Ségolène Royal aurait sans doute mieux fait de se taire. La présidente du Conseil régional Poitou-Charentes a tendance ces temps-ci à se mêler de tout et n'importe quoi. En mettant en cause Aurélie Filippetti, la ministre de la Culture et de la Communication, dans le classement du film Only God Forgives, qu'a-t-elle voulu faire? Consolider son image de socialiste protectrice des enfants et adolescents (son créneau depuis qu'elle a été ministre de la Famille)? Fragiliser une ministre qui subit actuellement les médisances d'une partie du secteur culturel égomaniaque (arts plastiques, musique et art contemporain se sentent délaissés)?
Peu importe : on se demande juste quelle mouche (thaïlandaise) l'a piquée!
Hier, sur France 5 dans C/Politique, Royal vante l'éducation des jeunes contre les addictions et "toutes les formes de violence" et déclare : "Je regrette qu'Aurélie Filippetti ait fait déclasser un film ultra violent, qui était interdit au moins de 16 ans (...) sous la pression des producteurs". Elle reprend ainsi une information du Parisien publiée dans la matinée.
Dans le viseur, le film Only God Forgives, de Nicolas Winding Refn, en compétition à Cannes et en salles depuis le 22 mai. Le film n'est pas avare en violence (même si les séquences les plus gores ne composent que 15 % des 90 minutes). Le film était, dans un premier temps, interdit aux moins de 16 ans, avant, finalement, de n'être interdit qu'aux moins de 12 ans.
Mais l'hallucination devient totale quand Royal décide d'argumenter : "Si les producteurs veulent des films pour toutes les familles, qu'ils fassent des films visibles par toutes les familles". "On ne peut pas à la fois faire les bénéfices liés à des films familiaux et en même temps polluer les jeunes avec des scènes d'extrême violence" explique-t-elle en liant confusément rentabilité, genre de films et goûts des spectateurs. Depuis quand un élu dicte-t-il ce qui est bon pour le public, ce qui est "familial" ou pas? Les ados n'auraient donc le droit de voir que des dessins animés et autres comédies sans reliefs? A-t-elle vu le film ? La violence dans Only God Forgives est tout sauf gratuite et s'accompagne même d'une morale contre les pourris.
On peut certes contester l'interdiction aux moins de 12 ans tant les images sont vraiment violentes : et d'ailleurs la légèreté de la classification interpelle face à une scène proprement sadique. Mais ce n'est pas un élu de le décréter : il y a une commission, qu'on peut contester, pour ça.
Plus troublant, Royal semble ignorer que la ministre de la Culture n'a rien à voir dans ce processus de classification. La démagogie n'autorise pas tout. Aurélie Filippetti a donc réagit par communiqué ce matin :
"La classification du film "Only God forgives" réalisé par Nicolas Rinding soulève des interrogations. Aurélie Filippetti, ministre de la Culture et de la Communication, tient à rectifier certaines inexactitudes et à rappeler le rôle que joue le ministère dans les procédures qui permettent, dans le respect de la liberté de création, de garantir la meilleure information des spectateurs.
La Ministre n'est en l'occurrence aucunement intervenue pour faire changer le visa rendu par l'assemblée plénière de la Commission de classification des œuvres cinématographiques (régie par le Décret n°90-174 du 23 février 1990) le 23 avril lors du premier examen, mais simplement pour demander un second visionnage comme le règlement l'y autorise, suite au recours du distributeur du film qui contestait le premier avis rendu d'une "interdiction aux mineurs de moins de seize ans avec avertissement".
Le 30 avril 2013, l'assemblée plénière de la Commission a réalisé ce second visionnage et, après débat, a décidé de revenir sur le premier avis rendu pour proposer une "interdiction aux mineurs de moins de douze ans avec avertissement".
La Ministre, informée de cette proposition, a suivi l'avis de l'assemblée plénière de la Commission qui comprend 28 membres, comme on pourra relever qu'elle l'a systématiquement fait pour l'ensemble des avis rendus jusqu'ici depuis sa prise de fonction."