)
This is Everything: Gigi Gorgeous (YouTube Red)

MEILLEURE EMISSION DE TELE-REALITE

Gaycation with Ellen Page (Viceland)
I Am Jazz (TLC)
RuPaul’s Drag Race (VH1)
Survivor: Game Changers (CBS)
The Voice (NBC)

MEILLEURE COUVERTURE PAR UN MAGAZINE

The Advocate
Billboard
People
Teen Vogue
Time

PRIX SPECIAL

In a Heartbeat (written & directed by Esteban Bravo and Beth David)
“Smile,” by Jay-Z featuring Gloria Carter, 4:44 (Roc Nation/Universal Music Group)

Les 5 révélations en lice aux BAFTA 2018

Posté par vincy, le 5 janvier 2018

Pour le Rising Star Award, les Baftas ont dévoilé les cinq acteurs qui vont être soumis au vote du public en vue d'obtenir la récompense, équivalente du meilleur espoir.

Timothée Chalamet (Call me by your Name), Daniel Kaluuya (Get Out), Josh O’Connor (Seule la terre), Florence Pugh (The Young Lady) et Tessa Thompson (Thor: Ragnarok) se disputeront les faveurs des "électeurs". Le lauréat sera connu lors de la cérémonie des Bafta le 18 février prochain.

Depuis que ce prix existe, créé en 2006, James McAvoy, Eva Green, Shia LaBeouf, Noel Clarke, Kirsten Stewart, Tom Hardy, Adam Deacon, Juno Temple, Will Poulter, jack O'Connell, John Boyega et Tom Holland ont été sacrés. On note aussi quelques nommés éconduits comme Chiwetel Ejiofor, Michelle Williams, Rachel McAdams, Gael Garcia Bernal, Emily Blunt, Ben Whishaw, Ellen Page, Michael Fassne,der, Emily Blunt, Andrew Garfield, Emma Stone, Chris Hemsworth, Tom Hiddleston, Eddie Redmayne, Alicia Vikander, Lupita Nyong'o, Miles Teller, Shialene Woodley, Margot Robbie, Brie Larson. La seule française à avoir concouru pour ce prix est Léa Seydoux en 2014.

Mon film de l’année: L’autre côté de l’espoir, conte idéaliste et bienveillant

Posté par vincy, le 29 décembre 2017

Ours d'argent de la mise en scène à Berlin, L'autre côté de l'espoir est peut-être le dernier film d'Aki Kaurismäki. Si ce film surclasse les autres en fin d'année, et n'a pas déçu mes attentes, c'est aussi parce qu'il résonne avec l'actualité. Son intensité, derrière son apparente simplicité, provient de deux destins qui s'entrechoquent: l'homo occidentalus, âgé et sur le déclin, face un jeune réfugié syrien qui fuit la guerre.

Alors que les pays occidentaux se débattent dans leurs positions autour de l'immigration provenant d'Afrique et du Proche et Moyen orient, le cinéaste finlandais imagine une fable où le "vivre ensemble" ne serait pas un simple slogan creux. Le mot "bienveillance" a été utilisé abusivement ces derniers moins par les dirigeants, afin d'apaiser des tensions a priori irréconciliables, et en faisant appel à une charité comportementale. L'autre côté de l'espoir n'a pas besoin de sémantique, de dogme ou de prêche. Comme un joli blues, il livre ses propres incantations. Une chanson douce pour ne pas se résigner.

La coexistence sympathique entre les deux mondes, l'apprivoisement progressif qui enfouit la peur de l'autre, l'empathie naturelle qui se dégage pour les deux personnages peuvent paraître idéalistes. Pourtant, le réalisateur ne cache pas la violence de la société, la précarité de chacun, l'absurdité d'un monde sourd et aveugle. La mélancolie qui s'évapore de cette eau bouillonnante vient se confondre avec les rêves qui planent dans les airs. Cela donne un film tendre et toujours plein de surprises, avec des individus vivant à la marge attachants. La mondialisation est bien présente, la société est visiblement fragile et paumée, et il y a un nombre d'abrutis un peu trop important pour être complètement serein.

