[We miss Cannes] 1968, la dernière fois que Cannes n’a pas eu lieu (ou presque)

Posté par vincy, le 13 mai 2020

Cannes a tout évité sauf la seconde guerre mondiale, l'après guerre et mai 68. 1968: Nixon est élu président des Etats-Unis, papa Trudeau est devenu Premier Ministre du Canada, le printemps est sanglant à Prague, Bobby Kennedy est assassiné, la France de De Gaulle gronde et cherche la plage sous les pavés. Les facs sont occupées. L'essence se raréfie.

Le Festival de Cannes va en faire les frais. Cette année-là, il débute le 10 mai. Après cinq jours de bronca estudiantine, de séances malmenées, de cinéastes accrochés aux rideaux, de réalisateurs devenus tribuns politiques dans des meetings improvisés, il s'interrompt le 19 mai. 8 films de la compétition - seulement - ont été projetés. En 68, on projetait Autant en emporte le vent (en 70mm stereo). Ce fut autant en emporte les films. Une vraie guerre de sécession.

Tous se révoltent contre la décision de Malraux, ministre de la culture, de démettre Henri Langlois de son poste de directeur de la Cinémathèque. En plein tournage de Baisers volés, François Truffaut débarque le 18 mai. Redoutable, Godard est déjà vent debout. Louis Malle, Monica Vitti et Roman Polanski démissionnent du jury, Resnais, Saura, Forman retirent leurs films. Pendant ce temps, le public local conspue le cirque de ces artistes d'ailleurs. On en vient aux mains. Enervement général. Fin de party. Cannes se vide cinq jours avant son palmarès.

Lire le récit de Cannes 1968, l’autre festival qui n’a pas eu lieu

Le 21e festival international du film était un champ de bataille où les films ont été les premières victimes. De là naitra la Quinzaine des réalisateurs, l'année suivante. On redécouvrira au fil des années, à Cannes Classics, certains des films en version restaurée dont Peppermint frappé de Carlos Saura et Un jour parmi tant d'autres de Peter Collinson.

De cette sélection, peu de films ont traversé les décennies. Comme s'ils avaient été oubliés. Il y avait une réalisation du comédien Albert Finney, Charlie Bubbles, un Fellini, Il ne faut jamais parier sa tête avec de Diable, un Resnais, Je t'aime je t'aime, un Malle, William Wilson... C'est finalement celui au titre prémonitoire, Au feu les pompiers, de Milos Forman, qui reste le plus connu encore aujourd'hui.

Mais sinon, les grands films de cette année là - 2001 L’odyssée de l’espace (Stanley Kubrick), Rosemary’s baby (Roman Polanski), Butch Cassidy et le kid (George Roy Hill), Il était une fois dans l’Ouest (Sergio Leone), The Party (Blake Edwards), La mariée était en noir (François Truffaut) - étaient absents de la sélection.

Une compétition dans l'air du temps

Cependant, Cannes était une belle vitrine du cinéma de l'époque. Parmi les cinéastes marquants étaient sélectionnés Valerio Zurlini, Lion d'or six ans plus tôt, Carlo Lizzani, à qui l'on doit Riz amer, Miklos Jancso, doublement sélectionné et prix de la mise en scène quatre ans plus tard, Jiri Menzel, oscarisé en 66 et futur Ours d'or en 1990, Menahem Golan, toujours réalisateur israélien à l'époque avant de devenir producteur de blockbusters hollywoodiens, Jack Cardiff, immense chef opérateur, Kaneto Shinto, scénariste de Kenji Mizoguchi entre autres.

Cannes avait aussi sélectionné des films populaires comme Anna Karenine d'Alexandre Zarkhi, Trois petits tours et puis s'en vont de Clive Donner, Petulia de Richard Lester, Grand prix cannois (pas encore nommé Palme d'or), trois ans auparavant.

Gilles Jacob expliquait sur cette édition si particulière : "La France s'arrêtait, c'était normal que le Festival s'arrête. J'étais jeune journaliste et sur le moment on voulait que le Festival se termine parce que ça faisait bizarre d'arrêter tout. Des films étaient projetés, d'autres pas, pas de palmarès... c'était une année boiteuse. Mais il s'était passé tellement de choses cette année-là, historiquement, que l'on pardonne."

Quatre mois plus tard, Venise frappait quand même très fort avec Faces de John Cassavetes, L'enfance nue de Maurice Pialat, Partner de Bernardo Bertolucci, Sept jours ailleurs de Marin Karmitz, Théorème de Pier Paolo Pasolini et un autre film de Carlos Saura, Stress es tres, tres.

