Des subventions sous conditions pour le cinéma israélien?

Posté par redaction, le 22 octobre 2018

Ce dimanche, le gouvernement israélien a adopté un projet de loi qui fait polémique. Cette loi permettrait de retirer des subventions aux films et aux spectacles qui ne seraient pas "loyaux" envers l'Etat. Ce projet est évidemment dénoncé par les milieux culturels, qui y voient une manière d'interférer dans la liberté d'expression et la liberté de création.

La ministre israélienne de la Culture et des Sports Miri Regev commence un long parcours parlementaire avant que sa loi n'entre en vigueur. Selon l'AFP, les ministères des Finances et de la Culture auraient "le pouvoir de supprimer les subventions à toute institution présentant des œuvres artistiques niant le droit à l'existence de l'Etat d'Israël, s'attaquant au drapeau national, présentant le jour de l'indépendance du pays comme un jour de deuil, ou incitant au racisme et au terrorisme."

"Oui à la liberté de la culture, non aux provocations!", a proclamé la ministre sur Facebook, qui s'en prend souvent aux artistes, jugés élitistes et considérés à gauche. Cette loi découle en fait d'une indignation publique de la ministre très à droite quand, l'an dernier, Foxtrot, a reçu le Grand Prix du Jury à la Mostra de Venise et le prix du meilleur film étranger au National Board of Review. La ministre affirmait "avoir honte" que l'académie israélienne ait choisi le film pour représenter le pays aux Oscars, considérant qu'il "salit l’image de l’armée" du pays.

Défiance mutuelle

Miri Regev a publiquement exprimé sa révulsion à l'égard d'une scène du film montrant des soldats israéliens qui tuaient accidentellement des civils palestiniens  innocents à un check-point, avant de dissimuler leur bavure avec un bulldozer. "Quand un film israélien remporte un prix international, le cœur s’emplit de fierté, et d’instinct, je veux renforcer et encourage la réussite israélienne. Mais il y a une exception à cette règle, quand le monde s’enflamme autour de l’auto-flagellation et la coopération avec le discours anti-israélien" avait-elle écrit lors du sacre vénitien du film.

De là est née sa loi: la ministre a menacé de couper les vivres aux films jugés « anti-israéliens ». Dès le mois de mars, elle a demandé des informations détaillées sur le processus d’approbation des films afin d'encadrer le financement en fonction de certains critères. Cela s'apparente à une forme de censure. Si le cinéma israélien dépend beaucoup des aides de l'Etat, la plupart des cinéastes ont recours à des coproductions internationales.

Il ne fait jamais bon de mélanger politique et création, et, conséquence de cette polémique l'an dernier, elle n'avait pas été invitée à la cérémonie de remise des prix Ophir (les César du cinéma israélien). Foxtrot a remporté 8 trophées dont ceux du meilleur film et du meilleur réalisateur.

Miri Regev n'aime pas grand chose de toute façon: la nudité, les œuvres qui critiquent le pays ou la politique de son chef de gouvernement, les poèmes palestiniens, ... Elle se fâche régulièrement avec les artistes.

Dina Aldor, directrice de la prestigieuse et populaire Batsheva Dance Company, l'une des compagnie de danse majeure dans le monde, a rappelé cet été à Montpellier: "L’argent des subventions, c’est celui de nos impôts à tous, c’est celui du peuple. Le gouvernement a l’obligation de le distribuer à la culture comme à la santé ou à l’éducation selon des critères objectifs précis : nombre de représentations, de danseurs, de créations. Quand la nouvelle ministre Miri Regev a émis l’idée de soumettre ces subventions à la reconnaissance de la politique du gouvernement dans les Territoires occupés, cela a déclenché une panique, une prise de position dure d’Ohad Naharin et des artistes. Ensuite, nous avons vérifié avec des avocats : la loi nous protège, elle n’a pas le droit de changer les critères (objectifs) d’attributions des subventions. Alors aujourd’hui, on la laisse parler, et nous on travaille. Les gouvernements passent, les artistes restent."