Mais avec Kaurismäki, nous sommes dans un conte de faits, terriblement actuels, où la face obscure s'éclipse à la lumière de ces êtres profondément bons, mais faillibles, qui savent que l'avenir n'est pas déterminé par une frontière, une couleur de peau, un Dieu différent. On a beaucoup parlé du "monde ancien" ces derniers temps. Le réalisateur a eu le talent de montrer que le "monde nouveau" n'est rien d'autre que celui que nous espérons et que les dominants détruisent. Ce qui en fait assurément le film le plus insoumis de tous cette année.

Les autres films marquants de l'année

Le genre parfait: Le film "LGBT" a connu son sacre cette année. Nos cœurs ont palpité pour des "romances" bouleversantes, dramatiques, charnelles, sensuelles et tragiques. De non dits en silences, de secrets inavoués en déclarations d'amour chuchotées, les films 120 battements par minute, Moonlight, Hearthstone, Seule la terre, Diane a les épaules, Une femme fantastique et dans une certaine mesure Battle of the Sexes nous ont emportés. Et attendez de voir Call me by your name, quintessence du genre qui nous liquéfie...

Le réalisme onirique: L'année fut riche pour les films du réel aka les documentaires. Paradoxalement, c'est peut-être le plus romanesque d'entre eux qui m'a touché le plus: Carré 35 d'Eric Caravaca, entre enquête intime et reflet d'une vie, celle du cinéaste et de ses proches. De la même manière, par leur formalisme et leur poésie, les "fictions" Lettres de la guerre et Barbara, qui mélangent archives et reconstitution, images retravaillées et sentiments bruts, mots d'hier et maux atemporels m'ont séduit.

Le polar new yorkais: A Cannes deux films ont marqué les esprits: stylisés, brutaux, humanistes sous leurs apparences égoïstes, A Beautiful Day de Lynne Ramsey était palmable et Good Time des frères Safdie méritait le prix de la mise en scène. New York en arrière plan, le thriller en genre assumé. Dans la veine de certains Scorsese, ces deux films ont été un régal d'un point de vue cinéphile. Preuve que la poisse peut-être gagnante.

Le blockbuster: La Planète des singes: Suprématie clôt une trilogie certes inégale mais pour une fois cohérente. La Fox a eu raison de faire de cette énième version du sujet imaginé par Pierre Boule il y a 55 ans une allégorie sur la nature animale de l'homme et au final un affrontement de civilisation qui fait écho à ces politiques rejetant l'autre sous prétexte qu'il est différent.

Le film surfait: Je ne vais pas dire The Square même si je le pense comme MpM. Aussi, je choisirai un film que je vois apparaître dans plusieurs palmarès: Certaines femmes de Kelly Reichardt. On peut apprécier la direction d'actrices, la mise en scène soignée, mais ce film sombre et triste est aussi ennuyeux que froid.

Le chef d'œuvre oublié: The Lost City of Z est sans aucun doute l'un des plus beaux films de ces dernières années et la preuve que James Gray est un grand cinéaste. David Lean, Stanley Kubrick et John Huston sont convoqués dans cette quête mystique et anthropologique. Un opéra verdoyant où l'homme se perd à courir après un mirage. Splendide.

Seule la Terre triomphe aux British Independent Film Awards 2017

Posté par vincy, le 10 décembre 2017

Quatre films se sont partagés les honneurs des British Independent Film Awards ce dimanche soir: Seule la terre, I Am not a Witch, The Young Lady (Lady MacBeth) et La mort de Staline. Autant dire qu'il ne restait rien pour les autres hormis quelques prix de consolation. On peut le dire: il n'y a pas de fausse note dans ce palmarès de très bon goût.

Le grand vainqueur reste Seule la terre, le premier film de Francis Lee sorti mercredi sur les écrans français. En remportant le prix du meilleur film, mais aussi celui du meilleur acteur, du meilleur premier scénario et du meilleur son, Seule la terre a dominé la compétition, après avoir été primé à Berlin (Männer Jury Award aux Teddy Awards), à Dinard (Hitchcock d'or, prix des exploitants), à Stockholm (meilleur réalisateur, meilleur acteur), à Sundance (meilleure réalisation) et à Saint-Jean-de-Luz (meilleur film, meilleur acteur).