Cannes 70: la Palme d’or maudite

Posté par vincy, le 2 avril 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-46. Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par .

Il y a plusieurs malédictions pour un cinéaste cannois. La plus sensationnelle fut sans doute celle de l'annulation du palmarès en 1968 pour cause de grève générale en France. Imaginez: 25 cinéastes en compétition dont Milos Forman, Alain Resnais, Carlos Saura, Miklos Jancso, Alexandre Zarkhi ou encore Jiri Menzel. Et aucun ne peut recevoir la Palme d'or.

De grands films snobés

L'autre malédiction, c'est évidemment celle de présenter un grand film, si ce n'est son meilleur film, et de repartir bredouille. D'être un immense réalisateur, reconnu, respecté, et de ne pas être consacré à Cannes. Ce n'est pas si rare. On pense à Jean Eustache avec La maman et la putain, Claude Sautet avec Les choses de la vie, Alfred Hitchcock avec L'homme qui en savait trop ou La loi du silence, Joseph L. Mankiewicz avec All about Eve, Vincente Minnelli avec Un Américain à Paris, Eric Rohmer avec Ma nuit chez Maud, François Truffaut avec Les 400 coups, Jacques Tati avec Les vacances de monsieur Hulot ou encore David Lean et son Docteur Jivago.

docteur jivago david lean

Et puis surtout, il y a ce sortilège qui s'abat sur certains: de multiples fois sélectionnés, ces habitués, vénérés par les cinéphiles, souvent récompensés au gré des palmarès, et qui ont récolté de beaux prix à Cannes, mais jamais la suprême Palme.

Des habitués refoulés

Et là, avouons-le, la liste est longue. Si longue qu'on ne sait pas comment l'énoncer. Alors on va procéder par une forme de hiérarchie: le nombre de sélection en compétition sans Palme au final. La liste n'est pas exhaustive, mais elle reste significative. En plus d'être sélectionnés plusieurs fois, nombreux sont ceux, dans cette liste, qui ont d'ailleurs reçu un (ou plusieurs) Grand prix du jury ou prix de la mise en scène mais aussi des Ours d'or ou des Lion d'or, des César ou/et Oscars (ou des nominations).

Trois réalisateurs ont ainsi échoué 8 fois. Trois autres 7 fois (mais deux d'entre eux peuvent encore "espérer"). Et quand on regarde ce "panthéon" des maudits, c'est assez digne qu'ils entrent tous dans notre propre cinémathèque. Parfois, certains ont frôlé la Palme, favori des critiques, de certains jurys parallèles. D'autres n'ont pas forcément présenté leur plus grand film. D'autres encore ont tout simplement trouvé plus fort qu'eux dans des années très riches en films de qualité.

Cela a conduit le Festival à distribuer des Palmes d'or d'honneur afin de réparer ces oublis, manques, fautes de goût des jurés. Quelques uns ont même été président du jury de la compétition.

8 films
Marco Ferreri (Grand Prix Spécial du Jury pour Rêve de singe) ; Carlos Saura (Grand Prix Spécial du Jury pour Cria Cuervos ; Prix de la meilleure contribution artistique pour Carmen) ; Ettore Scola (Prix de la mise en scène pour Affreux, sales et méchants ; Prix du scénario pour La Terrasse)

7 films

Michael Cacoyannis (Prix de la meilleure transposition cinématographique pour Electre) ; Hou Hsiao-hsien (Prix du Jury pour Le Maître de marionnettes, Prix de la mise en scène pour The Assassin) ; Jim Jarmusch (Caméra d'or pour Stranger than paradise ; Prix de la meilleure contribution artistique pour Mystery Train ; Grand Prix pour Broken Flowers)

6 films

Ingmar Bergman (Prix de l'humour poétique pour Sourires d'une nuit d'été ; Prix spécial du Jury pour Le Septième sceau ; Prix de la mise en scène pour Au seuil de la vie) ; Atom Egoyan (Grand Prix pour De beaux lendemains) ; Jean-Luc Godard (Prix du Jury pour Adieu au langage) ; James Ivory (Prix du 45e anniversaire pour Retour à Howards End) ; Paolo Sorrentino (Prix du jury pour Il Divo) ; André Téchiné (Prix de la mise en scène pour Rendez-Vous)