Rideau pour le cinéma La Bastille

Posté par vincy, le 12 juillet 2016

Le 7 juillet, le ciné Metro Art Bastille, dit La Bastille a fermé son rideau de fer pour une période indéterminée. Les trois salles situées à deux pas de la Place de la Bastille ont été fermées précipitamment. Le cinéma a été contraint de fermer par un huissier, faute de loyers impayés. C'est le deuxième cinéma qui ferme cette année à Paris, après le Saint-Lazare Pasquier en janvier. Les deux sites ont le même propriétaire, le compositeur-peintre-producteur-distributeur-exploitant Galeshka Moravioff, par ailleurs directeur des Films sans Frontières.

Procédures

Trois mois de loyers impayés et trois salles art et essai qui disparaissent (provisoirement) du paysage. Selon le patron du réseau Ciné Métro Art, la trésorerie est en cause: la subvention destinée à la numérisation des salles n'a pas été versée par le CNC et il a fallu payer avec la trésorerie. Une procédure serait en cours pour récupérer les subventions et surtout obtenir réparation (il réclame 3,5M€ pour le préjudice). Si la Cour administrative donne raison au cinéma, La Bastille pourrait rouvrir rapidement. On veut bien croire à la réouverture du cinéma, mais les mêmes raisons avaient été invoquées pour le Pasquier. "Je comptais sur les aides financières du CNC pour financer les travaux de numérisation et de modernisation de mes 25 salles mais les subventions ont été bloquées en 2012 alors que j'avais déjà engagé les travaux" expliquait-il en janvier. Après s'être pourvu en justice, les tribunaux lui ont donné raison et le CNC a été contraint de lui verser les aides, trop tardivement puisque l'endettement avait déjà explosé.

Un petit empire en déclin

Pour l'instant les sept employés sont au chômage technique. Et les habitants du quartier doivent aller au MK2 ou au Majestic tous proches, ou à l'UGC Lyon-Bastille un peu plus loin.

Le cinéma s'était installé dans un ancien entrepôt de meubles en 1939. A l'époque il n'y avait qu'une seule (grande) salle où l'on diffusait des actualités. Après unee transformation à la fin des années 1950, il devient La Bastille en 1961 (doté d'un salle de 475 places). C'est en 1984 qu'il est divisé en trois salles.

Galeshka Moravioff voit son empire se réduire puisque sa société Cinéma National Populaire à Lyon (trois sites) est en cours de liquidation, tout comme Le Melville à Rouen, fermé depuis 2014. Il lui reste 8 salles à Marseille (le César et les Variétés).

Dany Boon et Louane un peu seuls face au Front National

Posté par vincy, le 8 décembre 2015

dany boon louane

"Je ne peux pas croire que ma région, celle où je suis né, où j'ai grandi, où j'ai tout appris, que j'aime tant et que je mets en valeur dans mes spectacles et dans mes films depuis plus de 25 ans en vantant sa tolérance, son ouverture d'esprit, son sens de l'humour, sa générosité et son humanité, soit demain dirigée par un parti d'extrême droite. Je comprends le ras-le-bol, la peur, l'incertitude de l'avenir mais je vous assure, mes biloutes, que voter pour l'extrême droite ne résoudra aucun des problèmes actuels, au contraire. Je vous aime." C'est signé Dany Boon sur son mur Facebook.

Le résultat électoral dans la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie plaçant Marine Le Pen (Front national) en tête a fait réagir l'acteur le plus populaire de France. Actuellement en tournage, le ch'ti Dany Boon a décidé de réagir. Lors des municipales partielles de Hénin-Beaumont, en 2009, il avait déjà appelé à voter contre le Front National: "Le Nord-Pas-de-Calais a toujours été une terre d'accueil, de tolérance, de respect de l'autre et de ses différences", écrivait-il alors. Ce à quoi Marine Le Pen lui avait répondu qu'il ne connaissait pas la situation des habitants de la commune, en tant que millionnaire résidant à Los Angeles.

