Berlin 2014 : un jury trans-genres

Posté par vincy, le 14 janvier 2014

john schamusLe Festival de Berlin a mis du temps pour révéler son jury. La 64e Berlinale (6-16 février) sera présidée par l'américain James Schamus, producteur de nombreux films d'Ang Lee, patron récemment évincé de Focus Features à qui l'on doit des Loin du paradis, Eternal Sunshine of the Spotless Mind, Lost in Translation, Harvey Milk, Moonrise Kingdom et Dallas Buyers Club et qui distribua 8 femmes, le pianiste ou Carnets de voyage aux Etats-Unis. Notons aussi que Schamus a scénarisé ou coécrit la plupart des films d'Ang Lee : Hôtel Woodstock, Lust, Caution, Hulk, Tigre et dragon, Chevauchée avec le diable, The Ice Storm, primé pour son scénario à Cannes, Salé, sucré et Garçon d'honneur, Ours d'or à Berlin.

Il sera entouré de personnalités venant de cinémas très différents. Un mélange trans-genres réjouissant :

l'Américaine Barbara Broccoli, fille du producteur Albert R. Broccoli, la patronne des James Bond mais aussi une productrice de théâtre à succès ;

la chanteuse danoise Trine Dyrholm, l'une des comédiennes les plus primées dans son pays, repérée dans des films comme A Royal Affair, In Your Hands, Little Soldier, et plusieurs films de Susanne Bier ;

l'Iranienne Mitra Farahani, cinéaste, documentariste et peintre, récipiendaire d'un Teddy Award en 2001 pour son court métrage Just a Woman ;

l'Américaine Greta Gerwig, inoubliable Frances Ha, qu'elle a coécrit et interprétée, révélée à Berlin en 2010 avec Greenberg, remarquée dans Damsels in Distress et To Rome With Love (de Woody Allen), en attendant Eden de Mia Hansen-Love ;

le cinéaste, scénariste, producteur et vidéaste français Michel Gondry (Human Nature, La science des rêves, Eternal Sunshine of the Spotless Mind, L'écume des jours, The We and the I, The Green Horne, Soyez sympas, rembobinez ... ) qui fut aussi un révolutionnaire de l'image dans les vidéo-clips ;

le comédien chinois Tony Leung, star des films de Wong Kar-wai, prix d'interprétation masculine à Cannes pour In the Mood for Love, célébré aussi par les plus grands cinéastes asiatiques comme Ang Lee, John Woo, Zhang Yimou, Andrew Lau, Hou Hsiao-hsien ;

le comédien autrichien deux fois oscarisé grâce à Tarantino, Christoph Waltz, qui n'arrête plus de tourner, que ce soit chez Polanski (Carnage), Gilliam (The Zero Theorem) ou Burton (Big Eyes).

Nantes 2009 : voix d’Iran

Posté par MpM, le 30 novembre 2009

BassidjiPremier film en compétition au Festival des 3 continents de Nantes, le documentaire Bassidji suit le réalisateur Mehran Tamadon (un Iranien vivant en France) qui a décidé d’aller à la rencontre des "Bassidji" (les membres des forces paramilitaires iraniennes créées au moment de la guerre Iran-Irak et qui aujourd’hui font partie des Gardiens de la Révolution islamique) pour tenter de comprendre leur point de vue. Derrière et devant la caméra se rejoue une confrontation digne de Socrate et de ses grands amis les Sophistes.

Si ce n’est qu’à la différence de son illustre prédécesseur,  Mehran Tamadon ne parvient ni à mettre ses adversaires face à leurs contradictions, ni à leur faire partager son point de vue. Aux questions concrètes de plusieurs Iraniens, posées par l’intermédiaire du réalisateur (sur le voile ou la posture d’éternelle victime adoptée par le régime), les Bassidji ne répondent pas vraiment, ou s’empêtrent dans de longs discours théoriques.

Mais peu importe, car le film vaut presque plus pour ce qu’ils ne disent pas, pour cette manière qu’ils ont de ne pas répondre aux questions qui les dérangent ("Ce n’est pas logique", s’emportent-ils. Ou alors : "On s’écarte du sujet"), que par leurs propos, forcément propagandistes. On loue le courage et l’intelligence du réalisateur qui a fait l’effort de provoquer ce débat et d’offrir ainsi un regard intérieur sur une réalité très prégnante du pays.

 Iran et sexualité

Comme en écho, au Lieu unique de Nantes, une installation vidéo est consacrée à l’artiste iranienne Mitra Farahani. Elle aussi vivait en France jusqu’à il y a peu. En juin Tabousdernier, elle a été arrêtée à Téhéran dès sa descente d’avion, maintenue deux semaines en détention puis libérée suite à la mobilisation internationale. Depuis, elle jouit d’une relative liberté mais ne peut pas quitter le territoire, et n’est pas sûre de pouvoir tourner son prochain film, Le coq, écrit dans le cadre de la Cinéfondation du Festival de Cannes.

Outre quelques-unes de ses toiles, on découvre dans cette exposition plusieurs de ses films. Le temps suspendu, sur la peintre iranienne Bejat Sadr. Juste une femme, un documentaire suivant une transsexuelle prostituée à Téhéran. Et Tabous, sorti en France en 2004, enquête gonflée sur le rapport secret que la société iranienne entretient avec la sexualité. Comme son compatriote Tamadon, Mitra Farahani recueille la parole sans la commenter, dans un rôle "d’accoucheuse" plus que d’exégète.

On y entend toutes les voix, de la prostituée qui reste vierge ( !) dans l’optique de se marier un jour au chirurgien spécialiste de la "reconstruction" des hymens, en passant par une mère de famille vantant les mérites de la pureté ou une jeune fille (anonyme) avouant une grande liberté sexuelle. Toutes ces voix et ces points de vue mêlés forment un étonnant portrait de l’Iran d’aujourd’hui, obsédé par les lois morales qui le régissent et pourtant avide d’ouverture et de liberté, contraint et harcelé, mais pas réduit au silence. Malgré le poids des traditions, cette parole libre et audacieuse fait souffler comme un petit vent d'espoir, et apporte un contrepoint salutaire et passionnant au prêchi-prêcha des Bassidji de Tamadon.