5 films

Pedro Almodovar (sélectionné pour la première fois avec son 13e film, il a obtenu le Prix de la mise en scène pour Tout sur ma mère et le Prix du scénario pour Volver) ; Olivier Assayas (Prix de la mise en scène pour Personal Shopper) ; Mauro Bolognini ; Youssef Chahine (Prix du cinquantième anniversaire pour Le Destin) ; David Cronenberg (Prix du jury pour Crash) ; Arnaud Desplechin ; Clint Eastwood (Prix spécial du 61e Festival pour L'Échange) ; Naomi Kawase (Caméra d'or pour Suzaku ; Grand Prix pour La Forêt de Mogari) ; Mario Monicelli ; Manoel de Oliveira (Prix du jury pour La Lettre) ; Alan Parker (Grand Prix pour Birdy) ; Alain Resnais (Grand Prix pour Mon oncle d'Amérique et Prix exceptionnel pour l'ensemble de sa carrière et sa contribution à l'histoire du cinéma pour Les herbes folles); Alexandre Sokourov ; Andrei Tarkovski (Grand Prix pour Solaris et Le Sacrifice et Grand Prix du cinéma de création pour Nostalghia) ; Bo Widerberg (Grand prix pour Les Troubles d'Adalen et Prix du jury pour Joe Hill)

4 films
John Boorman (deux Prix de mise en scène pour Leo the last et The general, Prix de la meilleure contribution artistique pour Excalibur) ; Robert Bresson (au palmarès pour chacun de ses films) ; Jules Dassin (Prix de la mise en scène pour Du rififi chez les hommes) ; James Gray ; Werner Herzog (Grand Prix pour L'Énigme de Kaspar Hauser et Prix du jury pour Fitzcarraldo) ; Aki Kaurismäki (Grand Prix pour L'Homme sans passé) ; Elia Kazan (Prix du film dramatique pour A l'est d'Eden) ; Hirokazu Kore-eda (Prix du jury pour Tel père, tel fils) ; Sidney Lumet (Prix du scénario pour La Colline des hommes perdus) ; Nagisa Ôshima (Prix de la mise en scène pour L'Empire de la raison) ; Satyajit Ray (Prix du document humain pour  La complainte du sentier) ; Istvan Szabo (Prix du scénario pour Méphisto et Prix du jury pour Colonel Redl) ; Wong Kar-wai (Prix de la mise en scène pour Happy together) ; Jia Zhangke (Prix du scénario pour A touch of sin)

3 films
Andrea Arnold (à chaque fois récompensée par un prix du jury) ; Bruce Beresford ; Alain Cavalier (Un prix du jury pour Thérèse) ; Patrice Chéreau (Prix du jury pour La Reine Margot) ; Bruno Dumont (deux fois Grand prix du jury) ; Han Hsiang-li ; Krzysztof Kieslowski (Prix du Jury pour Tu ne tueras point) ; Pier Paolo Pasolini (prix du scénario pour Les jeunes maris de Mauro Bolognini et Grand prix pour Les Mille et une nuits) ; Otto Preminger ; Zhang Yimou (Grand Prix pour Vivre !)

Cinespana 2016 sous le signe de la résistance

Posté par MpM, le 27 septembre 2016

Cinespana 2016Pour sa 21e édition qui se tiendra du 30 septembre au 9 octobre, le festival Cinespana se place d'emblée sous le signe de la résistance. Celui qui est devenu la plus importante manifestation d'Europe consacrée au cinéma espagnol (hors Espagne) a en effet dû faire face cette année à une baisse de subvention de 30 000 euros, soit 10% de son budget annuel.

"Ce festival ne peut perdurer que grâce aux subventions publiques, aux partenaires privés, aux donateurs mais aussi au bénévolat", rappellent Françoise Palmerio-Vielmas et Patrick Bernabé, présidente et vice-président du festival, dans le dossier de presse de la 21e édition. "Cette diminution de ressources a des conséquences sur le fonctionnement du festival. L’ensemble de ses pôles a dû s’adapter difficilement à cette nouvelle situation."

Malgré tout, grâce aux relations qu'il a tissé au fil des années, et à la solidarité de nombreux partenaires, Cinespana parvient à proposer une édition 2016 à la hauteur des précédentes, avec un nombre égal de films répartis entre compétitions fiction, documentaire, "nouveaux réalisateurs" et courts métrages, Panorama du cinéma espagnol contemporain, hommage (en sa présence) à l'acteur Sergi Lopez, focus sur le producteur catalan Paco Poch, hommage posthume au réalisateur Miguel Picazo, rencontre avec l'écrivain Paul Preston, coup de projecteur sur le cinéma des îles Baléares, regard sur le cinéma basque, cycles "Politique et société" et "Voir et revoir", sans oublier diverses rencontres et avant-premières.

