"Un jugement équitable n'est plus possible, après tant de temps et d'erreurs dans l'enquête"
Durant le premier jour de son arrestation, les dépêches étaient "froides", très "juridico-légales". Première à réagir : la corporation du 7e Art. L'artiste au-dessus des Lois, les mots maladroits de certains, le sentiment qu'un homme comme Roman Polanski mérite une forme d'impunité. La communication est hasardeuse, fougueuse, et persuadée de son bon sens.
Une première pétition réunissant Costa-Gavras, Wong Kar-Wai, Fanny Ardant, Woody Allen, Martin Scorsese, David Lynch, Michael Mann, Wim Wenders, Julian Schnabel, Pedro Almodovar, Alejandro Gonzalez Inarritu, Ettore Scola, Marco Bellocchio, Giuseppe Tornatore, Monica Bellucci, Abderrahmane Sissako, Tony Gatlif, Pierre Jolivet, Jean-Jacques Beineix, Paolo Sorrentino, Michele Placido, Barbet Schroeder, Gilles Jacob, ou encore Bertrand Tavernier apparait très vite. Hélas, le motif parait faible par rapport aux faits reprochés : "Cette extradition, si elle intervenait, serait lourde de conséquences et priverait le cinéaste de sa liberté." En revanche, elle souligne un point vital pour le cinéma mondial : "Forts de leur extraterritorialité, les festivals de cinéma du monde entier ont toujours permis aux oeuvres d'être montrées et de circuler et aux cinéastes de les présenter librement et en toute sécurité, même quand certains États voulaient s'y opposer."
Car si l'on traque Polanski ainsi, quid des cinéastes dissidents chinois, cubains ou iraniens quand ils viendront dans un pays comme la France, capable, actuellement, de renvoyer n'importe quel enfant afghan ou homosexuel arabe dans son pays ou encore de garder à vue un documentariste pour délit de solidarité?
Le jeune Festival de Zurich a du annuler son hommage à Polanski, mais n'a jamais été aussi médiatisé. Des affiches réclamant la libération ou la non-extradition du réalisateur ont fleuri sur les cinémas de la ville. Les Suisses l'ont d'autant plus mal pris que l'artiste avait un chalet dans le pays où il passait plusieurs mois de l'année. On ne peut y voir qu'une manoeuvre. Les médias ont accusé les pouvoirs publics de salir l'image du pays dans un compromis politique nauséeux (lié au secret bancaire et au blanchiment d'argent). Ils en rajoutent sur l'irrationalité de cette persécution. "Un jugement équitable n'est plus possible, après tant de temps et d'erreurs dans l'enquête", explique le Tages Anzeiger.
Un chapitre qui doit se refermer
Pour défendre leur cause, les avocats de Polanski ont donc vite fait, avec les médias, de rappeler la victime. Samantha Geimer, aujourd'hui 45 ans. "J'ai survécu, j'ai même surmonté cette épreuve et guéri de tous les maux que M. Polanski a pu m'infliger lorsque j'étais enfant. Il est temps que ce chapitre se referme". Elle a ainsi déposé une requête en janvier 2009 pour que les poursuites contre Polanski soient abandonnées. Peut-être est-ce là, la première erreur : personne ne parle vraiment de la victime au moment de sfaits. On raccourcit : elle avait 13 ans, dont elle était mineure. Mais Polanski n'a pas reconnu le viol, il n' a reconnu que les actes sexuels illégaux (sur mineur(e)). La jeune fille était consentante quand elle posait nue à 13 ans devant l'appareil photo du cinéaste, qui a toujours aimé les femmes très jeunes. Elle voulait être mannequin. Une opportunité? Toujours est-il que consciente ou pas elle ne pouvait pas être réellement consentante après avoir bu de l'alcool, pris des drogues, et subit une sodomie forcée.
C'est tout cela qui devait être éclairci.
Les intellectuels (d'Adjani à Kundera) rejoignent la cohorte, le Ministre des Affaires étrangères français, Bernard Kouchner, écrit à son homologue américain, Hillary Clinton. On croit alors l'affaire pliée... Consternation, déshonneur, choc : Polanski est très entouré, et la communauté artistique et politique se mobilise en sa faveur.
Légalement, pourtant, la Suisse est dans son Droit et les faits incriminés ne sont pas anodins. Bien sûr, les helvètes auraient pu faire preuve de zèle. Après tout, de nombreux pays où Polanski était invité ont retardé les procédures administratives et judiciaires pour qu'il ne soit pas inquiété durant son séjour...
Et les premières voix discordantes vont commencer à se faire entendre.