On doit à ce passionné d’image et de peinture parmi les plus belles lumières et atmosphères du cinéma espagnol des trente dernières années. D’abord photographe de plateau, José Luis Alcaine est en effet devenu dans les années 80 l’un des directeurs de la photographie les plus respectés dans son pays. Collaborateur de Fernando Fernán Gómez, Manuel Gutiérrez Aragón, Carlos Saura, Pedro Almodóvar, Bigas Luna, Fernando Trueba, Pilar Miró... il offre à chacun un style adapté à ses désirs et contraintes, bien loin d’une recette toute faite qu’il ne ferait que décliner. On lui doit notamment la tonalité bleue, presque indigo, de Démons dans le jardin (Manuel Gutiérrez Aragón, 1982), la faible luminosité et l’ambiance poussiéreuse des intérieurs espagnols des années 50 dans Amants de Vicente Aranda (1993) ou encore l’intense combat entre la lumière et l’ombre qui imprègne El Sur (Víctor Erice, 1983), poème visuel proche de Vermeer. Obsédé par les nuances de lumière selon les lieux et les heures du jour, il crée également la luz de siesta ("lumière de sieste"), où les rayons du soleil, encore haut dans le ciel, envahissent doucement les pièces tout en se réfléchissant sur le sol. Il l’utilise notamment dans Tasio (Montxo Armendáriz, 1984) et Belle époque de Fernando Trueba, où, selon lui, la couleur et la lumière faisaient écho à la sensualité des jeunes filles et au monde champêtre et pictural de Renoir.
Pour José Luis Alcaine, la lumière doit être la plus réaliste possible et générer un volume et un relief mettant en valeur acteurs et objets. "La question du volume est inhérente à ma façon de voir les choses", explique-t-il. "C’est peut-être à cause de l’influence d’un tableau qui m’a toujours obsédé, Las Meninas de Velázquez, où la lumière crée au fur et à mesure une foisonnante échelle de volumes." Autre caractéristique de son travail, le contraste inspiré du clair-obscur pictural qui lui permet de créer des ombres sans forcer l’intensité et en marquant le rythme du film. Lui-même définit son art comme une "peinture avec la lumière", permettant de façonner à l’infini les émotions et les perceptions de chaque scène. En lui rendant hommage au cours de sa 13e édition (jusqu’au 12 octobre prochain), Cinespana le met en lumière à son tour, offrant au public de (re)découvrir une partie de son œuvre, et honorant à travers lui une profession souvent méconnue.