Le public toulousain aura ainsi la chance de découvrir avant tout le monde quelques films attendus comme Mi gran noche, le nouveau film d'Alex de la Iglesia, La mort de Louis XIV d'Albert Serra (en présence du réalisateur) ou encore Beyond Flamenco de Carlos Saura, mais aussi les nouveaux films d'habitués de Cinespana comme Jonas Trueba (La reconquista), récompensé en 2013 pour Los Ilusos et Ignacio Vilar (Sicixia), récompensé en 2015 pour A esmorga.

Une édition qui fait donc le pari de poursuivre coûte que coûte son engagement militant en faveur d'une cinématographie ibérique fragile, souvent indépendante, qui doit se battre pour exister. "Mais qu’en sera-t-il en 2017 ?" s'interrogent à juste titre les organisateurs. Une seule solution dans l'immédiat pour assurer l'avenir de Cinespana : s'y ruer en masse dès l'ouverture ce vendredi 30 septembre !

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21e édition de Cinespana
Du 30 septembre au 9 octobre 2016 à Toulouse
Informations et horaires sur le site de la manifestation
Cinespana sur Ecran Noir depuis 2007

Venice Days 2015: 18 avant-premières mondiales et Laurent Cantet en président du jury

Posté par vincy, le 25 juillet 2015

La 12e édition de la section indépendante Venice Days a un programme chargé avec 18 avant-premières mondiales. Un film français est en compétition dans une compétition très italienne malgré la présence de 15 pays (essentiellement européens) pour 20 films dans le programme complet. 8 sont des premiers films.

Du 2 au 12 septembre, la section d'offre quand même Carlos Saura, Agnès Varda, Alice Rohrwacher, un docu sur Ingrid Bergman et un autre sur le Nobel de littérature Orhan Pamuk. Et quelques vedettes défileront: Luis Tosar, Miranda Otto, Sam Neill, Paul Ducet, Suzanne Clément, Riccardo Scamarcio, Alba Rohrwacher... A cela s'ajoute les trois finalistes du Prix Lux 2015 (lire notre actualité d'hier).

Laurent Cantet, qui avait remporté le prix l'an dernier avec Retour à Ithaque, présidera le jury cette année

La competition:
El desconocido (Retribution) de Dani de la Torre (Espagne) - film d'ouverture
La memoria del agua (The Memory of Water) de Matias Bize (Chili)
A peine j’ouvre les yeux (As I Open My Eyes) de Leyla Bouzid (France, Tunisie)
Viva la sposa (Long Live The Bride) d’Ascanio Celestini (Italie)
Arianna de Carlo Lavagna (Italie)
La prima luce (First Light) de Vincenzo Marra (Italie)
Underground Fragrance de Pengfei (Chine)
Klezmer de Piotr Chrzan (Pologne)
Island City de Ruchika Oberoi (Inde)
Early Winter de Michael Rowe (Australie)

Film de clôture :
The Daughter de Simon Stone (Australie)

Women’s Tales Project en collaboration avec le label Miu Miu de Prada (lire notre actualité du 22 juillet)
De Djess d’Alice Rohrwacher (Italie)
Les Trois Boutons d’Agnès Warda (France)

Projections spéciales:
Milano 2015 d’Elio et Roberto Bolle, Silvio Soldini, Walter Veltroni, Cristiana Capotondi et Giorgio Diritti (Italie)
Bangland de Lorenzo Berghella (Italie)
Harry’s Bar de Carlotta Cerquetti (Italie)
Innocence of Memories – Orhan Pamuk’s Museum and Istanbul de Grant Gee (Royaume-Uni)
Il Paese Dove Glia Alberi Volano, Eugenio Barda e i Giorno Dell’Odin de Davide Barletti et Jacopo Quadri (Italie)
Viva Ingrid! d’Alessandro Rossellini (Italie)
Ma de Celia-Rowlson Hall (Etats-Unis)
Argentina de Carlos Saura (Argentine, Espagne)

Carlos Saura repeint le Guernica de Picasso avec Gwyneth Paltrow et Antonio Banderas

Posté par vincy, le 19 mai 2012

Carlos Saura, 80 ans cette année, revient sur les plateaux de cinéma, deux ans après Flamenco Flamenco. Ours d'or à Berlin en 1981, Grand prix du jury à Cannes en 1976, le mythique cinéaste espagnol a décidé d'affronter une autre légende : Picasso. Guernica 33 jours, co-scénarisé par le réalisateur, Elias Quejeta et Louis-Charles Sirjacq, décrira comment le maître a peint son tableau le plus grandiose, exposé au Prado à Madrid (avec ses esquisses et ses différentes évolutions). L'oeuvre est l'illustration des ravages des bombardements qui anéantirent la ville de Guernica en avril 1937.