Jusque là seule Louane avait fait entendre sa voix. La chanteuse et comédienne (César du meilleur espoir pour La famille Bélier) n'a jamais hésité à rappelé ses origines et son parcours modeste à Hénin-Beaumont où elle est née pour s'opposer au FN. Après une première intervention au Grand Journal plus tôt dans l'automne, elle en a rajouté une couche le 29 novembre sur RFM: "Ce qui se passe politiquement à Hénin-Beaumont, je ne m'en fous pas. Si la question est : “Est-ce que je me mettrais à côté du FN ?” Absolument pas. Je n'ai pas été élevée dans la peur de l'autre et je viens d'une famille multi-origine. Donc, ça ne marche pas pour moi."

Le Nord-Pas-de-calais, importante pourvoyeur de fonds pour le cinéma

On aurait pu s'attendre à davantage de prises de paroles publiques. Mais les temps changent. Diaboliser le FN n'est plus tendance, ou presque. Le parti séduit désormais un tiers des votants. Il ne s'agirait pas d'insulter le public ni l'avenir. Car, au-delà de l'image que véhicule le parti ou du motif de ses électeurs, si le Front national préside des régions, c'est tout un pan de l'économie culturelle qui sera sous sa coupe. Pour ne prendre que le Nord-Pas-de-Calais (sans la Picardie), c'est 8 millions d'euros par an d'aides au cinéma, sit le 4e fonds d'aide régional, qui permet à 80 courts et longs métrages d'exister mais aussi à 45 salles de cinéma à se numériser et 15000 scolaires d'accéder à des formations ou des ateliers de cinéma.

Officiellement, tout le secteur culturel, principalement soutenu par de l'argent public, refuse de collaborer avec le FN. Mais une fois au pouvoir, s'il gagne les élections du 13 décembre, il faudra bien composer. Certaines institutions culturelles dépendent fortement des subventions régionales (43 millions d'euros au total), y compris le centre de création contemporaine du Fresnoy à Tourcoing. Le FN ne cache pas sa vision régionaliste de la culture, sa haine de l'art contemporain comme sa volonté de privilégier les artistes locaux et une culture "française". Tous leurs candidats souhaitent retirer les subventions à des lieux trop politisés, communautaristes ou clientélistes, ceux qui n'ont pas de publics ou ne sont pas rentables. Cette logique comptable est évidemment dangereuse. Est-ce que La Vie d'Adèle ou le prochain Bruno Dumont, tournés dans la région, auraient bénéficié d'aides régionales si on suit leur logique?

Une collaboration inévitable avec le Front National?

Bien sûr, le parti de Marine Le Pen se veut rassurant. La députée européenne et patronne du Front national a enrôlé Sébastien Chenu, ancien membre de l'UMP, fondateur de GayLib (qui défendait le droit des homosexuels dans le parti de Nicolas Sarkozy), pour faire le lien avec les gens de la culture. Dans Le Monde, il expliquait, non sans sarcasme: "Je connais bien les artistes, leurs fantasmes. Ils nous crachent dessus… Mais, si on gagne, je n'aurai aucun problème à travailler avec eux et à leur donner leur subvention. Maintenant, s'ils continuent à ne pas vouloir nous parler… Vous savez, j'ai rencontré beaucoup de responsables culturels de premier plan dans le Nord. Je ne vous donne pas leurs noms par délicatesse. Ils ne sont pas les mêmes sur une estrade ou en privé face à moi. Vous verrez, ils changeront d'attitude…"

Pour le cinéma, rien n'est moins sûr. La concurrence est très vive entre les régions pour attirer les tournages. La Picardie, qui fusionne avec le Nord Pas de Calais, est un acteur mineur en France. Mais si on prend une autre région emblématique, Provence-Alpes-Côte d'Azur, 2e région pour les tournages (un film français sur dix, un film étranger sur cinq), on peut croire que la Côte d'Azur reste toujours attractive. L'argent n'a pas d'odeur. Et on voit mal le FIF de Cannes ou le FID de Marseille déménager. Cependant, pour les plus petits festivals, la perte d'une aide régionale peut être périlleuse.