I Am Not a Witch et The Young Lady, tous deux en lice pour le Independent Spirit Award du meilleur film étranger aux Etats-Unis, ont de quoi être également réjouis. Le premier, qui a fait son avant-première mondiale à la Quinzaine des réalisateurs, sortira le 27 décembre en France. Il a remporté 3 prix dont celui de meilleur réalisateur. Le second, sorti en avril dernier en France (145000 entrées), primé aux Arcs et à San Sebastian, choisi parmi les 10 meilleurs films indépendants par le National Board of Review américain, a récolté 5 prix dont celui de la meilleure actrice.

Un autre film se détache en nombre de trophées: La mort de Staline, coproduction française, adapté d'une bande dessinée française, et, comme Seule la terre, présenté à Dinard fin septembre. Le film sort en mars en France et a reçu 4 récompenses.

Enfin, notons que Get Out s'offre le prix du meilleur film étranger.

Tous les prix
Meilleur film indépendant britannique : Seule la terre de Francis Lee
Meilleur réalisateur : Rungano Nyoni (I Am Not A Witch)
Meilleur acteur : Josh O’Connor (Seule la terre)
Meilleure actrice : Florence Pugh (The Young Lady)
Meilleur scénario : Alice Birch (The Young Lady)
Meilleur second rôle féminin : Patricia Clarkson (The Party)
Meilleur second rôle masculin : Simon Russell Beale (La mort de Staline)
Meilleur premier scénario : Francis Lee (Seule la terre)
Prix Douglas Hickox du meilleur réalisateur d'un premier film : Rungano Nyoni (I Am Not A Witch)
Meilleur documentaire : Almost Heaven de Carol Salter
Meilleure révélation producteur : Emily Morgan (I Am Not A Witch)
Meilleur film indépendant international : Get Out de Jordan Peele
Meilleur court métrage britannique : Fish Story de Charlie Lyne
Meilleure révélation : Naomi Ackie (The Young Lady)
Prix de la découverte : In Another Life de Jason Wingard
Meilleure photo : Ari Wegner (The Young Lady)
Meilleur casting : Sarah Crowe (La mort de Staline)
Meilleurs costumes : Holly Waddington (The Young Lady)
Meilleur montage : Jon Gregory (Three Billboards Outside Ebbing, Missouri)
Meilleurs effets spéciaux : Nick Allder et Ben White (The Ritual)
Meilleure musique : Carter Burwell (Three Billboards Outside Ebbing, Missouri)
Meilleurs maquillage et coiffure : Nicole Stafford (La mort de Staline)
Meilleurs décors : Cristina Casali (La mort de Staline)
Meilleur son : Anna Bertmark (Seule la terre)

Dinard 2017: Le jury tombe amoureux de « Seule la Terre »

Posté par vincy, le 30 septembre 2017

Le jury du Festival du film britannique de Dinard, présidé par Nicole Garcia, a (logiquement) succombé au meilleur film de la compétition, Seule la terre de Francis Lee qui est sacré par un Hitchcock d'or. Ce premier film a déjà reçu le prix de la mise en scène à Sundance, le prix du jury dans la section Panorama à Berlin, le prix du meilleur film britannique à Edinbourgh et de nombreux prix dans les festivals LGBTQI.

Francis Lee suit le parcours de Johnny, jeune homme malheureux, subissant sa vie de fermier dans le Yorkshire, alors que son père, handicapé ne peut plus assurer l'entretien de la ferme. Le soir, il noie son amertume au pub du village et multiplie les aventures sexuelles et furtives. Pour l'aider en cette fin d'hiver, ils font appel à un saisonnier, Gheorghe, d'origine roumaine. Johnny doit alors faire face à des sentiments jusqu’alors inconnus. Une relation intense naît entre eux. Johnny saura-t-il saisir la chance que lui offre le destin?

Seule la terre est "un premier long métrage intelligent, drôle, et très joliment filmé, qui a des faux airs de feel good movie rural et romantique" (lire notre bilan).

Le film sortira le 6 décembre en France chez Pyramide. Il a également reçu le Hitchcock « Coup de cœur » décerné par l’association La Règle du Jeu.