Antonio Banderas incarnera l'artiste tandis que Gwyneth Paltrow sera son amante, la photographe française Dora Maar, qui utilisa son art pour immortaliser cette création. Paltrow a l'avantage d'être hispanophone. A leurs côtés, on retrouvera Imanol Arias dans le rôle de l'écrivain Jose Bergamin.

Le film, budgété à hauteur de 8 millions d'euros, sera tourné entre la mi-septembre et la mi novembre à Guernica même et en France. Il devrait être prêt pour le Festival de Cannes 2013.

Carlos Saura avait déjà réalisé un film sur un grand peintre espagnol, Francisco Goya, dans Goya à Bordeaux (1999).

Poitiers : quand la musique révèle l’image

Posté par MpM, le 11 décembre 2008

FadosComment filmer la musique ? C’est à la fois une question rencontrée par bien des cinéastes et le nom d’un atelier de création documentaire initié par les Rencontres Henri Langlois en association avec la SACEM et en coproduction avec Ars Nova ensemble instrumental. Le principe est simple : sélectionner par le biais d’un appel à projet de jeunes réalisateurs diplômés d’un cursus de réalisation documentaire et les faire travailler sur une création contemporaine du compositeur Martin Matalon (Traces I) pour violoncelle et ordinateur. A l’arrivée, cela donne quatre courts métrages de treize minutes, à la fois indépendants et complémentaires, qui tentent de restituer la vision particulière de leur auteur sur la manière de donner corps à la musique.

Dommage, les œuvres ainsi obtenues peinent à dépasser l’exercice de style. Peut-être les jeunes réalisateurs sont-ils trop restés dans le premier degré en illustrant uniquement le processus de création musicale par des images de répétitions entre Martin Matalon et sa violoncelliste Isabelle Veyrier, au lieu de lui offrir une résonnance plus multiple dans d’autres scènes ou d’autres lieux. Toujours est-il qu’on étouffe un peu dans cet huis clos d’un auditorium vide où se joue le tête à tête entre les artistes… De plus, filmés au même endroit au même moment, les quatre films deviennent redondants. Le seul qui soit réellement convaincant est celui qui, justement, s’extrait de ce contexte étriqué pour montrer l’envers du décor, cet ensemble gigantesque d’immeubles qui semblent assaillir la salle de répétition. Il ne s’agit plus de labeur et de minutie mais de sentiments bruts démontrant le pouvoir émotionnel de la musique.

Toutefois, si le résultat peut apparaître mitigé, la démarche n’en est pas moins passionnante, d'autant qu'elle trouve écho sur grand écran, et notamment devant la caméra de réalisateurs confirmés comme Pere Portabella (Le silence avant Bach) ou Carlos Saura (Fados, prévu le 14 janvier). Les deux cinéastes espagnols se sont en effet penchés l’un sur la musique de Bach, et plus généralement la discipline absolue de la création musicale, l’autre sur l’art du fado, ce chant portugais mélancolique et profond. Chacun dans son genre, les deux films expérimentent cette tentative impossible de retranscrire par l’image le pouvoir de la musique : Portabella en tentant de décortiquer ce pouvoir, s’adressant plus à l’esprit de son spectateur qu’à son cœur ou ses sens, Saura en proposant au contraire tout un panel d’émotions et de sensations par le biais d’interprétations variées et complexes seulement appuyées par la puissance affective de la danse. Comme les jeunes réalisateurs de l’atelier de création, ils n’échappent pas à une certaine forme d’exercice de style, mais prouvent ainsi que la question de "comment filmer la musique" garde tout son sens.

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Dans les traces de Camille Fougère
Les sens des traces de Benoit Perraud
Continuum d'Etienne Duval
Traces I : l'esprit, le corps, la machine de Oona Bijasson

Cinespana2008 : qui est José Luis Alcaine ?