Il n’y aura plus de Festival du film à Vendôme

Posté par vincy, le 29 janvier 2015

affiche vendome 2014Après Paris-Cinéma et le festival du film asiatique de Deauville, c'est au tour du Festival du film de Vendôme de tirer sa révérence après 23 années d'existence. Ecran Noir a été partenaire durant de nombreuses années de cette manifestation qui était, notamment, axée sur la fabrication des films et le cinéma d'animation. Il enregistrait 11 000 entrées ces dernières années.

Sur son site internet, le Festival annonce son enterrement sans fleurs ni couronnes dans un communiqué: "La Région Centre et la Communauté du Pays de Vendôme ont annoncé ce mercredi 28 janvier 2015 l’arrêt du Festival du film de Vendôme, à l’occasion d’une conférence de presse et d’une visite du chantier de la future résidence d’animation de Ciclic à Vendôme. L’agence Ciclic ne sera en effet pas en mesure de poursuivre en 2015 l’organisation de cette manifestation. A l’heure où Ciclic accompagne et développe de nouveaux aspects de sa politique culturelle régionale, et dans un contexte budgétaire contraint pour nos partenaires locaux, il n’est plus possible d’envisager la reconduction d’un événement aussi important que le Festival dans le Vendômois.'

Carole Canette, présidente du Ciclic et vice-présidente de la région Centre évoque un changement de stratégie plutôt qu'une contrainte économique. Selon La République du centre, "dans le contexte actuel de restrictions, difficile de demander aux collectivités, déjà partenaires financiers du festival, d'abonder en plus au budget de fonctionnement du futur centre d'animation, au budget de 800.000€ par an, soit 54.000€ pour la communauté de communes du Pays de Vendôme et 400.000€ pour la Région".

Le choix est assumé. Le communiqué essaie quand même de ne pas baisser le rideau définitivement: "Afin de maintenir ces problématiques au cœur de notre activité, nous engagerons dans les semaines à venir une réflexion avec d’autres territoires pour l’accueil des rencontres professionnelles et pour réinventer un temps événementiel dédié à la diffusion culturelle des formes cinématographiques exigeantes. Une déclinaison web est également en chantier, avec le développement de notre espace Internet www.ciel.ciclic.fr, dédié à la diffusion de cinéma indépendant en ligne."

Aides publiques au cinéma : la France et l’Allemagne font plier l’Europe

Posté par vincy, le 16 novembre 2013

La Commission européenne a adopté les nouvelles règles concernant les aides publiques au cinéma et à l'audiovisuel. Le commissaire chargé de la concurrence Joaquin Almunia a fait l'annonce jeudi 14 novembre : ces règles maintiennent le système actuel défendu notamment par la France. Il aura fallu trois consultations publiques, deux ans de discussions et de nombreux allers-retours entre la Commission européenne et les différents Etats-membres pour obtenir cette réforme.

Le réexamen de la territorialisation des aides, l'un des deux points litigieux, était prévu depuis  le précédent texte européen qui datait de 2001 (et qui a expiré il y an an). La Commission jugeait ce dispositif comme une entrave à la liberté de circulation des biens et services, au nom de l'exception culturelle. Interprétation juridique spécieuse. Dans son viseur, il y avait la discrimination des aides publiques. Finalement, l'Europe a renoncé à interdire "toute restriction à la prestation de service sur l'origine des biens et services".

Le nouveau cadre des subventions dans ce secteur permettra toujours aux Etats ou aux régions d'aider des oeuvres tout en imposant, en échange, que les tournages s'effectuent sur leur territoire et non pas dans des pays à bas coût (l'Europe centrale était notamment visée). A l'origine, la Commission trouvait les montants des aides trop élevés. Elle voulait aussi réduire considérablement le lien entre aide et territorialisation. Le CNC (Centre national du Cinéma et de l'image animée) avait calculé que les délocalisations de tournages qu'aurait pu entraîner le texte menaçait 10 000 à 16 000 emplois.