Le reste du palmarès couronne Pili de Leanne Welham, qui reçoit une mention spéciale du jury et le prix du public. Le sujet en lui-même est inspiré d'une multitude de faits réels: l'histoire d'une femme tanzanienne, seule avec ses deux enfants, qui luttent simultanément contre son HIV et cherche de l'argent pour s'offrir un commerce et une vie meilleure.

Le prix Hitchcock du meilleur scénario a récompensé Daphné, le film de Peter Mackie Burns. Parmi les autres prix, le jury des courts métrages a distingué We Love Moses de Dionne Edwards (Hitchcock d'or du court métrage) et une mention spéciale à The Party d'Andrea Harkin. Le prix du public revient à The Driving Seat de Phil Lowe. A noter que les deux Hitchcock d'or, celui du long et celui du court, récompensent des films dont le thème est assez similaire: l'homosexualité cachée.

Enfin, un Hitchcock d'honneur a sacré Jim Broadbent, Oscar du meilleur acteur dans un second rôle en 2001 dans Iris et prix d'interprétation à Venise pour Topsy-Turvy, père de Bridget Jones, maître de cérémonie du Moulin Rouge, juge dans Vera Drake (Lion d'or à Venise) et doyen dans Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal. Il était à Dinard pour présenter À l'heure des souvenirs (The Sense of an Ending) de Ritesh Batra, film avec Charlotte Rampling, dont la sortie est prévue en France en avril 2018.

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Dinard 2017 : retour sur la compétition

Posté par MpM, le 30 septembre 2017

C'est une compétition étonnamment homogène que propose cette année le Festival de Dinard. En tout six longs métrages britanniques dans lesquels le parcours individuel prime sur le collectif, et dans lesquels on assiste presque systématiquement à un combat pour sortir d'une impasse ou atteindre une certaine forme de rédemption. On peut ainsi dresser d'importants parallèles entre les personnages, tous aux prises avec un moment charnière de leur existence, en quête d'un sens à leur vie, contraints de se battre (au propre comme au figuré, chacun avec ses propres armes) pour atteindre le but qu'ils se sont fixés et, peut-être, retrouver leur dignité, ou tout simplement le bonheur.

Même la construction des films se répond, qui montrent tous des êtres en situation d'échec auxquels un cheminement initiatique permettra de sortir de l'impasse, ou de prendre un nouveau départ : une femme abandonnée, malade et pauvre dans Pili de Leanne Welham ; un boxeur alcoolique et raté dans Jawbone de Thomas Napper ; un adolescent mal dans sa peau et dans sa vie dans England is mine de Mark Gill ; une trentenaire à la dérive dans Daphne de Peter Mackie Burns ; un Britannique mi-boxeur mi-dealer condamné à une lourde peine de prison en Thaïlande dans Une prière avant l'aube de Jean-Stephane Sauvaire ; un jeune homme malheureux et frustré dans une ferme du Yorkshire dans Seule la terre de Francis Lee.

D'ailleurs, les situations se répondent : Daphne et le jeune agriculteur de Seule la terre noient leur mal-être dans l'alcool et les aventures sexuelles sans lendemain ; les boxeurs de Jawbone et Une prière avant l'aube jettent toutes leurs forces dans un ultime combat en forme de coup de dé ; et tous savent saisir l'opportunité qui leur est offerte, parfois à n'importe quel prix, et souvent à l'issue d'un long combat intérieur. Pili doit décider jusqu'où elle est prête à aller pour obtenir un kiosque de commerçante, le jeune Steven Morrissey doit mettre ses réticences et son angoisse de côté pour avoir le courage de refonder un groupe ; l'éleveur de Seule la terre doit apprendre à communiquer pour ne pas passer à côté de sa vie...

L'autre grand point commun entre ces six films est qu'ils sont tous, à leur manière, porteurs d'espoir. Les personnages ne se laissent enterrer ni par la vie, ni par le scénario, et tous trouvent ce qu'ils cherchaient au bout du chemin, que ce soit le pardon, la rédemption, la paix intérieure ou tout simplement l'amour. Un constat plutôt optimiste assez symptomatique d'une époque où chacun aspire à un accomplissement personnel et à une existence pleinement choisie. C'est ici le matériau humain qui est au centre des récits, bien plus que les grands sujets de société qui émaillent parfois les récits. Peut-être est-ce justement le constat d'un certain échec du collectif. Puisque la société semble incapable de résoudre les problèmes de ses membres, c'est à chacun de trouver ses propres ressources pour trouver le bonheur. Puisqu'il est impossible de changer le monde, commençons-donc par nous changer nous-mêmes.

