8 films sélectionnés pour le Prix Louis Delluc 2013

Posté par vincy, le 28 octobre 2013

abdellatif kechiche adele exarchopoulos lea seydoux

Qui pour succéder aux Adieux à la Reine de Benoît Jacquot? 8 films sont en lice pour le prix Louis Delluc 2013. Le lauréat sera connu le 17 décembre prochain.

A priori, l'Abdellatif Kechiche semble incontournable. Mais peu de réalisateurs ont obtenu plusieurs fois le Delluc hormis Alain Resnais (trois fois), Michel Deville, Louis Malle et Claude Sautet (deux fois chacun). Kechiche a déjà reçu ce prix en 2007 pour La Graine et le mulet. Autre sélectionné cette année, Desplechin l'a également obtenu pour Rois et reine en 2004.

Finalement, le favori pourrait être L'inconnu du lac, couronnant ainsi la jeune oeuvre audacieuse d'Alain Guiraudie. A moins que le jury ne préfère guérir Dupeyron des plaies laissées par la difficulté à financer son film ou Dumont pour l'ensemble de sa carrière.

Très éclectique, le Delluc a sélectionné 8 films très différents dans la forme comme dans le fond, incluant la comédie féroce d'Albert Dupontel, succès populaire. On peut regretter l'avantage donné à des "habitués" des palmarès malgré des oeuvres plus mineures, au détriment de jeunes cinéastes plus ambitieux. Mais cela reste un joli panorama du cinéma d'auteur français, et de son ouverture sur le monde : un réalisateur iranien, un film tourné aux Etats-Unis, une comédie, un drame historique, une production très indépendante, une Palme d'or, un film ouvertement gay et un road-movie grave et lumineux...

Prémices aux Césars, cette liste du Delluc laisse présager que la course aux statuettes, même si elle est largement et logiquement dominée par La Vie d'Adèle, sera très ouverte.

Elle s'en va d'Emmanuelle Bercot, en compétition à Berlin
Jimmy P. (Psychothérapie d'un Indien des Plaines) d'Arnaud Desplechin, en compétition à Cannes
Camille Claudel 1915 de Bruno Dumont, en compétition à Berlin
Mon âme par toi guérie de François Dupeyron, en compétition à San Sebastian
9 mois ferme d'Albert Dupontel
Le Passé d'Asghar Farhadi, prix d'interprétation féminine à Cannes
L'inconnu du lac d'Alain Guiraudie, Prix de la mise en scène Un certain regard et Queer Palm à Cannes
La vie d'Adèle d'Abdellatif Kechiche, Palme d'or à Cannes

L’instant Court : A Corps Perdu, avec Marie Payen

Posté par kristofy, le 5 octobre 2013

Marie PayenComme à Ecran Noir on aime vous faire partager nos découvertes, voici l’instant Court n° 116.

Avec les feuilles qui tombent et le début de l'automne est arrivé le film Mon âme par toi guérie, grand retour du réalisateur François Dupeyron qui met en lumière la fine fleur des comédiens français comme Grégory Gadebois et Céline Sallette, sans oubier la lumineuse Marie Payen.

Elle était en sélection officielle au Festival de Cannes en 1999 avec le film Nos vies heureuses de Jacques Maillot, et l'année suivante à la Quinzaine des Réalisateurs avec le court-métrage A Corps Perdu réalisé par Isabelle Broué, qui elle-même avait été scripte de Jacques Maillot (et également de Gaël Morel et François Ozon) avant de réaliser plus tard la comédie romantique Tout le plaisir est pour moi.

Voici donc le court-métrage A Corps Perdu avec Marie Payen : l'histoire d'une jeune femme en quête d'elle-même...

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marie payenEcran Noir : Quel souvenir gardez-vous du Festival de Cannes 1999 où le film Nos Vies Heureuses était en compétition, mais sans avoir été récompensé ni à Cannes ni aux Césars?
Marie Payen : C’était très joyeux, c’était le premier long-métrage dans lequel j’avais un rôle principal et j’avais été hyper-heureuse sur le tournage. Je trouve que le réalisateur Jacques Maillot était génial et j’avais des partenaires sublimes comme Sami Bouajila. J’ai découvert un univers de cinéma que je connaissais très peu alors et la grâce du tournage a été totale : je trouvais très normal que le film soit en compétition à Cannes ;-) Notre vécu de Cannes était beau parce qu'il y a eu une projection magique avec une énorme standing ovation d’un quart d’heure, des gens pleuraient, c’était fabuleux.