Extension du domaine des aides

Le nouveau texte maintient donc l'autorisation pour les collectivités qui accordent des aides d'exiger qu'au moins 50% du budget du film soit dépensé sur leur territoire, et jusqu'à 80% selon le montant des subventions, conformément à ce que prévoit actuellement le système français. 80% est un maximum et concerne  les œuvres dites "difficiles" , par exemple un film utilisant une langue rare ou des films de niche. Les Etats pourront eux-mêmes définir cette catégorie. Plus généralement, l'aide publique à un film ne doit pas dépasser 50 % des coûts de production du film mais il passe à 60 % pour les coproductions. Enfin, les aides publiques sont étendues à toutes les étapes de la chaîne : réalisation, production, écriture, soutien aux salles... Et last but not least, ce texte n'a plus de limitation dans le temps.

La France a obtenu par deux fois depuis plus d'un an le report de la publication du texte et a finalement réussit à avoir gain de cause sur une prérogative européenne, soutenu par plusieurs pays, comme l'Allemagne soucieuse de conserver ses tournages sur son territoire. La ministre de la Culture et de la communication Aurélie Filippetti n'a pas manqué de saluer "une victoire majeure" pour le cinéma français. En France, toutes les organisations professionnelles sont satisfaites de cette décision. Elles craignaient que la réforme ne fasse une entorse au principe de l'exception culturelle, elle-même fragilisée par l'actuelle politique libérale de la Commission européenne.

Dans la foulée, la ministre a annoncé la tenue les 11 et 12 avril au Palais de Chaillot à Paris d'un "Forum sur l'Europe et la Culture".

La France signe un accord de coproduction avec les Territoires palestiniens

Posté par vincy, le 13 septembre 2013

Omar d'Hany Abu Assad

La ministre de la Culture et de la Communication Aurélie Filippetti et son homologue palestinien Anwar Abu Eisheh ont signé mercredi 11 septembre un accord de coproduction cinématographique, le 54e accord de coproduction internationale.

Depuis une quinzaine d’années, de nombreux films palestiniens ont été soutenus par le Fonds Sud Cinéma ou par le programme qui l'a remplacé, l’Aide aux cinémas du monde. "C’est le cas notamment de Palestine Stereo de Rashid Masharawi, sélectionné cette année au festival de Toronto" indique le communiqué. Si les cinéphiles français connaissent surtout Elia Suleiman (Intervention divine), récompensé autant à Cannes qu'à Venise, ou Hiam Abbass, les Territoires palestiniens abritent aussi de jeunes cinéastes, notamment dans le documentaire. Ces dernières années, quelques films ont reçu des prix prestigieux comme Paradise Now d'Hany Abu-Assad (Golden Globe du meilleur film étranger, 2005), Le sel de la mer d'Annemarie Jacir (2008) ou cette année à Cannes, Omar d'Hany Abu-Assad (photo).

"L’accord facilitera le montage financier de coproductions bilatérales impliquant une coopération sur les plans artistique et technique" précise le communiqué du ministère. "La part du coproducteur minoritaire sera au minimum de 20% mais, par dérogation, pourra être abaissée à 10% après accord des autorités des deux parties en tenant compte des collaborations artistiques et techniques de chacun des coproducteurs."

Des dispositions visant "à encourager des initiatives communes dans les domaines de la formation aux métiers du cinéma, l’éducation à l’image, l’échange de savoir-faire entre professionnels, la distribution et diffusion des œuvres ainsi que la conservation du patrimoine cinématographique" sont aussi inclues dans cet accord.

150 millions d’euros en moins pour le CNC : la numérisation des films menacée

Posté par vincy, le 29 septembre 2012

L'Etat va ponctionner 150 millions d'euros dans les caisses du CNC (voir notre actualité d'hier). Et cela pourrait avoir un impact sur le chantier de la numérisation des oeuvres du patrimoine, qui vient de commencer.

Eric Garandeau, président de l'institution, a déclaré au Monde : "Ces 150 millions d'euros, c'est justement la réserve dont nous disposons pour dresser l'inventaire des oeuvres, les restaurer et les numériser. Cette enveloppe sert aussi à soutenir le passage au numérique des petites salles de cinéma, et des circuits itinérants. Ces chantiers risquent de passer à la trappe, ou bien il va falloir ralentir le calendrier, et rééchelonner les contrats." La cinémathèque en ligne, qui est un outil d'éducation artistique, ne semble pas menacée.