England is mine de Mark Gill


Ce premier long métrage de Mark Gill, dont le titre original est Steven before Morrissey, est un biopic étrange qui pourrait aussi bien être un récit initiatique sur un adolescent lambda et archétypal qui se rêve en artiste. On y suit en effet le combat d'un jeune homme introverti et pas du tout adapté à son époque, quoique convaincu de sa propre valeur, pour trouver sa voie dans le monde de la musique.

Très rythmé, avec des dialogues efficaces, et une bonne dose d'ironie, le film raconte brillamment les quelques années ayant précédé la création du groupe The Smiths. Ne prenant jamais son personnage au premier degré (le génie méconnu), il le montre dans toute sa complexité, ses contradictions et ses travers. On sent ainsi à la fois la frustration de ne pas réussir, et le décalage fondamental entre ses aspirations et la réalité. L'une des meilleures idées du scénario est également de ne quasiment jamais montrer le personnage en train de chanter, mais de lui avoir au contraire donné la parole dans des monologues intérieurs d'une grande puissance.

Jawbone de Thomas Napper


Dans Jawbone, on suit un ancien boxeur ayant échoué après avoir été un jeune champion prometteur. Seul, à la rue, aux prises avec une addiction à l'alcool... le personnage semble dans un premier temps condamné par le récit qui ne lui laisse guère d'échappatoire. Mais c'est pour mieux mettre en lumière ce moment charnière de son existence où il essaye d'effacer en un coup toutes les erreurs du passé. Il s'extrait ainsi de la fatalité dans laquelle on le croyait enfermé, et va jusqu'au bout de son combat pour une vie meilleure.

On est dans un schéma assez classique à la fois pour ce qui est du "film de boxe", mais aussi du film de rédemption. Rien de très original, non, et d'indéniables longueurs qui alourdissent le propos déjà pas franchement subtil du film. Les séquences de combat posent malgré tout la question du corps des hommes, moins exposé que celui des femmes, et pourtant soumis à la même terrible contrainte économique : le personnage livre son corps en pâture aux coups de son adversaire, et accepte de risquer sa vie pour gagner un peu d'argent. Le film induit la question de la fatalité : dans quelle mesure a-t-il le choix de refuser ce combat de tous les dangers alors qu'il a déjà tout perdu  ?

Pili de Leanne Welham


Pili est une mère courage qui se bat pour réunir la somme d'argent lui permettant d'ouvrir un petit commerce, et de quitter la dure vie d'ouvrière agricole. Cette intrigue extrêmement classique (voire rebattue) permet au film de dresser un portrait très riche de la vie dans la campagne tanzanienne.

La réalisatrice a rencontré 80 femmes pour écrire le scénario du film, et a condensé leurs histoires en un seul personnage, ce qui se sent dans la profusion de tuiles qui tombent sur la jeune femme en quelques jours. Le résultat est presque anecdotique, et plein de bons sentiments. Malgré tout, on retrouve au coeur du film la volonté indéfectible du personnage d'atteindre son but : obtenir une vie meilleure, coûte que coûte.

Une prière avant l'aube de Jean-Stéphane Sauvaire


Une prière avant l'aube mélange les passages obligés du film de prison avec ceux du film de boxe. Cela donne une oeuvre assez classique dans son écriture, et qui ne recule devant aucun cliché. Mais son principal problème vient de sa mise en scène absurdement "arty", avec une caméra qui ne tient pas en place, rendant souvent l'action illisible, et a contrario de longs plans insistants sur les éléments les plus complaisants, de la promiscuité dans les cellules aux viols en passant par une pendaison.

Là encore, le film est par moments un prétexte pour parler des prisons thaïlandaises : trafics illégaux, gangs rivaux, violence latente... Tout y passe, dans une surenchère qui donne assez rapidement l'impression que plusieurs histoires (vraies, puisque le film s'inspire d'une histoire vraie) ont été condensées en une.