Sur le moment je n’ai pas été triste que le film n’ai pas été primé, mais je l’ai été à contre-temps plus tard. En fait beaucoup de critique ont été négatives, je n’avais pas vraiment d’expérience de ce qui entoure une sortie de film et je croyais que ça allait marcher quand-même. Le film n’a pas vraiment marché dans la sens où il n’a pas eu le succès qu’il aurait mérité, mais pour les gens qui l’ont aimé, c’est un film culte. Je croise beaucoup de gens qui m’en parlent encore, les gens qui l’ont vu adorent ce film, il y a quand même quelque chose qui a été impactant et qui pour moi était suffisant à l’époque.

Maintenant, je me dis que c’est dommage parce que Nos Vies Heureuses est un film particulier, gracieux, avec une originalité et une force. Peut-être que Nos Vies Heureuses était trop ample, peut-être qu’il y avait un peu trop de choses à "manger" dans ce film et que les gens ont pu se sentir un peu gavés. Il y a 6 personnages principaux ! Les sujets étaient abordés avec beaucoup de générosité, beaucoup d’élan et beaucoup d’humanité. Le film n’a pas été assez reconnu mais ça nous échappe.

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La colère de François Dupeyron : un « système totalitaire », des « producteurs incultes »

Posté par vincy, le 12 septembre 2013

françois dupeyron jean pierre darroussinMon âme par toi guérie est le nouveau film de François Dupeyron, adapté de son propre roman, Chacun pour soi Dieu s'en fout (2009). Le film sort le 25 septembre dans les salles françaises et est en compétition au festival de San Sebastian.

Pourtant, longtemps, le réalisateur de La chambre des officiers (en compétition à Cannes en 2001), Drôle d'endroit pour une rencontre et Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran a failli ne jamais réaliser ce film.

Plutôt qu'une interview ou une note d'intention, le réalisateur a préféré tirer un signal d'alarme sur l'état de la production française aujourd'hui dans son dossier de presse. En colère, et même amer, le cinéaste-écrivain l'est assurément. Il rend hommage à Paulo Branco, "le premier producteur indépendant que je rencontre".

Extraits.

Les chaînes de TV aux abonnées absentes
"La dernière fois qu’une chaîne publique a mis de l’argent dans un de mes films, c’est en 2003. Ca va faire dix ans qu’on me refuse tout ! Je viens d’en prendre conscience cette semaine, les années ont passé, je ne m’en suis pas rendu compte. Dix ans ! C’est pas rien dix ans !... Regarde ta vie, remonte dix ans en arrière et tire un trait, poubelle, tu effaces ! Je ne suis pas resté sans rien faire, j’ai écrit huit, dix scénarios, j’ai eu des avances sur recettes, je les ai perdues. J’ai écrit quatre romans… Et maintenant, je suis sec, ils ont gagné, mais ils n’auront pas ma peau. En dix ans, j’ai réussi à faire deux films, Inguélézi, et Aide-toi le ciel t’aidera, avec l’avance sur recettes et Canal. Mais depuis 2007 chez Canal, c’est niet ! Je suis marqué au rouge. « Dupeyron, on aime beaucoup ce qu’il fait, mais pas ça. » C’est le refrain, dès que je l’entends, je crains la suite. Alors, puisqu’on ne veut plus de moi, je me tire. Et personne ne s’en apercevra parce que le monde n’a pas besoin de moi pour tourner, et c’est très bien comme ça."

