Carl Adolf von Sydow, né le 10 avril 1929, s'est éteint le 8 mars à l'âge de 90 ans. Il était citoyen français depuis 2002. Sa grande silhouette (1m93), sa voix caverneuse, forte et profonde, et son visage coupé au couteau, trois caractéristiques qui lui conféraient souvent des rôles de dirigeants ou de méchants, des bienveillants ou des inquiétants, de prêtres ou le diable, d'oppresseurs ou d'auteurs. A chaque fois il était charismatique.
Révélé par Alf Sjoberg (Mademoiselle Julie, 1951) et Ingmar Bergman avec qui il tourne 11 films (Le Septième sceau, où il joue une partie d'échecs avec la mort, 1956, Les fraises sauvages, Au seuil de la vie, Le visage, La source, A travers le miroir, Les communiants, L'heure du loup, Une passion, Le lien) , Max Von Sydow devient très vite courtisé par Hollywood (George Roy Hill, John Huston et George Stevens pour commencer).
L'Exorciste de William Friedkin fera de cet acteur admiré une star mondiale en 1973. On le voit ensuite alternants grands films et blockbusters, films d'auteurs et navets: Les trois jours du condor de Sydney Pollack, A nous la victoire de John Huston, Flash Gordon de Mike Hodges, Conan le Barbare de John Milius, un James Bond (Jamais plus Jamais), Dune de David Lynch, Hannah et ses sœurs de Woody Allen, SOS Fantômes 2 d'Ivan Reitman, L'éveil de Penny Marshall, en vilain dans Minority Report de Steven Spielberg, en docteur dans Shutter Island de Martin Scorsese, avant de conclure sa filmographie avec Ridley Scott (Robin des Bois), Stephen Daldry (Extrêmement fort et incroyablement près) et Star Wars épisode VII: Le réveil de la force. On se doute que tous ces cinéastes voulaient s'emparer un peu de l'âme de Bergman à travers lui.
Il a aussi tourné en Italie, en France, au Danemark... On le croise ainsi dans Cadavres exquis de Francesco Rosi, Le désert des tartares de Valerio Zurlini, La mort en direct de Bertrand Tavernier, Pelle le conquérant de Bille August (Palme d'or), Europa de Lars von Trier, Jusqu'au bout du monde de Wim Wenders, Les meilleures intentions de Bille August (Palme d'or encore), Le sang des innocents de Dario Argento, Le scaphandre et le papillon de Julian Schnabel, Un homme et son chien de Francis Huster, Oscar et la dame rose d'Eric-Emmanuel Schmitt, ou son dernier film, Kursk de Thomas Vinterberg... On l'a vu aussi dans la mini-série Nuremberg, dans les Tudors et dans Game of Thrones.
Il ne se souciait pas du genre - fantasy ou drame, SF ou thriller, mélo (nombreux) ou historique - ni de la taille du rôle. Avec 8 langues parlées, ce provençal d'adoption avait arrêté de tourner, ne trouvant plus de rôles intéressants. Il voulait vivre, tout simplement.
Nommé une fois à l'Oscar du meilleur acteur (Pelle le conquérant) et une fois dans la catégorie second-rôle masculin (Extrêmement fort...), il avait reçu un trophée spécial à Cannes en 2004 et plusieurs prix honorifiques dans les festivals internationaux. Son prestige était sans doute ailleurs: il a tourné dans cinq films nommés à l'Oscar suprême, et a été le double de Bergman au cinéma durant les années 1950-1960. "La plupart de ce que je sais, je l'ai appris de lui" expliquait-il à propos du maître suédois. Préférant la littérature et le théâtre, et tout art de l'oralité, au cinéma, Max Von Sydow était considéré comme intellectuel, reconnaissant le cinéma et le jeu comme futiles. Athée, il ne croyait pas dans une forme de vie après la mort. Même si, chez lui, il y avait toujours une part de doute. Cette ambiguïté qui lui permettait d'être si nuancé et si subtil dans chacun de ses personnages, les empathiques comme les monstrueux.