Deux formes d'aides existent pour la numérisation des films. Le grand emprunt et le dispositif du CNC pour les films dont la rentabilité n'est pas assurée (voir notre actualité du 21 mars dernier). A en croire le CNC, cette aide aux films vulnérables pourraient faire les frais de la baisse du budget du CNC.

Il faut compter en moyenne 100 000 euros pour restaurer et numériser un film (les aides s'étalent entre 40 et 90 milles euros). En juillet, des films comme Le Joli Mai de Chris Marker, Jour de fête, Playtime et Mon oncle de Jacques Tati, Avoir vingt ans dans les Aurès de René Vautier, Peau d'âne de Jacques Demy ou encore Jacquot de Nantes d'Agnès Varda avaient été retenus lors de la première session.

Cette semaine, la deuxième session vient de rendre son verdict. Le groupe d'experts d'aide à la numérisation des œuvres du CNC a décidé d'aider 16 longs métrages, de 45 000 euros à 150 000 euros : L'homme de Rio et Les tribulations d'un chinois en Chine de Philippe de Broca, Le carrosse d'or de Jean Renoir, Hiroshima mon amour d'Alain Resnais, Shoah de Claude Lanzmann (le plus cher), L'assassin musicien et em>Les enfants du placard de Benoît Jacquot, et 9 films de Robert Guédiguian (dont Marius et Jeannette). Six courts métrages sont également concernés (dont certains signés d'Alain Cavalier ou Cyril Collard).

Toute une filière en danger

C'est autant de travail pour les laboratoires mentionnés dans les dossiers : Eclair, Digimage, Mikros et l'italien Immagine Ritrovata. Des industries techniques qui souffrent depuis quelques années (on se souvient du feuilleton autour de la faillite de Quinta Industries l'an dernier). La réduction du chantier de numérisation, lancé en grande pompe en mai au Festival de Cannes, aurait des conséquences sur l'emploi et la filière toute entière alors que la France dispose d'un véritable savoir-faire dans le domaine.

Surtout, alors que l'Hadopi est en voie de disparition (budget réduit pour l'an prochain, mission Lescure pour trouver d'autres solutions), c'est l'offre légale (et sa diversité) qui est menacée. Or, le gouvernement actuel a fait de cette offre légale un pilier essentiel de sa lutte contre le piratage.

Eric Garandeau, dans un récent discours, rappelait que "Le basculement dans le "tout numérique" est synonyme de mondialisation totale, immédiate : une simple vidéo postée sur un réseau social acquiert une audience potentiellement mondiale... ou peut rejoindre le cimetière des oeuvres jamais vues car jamais visibles sur les moteurs et les portails." Un film du patrimoine qui n'est pas numérisé est un film qui part au cimetière.

Cela n'empêchera pas le CNC de tenir sa prochaine session le 15 novembre. Les dossiers doivent être déposés au plus tard le 15 octobre. Mais combien de films seront retenus? Et en 2013, quel sera le programme...?

Bruxelles autorise le CNC à aider les cinémas du monde entier

Posté par vincy, le 24 février 2012

Le 6 février dernier, la Commission européenne a autorisé le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) "à mettre en place des aides financières sélectives aux œuvres d'initiative étrangère coproduites avec des entreprises établies en France, dites "aides aux cinémas du monde"." Le Fonds sud va pouvoir donc muer pour une aide élargie à tous les pays du monde, y compris pour des cinématographies comme celles des Inuits.