Posté par MpM, le 7 octobre 2008

On doit à ce passionné d’image et de peinture parmi les plus belles lumières et atmosphères du cinéma espagnol des trente dernières années. D’abord photographe de plateau, José Luis Alcaine est en effet devenu dans les années 80 l’un des directeurs de la photographie les plus respectés dans son pays. Collaborateur de Fernando Fernán Gómez, Manuel Gutiérrez Aragón, Carlos Saura, Pedro Almodóvar, Bigas Luna, Fernando Trueba, Pilar Miró... il offre à chacun un style adapté à ses désirs et contraintes, bien loin d’une recette toute faite qu’il ne ferait que décliner. On lui doit notamment la tonalité bleue, presque indigo, de Démons dans le jardin (Manuel Gutiérrez Aragón, 1982), la faible luminosité et l’ambiance poussiéreuse des intérieurs espagnols des années 50 dans Amants de Vicente Aranda (1993) ou encore l’intense combat entre la lumière et l’ombre qui imprègne El Sur (Víctor Erice, 1983), poème visuel proche de Vermeer. Obsédé par les nuances de lumière selon les lieux et les heures du jour, il crée également la luz de siesta ("lumière de sieste"), où les rayons du soleil, encore haut dans le ciel, envahissent doucement les pièces tout en se réfléchissant sur le sol. Il l’utilise notamment dans Tasio (Montxo Armendáriz, 1984) et Belle époque de Fernando Trueba, où, selon lui, la couleur et la lumière faisaient écho à la sensualité des jeunes filles et au monde champêtre et pictural de Renoir.

Pour José Luis Alcaine, la lumière doit être la plus réaliste possible et générer un volume et un relief mettant en valeur acteurs et objets. "La question du volume est inhérente à ma façon de voir les choses", explique-t-il. "C’est peut-être à cause de l’influence d’un tableau qui m’a toujours obsédé, Las Meninas de Velázquez, où la lumière crée au fur et à mesure une foisonnante échelle de volumes." Autre caractéristique de son travail, le contraste inspiré du clair-obscur pictural qui lui permet de créer des ombres sans forcer l’intensité et en marquant le rythme du film. Lui-même définit son art comme une "peinture avec la lumière", permettant de façonner à l’infini les émotions et les perceptions de chaque scène. En lui rendant hommage au cours de sa 13e édition (jusqu’au 12 octobre prochain), Cinespana le met en lumière à son tour, offrant au public de (re)découvrir une partie de son œuvre, et honorant à travers lui une profession souvent méconnue.

Cinespana 2008 : qui est Fernando Fernán Gómez ?

Posté par MpM, le 5 octobre 2008

fernando fernan gomezFigure emblématique du cinéma et de la culture espagnols, Fernando Fernán Gómez, qui est décédé à la fin de l’année 2007, avait à son actif plus de deux cent films en tant qu’acteur, une trentaine en tant que réalisateur, ainsi que plusieurs romans et pièces de théâtre. Lui qui débuta sur les planches sous la direction de Jardier Poncela en 1940 travailla aussi bien avec le communiste Juan Antonio Bardem et l’anarchiste Luis García Berlanga dans Esa pareja feliz, véritable comédie se riant des modèles dominants, qu’avec des proches du régime comme Rafael Gil, José Luis Sáenz de Heredia ou Antonio Ruiz Castillo. Toutefois, son cœur et son idéologie le portaient vers un cinéma plus moderne et irrévérencieux comme celui de Carlos Saura (Anna et les loups en 1972, Maman a cent ans en 1979) ou Victor Erice (L’esprit de la ruche en 1973). Au fil des ans, on l’a également retrouvé chez Pedro Almodovar (Tout sur ma mère), Fernando Trueba (Belle époque), José Luis Cuerda (La langue des papillons), mais aussi au théâtre dans des pièces de Bernard Shaw, Mihura,Tolstoï ou encore André Roussin.

En tant que cinéaste, il réalisa quelques drames et comédies pendant les années de dictature avant d’aborder, après la chute de Franco, tous les thèmes qui ont fortement marqué l’histoire espagnole du XXe siècle : la République (Mi hija Hildegart en 1977), la guerre (Mambrú se fue a la guerra en 1986), l’exil (El mar y el tiempo en 1989), etc. Son film le plus personnel (et le plus autobiographique) reste néanmoins El viaje a ninguna parte (1986) qui met en scène une troupe de théâtre en tournée dans la campagne espagnole d’après-guerre. On pourra revoir ce film, ainsi qu’une demi-douzaine d’autres, lors de l’hommage que lui rend le festival Cinespana de Toulouse jusqu’au 12 octobre prochain.