Daphné de Peter Mackie Burns


Plus ténu, Daphe est le portrait peu complaisant d'une trentenaire insidieusement mal dans sa peau, en panne dans sa vie, dont on suit la trajectoire intime à travers une (longue) succession d'épisodes tantôt cocasses, tantôt désespérants.

Ce que recherche l'héroïne, et ce qui lui manque, est moins tangible, moins concret que dans les autres films. On est sur un destin plus intérieur, moins immédiatement appréhendable. On a donc tendance à rester extérieur aux atermoiements de la jeune femme, jusqu'à ce que la dernière partie du film éclaire subitement le personnage et ses aspirations, nous le rendant enfin plus compréhensible et attachant.

Seule la terre de Francis Lee


Probablement le film le plus accompli de la sélection, malgré quelques longueurs, Seule la terre suit John, un jeune éleveur du Yorkshire coincé dans une vie rude et monotone qu'il n'a pas choisie. Frustré, malheureux, incapable de communiquer avec les autres, il va peu à peu retrouver une raison de se battre et d'aspirer au bonheur.

On admire la finesse d'écriture du scénario qui sans jamais surligner le moindre effet, nous permet peu à peu de comprendre le personnage principal, la situation de blocage dans laquelle ils se trouve, et le lent processus qui lui permet de s'ouvrir aux autres et à lui-même. Un premier long métrage intelligent, drôle, et très joliment filmé, qui a des faux airs de feel good movie rural et romantique.

Des femmes fantastiques sacrées par les Teddy Awards

Posté par vincy, le 18 février 2017

Le vendredi c'est Teddy à la Berlinale. Le Festival de Berlin est un senior plus ou moins vaillant de 67 ans. Un bon retraité allemand, daddy sur les bords. Les Teddy sont insolents de jeunesse du haut de leurs 31 ans d'existence, prêts à faire la fête toute la nuit sur des musiques tendances, ou s'amuser sur un France Gall des sixties, ou attendre Conchita sur scène. Au milieu d'élus politiques et de cinéastes et comédiens des différentes sélections, des "créatures" sublimes égayent la foule avec leurs perruques démesurées, leurs robes de princesse ou leurs tenues d'Halloween. Tout est normal. L'esprit de Cabaret sera le fil conducteur de cette cérémonie, qui n'est pas une remise de prix comme les autres.

Après tout on n'y remet que six prix en deux heures (très "timées"), si on compte le Teddy d'honneur pour la cinéaste Monika Treut, ouvertement féministe, lesbienne et femme cinéaste. Le show est aussi important. Tout, ou presque, en anglais. Mais attention, les prix LGBT n'ont rien d'un palmarès underground dépravé. "No sex tonight" (ou alors après la soirée dansante, dans les bars et boîtes de Berlin). "C'est presque tendance d'être homosexuel à Berlin" clame le Maître de Cérémonie. On veut bien le croire tant le nombre d'hétérosexuels dans la grande salles de la Haus der Berliner Festpiele, au cœur de Berlin Ouest, est faible. Les compteurs des applications de rencontre ont du exploser en géocalisant des centaines de LGBT à moins de 20 mètres. Mais ici, on n'a pas l'oeil rivé sur son téléphone. Habillés pour l'occasion ou casual, les invités sont de nature bienveillante, se mélangeant sans préjugés.

"Il y a plus d'énergie à vouloir nous rendre inégaux qu'à chercher à nous rendre égaux" - Wieland Speck, directeur de la section Panorama de la Berlinale

Ainsi, on passe de Zazie de Paris à un acrobate aux allures de jeune prince (torse nu), du ministre de la justice de Berlin interrogé par un présentateur télévisé qui aurait pu être dans une vidéo Bel-Ami à deux membres du jury, l'un originaire du Pakistan, l'autre de Turquie, rappelant les difficiles conditions de création, de liberté dans leurs pays (avec, notamment, un appel vibrant de tous les cinéastes turcs sélectionnés à Berlin pour que le Président Erdogan cesse sa politique liberticide). C'est ça les Teddy: un moment d'expression libre où on chante une ode à Marlène Dietrich, disparue il y a 25 ans, et on se prend un très beau discours d'une grande figure politique nationale qui égraine 24 crimes homophobes (comme 24 images par seconde) sur la planète l'an dernier. Un mix entre des fantasques frasques artistiques et des revendications sur le mariage pour tous (l'Allemagne est le dernier grand pays européen qui maintient les gays et lesbiennes dans l'inégalité des droits) et la reconnaissance et réhabilitation des victimes du Paragraphe 175, qui criminalisait l'homosexualité masculine, de 1871 à 1994 (quand même) et a permis aux Nazis de déporter 50 000 personnes.