Le Fonds sud cinéma, créé en 1984, a soutenu plus de 500 films originaires d’Afrique, d’Amérique latine, d’Asie, du Proche et Moyen-Orient, et de certains pays de l’Est depuis 1997. Son budget est de 3,3 millions d'euros. Fusionné avec l'Aide aux films en langues étrangères, il est dorénavant remplacé par Aide aux cinéma du monde. Eric Garandeau, président du CNC, nous avait expliqué lors d'un entretien en mai dernier à Cannes que "l’idée du Sud c’était très bien mais cette notion datait des années 60 et aujourd’hui le paradoxe est que la Chine est éligible au Fonds Sud alors que la Turquie ne l’est pas. On a souhaité rebattre les cartes." Le nouveau programme d'aides va ainsi doubler son budget (6 millions d'euros).

Dans son communiqué, le CNC précise : "La décision du 6 février ouvre désormais la voie à la publication, au Journal Officiel, des textes de droit français instituant les aides aux cinémas du monde. Le dépôt des dossiers correspondant auprès du CNC et de l'Institut français sera ouvert sitôt cette publication intervenue, vraisemblablement dans la première quinzaine de mars."

Ce nouveau dispositif permettra aux créateurs étrangers d'avoir un point d'entrée unique pour obtenir des aides en vue de projets de coproduction avec la France : "Ces aides contribueront ainsi à rendre plus ouverte, plus attrayante et plus simple l’association des cinéastes étrangers du monde entier aux professionnels français, en vue de coproduire ensemble les œuvres. Ce mécanisme contribuera à promouvoir la diversité culturelle, le rayonnement culturel de la France et le renouvellement de sa création" expliqué le communiqué.

La Commission européenne avait autorisé le 20 décembre 2011 la prolongation de la grande majorité des aides au cinéma gérées par le CNC.

Le programme européen MEDIA survivra-t-il au delà de 2014?

Posté par vincy, le 16 février 2011

Que va devenir le programme MEDIA (*), qui fête ses 20 ans cette année, après 2014? La commission à tendance très libérale de José Manuel Barroso aurait la volonté de fusionner MEDIA avec d'autres programmes.

L'inquiétude commence à se transformer en angoisse. Une déclaration commune des responsables des différentes "CNC" européens a été envoyée au Président de la Commission et à la Commissaire en charge de la Culture, la cypriote Androulla Vassiliou.

En jeu : le budget de MEDIA et ses missions, très utiles pour les coproductions européennes et les films d'auteur. C'est l'identité même du cinéma européen qui serait mise en danger. Une diversité menacée qui amènerait un renforcement des studios et une concentration des moyens, et par conséquent un affaiblissement des prises de risque.

Il faudra attendre fin février pour connaître les premiers arbitrages budgétaires en vue de travailler sur le budget 2014-2018 et du programme Europe 2020.

Il est temps de paniquer. La Commission européenne a fait clairement savoir depuis quelques mois qu'elle allait réorganiser sa politique d'aides. Or MEDIA avait lancé une consultation fin septembre afin de se défendre face aux coupes prévues par Barroso. Résultats : en novembre, MEDIA alertait les professionnels français car l'organisme avait reçu trop peu de réponses. Un désintérêt de la profession? On n'ose y croire, à moins d'avoir une courte vue.

La remise en cause du programme provient aussi de ce faible nombre de réponses, qui n'encourage pas la Commission à vouloir reconduire le programme, ainsi remis en cause. Pas faute d'avoir été prévenus. Certes, MEDIA a peu communiqué; certes, le lobbying n'a pas été assez intense; mais les producteurs français ont)ils conscience de l'importance de ce programme, qu'ils sont bien heureux de trouver pour des films exigeants? Actuellement le programme MEDIA est financé jusqu'en 2013. Pour son exercice 2007-2013, il a reçu 755  millions d'euros. Pour exemple, en 2010, 11 films présentés à Venise et 20 films à Cannes avaient reçu son soutien.

Une audition publique concernant "Le futur des programmes MEDIA" se tiendra le 18 mars à Bruxelles (inscription).

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*MEDIA est le programme de soutien de l'UE pour l'industrie audiovisuelle européenne. MEDIA intervient à la fois en amont et en aval de la production: en cofinançant la formation continue des professionnels, le développement de projets de production (films, téléfilms, documentaires, animations et multimédias), la distribution et la promotion des œuvres  européennes...