Son nouveau film, refusé partout
"J’ai l’avance, j’ai la région, et puis c’est tout. La 2, la 3, Arte, Canal, ont dit non. Je l’ai réécrit, représenté. Deux fois non. Orange me dit que peut-être si j’ai un distributeur… C’est bidon, je n’y crois pas, et de toute façon tous les distributeurs à qui on l’a présenté ont dit non."
"Céline [Sallette] a fait lire le scénario à une jeune productrice – c’est pour te dire qu’elle est motivée – la productrice lui a envoyé le scénario à la gueule, « Qu’est-ce que c’est cette merde ? ». Comme ça… « Cette merde ! » T’imagines pas ce que je me prends dans la gueule. Tu veux que je te dise mon année ? Celle que je viens de passer ? Toute mon activité professionnelle ?... J’ai eu deux rendez-vous, dans la même semaine, avec deux producteurs, pour deux projets. Le mercredi avec l’un, pour l’histoire du type qui a un don. Il a relu le scénario et il a coché les gros mots. Oui, les gros mots !... Il a tourné les pages et il m’a demandé, « ça, on peut l’enlever ? » Oui… j’ai dit oui à tout. Des gros mots ! (...) Le lendemain, j’ai rendez-vous avec l’autre producteur, l’histoire du déserteur, en 14… Rebelote, il a tourné les pages lui aussi. « Ça, on peut l’enlever ? » Oui… encore les gros mots ! Un type qui boit du matin au soir, au front, en 14 !… Et tout ça parce que tu présentes un scénario à la 2 ou la 3 avec un gros mot qui traîne, oh malheur ! Tu dégages… Ils ont un tel pouvoir que règne une petite terreur. Voilà toute mon année. J’ai enlevé des gros mots. Dix ans qu’on me refuse tout et maintenant les gros mots… "

Remise en question
"Toutes ces dernières années, j’ai essayé un peu de comprendre, je me suis dit qu’ils avaient peut-être raison, que mes scénarios étaient trop ci, ça. J’ai essayé plusieurs styles, plusieurs genres. Et j’ai compris qu’il n’y a rien à comprendre. J’ai perdu mon temps. Depuis quelques années, la mode est aux fiches de lecture. Je ne sais pas qui lit, des jeunes gens sans doute, pas très bien payés. J’en ai demandé deux, pour deux scénarios, pour voir… Deux fois, j’ai eu droit à « Sujet non traité. » Je n’invente pas, « Sujet non traité ». Etait-ce le même lecteur ? Voilà où on en est. Tu ouvres le coffret des Césars, à part trois ou quatre films, tous les autres se ressemblent. Mais le sujet est traité. Merde, le cinéma, c’est pas ça ! C’est même tout le contraire…"

Un système soviétique où la Télé a droit de censure
"Je suis déconnecté, je ne suis plus en phase avec ce petit monde, ces gens, les producteurs à genoux, qui ont peur. On ne fait rien avec la peur, rien que de la merde. Moi, j’ai découvert la vie avec le cinéma, j’ai découvert les hommes, les femmes. J’entrais dans les films… comme j’entre ici pour te rencontrer, on se parle, je suis toi, tu es moi, ça circule… C’est pas cet infantilisme ! Sujet non traité ! Les gros mots ! Les gros mots ! Tu sais ce qui m’est venu en écoutant Forman parler du cinéma tchèque des années soixante ? Eh bien, on y est en plein. Regarde le bonus de Au Feu Les Pompiers, il parle de notre cinéma. Tu remplaces le Parti par la Télé, et c’est bon. On est dans un système soviétique, la Télé dit oui, tu fais le film, elle dit non…" "Je vois des producteurs qui se disent « producteurs indépendants ». Ils sont tous dépendant de la télé, et aujourd’hui des distributeurs. Des producteurs, il n’y en a qu’un, la Télé, le Parti. On est dans un système qui porte un nom, un putain de gros mot, « totalitaire », pas creux pas vide, qui fait son sale boulot. On ne serait pas en démocratie, on dirait censure. "

Inculture générale
"Il y a deux ans, j’ai fait une note d’intention pour un scénario qu’on proposait à Arte. J’ai eu le malheur de citer Tarkovski pour faire comprendre je ne sais plus trop quoi. Malheur ! le retour a été cinglant, « Non Tarkovski, c’est pas possible. » Arte ! la chaîne culturelle – Arte n’a jamais mis un centime dans un de mes films – Ecoute Forman, il parle d’inculture… écoute l’interview de Langlois dans le bonus de l’Atalante, ce doit être dans les années 70. Il emploie le même mot, « des producteurs incultes »."

Au placard
"J’ai dédié ce film à Michel Naudy. Michel était un très bon ami, il a mis fin à ses jours le 2 décembre, il était journaliste à France 3, au placard depuis dix sept ans… Nous sommes en France en 2012. Dix sept ans de placard ! avec un salaire, mais sans emploi. "