Bon, évidemment, entre l'apéro avant, les cocktails après, entre une séance de maquillage by L'Oréal Paris (et une Tour Eiffel dorée en porte-clés comme cadeau) et l'organisation précise et parfaite, les Teddy sont avant tout l'occasion de décerner des récompenses. 6 prix ont ponctué la soirée.

Un palmarès où la transsexualité est reine

Le prix du public, appelé Harvey en hommage à Harvey Milk, a distingué le film britannique de Francis Lee, God's Own Country, qui dépeint une relation père-fils dans un milieu rural. Le fils endure sa routine et ne parvient à s'échapper d'elle que par des relations d'un soir avec des hommes et l'alcool qu'il boit au pub du coin. Le film a été présenté à Sundance le mois dernier.

Le Teddy du meilleur court-métrage est revenu à Min homosister (My Gay Sister) de la suédoise Lia Hietala, qui raconte l'histoire d'un jeune couple de lesbiennes à travers les yeux de la petite sœur de l'une d'entre elles.

Le Teddy du meilleur documentaire a été remis à Hui-chen Huang pour son film Ri Chang Dui Ha (Small Talk), portrait de Anu, garçon manqué depuis toujours, épouse et mère de deux enfants avant de tout plaquer et de se mettre en couple avec des femmes. C'est l'histoire vraie de la mère de la réalisatrice, qui a rappelé avec fierté, que Taïwan était depuis l'an dernier le premier pays asiatique à reconnaître l'union entre deux personnes de même sexe.

L'identité sexuelle a d'ailleurs fait l'unanimité dans ce palmarès. On devrait même parler de changement de sexe. Le jury, composé de directeurs de festivals internationaux qui font vivre les films LGBT de l'Ouganda au Japon en passant par la Turquie et la Macédoine, a récompensé deux films dont les héroïnes sont des transsexuels.

Ainsi le Prix spécial du jury a honoré le film de la japonaise Naoko Ogigami, Karera Ga Honki De Amu Toki Wa (Close-Knit), superbe mélo magnifiquement écrit, sensible et subtil, où une gamine abandonnée par sa mère incapable de gérer sa vie de femme et son rôle maternel, se réfugie chez son jeune oncle, qui vit avec un homme en phase de changement de sexe. Dans un Japon très conservateur, des mots mêmes de la cinéaste, le film apparaît comme un hymne à la tolérance et montre qu'une bonne mère est avant tout une personne responsable et affectueuse, même si celle-ci a un pénis sous la culotte et de sacrés bonnets pour maintenir des nouveaux seins.

Le Teddy Award a sacré le film en compétition de Sebastian Lelio, Una mujer fantastica. L'actrice Daniela Vega est venue elle-même chercher le petit ours (costaud). Elle incarne Marina, une jeune chanteuse transsexuelle, qui vient de perdre son compagnon. La famille de celui-ci entend la tenir à distance des funérailles et supprimer au plus vite tout ce qui avait pu les relier. Mais elle se bat pour obtenir son droit le plus élémentaire: dire adieu au défunt et pouvoir faire son travail de deuil. "La transphobie est ici terriblement palpable et banale, d'une facilité déconcertante, puisqu'elle s'adresse à un individu considéré comme fantomatique et sans consistance, puisque sans étiquette" écrivions-nous en début de festival. "Un film indispensable qui fait acte de pédagogie tout en racontant l'histoire éminemment universelle d'un combat pour le droit à l'égalité."

Ces deux prix montrent que le combat n'est pas terminé. Que les droits acquis ne sont pas garantis. Il y a encore des luttes à mener. La cérémonie des Teddy se termine alors avec le "Freedom" du récemment disparu George Michael. Liberté, c'est bien le maître mot de cette soirée.